Moralité et Conversion

Moralité et Conversion

P. Kevin Rafferty C.M.

Introduction

On m'a demandé de parler des aspects moraux de la conversion, en tenant compte des dimensions théologiques, scripturaires, pastorales et Vincentiennes de ce thème. Dès le début de cette réflexion, il est possible de choisir divers points de départ:

  1. Il est possible de commencer par une réflexion sur la conversion de nos propres vies. Quelle(s) espèce(s) de conversion avons-nous expérimentée(s)? Si nous prêchons aux autres sur la conversion et si nous cherchons vraiment à les aider à se convertir, il n'y a aucun doute que nos propres efforts de conversion personnelle joueront un rôle important dans la façon dont nous présenterons cet appel.

b)Ou bien, nous pourrions partir d'un des grands paradigmes bibliques de la conversion. La Parabole de l'Enfant Prodigue - et examiner ce qui s'est passé au moment précis où l'Enfant Prodigue commença à douter de la sagesse de sa manière de se comporter. Nous trouverons alors l'occasion d'examiner la question de l'aveuglement provoqué par le péché, la décision de faire marche arrière, le retour à la maison, etc.

  1. Ou bien, nous pourrions commencer par l'un ou l'autre des exemples classiques de Conversion contenus dans la tradition Chrétienne -Augustin, François d'Assise, Ignace de Loyola, Blaise Pascal, Edith Stein, Paul Claudel, Simone Weil... et pourquoi pas Vincent de Paul, je vous entends suggérer.

Aucun doute sur le fait que n'importe lequel de ces points de départ nous aiderait et je suis certain qu'au cours de nos réflexions d'aujourd'hui, notre propre expérience, le paradigme évangélique et les exemples des saints qui ont pu influencer l'un ou l'autre d'entre nous interviendront dans la trame de nos réflexions et de nos discussions.

Mais tout simplement pour maintenir nos réflexions bien enracinées dans notre réalité d'aujourd'hui et dans le contexte de la mission paroissiale, je vais commencer par l'expérience de conversion vécue par Angela, Tony et Jimmy, trois personnes que Paul Roche rencontra récemment au cours de nos Missions Paroissiales en Irlande...

Angela

- une énergique maman de quatre enfants, dont la plus jeune, Caroline, est autiste et fréquente une école spécialisée du lundi au vendredi. Son mari, Dermot, l'a abandonnée et est parti pour l'Angleterre avec une autre femme. Angela est maintenant employée à l'entretien d'une Ecole Secondaire locale. Il y a dix mois, Tommy, qui vit séparé de sa femme, est venu s'installer chez Angela et les enfants. Il les aime et la situation s'est notablement améliorée pour eux depuis ce jour. Angela a été choquée par la façon dont l'Église l'a traitée au moment où Dermot l'a abandonnée: elle a eu l'impression que cela n'intéressait personne. Elle continue à prier, visite fréquemment l'église pour y allumer un cierge, mais reconnaît qu'elle n'est pas très régulière dans son assistance à la Messe Dominicale; cela tient au fait qu'on lui a dit qu'elle ne pouvait plus recevoir la Communion. Au cours du Carême de l'an dernier, il y a eu une mission dans la paroisse. Angela s'est engagée dans le groupe des femmes, elle préparait le thé pour les gens présents aux groupes de discussion tenus chaque soir. Elle s'est sentie partie prenante des activités. Un soir il y a eu une discussion, accompagnée d'une cassette video, avec, pour thème, les effets, sur les enfants, du désastre de Chernobyl. Avec cinq autres femmes, Angela s'est offerte pour accueillir chez elle deux enfants de Belarus, pour six semaines de vacances. Depuis, elle a commencé à collecter de l'argent, a assisté aux discussions et s'est totalement engagée. "Je vois maintenant que ma religion consiste à aider ceux qui sont en situation pire que moi", dit-elle. Une fois par semaine elle réunit des gens chez elle et ils passent une heure ensemble à discuter un passage d'Évangile. "Cette mission a fait toute la différence pour moi -Merci à Dieu de m'avoir inspiré de participer!"

