Un soir du début des années 1970, Michael Pachovas et quelques amis se sont approchés d’un trottoir de Berkeley, en Californie, ont coulé du ciment sous la forme d’une rampe grossière et ont roulé dans la nuit. Pour Pachovas et ses amis défenseurs des personnes handicapées, il s’agissait d’un acte politique, d’un geste de défi ? Il s’agissait également d’un acte pragmatique. En dépit de leur irrégularité, les bordures inclinées de fortune ont apporté à la communauté des handicapés quelque chose d’inestimable : la mobilité. ….

C’est ainsi que commence une histoire puissante racontée dans la Stanford Social Innovation Review (2017) par Angela Glover Blackwell. Ce simple “abaissement de trottoir” a permis de mettre fin au cauchemar que représentait le fait de se déplacer en fauteuil roulant dans les rues de la ville, comme s’il s’agissait d’une dangereuse course d’obstacles. Contrairement aux mesures d’accessibilité des bâtiments exigées par la réglementation gouvernementale, la mobilité dans les rues n’était pas encore une priorité.

Voilà ce qu’est la créativité ! Identifier un problème et y répondre efficacement avec des moyens simples. Les bordures de trottoir ne sont pas une nouveauté. Le premier est apparu en 1945 à Kalamazoo, dans le Michigan. Mais l’aménagement du trottoir de Berkeley a commencé à changer la façon dont le pays envisageait l’accès, la mobilité et les besoins des communautés les plus vulnérables.

Et il s’est passé quelque chose de tout à fait inattendu. Ce petit changement a profité à tout le monde, non seulement aux personnes en fauteuil roulant, mais aussi aux parents poussant des landaus et se dirigeant directement vers les trottoirs. Il en va de même pour les travailleurs poussant de lourds chariots, les voyageurs d’affaires transportant des bagages, et même les joggeurs et les amateurs de planche à roulettes.

Il existe un soupçon social bien ancré selon lequel le fait de soutenir intentionnellement un groupe nuit intentionnellement à un autre. L’équité est un jeu à somme nulle. En fait, il ne s’agit pas d’une pizza : ma part ne réduit pas la tarte pour les autres.

Saint Vincent de Paul serait fier. Après tout, l’une des caractéristiques du grand Patron de la Charité était son génie pour le travail en réseau et la collaboration, ainsi que pour les réponses créatives aux problèmes et aux besoins des personnes démunies de son époque.
L’une de ses phrases les plus répétées nous rappelle que l’AMOUR EST INVENTIF À L’INFINITÉ.

Une déclaration puissante… mais aussi un défi pour ses disciples : quelle créativité avons-nous aujourd’hui en tant que Vincentiens pour suivre le Christ évangélisateur et serviteur des pauvres ? Quelle ingéniosité dans les méthodes et les outils pastoraux pour apporter la Bonne Nouvelle ? Car si nous faisons toujours ce que nous avons toujours fait, peu de choses changeront.
Il est intéressant d’imaginer ce que Saint Vincent ferait avec les outils sociaux d’aujourd’hui dont il ne disposait pas au 17ème siècle : l’analyse sociale, la démocratie, les systèmes économiques, la pensée du changement systémique et, surtout, les médias sociaux ! Sa créativité s’épanouirait et rien ne l’empêcherait de réaliser des changements structurels sérieux et durables.

Nous ne sommes pas tous des visionnaires créatifs. C’est un don particulier. Beaucoup d’entre nous sont plus gestionnaires, nous pouvons gérer un projet, le maintenir sur la bonne voie et obtenir de bons résultats. Mais nous pouvons aller plus loin en analysant de manière critique nos méthodes et en cherchant à incorporer de nouvelles et meilleures façons de mener à bien notre ministère. En tant que disciples de Vincent, cherchant à refléter son charisme dans ce siècle avec ses besoins et défis actuels, ceux que nous servons méritent nos efforts à cet égard.

Comment pouvons-nous être plus créatifs ?

  • Une chose que nous pourrions faire est de jeter un regard critique vigoureux sur la manière dont nous exerçons notre ministère ; l’auto-évaluation n’est jamais facile, mais elle est probablement nécessaire ;
  • Nous pourrions trouver des moyens d’incorporer davantage de prière et de méditation sur la façon dont nous faisons les choses et pourquoi, en nous ouvrant à de nouvelles impulsions et idées ;
  • Nous pourrions trouver des moyens de maintenir le but ultime de nos activités ministérielles comme un objectif et une priorité clairs, et non comme des considérations secondaires ;
  • Nous pourrions étudier ce que font nos collègues, et même nos concurrents, dans des efforts similaires aux nôtres. Que pourrions-nous apprendre et, mieux encore, inclure dans nos propres efforts ;
  • De meilleurs esprits que le mien auront certainement d’autres suggestions.

L’amour est inventif à l’infini – une conviction merveilleuse et un défi !

Jim Claffey
Représentant des ONG des Prêtres et Frères Vincentiens auprès de l’ONU