Des effondrements personnels et des malheurs tels que des accidents inattendus, la mort d’un être cher, un ancien traumatisme qui revient sous la forme d’une crise de panique, la perte d’un emploi, l’échec en amour, le divorce et également les événements quotidiens tels que les déplacements longs ou pénibles, les problèmes relationnels, les échéances de travail peuvent se produire à tout moment de notre vie. Les conséquences d’un tel événement varient selon chaque personne. Certains le gèrent positivement et le surmontent en un court laps de temps tandis que d’autres ont besoin de plus de temps. D’autres encore pourraient avoir besoin d’une aide professionnelle pour résoudre la situation.

Et quand cela se produit pour tout le monde sur la planète ? Quand l’humanité tout entière traverse une période difficile comme la pandémie actuelle de COVID-19, comment réagissent les gens de cultures et de traditions diverses ? Souvent, nous avons de la difficulté à comprendre si c’est le stress, une crise de panique, la dépression, le traumatisme, la tristesse, la solitude ou la peur : nous savons tous que nous souffrons d’une façon ou d’une autre. Plus le blocage se prolonge, plus le stress mental et physique que nous subissons peut augmenter d’intensité. Par exemple, la pandémie du COVID-19 provoque des réactions et des conséquences différentes dans la vie des gens de différentes façons en raison des blocages, du manque d’aide médicale, de la mort d’un membre dans une famille à cause du COVID-19 et parfois de plus d’un.

Nous qui sommes encore vivants pouvons savoir une seule chose : nous devons surmonter, nous devons faire face à la situation, nous devons continuer à vivre. Ce n’est pas la fin du monde. Les gens ont un immense potentiel et une grande résilience pour rebondir après des catastrophes encore plus graves et lorsque des difficultés surviennent. Tout dépend de nous. Friedrich Nietzsche, philosophe allemand, a dit, que « ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. » Le psychologue Jonathan Haidt appelle cela « l’hypothèse de l’adversité » : il stipule que les gens peuvent atteindre leur épanouissement personnel et leur autoréalisation s’ils abordent l’adversité, les revers et les traumatismes d’une manière positive.

La bonne attitude à l’égard de la souffrance humaine

Un exemple classique pourrait être tiré de l’ancien monde romain en ce qui concerne la bonne attitude envers la souffrance : la vie d’Anicius Boethius, appelé communément Boèce. Il est né vers l’an 480 à Rome et a reçu la meilleure éducation dans les disciplines de la philosophie, la politique et l’administration. Boèce était riche, heureux marié et, à l’apogée de son pouvoir, lorsque, consul, il a été accusé de trahison envers le roi Ostrogoth, a été dépouillé de sa richesse et de son honneur puis jeté en prison à Pavie. Dans sa cellule, il n’a pas pu accepter son malheur soudain. Il pleurait et écrivait de la poésie en pleurant pendant ses premiers jours en prison. Plus tard, il a compris la réalité de la vie et a écrit en 524 un livre célèbre, De consolatione philosophiae, (De la consolation de la philosophie) qui est un dialogue entre l’auteur et le bien de la philosophie. Il écrit : « [Tant] il est vrai qu’il n’y a de misérable que ce que l’on croit tel, et qu’au contraire tout est bonheur pour qui sait se résigner . »

L’histoire de Job dans l’Ancien Testament dépasse la description de la souffrance humaine. Les paroles de sagesse et de confiance de Job en Dieu, même au milieu de la souffrance, sont louables. « Si nous accueillons le bonheur comme venant de Dieu, comment ne pas accueillir de même le malheur ? » répond Job à sa femme, (Job 2, 10). Job adopte l’attitude appropriée que nous devrions tous adopter lorsque nous affrontons des difficultés dans la vie. Dans sa deuxième lettre aux Corinthiens, saint Paul encourage les disciples du Christ à dire : « En toute circonstance, nous sommes dans la détresse, mais sans être angoissés ; nous sommes déconcertés, mais non désemparés ; nous sommes pourchassés, mais non pas abandonnés ; terrassés, mais non pas anéantis. », (2 Co 4, 8-9) Ce sont là des paroles que je voudrais réitérer en ce moment de souffrance à cause du COVID-19. Je veux redire que nous ne sommes pas déchirés au point d’être hors de toute réparation. Qu’il n’y a rien de malheureux à moins que nous ne le pensions.