Tony

-est dans sa troisième année à l'Université de Dublin Ville, où il étudie l'administration commerciale. Ses parents étaient très fiers de le voir à l'Université. Son père, qui conduit l'autobus n_19, avait décidé, depuis toujours, que ses sept enfants réussiraient mieux que lui. Tony était son orgueil et sa joie. Par contre, beaucoup des élèves du collège trouvaient Tony plutôt du genre insupportable. Bruyant et agressif, il s'intégra à une bande qui passait la plus grande partie de son temps à gaspiller son argent à boire. Au contraire de son père qui ne manque jamais la Messe et est Président de la Société de Saint Vincent de Paul, Tony n'était pas véritablement enraciné dans la foi et, très vite, il se laissa aller (Luc, 8, 13). Il se mêla aux histoires du Nouvel Age, mais il était surtout cynique à l'égard des "mollassons" qui fréquentaient l'église. Il frayait également de manière épisodique avec un groupe qui s'adonnait à la drogue. Comme beaucoup parmi ses camarades, il fut secoué quand une fille de première année, Sandra, mourut à la suite d'une dose trop forte d'"Ecstasy" lors d'une sauterie entre jeunes étudiants. L'église, rarement pleine, était bondée lors de l'enterrement de Sandra. Il faut dire que ce ne fut pas un enterrement ordinaire. L'aumônier célébra la Messe, mais ce fut Danny qui prit la parole. Il raconta brièvement sa propre histoire: il avait rencontré Jésus et semblait rayonner la joie et la paix. Il invita les étudiants à prendre part à une réunion expérimentale lors d'un week-end. L'église était pleine, mais de tous les jeunes présents quatre seulement persévéraient encore un mois plus tard. Parmi eux, il y avait Tony. Cela le changea beaucoup. "J'ai été catholique pendant 22 ans, mais c'est seulement depuis un an que j'ai fait connaissance avec Jésus". Maintenant, il prie beaucoup, porte habituellement une Bible avec lui, regarde de travers ceux qui s'adonnent à la boisson, et il projette de partir en Ouganda l'été prochain pour prêcher la parole de Dieu aux jeunes de là-bas. Son père est un peu perdu... "Je pensais qu'il ferait un homme d'affaire, mais je n'imaginais pas qu'il choisirait le fichu métier de moine."

Jimmy

- c'est un type de caractère, qui a vécu ses 54 ans dans la Rue Pearse. Ses quatre enfants ont grandi, se sont mariés, et ont tous quitté le nid. Ils ont réussi dans la vie et visitent rarement la miteuse rue Pearse. Pendant les trois dernières années, Jimmy a été au chômage, ayant été remercié par la direction de l'usine chimique multi-nationale du quartier industriel. Quelques semaines après qu'il eut perdu son travail, Jimmy perdit aussi sa femme avec qui il avait vécu trente ans durant. Resté seul avec la petite pension qu'il avait touchée après sa mise à pied, Jimmy fit comme beaucoup d'autres autour de lui, il se mit à boire. La boisson en fit un a-social. Des souvenirs pénibles qu'il avait accumulés au cours des années remontèrent alors à la surface. Les gens se fatiguèrent de lui et de ses lamentations. Il commença à se négliger de plus en plus: ses vêtements, sa maison, devinrent sales et misérables. La religion ne disait pas grand chose à Jimmy à cette époque, bien qu'il conservât la petite lampe qu'il tenait allumée devant le Sacré Coeur dans sa cuisine et qu'il échangeât de temps à autre un mot "avec Lui". Parfois cela allait jusqu'à une discussion: ce qui faisait mal à Jimmy, c'est que personne ne semblait se préoccuper de lui maintenant que sa "bonne femme" était partie. Il ne se souvient pas très bien comment il échoua cette nuit-là dans la Salle Paroissiale, mais Jimmy était venu participer à une réunion d'AA portes ouvertes. Les histoires racontées étaient de la routine pour la plupart, mais pour Jimmy cela eut un effet magique. "Je ne contrôle plus ma vie". "Il faut que je m'appuie sur un Pouvoir Supérieur". Tout ce qui se disait là avait un sens pour Jimmy. "Je m'appelle Jimmy. Je suis alcoolique". Depuis, il ne s'est pas passé un jour sans que Jimmy soit présent à "SA réunion". Désormais il reste sobre, et remercie Dieu jour après jour, mais surtout chez lui, pas à la Messe.

  1. La Conversion Morale - Qu'est-ce que c'est?

Je crois que nous serions tous d'accord pour dire qu'au centre des expériences de conversion d'Angela, de Tony et de Jimmy, il y a une nouvelle manière de prendre conscience de soi-même, de leurs relations avec les autres et de leur relation avec Dieu. Nous pourrions dire qu'ils sont parvenus à jeter un regard neuf sur leur propre situation. C'est une nouvelle sorte de connaissance, ou une nouvelle sorte de prise de conscience. Ils voient leur situation différemment.

Et ce qu'il est très important de comprendre dans tout cela, c'est que ce savoir dans la sphère morale est plus qu'un savoir.

Je ne vois pas les valeurs comme je vois les choses,

Je ne vois que les valeurs que je veux servir.

Le savoir dans la sphère morale est une espèce particulière de savoir. Dans l'histoire de la philosophie morale, un des grands tournants de la philosophie Grecque se dessina lorsqu'on se rendit compte que le savoir en tant que tel ne signifie pas moralité. Ce n'est pas parce que je sais ce que je devrais faire que je vais me mettre à le faire.

* Le savoir ne peut être équiparé à la vertu.

