Associer des groupes et des personnes à la Congrégation de la Mission

Associer des groupes et des personnes

à la Congrégation de la Mission

I. Etat de la question

Au cours de son Assemblée Provinciale, tenue les 20-24 octobre 1997, la Province de Toulouse a adressé un postulat à l'Assemblée Générale de 1998 et un autre au Supérieur Général. Les deux postulats demandaient que l'on réfléchisse sur le moyen d'établir un lien juridique entre des diacres mariés et la Congrégation de la Mission.

L'Assemblée Générale ne s'est pas occupée de la substance de cette question. Elle a préféré la transmettre au Supérieur Général et à son Conseil, leur laissant toute liberté d'action en la matière. Les membres du Conseil s'y étant beaucoup intéressés, nous avons décidé de poursuivre l'étude. Ces derniers mois nous avons discuté de ce thème au cours de quatre longues réunions du Conseil, tout en consultant des canonistes, des confrères, des supérieurs généraux, douze communautés religieuses , et des membres de deux Dicastères du Saint Siège.

Il est vite devenu évident qu'il s'agit d'une question bien plus vaste que la possibilité du rattachement de quelques diacres mariés à la Congrégation de la Mission. Nous recevons fréquemment des requêtes en vue de l'établissement d'un lien de quelque sorte avec la Congrégation de la Mission, provenant de nombreux groupes et personnes laïques, hommes et femmes, ayant une histoire et des intérêts divers. Cette étude traitera de la question, plus vaste, de l'association de divers groupes et personnes avec la Congrégation de la Mission; dans ce contexte, elle répondra en même temps aux postulats de la Province de Toulouse.

En fait, la Congrégation de la Mission a déjà derrière elle une longue histoire de formes variées de lien avec beaucoup de groupes : les Filles de la Charité, les Dames de la Charité, l'Association de la Médaille Miraculeuse, la Jeunesse Mariale Vincentienne, etc. Les modèles juridiques utilisés dans le passé dans nos rapports avec ces groupes peuvent fournir un éclairage en vue de possibilités futures.

Les réflexions suivantes ne sont pas d'ordre purement juridique, pas plus qu'elles ne sont uniquement théoriques. Tous ceux qui ont été consultés attestent qu'il est important de tirer leçon de la pratique contemporaine et qu'il existe aujourd'hui beaucoup de fluidité en ce qui concerne cette question. Cette étude présente, donc, des normes et des suggestions glanées dans l'expérience courante au sein de l'Eglise.

II. Quelques présupposés

1.Ce document ne traite pas de l'“affiliation”, utilisée dans la Congrégation comme un moyen d'exprimer notre reconnaissance à l'égard de certaines personnes ou de certains groupes, et de les assurer de notre union spirituelle avec eux. L'“affiliation” ne crée aucun lien juridique entre la Congrégation de la Mission et d'autres groupes ou personnes. Au cours des dernières années nous avons “affilié” beaucoup de personnes individuellement, quelques couples mariés et un certain nombre de groupes (par exemple, 14 congrégations de Sœurs de la Miséricorde de St Vincent de Paul).

2.Le nouveau Code comporte une section bien développée sur “les Associations de Fidèles” (Canons 298-329) et d'autres canons traitant de l'union des associations à des Instituts de Vie Consacrée et à des Sociétés de Vie Apostolique. Parmi les canons les plus importants qui ont influé sur le thème de ce document sont les canons 303, 311, 677, 725.

3.Ces canons démontrent avec évidence que des groupes et des personnes individuelles peuvent être associés à une congrégation par quelque forme de lien (voir Canons 677 § 2 et 725). La loi parle d'associations “aliquo modo unitis” (Canon 311) et également de personnes et d'associations unies à nous “aliquo vinculo determinato” (Canon 725).

4.Alors que des liens juridiques avec la Congrégation de la Mission, habituellement à travers un lien avec le Supérieur Général, ont une place importante dans le fonctionnement de beaucoup de groupes, ces liens ne sont pas essentiels à l'acquisition d'une “identité vincentienne”. La Société de Saint-Vincent de Paul, par exemple, n'a pas de tels liens; pas plus que l'actuelle Association Internationale des Charités (AIC).

5.Ce qui suit touche principalement l'association de groupes avec la Congrégation de la Mission. C'est applicable, toutefois, à l'association d'individus, mutatis mutandis.