De l’impuissance acquise à l’optimisme appris

Si nous regardons la condition humaine aujourd’hui du point de vue psychologique, beaucoup d’entre nous sont peut-être dans un état d’impuissance apprise. Martin Seligman et Steven Maier ont inventé le concept d’impuissance apprise en 1967 après avoir fait des recherches sur le comportement animal impliquant des chocs électriques sur des chiens. Après avoir découvert qu’ils ne pouvaient pas échapper aux chocs, les chiens ont cessé d’essayer de s’échapper quand bien même ils pouvaient franchir la barrière. En d’autres termes, les chiens ont accepté leur condition et ont cessé d’essayer d’éviter les chocs. Les êtres humains ne sont pas des animaux. Nous avons un immense potentiel pour transformer notre monde malgré les difficultés et les difficultés que nous traversons. Nous nous sentons peut-être désespérés en ce moment à cause du COVID-19 et de ses conséquences qui nous laissent des traumatismes et une récession. Malgré les difficultés, nous pouvons nous développer et nous épanouir si nous avons un esprit prêt à le faire. 

Martin Seligman, qui a suggéré le concept d’optimisme appris par rapport à la théorie de l’impuissance acquise, dit que nous pouvons changer notre attitude et notre comportement en reconnaissant et en mettant en question notre négativité. L’optimisme appris est en grande partie un concept de la psychologie positive. Cela implique de regarder le monde d’un point de vue positif. Les gens peuvent apprendre à être positifs et optimistes. En ce moment de traumatisme et de récession causés par un coronavirus dans le monde entier, nous devons développer une attitude saine et positive pour rebondir malgré les difficultés que nous rencontrons. Si nous augmentons la positivité dans notre approche des situations actuelles, nous pouvons nous développer et nous épanouir, peu importe ce que nous traversons en ce moment. 

L’adaptation aux changements

Le physicien Stephen Hawking avait été interrogé dans un entretien avec le New York Times sur la manière dont il a pu relever les défis de la vie et résoudre des problèmes de la cosmologie. Il avait répondu : « Mes attentes ont été réduites à néant quand j’avais vingt et un ans. Depuis, tout a été un bonus . » Personne ne doutait de l’histoire de Stephen Hawking dans son adaptation aux circonstances malgré son handicap physique causé par la maladie neurologique invalidante. Nous avons souvent peur des changements. Nous sommes habitués à un mode de vie particulier. Par conséquent, quand il y a un changement, nous abandonnons sans combattre le sentiment d’impuissance. Nous devons apprendre à nous adapter à des situations de vie changeantes. En cette période de crise humaine, nous avons peut-être perdu des proches, perdu nos emplois, nos rêves ont pu être éparpillés et une incertitude règne dans le monde sur ce que deviendra notre vie demain. Selon Jonathan Haidt, nous sommes tous frappés par ce qu’il a appelé le « tapis de course hédoniste ». Dans sa théorie du principe d’adaptation, le psychologue Haidt dit que nous sommes parfois comme des gens qui utilisent un tapis de course. Nous pouvons augmenter la vitesse mais restons au même endroit. Même si nous accumulons toutes les richesses du monde, nous nous retrouvons au même endroit sans bonheur parce que nous sommes coincés dans le tapis de la vie. Nous devons apprendre à nous adapter à des situations de vie changeantes et à faire face aux défis de la vie pour nous développer et nous épanouir. 

Croissance post-traumatique

Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) est un concept familier. Les dégâts psychologiques causés par la Première Guerre mondiale puis par la Seconde Guerre mondiale sont inoubliables. De nombreux pays ont été confrontés à des événements traumatisants comme les attentats du 11 septembre, les tremblements de terre, les tsunamis, les inondations et autres catastrophes naturelles. Les soldats qui rentrent des zones de guerre sont confrontés aux défis les plus difficiles de leur vie. Maintenant, à cause du COVID-19, nous sommes confrontés à une situation comparable. Pour beaucoup, les séquelles du coronavirus pourraient être des traumatismes, une dépression, le stress. Quand Martin Seligman a présenté le concept de psychologie positive en 1998, il a suggéré une nouvelle façon de traiter le traumatisme : transformer le traumatisme en croissance – croissance post-traumatique (PTG). Il a élaboré un module d’enseignement, destiné aux soldats, composé de cinq éléments interactifs : comprendre la réponse aux traumatismes, la réduction de l’anxiété, l’auto-communication constructive, le récit créatif des traumatismes ainsi que les principes de vie et les attitudes qui sont suffisamment solides pour faire face. (Flourish – Seligman). 