* La conversion intellectuelle ne peut être équiparé à la Conversion Morale.

La raison en est que, dans la sphère de la conversion morale, c'est la personne tout entière qui est impliquée: son intelligence, bien sûr, mais aussi ses émotions, ses sentiments et par dessus tout, sa volonté.

Lorsque nous prétendons évaluer ce que nous devrions faire ou ce que nous devrions éviter dans la sphère morale, nous nous demandons généralement:

* Qu'est-ce que ma conscience me dit de faire?

* Qu'est-ce que je pense de la description suivante de la conscience:

La conscience -c'est une voix intérieure où nous percevons comme un reproche, une suggestion, une interdiction aussi- dans une direction opposée à celle de nos volontés conscientes et parfois même en dépit des arguments ingénieux que nous nous fabriquons pour nous justifier. Tous nous avons une fois ou l'autre certainement expérimenté cet éveil d'une nouvelle prise de conscience nous éclairant à la manière d'une "aurore" et qui nous rappelle que nous nous sommes mal comportés sur tel ou tel point. Dans des situations de ce genre, nous sommes affrontés, contre notre volonté, à la vérité que d'abord nous ne percevons que faiblement, puis que, soudain, nous reconnaissons en toute clarté. Le travail intérieur de la réflexion peut s'être produit secrètement pendant un certain laps de temps. Tout ce qu'il faut, c'est un acquiescement de nos volontés et alors, la nouvelle prise de conscience morale éclatera. (John Dunlop - Education Morale).

Au coeur de notre prédication et de tout ce que nous entreprenons au cours de nos missions paroissiales, il y a le désir d'amener les gens à une conversion -une conversion morale- "la lente aurore d'une nouvelle prise de conscience, un nouvel éveil sur eux-mêmes, sur les autres et sur Dieu".

J'entends certains parmi vous objecter que tout cela est bien évident. N'est-ce pas du simple bon sens? Peut-être est-ce le cas, mais il est frappant, le nombre de ceux qui, aujourd'hui, confondent la conversion avec l'acquisition d'un nouveau savoir. Je soupçonne, je suis même à peu près sûr, qu'une grande partie du phénomène du Nouvel Age que nous rencontrons aujourd'hui dans de nombreux contextes divers consiste à ne voir dans la prise de conscience morale qu'un nouveau type de savoir parmi d'autres. Oui, c'est bien une sorte de connaissance, mais c'est plus que de la connaissance, parce que cela remet en question mes émotions, mes sentiments, ma volonté.

Je pense qu'une des grandes forces de la tradition Catholique est que nous sommes conscients de notre capacité d'auto-illusion, de la facilité avec laquelle nous nous mentons à nous-mêmes, et du besoin dans lequel nous nous trouvons d'une purification morale qui nous permette de découvrir quelles sont MES valeurs réelles, et finalement, où se trouve le bien et où se trouve le mal.

Et je pense souvent que c'est ce dont se rend compte la foule de ceux qui se pressent à l'église le jour des Cendres. La conversion que nous recherchons exige des efforts et prend du temps, elle implique une lutte et une exploration de l'âme, du moins s'il s'agit d'une véritable conversion.

2. Le Kérygme précède la Catéchèse, spécialement la Catéchèse Morale.

Beaucoup d'entre vous doivent être en train de se dire à eux-mêmes que je ferais mieux de me préoccuper, non pas d'une conversion morale au sens philosophique, quel qu'il soit, mais de la conversion proprement dite -la conversion morale- dans un contexte religieux. Il ne s'agit pas d'une conversion dans la ligne du philosophe, de Socrate, mais d'une conversion dans le sens d'une réponse à l'appel de Jésus Christ exprimé dans le "Viens et suis-moi".

Je ne puis qu'être d'accord avec vous. Ceux d'entre nous qui appartiennent à une génération plus ancienne ont étudié la théologie morale alors qu'elle était plus ou moins séparée de la Théologie Systématique ou Dogmatique. Il s'est passé tant de choses ces trente dernières années, qu'il nous faut ré-examiner -en les re-pensant- les bases de la théologie morale, et surtout en les enracinant dans l'Écriture. Vous vous rappelez ce que dit le Document "Optatam Totius" de Vatican II à propos de la formation des prêtres.

Les disciplines théologiques devraient être renouvelées grâce à un contact plus vivant avec le Mystère du Christ et l'histoire du salut. Nous avons besoin de porter une attention spéciale à la théologie morale. Son exposé scientifique devrait être plus profondément nourri d'enseignement scripturaire. La noblesse de la vocation chrétienne devrait y être apparente. (Par. 16).

