Invitation à l’essentialité

Introduction

Dans le contexte dans lequel nous vivons aujourd’hui, le terme “simplicité” peut facilement sembler dépassé, insignifiant et trivial. Pourtant, il est important de “parler comme on pense et comme on ressent, dans la plus grande simplicité”. Cette simplicité crée et restaure les relations interpersonnelles. Y a-t-il aujourd’hui quelqu’un qui parle comme il pense ? Espérons-le, car notre monde devient de plus en plus compliqué. Aujourd’hui, il y a la parole stratégique, calculée et bien ficelée qui complique tout. Ainsi, parler de “simplicité”, c’est déjà parler d’évangile, de nouveauté de vie. La vertu de la simplicité est mon évangile, a dit SV. Elle l’est aussi pour nous aujourd’hui. Dans le langage spirituel d’aujourd’hui, il semblerait que le mot “transparence” ait remplacé le mot “simplicité”. Ces deux termes, malgré leur similitude, véhiculent des significations différentes.

  1. QUELLE EST LA VERTU DE LA SIMPLICITÉ

1.1) Tout d’abord, ce que la vertu de simplicité n’est pas : ce n’est pas la médiocrité ; ce n’est pas l’ignorance ; ce n’est pas et ne peut pas être synonyme de superficialité ou de manque de connaissances qui guident et orientent nos actions ou nos discours. La langue italienne est riche en expressions : elle utilise le mot “semplicione” pour décrire l’attitude de quelqu’un qui croit sans discernement à la fable du premier venu.

En résumé : la simplicité n’est ni la naïveté ni le manque de sens et de jugement sur les choses, les personnes ou les situations. Saint Paul nous dit qu’il s’agit de tout autre chose lorsqu’il déclare dans sa lettre aux Corinthiens : “Frères, ne vous comportez pas comme des enfants dans vos jugements ; soyez comme des enfants dans la malice, mais comme des hommes mûrs dans les jugements” (14:20). Simples comme des enfants dans la malice, mais mûrs et responsables dans les jugements ! C’est cela la simplicité.

1.2) Quelle est donc la vertu de la simplicité ? La simplicité n’est pas une folie mais une sagesse qui nous remet entre les mains de Dieu, notre seul et unique bien, et nous permet de nous confier en Lui seul, notre unique vérité. L’homme simple est “le vrai sage” car il cherche Dieu et s’abandonne à Lui, il ne pense qu’à Lui en toutes choses, comme le dit le Psalmiste : le juste se confie en l’Éternel. L’homme simple est une personne qui a un sens très élevé et très vivant de la gloire de Dieu : il est pleinement conscient de vivre pour la gloire de Dieu.

1.3) Qu’entend-on par “simplicité” au niveau personnel ? Au niveau personnel, la simplicité est une façon d’éviter le mensonge et l’hypocrisie et consiste à avoir une attitude intérieure prête à voir la vérité nue telle qu’elle se présente et à viser l’essentiel sans beaucoup d’arguties qui ne sont pas nécessaires à la vie. La personne simple se pose continuellement la question suivante : cette chose est-elle vraiment essentielle pour moi ? Est-ce que c’est quelque chose qui me rend conforme au Christ, “la règle de ma vie” ?

En définitive, la personne simple est celle qui a en vue le Seigneur Jésus, l’accomplissement de sa vie, parce que c’est Lui qui la rend belle et simple. La simplicité est cette vertu qui nous prédispose à rechercher directement la vérité sur nous-mêmes, qui nous fait reconnaître les dons de Dieu en nous, mais aussi nos limites, nos défauts, nos fragilités, nos péchés, nos angoisses, nos peurs, nos hésitations. Le but ultime de tout cela n’est autre que de nous ouvrir avec confiance à la miséricorde de Dieu et à la présence agissante de l’Esprit Saint qui nous appelle à la sainteté de vie. La vertu de simplicité, au niveau personnel, nous aide à éviter la duplicité.

Il est vrai que nous sommes exposés au péché, à la concupiscence et que nous avons un penchant pour le mal qui entrave notre véritable bonheur, notre plénitude et notre complétude. À cause de ce péché ou de cette concupiscence en nous, l’idéal de notre vie nous semble trop élevé ou trop loin à atteindre, de sorte que nous tombons facilement dans le découragement, la superficialité, l’indifférence, la division, la complication, et nous cherchons de maigres excuses et de fausses justifications.

Dans cette optique, la personne simple s’efforce d’être claire et transparente. Elle s’efforce d’avoir une conscience droite et claire, car elle sait que le Seigneur aime ceux qui ont un cœur pur et sincère : “Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu” (Mt 5,8). La personne simple ne lutte pas sur le chemin de la conversion. Elle ne se met pas en position de défense, mais dans la liberté de la vérité, elle n’a rien à cacher et n’a pas d’ego démesuré.

