A la recherche de la vérité. Le cas de Mgr. Gerardi

À la recherche de la vérité.

Le cas de Mgr Gerardi

Entrevue avec Mgr Mario Rios, C.M.

Evêque auxiliaire de la Ville Guatemala

Nous sommes au seuil d'un important événement ecclésial, le synode des évêques, qui a pour thème: «L'Evêque, serviteur de l'Évangile de Jésus-Christ pour l'espérance du monde».

Nous voulons mettre ce fait en valeur dans Vincentiana, en relevant le travail de nos confrères Evêques dans le monde.

Nous savons que vous avez accompli un important travail au Guatemala dans une situation sociale et politique particulière, ressemblant fort à celle des autres pays d'Amérique latine. De fait, l'acte le plus saillant de ces dernières années a été l'assassinat de Mgr Jean-Joseph Gerardi Conedera, le 26 avril 1998, à l'entrée de sa résidence dans la paroisse de Saint Sébastien (Guatemala Ciudad). Maintenant vous lui succédez au titre de Coordinateur de l'Office des Droits de l'homme et du Bureau de «Pastorale sociale» (Aide Sociale diocésaine).

1. Veuillez faire, s'il vous plaît, pour les lecteurs de Vincentiana, un bref résumé du cas de Mgr Gerardi, depuis son engagement dans la défense des droits de l'homme jusqu'à sa mort violente et à la sentence qui fut prononcée récemment.

Mgr Gerardi était évêque de Vera Paz; ensuite il fut muté au diocèse de Quiché; et il fut finalement évêque auxiliaire de l'archidiocèse. Ce qui le caractérisait, c'était la pastorale indigène et la défense des Droits de l'Homme. Lui, il apprit à lire grâce aux soins des Filles de la Charité, à l'école «Santa Maria»de Guatemala Ville. C'est pourquoi il me semble tout à fait normal qu'il se soit consacré aux plus pauvres et aux exclus: les indigènes.

Etant évêque auxiliaire de Guatemala, il créa et coordonna les bureaux de Pastorale Sociale et des Droits de l'Homme dans l'Archidiocèse de Guatemala. En ce lieu, son travail le plus remarquable fut la création du REMHI (projet interdiocésain de la Récupération de la Mémoire Historique), qui contient une dure critique des abus de l'armée de Guatemala dans le conflit armé durant lequel fut appliquée la doctrine de la «Sécurité Nationale». Le REMHI fut présenté à la cathédrale de la Ville de Guatemala le 24 avril 1998. Cinquante heures après, il est assassiné brutalement à l'entrée de sa propre maison, qui touche à l'église de Saint Sébastien, à Guatemala (Ville).

De toute évidence, il s'agit d'un crime politique, le type classique de «l'Exécution extrajudiciaire», où les trois coauteurs et leurs complices ont été condamnés respectivement à 30 et 20 ans de prison.

La sentence n'est pas encore définitive, mais elle est très significative pour démontrer au Guatemala et au monde entier qu'il y a un espoir d'obtenir un Guatemala différent où nous n'aurons jamais plus à déplorer des faits comme celui-ci.

2. Comment en est-on arrivé à cette sentence, sans précédent dans l'histoire de Guatemala?

Par le travail et l'effort des juges, du Fisc Spécial et de son équipe, par les coopérateurs de l'archevêché de Guatemala, et grâce à l'appui des autres églises, des peuples amis et de diverses Organisations Non Gouvernementales.

3. Quel a été pour vous le moment le plus difficile dans tout ce procès?

C'est quand il a fallu exhumer les restes de Mgr Gerardi, pour que les experts proposés par la ODHAG (Office des Droits de l'Homme de l'Archevêché de Guatemala) fassent l'enquête appropriée et vérifient qu'il ne s'agissait pas d'un «crime commun», mais d'un «crime politique»; c'est-à-dire d'une exécution extrajudiciaire, effectuée par des personnes du Gouvernement au prix d'une préparation minutieuse, d'une exécution adéquate et d'un art précis de la masquer, qui rendent presque impossible la découverte de la vérité. Je continue à croire, pourtant, que le crime parfait n'existe pas encore!

4. Quel a été le rôle de Mgr Mario Rios, après l'assassinat de Mgr Gerardi?

Ce ne fut pas facile de poursuivre la tâche commencée par Mgr Gerardi. En plus de sa fonction de Vicaire Général, de Vicaire Pastoral, de Curé de Saint Sébastien et de Recteur de l'église de Sainte Catherine, il coordonnait les Bureaux de Pastorale Sociale et des Droits de l'Homme de l'archevêché de Guatemala; il accompagnait spécialement le Service Légal qui a essayé de faire la vérité dans le crime commis contre Mgr Gerardi.

5. À votre avis, quelle est la mission de l'évêque face à la violation des droits de l'homme?

Arriver à connaître à fond la réalité locale pour faire face aux défis qu'elle présente; s'efforcer de former et d'accompagner les personnes qui collaborent à faire connaître, à promouvoir, à défendre et à revendiquer les droits de l'homme.

6. D'après vous, quelle est la mission de «l'évêque vincentien» dans la réalité du monde d'aujourd'hui, spécialement celui des pauvres?

Peu importe son appartenance à une Congrégation ou à une autre, même si la formation reçue et le milieu où il vit le conditionnent, sa mission est d'établir les priorités pour son travail pastoral, de se mettre entre les mains de Dieu et d'être sûr que c'est Lui le Maître de l'histoire.

7. Pourriez-vous communiquer aux confrères et aux laïcs qui lisent Vincentiana quelque chose de la réflexion personnelle que vous avez faite de cet événement : la mort de Mgr Gerardi?

Si le Seigneur nous a appelés, nous devons renouveler notre réponse tous les jours, jusqu'à la fin, sous la forme qui lui plaira. Personne ne connaît les chemins de Dieu. C'est Lui qui nous conduit à travers les personnes et les événements. C'est Lui qui nous donne la grâce et le courage nécessaires pour faire face aux contrariétés. Avec l'aide de cette grâce, nous devons agir en tout avec esprit de suite.

(Curie Générale de la C.M. - Rome, le 20 juin 2001)