Quand on examine l'enseignement moral des écrits du Nouveau Testament, on découvre que la catéchèse morale ne s'y trouve jamais isolée. Dans les Évangiles Synoptiques, comme dans les écrits pauliniens et les écrits johanniques, on s'aperçoit que le contexte de tout type d'enseignement moral, et spécialement en ce qui touche à la conversion, c'est la proclamation du Kérygme. Et bien sûr nous trouvons une grande variété de présentations du Kérygme selon que l'on passe d'une série d'écrits néo-testamentaires à une autre. Permettez-moi de vous donner quelques exemples:

  1. Le Règne de Dieu est la:

Une des premières présentations de la catéchèse morale se trouve dans Marc 1, 14 (Textes parallèles en Matthieu 4, 12-17 et Luc, 4, 14-15).

"Jésus partit pour la Galilée.

Là il proclama la Bonne Nouvelle de Dieu.

"Les temps sont arrivés», dit-il,

"et le Règne de Dieu est proche.

Repentez-vous,

et croyez à la Bonne Nouvelle."

Il y a, chez le peuple qui écoute Jésus, un petit air d'expectative. Jésus s'adresse à leurs espoirs, à leurs rêves et à leurs angoisses, et il savait certainement que les attentes de chacun d'eux étaient bien différentes en ce qui concernait le Royaume auquel il faisait allusion (comme c'est le cas aujourd'hui aussi quand nous proclamons l'arrivée du Royaume).

* Les Pharisiens avaient tout codifié comme s'il était possible de le programmer.

* Les Zélotes essayaient de l'extérioriser politiquement.

* Les gens de Qumran voient le Royaume comme un jugement s'exerçant contre les païens et les pécheurs.

* Ceux qui le voyaient comme une apocalypse pensaient qu'il apporterait des catastrophes.

* Les Rabbins spiritualisent le Royaume et l'intériorisent sous forme de piété.

Pour Jésus le Royaume diffère de toutes ces attentes. Pour Jésus, le Royaume est un don -un don du Père auquel il faut répondre avec reconnaissance et action de grâces.

Je ne vais pas examiner toutes ces vues différentes que nous pouvons avoir dans notre interprétation de la phrase: "le Royaume est proche" -ce que nous nommons eschatologie. Qu'il me suffise de dire que l'appel de Jésus à la conversion, à la métanoia, au repentir est un appel à faire pénitence dans le contexte de la Première et de la Seconde Venue du Christ. Nous vivons dans ces "temps intermédiaires" et si nous décidons de répondre à l'appel de Jésus, nous passerons par un changement total du cœur et de l'esprit et nous deviendrons disciples du Christ. L'appel est un appel à Le suivre radicalement.

L'ensemble des implications de cet appel à se repentir et à se mettre à la suite de Jésus se trouve détaillé dans le Sermon sur le Montagne. Les Béatitudes, l'Ancienne Loi et la Nouvelle Loi sont contrastées et l'appel à l'aumône, à la prière intérieure, etc., sont des exigences pour tous ceux qui, parmi nous, luttent pour faire partie du Royaume. Et quant à tous ceux qui, parmi vous, ont étudié le Sermon sur la Montagne, ils ne sont pas sans savoir combien cela nous éloigne de toute espèce de légalisme, de minimalisme ou d'une moralité avec ticket d'entrée et course aux honneurs. Mais vous savez autant que moi qu'il existe toujours un danger, à notre époque comme en tous temps, celui de faire marche arrière, de revenir à ces tentations, dans notre présentation de l'éthique chrétienne.

B) Le Mystère Pascal - La Pierre D'angle de la Moralité Chrétienne

Si nous nous reportons aux écrits pauliniens, nous trouvons une manière différente de présenter le Kérygme et la catéchèse morale. Par exemple, si vous jetez un coup d'œil à la Lettre aux Romains, ch. 6, 1-12, vous trouverez que Paul fusionne trois espèces de Mort et Résurrection:

* La Mort et la Résurrection du Christ.

* Notre Baptême dans la Mort et la Résurrection du Christ.

* Mourir au péché et vivre de la nouvelle vie du Christ.

Le contexte de la catéchèse morale est le Mystère Pascal.

C) Aimez les autres comme Je Vous ai aimés:

Et quand nous passons aux écrits johanniques, nous trouvons encore une autre manière de présenter le Kérygme et la catéchèse:

Je vous ai donné un nouveau commandement

Vous devez aimer les autres comme je vous ai aimés.

Et nos efforts en vue de vivre notre vie morale sont une réponse à l'amour de Jésus pour nous. Il est impossible de le dire plus brièvement.

Conclusion

Dans les écrits du Nouveau Testament, il est impossible de séparer le Kérygme de la catéchèse morale. Les exemples que nous avons donnés démontrent combien ces deux points sont étroitement liés dans les textes-clé des écrits Néo-testamentaires.

L'éthique chrétienne est une éthique très exigeante. Cela n'a de sens que si nous nous reportons au contexte général:

* Le contexte de la proclamation d'un Royaume dans les Synoptiques.