Par conséquent, elle n’a aucune difficulté à accepter ses propres limites, ses défauts, ses erreurs et ses fautes, et enfin, elle n’a aucune difficulté à accepter ses péchés et à s’en repentir. La personne simple est également sincère. Sincère dans ses attitudes, dans son langage, dans son regard, dans ses jugements hâtifs, mais surtout droite et transparente. Elle est toujours volontaire et disponible, sans arrière-pensée ni intérêt personnel.

1.4) L’impact de la vertu de simplicité dans les relations humaines en général et dans la communauté en particulier : la vertu de simplicité comprise et vécue comme une existence sincère, claire et honnête du sujet se lie facilement avec tout le monde et construit des relations fraternelles sans complexes ni complications avec tous les membres de la famille et de la communauté.

Éviter toute forme de duplicité, d’ambiguïté, de mensonge et l’esprit malveillant des ragots qui détruisent l’esprit communautaire. “N’importe quel imbécile peut faire quelque chose de complexe ; il faut un génie pour faire quelque chose de simple”, disait un certain Pete Seeger. Précisément parce que la vérité nue se trouve dans la simplicité. La personne qui possède cette vertu est une lumière dans les ténèbres de la malice qui nous entoure. Elle évolue en communauté dans le respect et l’estime de tous, en reconnaissant les dons de Dieu présents et à l’œuvre chez les autres. Si les paroles et les gestes de certains génèrent de la méfiance, des barrières et des défenses, c’est parce qu’ils sont le fruit de l’intérêt personnel et des calculs d’un amour replié sur lui-même.

La personne simple considère les autres non pas comme des concurrents à éviter, mais comme des frères à estimer et à encourager. Si l’ego est la maladie de l’orgueilleux, le simple n’est pas malade de l’ego replié sur lui-même mais voit et encourage les autres et les valorise positivement. Bref, il voit les autres de manière désintéressée, il pratique en fait une autre vertu chère à Vincent : la sainte indifférence ! Cette attitude désarmante désarme également les autres et permet une communication très fraternelle, aimante et évangélique au sein de la communauté.

“Les simples qui, dans leur candeur, n’usent pas de subtilité ni de distinctions tranchantes, qui parlent bien et sincèrement, de telle sorte que ce qu’ils disent corresponde à ce qu’ils ont dans le cœur, sont aimés de tous” (SV).

Conclusion :

Si Moïse était “un homme très humble, plus qu’aucun autre sur la face de la terre” (Nb 12,3) et si, selon Mt 11,29, la personne la plus humble de toute l’histoire du salut est Jésus, le second Moïse, “l’humble et le doux”, nous sommes appelés à l’imiter. Les deux sont libérateurs. C’est pourquoi la personne humble est aimée de tous. La personne simple ne l’est pas moins, nous dit SV en parlant de Margaret Naseau : “tout le monde l’aimait parce que tout en elle était aimable”, parce que c’était une personne simple et transparente. La simplicité de nos actes et de nos paroles rend notre vie belle et aimable. En effet, les missionnaires vincentiens seront des génies aimés des gens et préserveront l’héritage spirituel de leur fondateur s’ils sont capables de prêcher en toute simplicité, c’est-à-dire en disant les choses profondes de notre foi d’une manière simple et accessible à tous : éduqués et moins éduqués. Savoir simplifier des concepts et des idées profondes, c’est savoir éliminer le superflu, n’exposer que ce qui est nécessaire. Tout cela demande plus de temps de préparation car “compliquer est simple, simplifier est difficile”.

La personne simple ne fait rien pour la vaine gloire et pour être vue pour savoir. En outre, la personne simple travaille par pur amour, par amour désintéressé et sans attendre de récompense : “Dieu aime celui qui donne avec joie” (cf. 2 Co 9,7). Elle ne cherche rien d’autre que la gloire de Dieu et le bien des autres, c’est pourquoi elle est aimée de tous, comme nous le dit SV.

Il est évident que la vertu de simplicité ainsi comprise est la source et la source de la paix, de la tranquillité et de la liberté intérieure qui rendent notre propre vie et la vie de la communauté avec laquelle nous vivons harmonieuse et unifiée. En ce sens, les personnes simples sont des personnes sereines et pacifiques et elles transmettent ces valeurs aux autres membres de la communauté dans laquelle elles vivent parce qu’elles ont dans leur cœur la source de leur propre sérénité et de leur propre paix.

P. Zeracristos Yosief, C.M.

[Cet article fait partie d’une réflexion sur les vertus vincentiennes commencée ici].