Pour la première fois de notre vie, nous vivons dans un temps de jeûne eucharistique” forcé, à cause des dispositions anti-coronavirus. Certainement lEucharistie est le centre de la vie chrétienne. Cest une expérience communautaire, une célébration de notre foi et une source de réconfort, de consolation et de force. Cest pourquoi, cest effectivement une situation douloureuse et triste pour de nombreux fidèles. La plupart des diocèses ont pris des dispositions pour retransmettre la célébration eucharistique à la télévision et sur Internet. Cela peut certainement être une bonne chose dans cette situation extraordinaire. Mais cest aussi loccasion de se concentrer sur certains aspects de notre foi qui ne sont pas tellement mis en avant. Il est temps pour nous de recevoir le Verbe incarné dans le Verbe lui-même que sont les Écritures. Cest le moment de revenir à la Bible au lieu dattendre d’écouter la Parole de Dieu seulement dans la célébration eucharistique.

De temps à autre, l’Église a toujours enseigné aux fidèles à rencontrer et à recevoir Jésus dans la Parole de Dieu. Le Concile Vatican II affirme que :

« L’Église a toujours vénéré les divines Écritures, comme elle le fait aussi pour le Corps même du Seigneur, elle qui ne cesse pas, surtout dans la sainte liturgie, de prendre le pain de vie sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ, pour loffrir aux fidèles. Toujours elle eut et elle a pour règle suprême de sa foi les Écritures, conjointement avec la sainte Tradition, puisque, inspirées par Dieu et consignées une fois pour toutes par écrit, elles communiquent immuablement la Parole de Dieu lui-même et font résonner dans les paroles des prophètes et des Apôtres la voix de lEsprit Saint . »

Saint Jérôme a donné son avis :

« Nous lisons les Saintes Écritures : pour moi, je suis davis que l’Évangile, cest le corps de Jésus, que les Saintes Écritures sont sa doctrine. Sans doute le texte « Celui qui mange ma chair et qui boit mon sang » trouve toute son application dans le mystère eucharistique ; mais le vrai Corps du Christ et son vrai Sang, cest aussi la parole des Écritures, la doctrine divine . »

Ignace dAntioche a écrit : « Nous devons considérer l’Écriture comme la chair du Christ. » Maxime le confesseur a écrit : « À travers chaque mot écrit dans la Bible, la Parole devient chair. » Césaire dArles a écrit : « Quiconque écoute de manière insouciante sera aussi coupable que celui qui laissera tomber par négligence le Corps du Seigneur. » Cest pourquoi les Pères de l’Église parlent de « rompre la Parole » tout comme le pain eucharistique est rompu.

Cette période forcée du jeûne eucharistique” est loccasion pour chacun de redécouvrir que, selon les constitutions et les décrets de Vatican II, la Bible doit devenir la nourriture de chacun et être entre les mains de chacun. Les familles pourraient se réunir tous les jours, prendre les lectures de la journée, les lire, faire silence et conclure par un moment dintercession et de prière. Pour les religieux, la Liturgie des Heures consiste à célébrer le mystère du Christ au rythme de la journée, à la sanctifier. Cest-à-dire rendre visible la présence de Dieu dans la vie quotidienne. Ce faisant, cette fois-ci, la distanciation physique peut être en même temps, un moment de rencontre particulière avec Jésus, présent dans les Écritures comme dans lEucharistie, par la prière en écoutant Sa Parole.

Ce temps du Carême 2020 pourrait alors être une quarantaine pour se souvenir de Dieu. Il pourrait être le temps favorable pour maintenir une proximité intime avec Dieu, pendant que nous prenons nos distances au profit du salut de notre voisin et de nous-mêmes tandis que nous restons toujours très proches les uns des autres par la conscience : Dieu nous connecte et nous soutient ! Nous comprenons cette quarantaine : « pour que tu saches que lhomme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. », (Dt 8,3).

Augustine Elayanikkattu Abraham Siby CM
Province de l’Inde du Sud
Traduit de l’anglais
Jérôme DELSINNE cm

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Dei Verbum, n° 21.
2 Saint Jérôme (347-420), docteur de l’Église, Traité sur le psaume 147.