* Le contexte de la mort salvatrice et de la résurrection dans la Lettre de Saint Paul aux Romains.

* Le contexte de l'agapè dans les écrits johanniques.

Si nous passons maintenant à certains des enseignements spécifiques de Jésus sur l'unité et l'indissolubilité du mariage, sur le partage de nos biens avec autrui, spécialement les pauvres, il faut remettre ces enseignements dans leur contexte, ou mieux encore, nous assurer que nos auditeurs se rendent compte du contexte dans lequel Jésus a parlé, Paul a prêché ou écrit, les écrivains johanniques ont parlé ou écrit. Ce contexte dans lequel la plupart d'entre nous proclamons aujourd'hui l'enseignement éthique de Jésus, il n'y a rien d'étonnant que la majorité le rejettera, ou le jugera au-dessus de leurs forces.

Peut-être est-ce uniquement dans le contexte d'une Communauté Chrétienne, où le Commandement de l'Amour mutuel est pratiqué de façon vraiment vivante et dans le contexte d'une vie sacramentelle où nous sommes nourris de la Parole et de l'Eucharistie, qu'une telle éthique prend un sens et que les gens se sentiront soutenus au point d'essayer de la vivre.

3. Les Étapes du développement moral selon Kohlberg:

Lorsque nous entreprenons de parler des missions que Saint Vincent de Paul et ses compagnons donnèrent au 17ème siècle, il convient de rappeler que, à cette époque, ce que nous nommons les sciences empiriques -psychologie, sociologie- étaient inexistantes, ou du moins étaient encore à une étape embryonnaire de développement. C'est pourquoi, lorsque nous nous lançons dans une réflexion fondamentale sur les "missions populaires" aujourd'hui et sur la forme qu'elles devraient prendre, il est impossible de ne pas tenir compte de certaines des découvertes des sciences empiriques.

Il faudrait dire également que notre compréhension de la nature de la culpabilité a été, depuis, aiguisée et affinée par les diverses théories de Freud, de Jung et de leurs successeurs contemporains. Il sera important que nous tenions compte de ces faits et de leurs implications quand nous entreprendrons de réfléchir sur le rôle du Sacrement de Pénitence dans la dynamique de la conversion.

Ce que je voudrais explorer avec vous maintenant, ce sont les conséquences des découvertes d'un psychologue de l'éducation, Lawrence Kohlberg, et de ses écrits sur les Étapes du Développement Moral. Beaucoup d'entre vous, j'en suis sûr, se sont familiarisés avec sa théorie elle-même. Il distingue six étapes avec trois niveaux de développement:

i) Niveau pré-conventionnel

1_ Étape: Orientation obéissance/punition

2_ Étape: Orientation instrumentale/relativiste

ii) Niveau conventionnel

3_ Étape: Orientation de concordance interpersonnelle

(le "bon garçon"/la "gentille fille")

4_ Étape: Orientation "Loi et Ordre"

iii) Niveau post-conventionnel, autonome ou à principe

5_ Étape: Orientation contrat social

(avec des harmoniques utilitaires)

6_ Étape: Orientation Principe-Universel

Kohlberg prétend que cette séquence à six étapes est universelle et affirme sa position à la lumière des recherches empiriques qu'il a menées aux États-Unis, en Angleterre, en Turquie, à Taiwan, etc. Il prétend également que sa théorie des six étapes est invariable - chacun doit progresser selon les étapes fixées et dans l'ordre: il est impossible de passer à une étape supérieure sans avoir d'abord suivi l'étape qui la précède immédiatement. Le Développement Moral prend place selon une séquence pré-déterminée. La tâche de l'éducateur moral consiste à conduire la personne à éduquer de l'étape où elle se trouve actuellement à l'étape suivante.

Commentaire:

D'autres psychologues de l'éducation ont proposé diverses critiques de la théorie des six étapes. Jusqu'à quel point ces étapes sont-elles universelles? N'y aurait-il pas plus de six étapes? Jusqu'à quel point la séquence est-elle invariable? etc. Comme vous le savez, les spécialistes contemporains de la théologie morale ont pris au sérieux la théorie, tout en exprimant des réserves sur tel ou tel point particulier.

Nous pouvons nous demander si cette théorie ne soulignerait pas les points forts et les faiblesses de la méthode que nous employons pour présenter l'éthique Chrétienne dans un contexte Catholique?

Un des points forts que je crois reconnaître dans l'approche Catholique de la moralité se trouve dans le fait que nous présentons un corps d'enseignement moral avec autorité. Un des grands succès du Pape Jean-Paul II est d'avoir parlé fortement au sujet de la moralité de nombreux problèmes de notre époque, en matière d'éthique bio-médicale, d'éthique sociale, d'éthique sexuelle, etc. On peut s'attendre à ce que les gens soient attentifs à une autorité morale dont les titres de créance peuvent être garantis. Les Catholiques sont supposés écouter cette autorité et se laisser guider par elle.