Selon les principes de la croissance post-traumatique, il y a cinq façons de se sortir des choses inattendues qui se produisent dans notre vie. La première étape est d’apprécier la vie. La vie est le plus grand cadeau que nous ayons reçu. Lorsque les autorités civiles ont imposé des restrictions à notre liberté de mouvement dans une société libre, nous pensions que c’était pour restreindre notre liberté. Nous, qui sommes en vie aujourd’hui et ceux qui ont perdu des proches, pouvons comprendre la pertinence des restrictions imposées dans une société libre. Quand nous apprenons à apprécier la vie, nous connaissons la valeur de toute chose dans la vie. La deuxième consiste à favoriser les relations avec les autres : de bonnes et saines relations. La troisième consiste à donner un sens au monde. Si on les prend positivement, les infortunes peuvent nous donner à voir une nouvelle perspective sur la vie, peuvent changer la façon dont nous voyons les choses. Sur ce point, notre approche importe le plus. Quatrièmement, la force personnelle. La psychologie positive identifie les points forts de vingt-quatre caractères dans sept prémisses : la sagesse, la connaissance, le courage, l’humanité, la justice, la tempérance et la transcendance. Se concentrer sur ces forces identifiées et encourager leur utilisation entraîne un changement dans la vie. Enfin, la transformation spirituelle. Elle se produit par notre foi en une puissance supérieure à la nôtre. Pour la plupart des gens appartenant à une religion et suivant les principes enseignés par leur fondateur, la foi donne un sens à la vie.

Stratégies d’adaptation

La gratitude : Martin Seligman, co-fondateur de la psychologie positive, dit que la gratitude peut rendre la vie plus heureuse et plus satisfaisante. Selon lui, le remerciement, dire merci aujourd’hui est dit si facilement et si rapidement que ça n’a presque plus de sens. Il a donc présenté la « Gratitude Visit » (la visite de gratitude) dans son livre Flourish (S’épanouir) : écrire la gratitude que nous ressentons pour une personne en quelques 300 mots puis rendre visite à cette personne pour lire ce que nous lui avons écrit. En observant les réactions de la personne à qui était destinée la lettre, la personne qui a écrit la lettre de gratitude est plus heureuse et moins déprimée. Écrire un journal de gratitude est une autre façon d’apprendre à être reconnaissant pour ce que nous avons reçu dans la vie. En ce temps de crise, nous avons beaucoup de personnes à remercier tels que les professionnels de la santé. Cependant, avant tout, nous devons être reconnaissants envers Dieu (par exemple, l’air que nous respirons gratuitement sachant que la chose la plus coûteuse aujourd’hui est l’oxygène) qui nous maintient en vie même aujourd’hui, alors que malheureusement, des milliers de personnes sont mortes à cause de ce coronavirus. La gratitude nous ouvre les cœurs. C’est une agréable expérience de joie avec une authentique appréciation des choses de la vie.

La pleine conscience : la seule pratique saine que nous pouvons adopter pour notre vie sans craindre les effets secondaires est la méditation. Tous les effets conséquents sont positifs : l’amélioration de l’estime de soi, l’empathie, la confiance en soi, la mémoire, la réduction du stress et de la dépression. Ça ne coûte rien. La méditation de la pleine conscience a gagné en popularité en Occident lorsque Jon Kabat-Zinn a introduit la médiation de la pleine conscience basée sur le bouddhisme dans les années 1980. Différentes sortes de méditations existent aujourd’hui, comme la méditation de la pleine conscience (bouddhisme – Jon Kabat-Zinn), l’amour bienveillant (jaïnisme – Sharon Salzberg), la prière de recentrement (moines trappistes aux USA – d’après les écrits de Thomas Merton). Toutes ces méthodes de méditation se concentrent sur la sensibilisation : respirer, en un mot, sur une image. Le but de la méditation est de changer un processus de pensée automatique. La pratique de la méditation n’est peut-être pas aussi facile qu’elle n’en a l’air. Cependant, pendant cette période de confinement, si nous pouvions nous asseoir en silence ou en écoutant de la musique douce pendant au moins 15 minutes par jour, cela aiderait à réduire l’anxiété et le stress que nous ressentons à ce moment-là. Faire de la méditation une habitude de notre vie est la pratique la plus saine que n’importe qui puisse avoir dans la vie.