6.Cette étude traite de l'association de nouveaux groupes avec la Congrégation de la Mission. Il est, bien sûr, très important que les relations entre la Congrégation de la Mission et les groupes existant déjà à l'intérieur de la Famille Vincentienne soient continuellement renforcés. Dans les dernières années un sens renouvelé de la “famille” s'est développé chez nous, qui a abouti à la création de liens personnels plus étroits, de prière en commun, de réunions fréquentes, de planification en coopération, et de projets en collaboration au service des pauvres. Il est crucial pour la vitalité du charisme de saint Vincent que l'on renforce les liens communs qui unissent les divers groupes de notre famille, tout en préservant leurs charismes distinctifs.

III. Quelques racines théologiques

Le vingtième siècle a assisté à une nouvelle émergence du laïcat dans l'Eglise. Trois développements théologiques ont joué un rôle crucial en la matière :

a.La réflexion sur l'Eglise en tant que “peuple de Dieu” a souligné la coresponsabilité de tous ses membres en ce qui concerne la vie et la vitalité de l'Eglise.

b.Dans ce contexte, on a noté une plus grande insistance sur l'appel universel à la sainteté.

c.De la même manière, depuis qu'il a été reconnu que la mission n'est pas seulement une activité de l'Eglise mais fait partie de son essence même, la théologie contemporaine a placé l'accent sur l'implication de chaque Chrétien dans la mission de l'Eglise .

De nombreux documents conciliaires et post-conciliaires ont traité de ces trois thèmes.

En fait, au cours de toute l'histoire de l'Eglise, les groupes de laïcs et les instituts religieux ont eu une profonde influence les uns sur les autres. Les premières formes de vie religieuse sont nées du désir de laïcs de vivre le Christianisme dans sa radicalité. La vie érémitique, la vie monastique, et la vie des ordres mendiants ont toutes eu des racines laïques significatives.

D'autre part, la vie religieuse a donné naissance a de nombreux groupes laïcs, depuis les antiques Tiers Ordres jusqu'aux nombreuses associations apostoliques et missionnaires laïques contemporaines. Il y a eu divers modèles de liens entre des associations de laïcs et diverses familles religieuses. Par exemple :

a.Les instituts les plus anciens, masculins ou féminins, ont souvent fondé des Tiers Ordres laïcs approuvés par l'Eglise. Leurs membres devinrent très nombreux. Ces groupes portaient leur attention particulièrement sur la spiritualité des fondateurs des instituts. Les plus célèbres parmi eux furent les Franciscains et les Carmes.

b.Des instituts dont le but est la mission ad gentes ont, spécialement au cours de ces dernières années, souvent fondé des associations laïques qui collaborent avec eux dans les pays de mission. Ces instituts offrent aux missionnaires laïcs un programme de formation avant de les envoyer et une temps de service dans un pays étranger. Les missionnaires laïcs travaillent en relation étroite avec la communauté ou s'y voient même insérés; ils se mettent d'accord sur un certain nombre de normes bien définies (même un contrat) qui gouvernent leur vie, leur mission et leurs besoins matériels. On peut signaler en particulier les groupes de volontaires laïcs de Maryknoll. MISEVI (Misioneros Seglares Vicentinos) est un autre exemple.

c.Des Instituts enseignants ou d'autres communautés ayant des buts apostoliques bien définis, comme les soins de santé, ont formé des associations de collaborateurs laïcs qui partagent la vision, la spiritualité et le charisme du fondateur; ils participent également au travail apostolique particulier de l'institut. Les Jésuites, par exemple, ont une grande association d'anciens élèves de leurs écoles.

d.Des instituts apostoliques internationaux ayant de nombreux “parents” (groupes vivant dans l'esprit du même fondateur) ont souligné un sens de “famille”. Les membres de la famille partagent la spiritualité du fondateur, participent à une vision apostolique similaire, se rejoignent dans des projets missionnaires concrets, et développent des types de formation en commun et un soutien mutuel. Parmi ceux-ci, en plus de notre Famille Vincentienne, on compte les Oblats de Marie Immaculée et les Pallotins.

e.Un cinquième groupe d'instituts ont, dans la ligne de leur charisme, une longue histoire de formation laïque et de collaboration avec des groupes de laïcs. Les Salésiens en sont peut-être le modèle le plus frappant: ils établirent des liens étroits avec des laïcs associés dès l'époque de Don Bosco. Celui-ci entreprit même de composer une règle à leur intention.