Un des points faibles de notre approche de la moralité, dans la tradition Catholique, est que, fréquemment, nous ne sommes pas allés plus loin. Nous n'avons pas atteint le troisième niveau -étapes 5 et 6-, ni encouragé les Catholiques à s'approprier personnellement les enseignements moraux; et lorsqu'ils l'ont fait, nous avons eu des problèmes avec eux.

Bien sûr, ce qui est en jeu ici c'est la Primauté de la Conscience Individuelle et le danger de ne pas la respecter vraiment. Une partie de notre tâche consiste à encourager les gens à s'approprier d'une manière personnelle les arguments que nous pouvons proposer en faveur de telle ou telle position; et s'il nous arrive d'avoir affaire, comme c'est souvent le cas aujourd'hui, à des gens ayant complété leur éducation secondaire, ou plus encore, une éducation universitaire, nous ne pouvons pas nous attendre à ce qu'ils se "conforment" automatiquement à l'enseignement du Pape ou des Évêques, ou encore à n'importe quelle autre autorité morale dans l'Église Catholique.

Un corollaire de la position précédente consiste à être réalistes et à ne pas surestimer ce dont les gens sont capables. Nous savons, à partir des résultats des découvertes de Kohlberg que les gens ayant atteint l'étape 5 et l'étape 6 sont peu nombreux. Beaucoup de gens sont à la recherche d'une autorité en laquelle ils puissent avoir confiance et très souvent, dans la difficulté qu'ils éprouvent à résoudre un problème moral, il désirent trouver quelqu'un capable de les écouter avec patience, quelqu'un capable de les encourager à rechercher eux-mêmes la voie à suivre. C'est toute la différence qu'il y a, en ce monde, entre une attitude de "Laissez faire, tout ira bien", une attitude de "Décidez-vous", d'une part et, d'autre part, l'attitude qui consiste à encourager les gens à se livrer à une recherche sérieuse et responsable des valeurs qui sont en jeu dans les dilemmes moraux qu'ils peuvent avoir à affronter.

4. Conversion et Choix Fondamental:

Quand nous essayons d'analyser et de structurer notre expérience morale, il est très vraisemblable que nous ferons appel, pour ce faire, aux concepts de liberté, de loi, de faute/péché. Agir de cette manière consiste à considérer l'acte moral à partir de divers points de vue ou perspectives. Je voudrais un instant concentrer mon attention sur le sens que nous donnons à l'idée de liberté et la façon dont certains moralistes contemporains introduisent ce qu'ils appellent la Théorie de l'Option Fondamentale, ou du Choix Fondamental, dans le but de nous aider à mieux comprendre comment exercer notre liberté.

Il n'est pas nécessaire de s'y connaître beaucoup en psychologie, en sociologie, en biologie, etc. pour se rendre compte des nombreux facteurs qui influent sur l'exercice de notre liberté, facteurs pouvant limiter ou diminuer cette liberté. Beaucoup parmi nos contemporains en tireront la conclusion que nous sommes complètement déterminés par des forces instinctives dans tout ce que nous faisons. Ce qui veut dire que notre sentiment de liberté serait une illusion. Toutefois, à la fin de la journée, je crois qu'il y a des moments dans nos vies où nous pouvons transcender ces pressions et faire ce que les moralistes nomment des "choix fondamentaux" ou des "options fondamentales". Permettez-moi d'expliquer ce que l'on entend par là:

A travers la réflexion sur notre propre expérience, nous découvrons que l'exercice de notre liberté déborde la somme des choix individuels que nous faisons de jour en jour, de moment en moment. Il existe, au-delà de nos choix individuels ou plus en profondeur qu'eux, la conscience de donner une orientation éthique générale à toute notre vie. Nous sommes responsables non seulement des actes individuels que nous accomplissons, mais également du genre de personnes que nous sommes. Nous possédons la capacité d'auto-détermination. Nous possédons la capacité de faire des choix fondamentaux.

Nous appelons cela un CHOIX parce que c'est MOI qui, en dernière instance, dois décider du sens que je donne à ma vie. Je décide de ce qui sera pour moi la valeur suprême.

Nous disons que c'est un choix FONDAMENTAL parce qu'il porte sur les choix particuliers et décisions particulières que nous prenons. Un choix fondamental fournit une orientation éthique à l'ensemble de nos vies - une orientation positive vers ce qui est bon et vertueux ou une orientation négative vers ce qui est mauvais et inauthentique.

Les moralistes ont diverses manières de décrire cette théorie du choix fondamental:

* Josef Fuchs décrit le choix fondamental en termes d'un exercice de la LIBERTÉ BASIQUE d'une personne - une liberté qui, non seulement nous rend capables de décider librement de nos actes et de nos buts particuliers, mais aussi, par leur moyen, de nous déterminer nous-mêmes totalement en tant que personnes et pas uniquement dans n'importe quel domaine de la conduite.