La thérapie cognitive : La perspective psychanalytique qui affirmait que tout ce qui se passe dans notre vie est lié aux événements de notre enfance a été renouvelée par Aaron Beck dans les années 1960. Beck a compris que les personnes déprimées sont guidées par de fausses croyances qu’il a appelé la « triade cognitive » de la dépression : « je ne suis pas bon », « mon monde est sombre » et « mon avenir est sans espoir ». Une personne déprimée remplit son esprit de ces croyances dysfonctionnelles, surtout quand les choses tournent mal. La thérapie cognitive enseigne aux personnes à devenir plus réalistes, permet de briser la spirale du retour sur soi et de la pensée déformée et facilite une autre façon plus précise de penser. À l’heure où nous pensons que le monde est ébranlé et que notre avenir semble désespéré, seule la positivité peut nous aider à envisager l’avenir avec espoir. Il est donc essentiel non seulement de croiser les doigts, mais aussi d’envisager un avenir significatif. Ne nous attendons pas à un retour à la vie normale mais à une vie meilleure, à une vie épanouie. Cela n’est possible qu’en changeant notre façon de penser. 

L’écriture expressive : dans ses recherches, le psychologue social James Pennebaker a constaté que mettre par écrit des expériences traumatisantes ou bouleversantes pouvait avoir une incidence sur la santé et le bien-être des gens. Selon lui, la nature même du processus d’écriture nous aide à comprendre, à donner une signification à notre traumatisme. Écrire leurs expériences traumatisantes permet aux personnes de trouver un sens dans la vie, car l’écriture implique l’enregistrement de nos pensées et permet de soulager nos esprits des émotions, des pensées et des souvenirs, de dépasser nos problèmes. Donc, prenez un cahier dès aujourd’hui et commencez à écrire. Vous pourrez oublier vos pensées négatives indésirables qui pèsent sur votre esprit.

Des relations positives : Jane Dutton a découvert dans ses recherches que les liens de haute qualité sont des vecteurs de vie. Lorsque nous favorisons des relations dynamiques avec nos amis, notre conjoint, notre partenaire amoureux ou nos collègues, cela peut favoriser des changements psychologiques positifs. En substance, ils rechargent notre énergie et résonnent dans notre corps. De véritables relations et un engagement avec les autres transforment notre vie avec positivité. Pendant la menace du coronavirus, nos relations se sont peut-être améliorées. Nous avons commencé à établir des liens, à partager nos soucis et nos inquiétudes. Les relations positives favorisent la positivité dans la vie.

La foi et l’espérance : le neuroscientifique Andrew Newberg, qui étudie le cerveau de personnes qui vivent des expériences mystiques, surtout pendant la méditation, a découvert que la partie arrière du lobe pariétal du cerveau est actif lors de cette expérience. Les êtres humains peuvent être spirituels sans appartenir à une religion traditionnelle. Développer une capacité à voir la sainteté en tout donne à la vie une perspective particulière. La prière est un moyen universel de pratiquer une religion. Bien qu’il y ait de nombreuses sortes de prières, le temps consacré à la prière individuelle peut changer une vie. Certains font de la prière un acte spontané tout au long de la journée qui les aide à ne pas porter de jugement et à être moins dépressif quand les choses tournent mal. L’espérance survient quand le désespoir envahit notre vie. Au fond de nous, lorsqu’il y a une croyance que les choses peuvent changer et changeront, peu importe ce que nous traversons maintenant, cela nous aide à être optimistes et à ne pas nous effondrer dans le désespoir. Avec la foi et l’espérance, nous pouvons nous tourner vers un avenir meilleur et épanouissant malgré les difficultés que nous traversons. 

Languir ou s’épanouir face aux difficultés de la vie, tel est notre choix. Nous pouvons convertir notre négativité et nous attendre à un avenir épanouissant ou bien souffrir, nous lamenter sur ce qui se passe dans et autour du monde. Tel est notre choix. 

P. Shijo Kanjirathamkunnel, C.M.
Province de l’Inde du Sud – Mission de l’Alaska
Traduit de l’anglais par
P. Jérôme DELSINNE cm