f.De nos jours, il existe de “nouvelles fondations” , composées parfois de clercs et de laïcs, d'hommes et de femmes, de couples mariés et de célibataires. Ces groupes ont une grande variété de formes juridiques. Leur engagement dans la vie évangélique revêt différentes formes et est généralement caractérisé par une forte insistance sur la communauté, la prière, et la simplicité de vie. Les membres, y compris les couples mariés, se voient éventuellement offrir la possibilité de prononcer les vœux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance sous des formes adaptées à leur état de vie. Parfois, d'autres vœux sont proposés. Des exemples de ces nouvelles fondations sont le Verbum Dei fondé en Espagne en 1969, la Communauté des Béatitudes fondée en France en 1973, et l'Oasi della Pace fondé en Italie en 1985.

IV. Lignes de convergences

Si l'on examine les diverses formes de liens existant entre les associations laïques et les instituts religieux ou les Sociétés de Vie Apostolique, on découvre un certain nombre de lignes de convergence.

1.Des études variées attestent que les jeunes, en s'associant à un institut, cherchent en particulier trois choses :

a.La Spiritualité. Ils sont assoiffés d'une vision du monde qui ait un sens, soit globale et vivifiante.

b.Un sentiment d'appartenance. Ils désirent faire face aux défis du futur avec les autres. Cette dimension communautaire se manifeste de diverses manières dans la relation entre les associations laïques et les instituts religieux. Parfois cela s'exprime par un travail d'équipe, dans lequel les membres de l'association de laïcs travaillent côte à côte avec les membres de l'institut. D'autre fois, cela prend la forme de réunions régulières, de prière ensemble, de repas partagés de temps à autre, ou même d'une vie commune.

c.Une mission apostolique bien définie. Ils sont à la recherche d'une mission impliquant une réponse concrète aux plus urgents besoins de l'être humain.

2.Le charisme particulier de l'institut joue un rôle crucial dans toute forme de lien. Parfois, divers aspects du charisme sont mis au premier plan; par exemple, la spiritualité du fondateur, son approche missionnaire, le style de vie qu'il a proposé, etc. Par exemple, dans la relation entre l'association laïque et l'institut missionnaire, on insistera sur la collaboration dans les oeuvres missionnaires. Les instituts contemplatifs et leurs associés laïcs mettront l'accent davantage sur la prière. Les ordres mendiants et leurs Tiers Ordres seront plus soucieux du style de vie. Les groupes associés aux Jésuites ont souvent mis l'accent sur les Exercices Ignatiens et sur leur méthode de discernement.

3.Aujourd'hui on insiste particulièrement sur les familles, dont les différentes branches — masculine et féminine, laïque et religieuse — se complètent l'une l'autre, en soulignant l'importance de la spiritualité, de la communion, et de la coopération mutuelle dans des projets concrets. Notre Assemblée Générale de 1998 a beaucoup insisté sur ce thème. Les Pallotins, qui ont tenu leur chapitre peu après le nôtre, se sont arrêtés sur le même point.

4.Le caractère laïc de la plupart de ces associations est continuellement réaffirmé aujourd'hui. Il est essentiel que les associations laïques ne soient pas “cléricalisées” ou dominées par l'institut religieux. Alors que les membres laïcs cherchent à partager le charisme du fondateur religieux, il est très important que la spiritualité et les intuitions du fondateur soient traduites en formes applicables à la vie d'un laïc.

5.On insiste beaucoup, à partir de l'expérience, sur la nécessité de respecter l'autonomie à la fois de l'association laïque et de l'institut religieux. Chacun des deux a ses propres statuts, ses propres responsables, son processus propre de décision, etc.

6.Tout le monde souligne que les questions économiques doivent être traitées clairement dans les statuts de l'association laïque et dans tous les documents qui définissent le genre de lien existant entre l'association et l'institut religieux.

7.La formation et l'admission des associés doit être un processus sérieux. Il devrait donc y avoir une période de formation soigneusement désignée et une sorte de demande officielle d'admission qui serait évaluée et approuvée par quelque personne ou groupe. Dans le cas de personnes mariées, le consentement du conjoint est absolument nécessaire. Si des contrats sont impliqués, ils devraient préciser clairement des questions comme la durée du service de la personne, les arrangements économiques, etc.

