C’est peu de dire que nous vivons des temps difficiles ; ils s‘ajoutent à ceux d’autres époques. En France, en Europe, par exemple, nous vivons notre affaissement institutionnel sur un fond ecclésial non moins bouleversé et éclaté : on parle de « société liquide » tant sa consistance apparaît instable et fragile.

C’est vraiment le temps de la Providence ; nous sommes invités à dépasser les apparences pour nous laisser conduire par le Dieu qui mène nos vies et appelle notre confiance. Passer d’une institution forte et orgueilleuse à la fragilité évangélique se propose comme chemin vers Dieu. Ce passage nous amène à attendre tout de Lui non de nos exploits humains. Et Dieu aime les attitudes dépendantes ; quand nous possédons tout de par nous-mêmes, le nombre, la jeunesse, les forces, nous n’attendons plus rien de Lui ; quand nous sommes dans la pauvreté et le refus de compter, nous nous tournons vers Lui et nous savons qu’il vient à notre aide et nous accompagne dans toutes nos détresses. Méditons la charte de confiance de la vie personnelle et ecclésiale de Mathieu 6, 25 à 33 :

« Voilà pourquoi je vous dis : Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? …  Cherchez d’abord son Royaume et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous inquiétez donc pas du lendemain : demain s’inquiétera de lui-même. A chaque jour suffit sa peine ».

Nous sommes invités à mettre au placard nos soucis, nos inquiétudes, nos craintes et nos désarrois. Nous pouvons souffrir, nous poser des questions légitimes mais rester ancrer en Dieu. Evitons de ressasser le passé, de pleurer sur les oignons d’Egypte, de nous lamenter comme les exilés de Babylone.  Regardons la beauté du présent : l’internationalisation de nos Compagnies, l’inventivité des petites communautés, l’attention toujours présente aux pauvres, le prophétisme de telles personnes; regardons les signes des temps qui pullulent dans l’Eglise : les synodes diocésain, les conseils, la disponibilité croissante des laïcs, les recommençant, les baptisés adultes etc Il y a des motifs de joie et de confiance. Peut-être pouvons-nous regarder du côté de la sagesse populaire : « Fluctuat nec mergitur », « Elle flotte mais ne sombre pas »,  « Je plie mais ne romps pas » et toujours « L’Esprit souffle où il veut »…

St Vincent nous invite aussi à regarder l’événement comme lieu de révélation de  Dieu dans notre vie ; c’est une invitation supplémentaire à positiver et à examiner à la loupe, ce qui fait la trame de nos journées : le vécu, la rencontre, la naissance, la maladie, la mort et plus petites choses comme le sourire, le dialogue, la joie, la fête etc. Tout événement, loin de distraire l’Esprit, est porteur de Dieu et manifeste sa volonté. L’art du saint, du missionnaire, de la servante des pauvres et de tout vincentien, est de faire coïncider sa conduite avec le dessein de Dieu, de découvrir la Providence à l’œuvre dans sa vie. Un véritable art de vivre !

Il existe une certaine sagesse vincentienne, faite d’observation et de l’usage de la durée. « Le temps change tout »(III,390) remarque st Vincent. Nous avons à avancer dans nos vies au rythme du quotidien, heure après heure, jour après jour, en nous arcboutant sur la prière (surtout l’oraison) qui nous permet d’apprécier l’avenir en Dieu. Soyons-en sûrs : il passera toujours par la fidélité au présent animé par la Providence divine.

Jean-Pierre Renouard cm
Province of France