* Louis Janssens décrit le choix fondamental en termes plus personnalistes - positivement comme le choix d'être moins égocentriques dans nos relations avec autrui; négativement, comme le choix d'un retour sur soi-même - par la possession, l'utilisation et la domination des autres.

Pour un chrétien évidemment, le choix fondamental prendra la forme d'une "option pour le Royaume" ou de la "décision de suivre le Christ".

Il n'est pas tellement aisé de déterminer, à tout âge de nos vies, le genre de choix fondamental que nous avons fait. Il peut exister un "oui" plus profond que tous nos "non", ou un "non" plus profond que tous nos "oui" individuels. Une de mes amies me disait un jour qu'elle aurait besoin d'une retraite de trente jours avec, sous la main, un bon directeur spirituel et un bon psychothérapeute, pour pouvoir déterminer réellement le genre de choix fondamental qu'elle avait fait. Je ne suis pas sûr que ce serait aussi difficile qu'elle le prétendait, mais ce qui est certain, c'est que cela exigerait une réflexion sérieuse pendant une certaine période de temps, pour en arriver à "la naissance d'une nouvelle prise de conscience" des valeurs dont nous vivons réellement. Et je suppose que c'est le genre de réflexion que nous espérons faire démarrer en nos auditeurs par notre proclamation du Royaume au cours de nos missions paroissiales.

Quelques Observations

Ceux qui se sont hypnotisés sur une distinction entre péché mortel et péché véniel et sur la confession de leurs péchés mortels selon leur nombre et leur espèce seront-ils prêts à se lancer dans une réflexion morale sérieuse sur leur choix fondamental? Une manière de s'assurer que cela n'arrivera pas, c'est de prêcher aussi éloquemment que possible sur la miséricorde de Dieu comme toile de fond de tout examen de conscience - comme le fit, bien sûr, St Vincent de Paul.

Un des grands mérites de cette théorie du choix fondamental, c'est qu'elle nous protège contre une banalisation de la vie morale, en une série d'actes singuliers sans relation l'un à l'autre, au cours desquels nous jouons à "éviter le péché mortel". Voir le roman de David Lodge. Il se peut qu'on y gagne, soit en totalité soit du moins en grande part, une perception de l'intérêt et de l'aventure en quoi consiste la vie morale, spécialement une vie morale vécue dans la perspective chrétienne.

  1. Conversion Ecclésiale - Un retour a quelle espèce d'église?

Il y a quelques années je visitais une paroisse dans un endroit nommé Arlington, dans la banlieue de Washington, D.C. Après le souper que je prenais avec le curé, qui se trouvait être un Écossais, je fus invité par lui à assister à une réunion d'une vingtaine de paroissiens, réunion qui se tenait à 2O heures ce soir-là. Le curé se contenta de me dire qu'il s'agissait d'une rencontre entre dix membres actifs de la paroisse et dix Catholiques non-engagés, qui se posaient la question de savoir si cela valait la peine de revenir à une participation active à la vie de cette Communauté particulière. Je n'ai pas gardé d'autre souvenir des détails des rencontres particulières elles-mêmes, si ce n'est que la réunion dura deux heures coupées par une pause-café. Ce que j'ai retenu, c'est le caractère informel et détendu de la réunion ainsi que la bonne volonté des "Catholiques non-engagés" qui se montrèrent prêts à expliquer leurs raisons de quitter l'Église ou leurs réticences à l'égard d'une reprise de leur engagement dans les activités ecclésiales. Les dix Catholiques actifs avaient invité dix personnes, dont ils savaient qu'elles s'étaient éloignées de l'Église, à se rencontrer avec eux une fois par semaine pendant 20 semaines, afin d'examiner ensemble les raisons de quitter et les raisons de revenir. Du temps avait été prévu pour la réconciliation, pour la guérison, ainsi que du temps pour approfondir leur connaissance du Christ et de l'Église, en tant que groupe et en tant que personnes individuelles en tête à tête. Cette réunion fut, en fait, le début d'un mouvement qui se répandit aux Etats-Unis sous le nom de "L'Église qui se souvient". Mouvement qui, il me semble, peut nous apprendre beaucoup sur la Conversion Ecclésiale, spécialement dans les sociétés post-chrétiennes auxquelles la plupart d'entre nous appartenons aujourd'hui dans le monde occidental.

Plus tard, réfléchissant sur mon expérience de cette soirée et après avoir parcouru de la littérature associée à ce Mouvement de "L'Église qui se souvient", je me suis rendu compte de deux choses:

  1. Pour qu'un Catholique revienne à l'Église aujourd'hui après une absence prolongée, il ne peut suffire de quelques instants passés à la sauvette avec un prêtre dans le recoin sombre d'un confessionnal. Cette manière de faire ne peut rendre justice au processus lui-même ni à l'espèce d'Église à laquelle nous voulons inviter les gens à revenir.