8.La structure des associations, en matière d'organisation, est très variée. Elle est parfois limitée à un lieu déterminé, parfois à un pays, parfois elle est internationale.

9.Un statut (ou une règle) est éventuellement formulé, décrivant les buts, la spiritualité, le processus d'admission, les engagements des membres, les types d'apostolat et la structure organisationnelle de ces groupes. Beaucoup parmi les groupes associés aux Salésiens, aux Pallotins, aux Oblats de Marie Immaculée, aux Spiritains, à la Société de Saint Paul (Paolini) et à la Société des Missionnaires d'Afrique (SMA) ont des statuts déjà approuvés ou en voie d'approbation.

V. Quelques principes

pour lier des groupes ou des personnes

à la Congrégation de la Mission

On peut envisager trois cas : a) unir “aliquo vinculo determinato” à la Congrégation de la Mission une association déjà existante ; b) créer une association puis l'unir à la Congrégation de la Mission; c) relier une ou plusieurs personnes individuelles à la Congrégation de la Mission, “aliquo vinculo determinato”.

1.Dans ces trois cas, il est important de vérifier que l'association ou la personne a :

a.une spiritualité vincentienne bien définie;

b.une mission aux pauvres clairement définie, que ce soit sous forme d'un service direct ou sous une autre forme d'assistance matérielle ou spirituelle;

c.Certains moyens bien définis de soutien mutuel, par la prière, des réunions, le travail d'équipe et d'autres échanges sociaux;

d.un point d'appui local (par exemple, un conseiller vincentien local, ou une relation avec un centre dans une maison ou à proximité d'une maison des Filles de la Charité ou de la Congrégation de la Mission, etc.);

e.la possibilité de choisir entre divers genres de participation, par exemple à temps partiel ou à temps plein, en tant que célibataire ou en tant que personne mariée;

f.une claire compréhension de la distinction entre le fait d'être membre de l'association et le fait d'être membre de la Congrégation de la Mission, chaque groupe ayant sa propre identité juridique;

g.des normes claires en ce qui concerne le maintien financier (par exemple, en définissant la manière dont les fonds nécessaires sont collectés).

2.Les membres de ces associations, ou les personnes individuelles, pourraient prendre des engagements de base :

a.au service des pauvres (par exemple, un certain temps par semaine);

b.à la prière personnelle quotidienne, et peut-être à certains temps de prière bien définis, ensemble avec les autres membres du groupe;

c.à des réunions de soutien mutuel, à une formation permanente, à des prises de décision en ce qui concerne le travail pour les pauvres.

3.D'autres engagements optionnels pourraient être encouragés, si les personnes individuelles le désirent (par exemple, un voeu privé de service des pauvres, un voeu privé de chasteté, etc.). De tels voeux privés pourraient être pour un an et le candidat pourrait en être dispensé par son confesseur.

4.Il est possible également d'envisager, spécialement pour les jeunes, des engagements temporaires à quelque forme de vie commune.

VI. Formulation des statuts.

1.Finalement une Association formule des statuts qui sont approuvés par quelque autorité au sein de l'Eglise, selon les termes proposés par les Canons 303 et 312. Dans des Associations spécifiquement Vincentiennes, cette autorité est, au point de départ, le Visiteur, pour sa propre province, et au terme le Supérieur Général.

2.Les membres d'une association ne sont en aucune manière juridiquement “membres” de la Congrégation de la Mission. Il doit exister, toutefois, des liens étroits entre les membres de la Congrégation de la Mission et ceux de l'Association. Les Vincentiens pourraient assister l'Association :

* en aidant à la formation initiale et permanente des membres;

*en offrant des conseils lors de leurs réunions;

*en fournissant des occasions de service dans le contexte de nos oeuvres;

*en priant avec les membres de l'Association;

*en partageant d'autres moments de la vie avec eux.

VII. Mettre ces réflexions en pratique.

1.Beaucoup dépendra de la créativité et du travail de ceux qui sont engagés dans le dialogue initial concernant cette question (par exemple, un confrère particulier avec le groupe de laïcs qui désire être associé à la Congrégation de la Mission). Beaucoup de Supérieurs Généraux affirment que les gens expriment souvent le désir d'une certaine forme d'union, mais fréquemment ce désir reste vague et rien ne se passe parce que personne ne s'est mis au travail sur la question avec persévérance et sens du concret.

