Par Jean Rolex, CM
Il y a plusieurs années, le pape François a inauguré une journée consacrée exclusivement aux pauvres. En inaugurant cette journée, il a voulu souligner un peu plus l’une des préoccupations de longue date de l’Église, le service des pauvres, les favoris de Dieu. Dans son message pour la première Journée mondiale des pauvres, il a clairement expliqué son intention : “stimuler les croyants à réagir à la culture du gaspillage et du rejet en faisant leur la culture de la rencontre. En même temps, elle invite chacun, quelle que soit sa confession religieuse, à être prêt à partager avec les pauvres par toute action de solidarité, comme un signe concret de fraternité”.
Face à tant d’histoires douloureuses de pauvreté et d’incertitude, le pape François estime qu’il est temps d’écouter, en tant qu’Église et en tant qu’hommes et femmes de bonne volonté, la voix des pauvres et des marginalisés. A cet égard, aider les pauvres est “un impératif qu’aucun chrétien ne peut ignorer”. Le service aux pauvres doit se manifester dans une fraternité et une solidarité qui correspondent à l’enseignement principal du Maître, qui a proclamé les pauvres comme des bienheureux et des héritiers du Royaume des cieux (cf. Mt 5, 3). Maintenant, en tant qu’enfants spirituels de saint Vincent, que nous engageons-nous à l’occasion de la Journée mondiale des pauvres qui sera célébrée le 13 novembre ? Quelles réponses simples, concrètes, efficaces et efficientes voulons-nous donner pour guérir les blessures de l’âme et du corps, pour rétablir la justice et pour aider les personnes à reprendre leur vie dans la dignité ?
Nous ne pouvons nier qu’en certaines occasions, malheureusement, les chrétiens n’ont pas toujours donné des réponses concrètes à la situation inhumaine des pauvres dans les limites de l’homme. Mais, néanmoins, il y a eu des hommes et des femmes inspirés par le Saint-Esprit, qui, de bien des façons, ont donné leur vie au service des pauvres. Parmi eux, nous soulignons l’exemple de Saint Vincent de Paul, qui a été suivi par de nombreux hommes et femmes. Saint Vincent ne s’est pas contenté d’embrasser et de donner à manger aux pauvres, mais a décidé de donner sa vie à leur service. Il s’est donné à leur service, il s’est placé au milieu d’eux. Dans les pauvres, il a découvert Jésus-Christ, pauvre et humilié. Dans ces pauvres, méprisables aux yeux du monde, il voyait les représentants de Dieu (cf. XI, 725). Servir les pauvres pour St Vincent de Paul, c’est servir Jésus-Christ lui-même. Se trouver au milieu d’eux, c’est rencontrer Dieu (cf. IX, 240). Le témoignage de St Vincent confirme le pouvoir transformateur de la charité. Au cours de sa vie, saint Vincent a pris parfaitement à cœur les paroles du saint évêque Chrysostome : “Si tu veux honorer le corps du Christ, ne le méprise pas quand il est nu ; n’honore pas le Christ eucharistique avec des vêtements de soie, alors qu’en dehors du temple tu négliges cet autre Christ qui souffre du froid et de la nudité”. Servir les pauvres est devenu un mode de vie pour lui. Une vie qui a produit de la joie et de la sérénité spirituelle, parce qu’il a touché de ses mains la chair du Christ.
À l’exemple de saint Vincent qui a vu la misère de son temps, a vu les pauvres dans leur situation (cf. IX, 749) et a donné des réponses concrètes nées de sa conversion personnelle, nous, Vincentiens, en cette Journée mondiale des pauvres, sommes appelés à voir les pauvres, à leur tendre la main, à les rencontrer, à les regarder dans les yeux, à les embrasser, à leur faire sentir la chaleur de l’amour qui brise le cercle de la solitude. Notre réponse vincentienne doit consister à “sortir de nos certitudes et de nos conforts, et à reconnaître la valeur de la pauvreté en elle-même”. En effet, une telle réponse doit consister à “délier les chaînes injustes, défaire les lanières du joug, libérer l’opprimé, briser tout joug, rompre son pain avec celui qui a faim, abriter le pauvre sans abri, couvrir celui que tu vois nu” (Is 58,6-7). En cette journée des pauvres, Vincentiens, concrétisons les paroles du psaume : ” les pauvres mangeront à leur faim ” (Ps 22,27). Nous ne devons pas faire de grandes choses, mais de petites choses, mais en grand. Certains diront qu’un petit geste ne changera pas le sort des pauvres. Certes, un petit geste ne changera pas ou ne mettra pas fin au sort des pauvres, mais il changera la vie d’une personne pauvre.
La réponse vincentienne doit être une réponse évangélique qui soulage les nombreuses formes de pauvreté qui sont sous nos yeux. Elle doit aussi être une réponse qui naît de notre relation intime avec le Christ et avec le charisme vincentien. En effet, pour cette journée, nos activités doivent être motivées par la foi et la solidarité humaine. C’est un jour où l’on se sent “redevable aux pauvres”. Rendre aux pauvres “l’espoir perdu à cause de l’injustice, de la souffrance et de la précarité de la vie”. De cette réponse dépendra la crédibilité de notre être et de notre faire vincentiens. En réalité, les pauvres “ont besoin de nos mains pour les rejoindre, de nos cœurs pour sentir à nouveau la chaleur de l’affection, de notre présence pour vaincre la solitude. Ils ont simplement besoin d’amour”. Comme St Vincent, la pauvreté pour un Vincentien doit être avant tout une vocation à suivre Jésus pauvre. C’est une marche derrière lui et avec lui, une marche qui mène au bonheur du royaume des cieux (cf. Mt 5,3 ; Lc 6,20). Nous suivons certainement l’exemple de St Vincent, témoin fidèle de la pauvreté. En offrant notre contribution effective pour changer l’histoire, en générant un développement réel, en écoutant le cri des pauvres et en nous engageant à les sortir de leur situation de marginalisation.
Comment identifier la pauvreté ? Le pape François lui-même nous dit que “la pauvreté a des visages marqués par la douleur, la marginalisation, l’oppression, la violence, la torture et l’emprisonnement, la guerre, la privation de liberté et de dignité, l’ignorance et l’analphabétisme, les urgences sanitaires et le manque de travail, la traite des êtres humains et l’esclavage, l’exil et la misère, la migration forcée. La pauvreté a le visage de femmes, d’hommes et d’enfants exploités par de vils intérêts, foulés aux pieds par la logique perverse du pouvoir et de l’argent” Face à ce scénario, un authentique Vincentien ne peut rester indolent, ni se rendre. La Journée mondiale des pauvres est une nouvelle occasion pour les membres des branches vincentiennes de donner des réponses concrètes avec une nouvelle vision de la vie et de la société.
Vincentiens, faisons grandir un peu cette journée, en la transformant en une journée de prière, de joie et de partage avec les pauvres les plus proches de nous. Que ce 13 novembre soit une journée pour “tendre la main aux pauvres” (cf. Si 7,32).