2.A la lumière de ce que j'ai entendu cette nuit-là et que j'ai découvert plus tard au cours de discussions avec les organisateurs de ces sessions, j'en suis venu à penser qu'il faut distinguer soigneusement entre les diverses espèces d'"aliénation" que l'on rencontre aujourd'hui quand on cherche à revenir à une participation active.

Grosso modo, il est possible de distinguer trois genres d'aliénation:

  1. Aliénation des assoupis

Il y des gens qui ont peut-être grandi dans des familles Catholiques, ont fréquenté des écoles Catholiques, mais qui n'ont jamais réellement entendu la première proclamation de l'Évangile. Il est difficile de dire qu'ils se sont "distanciés" d'un Dieu qu'ils n'ont pas encore découvert. Ils sont dans l'attente d'une première écoute de l'évangile. Ils portent peut-être sur eux une "carte" de membre de l'Église, mais n'ont jamais découvert ce que signifie être membre. Ce n'est donc pas que beaucoup de jeunes auraient quitté l'Église, en réalité ils n'en ont jamais fait partie. En conséquence, ce qu'ils cherchent, c'est qu'on leur explique pour de bon ce que signifie être un Chrétien adulte.

B) Véritable aliénation

C'est celle de gens qui autrefois ont appartenu à l'Église, mais l'ont quittée délibérément. Ils recherchent le pardon, la réconciliation, la paix, la force et la guérison.

C) Aliénation prophétique.

Ce groupe prétend que c'est l'Église, c'est-à-dire la Communauté Chrétienne locale qui les a lâchés. Cette aliénation peut, de nos jours, se baser sur un désaccord avec l'enseignement de l'Église, spécialement en ce qui concerne la morale, en ce qui concerne la manière d'exercer l'autorité, un manque de respect pour les groupes minoritaires, etc.

3. Le processus d'"accompagnement" des gens qui désirent explorer le chemin d'un "retour à l'Église" est coûteux - cela prend du temps, beaucoup de diplomatie, une capacité de discernement. Et bien sûr, les meilleurs accompagnateurs sont ceux qui sont passés par les mêmes problèmes et sont revenus à l'Église. Ils comprendront mieux d'où viennent ces gens et les étapes du retour à la maison. J'ai entendu dire que nous aurions beaucoup à apprendre des groupes d'AA avant de pouvoir inaugurer le processus de retour.

4. Le modèle d'Église que nous proposons, spécialement s'agissant de l'Église en tant que Communauté, jouera évidemment un rôle primordial dans le genre de processus de "conversion" que nous planifierons vraisemblablement. Et bien sûr, tout cela suppose qu'une équipe de missionnaires en paroisse possède les talents qui aideront les ministres -prêtres et laïcs- à approfondir la qualité de la communauté chrétienne dans une paroisse locale. Vincent de Paul s'est aperçu au 17ème siècle que, si l'on voulait que les missions paroissiales ne soient pas un feu de paille, mais qu'elles aient un "suivi", il lui fallait, à son époque, se préoccuper du renouvellement des structures paroissiales et des gens, hommes et femmes, servant dans ces paroisses. C'est une des raisons pour lesquelles le travail des Missions Paroissiales est si effrayant de nos jours, à une époque spécialement où l'Église se pose tellement de questions sur la nature du ministère sacerdotal et celle du ministère des laïcs.

5. Une chose centrale dans l'organisation d'une processus de "retour" à l'Église, c'est la prise de conscience du fait que nous sommes tous des pénitents à la recherche d'un pardon. Une prise de conscience chez tous de ce que signifie être pécheur et "être pardonné" est au centre de notre identité chrétienne. Comment amener une communauté paroissiale à se réjouir d'être une "communauté réconciliée" et à cultiver un désir passionné de communiquer cette expérience aux autres, tout cela fait partie du cœur de la conversion ecclésiale.

Questions à discuter

1)Donner un exemple d'une expérience de conversion ou d'une "nouvelle prise de conscience" que quelqu'un a récemment échangée avec vous.

2)Dans votre prédication/échanges sur les missions paroissiales, quel est votre paradigme scripturaire préféré de la conversion?

3)Dans votre Pays, quels sont les points forts et les points faibles dans la façon dont l'église catholique communique aujourd'hui son message moral a nos contemporains?

4)Pensez-vous que la théorie de l'option fondamentale ait quelque influence sur votre manière de prêcher la conversion dans le contexte des missions paroissiales aujourd'hui?

5)La conversion ecclésiale: quelle espèce d'église proposeriez-vous a ceux que vous invitez a rentrer au bercail?