Saint Vincent nous offre un bel exemple de persévérance et de sens du concret en tout cela. Il a rédigé soigneusement les statuts des confréries de charité qu'il avait fondées. Au bout d'un travail patient il a obtenu l'approbation des règles plutôt révolutionnaires de la Compagnie des Filles de la Charité.

2.La première chose à faire, c'est de s'asseoir avec la personne ou le groupe de personnes qui expriment le désir d'une sorte de lien avec la Congrégation de la Mission et de poser la question : que recherchez-vous précisément ? Désirez-vous être unis à nous dans notre apostolat? Dans notre prière? A travers une certaine participation à quelques aspects de notre vie de communauté? S'il en est ainsi, lesquels? Avec quelle fréquence? etc.

Tout cela devrait être mis par écrit très clairement et dans les détails. Quel que soit le résultat final, on doit avoir comme point de départ les désirs réels des gens qui veulent entrer dans quelque forme de lien avec notre Congrégation.

3.Il est important, dès le début du dialogue, d'éviter la confusion de deux réalités distinctes: a) l'association (ou la personne) qui est liée “aliquo vinculo determinato” à la Congrégation de la Mission, et b) la Congrégation de la Mission elle-même.

4.Toutes les responsabilités financières doivent être clairement décrites par écrit. Les associations laïques doivent avoir leur manière propre de financer leurs activités. La Congrégation de la Mission ne doit pas être considérée comme responsable de leurs finances ni garante légale pour les actes de leurs membres ou les familles de leurs membres.

5.Il est possible de trouver, dans les statuts du MISEVI , un bon exemple récent de la manière dont les quatre mesures indiquées ci-dessus peuvent être appliquées. Cette association, qui fournit l'occasion aux missionnaires laïcs vincentiens (célibataires ou mariés) de travailler dans divers pays pendant un certain nombre d'années, possède des statuts approuvés, après un long dialogue, le 5 juillet 1997. Elle fonctionne maintenant effectivement, avec une spiritualité clairement vincentienne et des liens bien définis avec la Famille Vincentienne.

6.Parmi les possibilités qui ont été, de temps à autre, mentionnées, on trouve celle selon laquelle un associé laïc vincentien ferait des voeux; par exemple, un voeu de service des pauvres. Si l'on examine cette éventualité dans le cas d'un groupe ou d'un individu, il semble alors préférable de parler de voeu privé. Il faudrait prévoir une description concrète de ce qu'implique un tel voeu, sa durée, et comment il peut être dispensé.

7.Une des manières d'établir un lien entre des associations et la Congrégation de la Mission, sans danger de confusion entre les deux entités, a été de passer par le Supérieur Général, qui a servi de Directeur Général de l'association. C'est le modèle déjà utilisé par de nombreux groupes; par exemple, les Dames de la Charité des origines (bien que le statut juridique de l'AIC soit désormais différent), l'Association de la Médaille Miraculeuse, la Jeunesse Mariale Vincentienne, le MISEVI, etc. De façon analogue, saint Vincent et sainte Louise firent usage d'une formule similaire pour lier les Filles de la Charité et la Congrégation de la Mission, deux sociétés de vie apostolique, comme des membres d'une famille ayant de nombreux points communs.

VIII. Le lien de diacres permanents mariés

à la Congrégation de la Mission

Bien des points soulevés plus haut permettent d'éclairer le postulat adressé par la Province de Toulouse au Supérieur Général lui demandant de lancer une étude pour voir ce qui pourrait être fait pour unir, par quelque lien juridique, des diacres mariés à la Congrégation de la Mission.

Les demandes dans ce sens ont été jusqu'à aujourd'hui relativement rares, mais elles pourraient se multiplier à l'avenir. Quand un missionnaire se trouve recevoir une telle demande, il convient de suivre les étapes suivantes :

1.Il doit commencer par entrer en dialogue avec le diacre ou le groupe de diacres à l'origine de la demande et leur poser des questions du genre de celles décrites dans la section précédente (cf. VII, 2). Les résultats de cette conversation doivent être notés par écrit. Sans un soigneux dialogue dans le but de discerner précisément ce que le diacre marié (ou le groupe) en question désire, la démarche n'aboutira à rien.

2.Une fois qu'une déclaration claire a été rédigée exprimant ce que le diacre marié désire en matière de lien avec la Congrégation, elle devra être présentée à l'autorité légitime; par exemple, au Visiteur et peut-être plus tard au Supérieur Général, pour que soit formulé un statut décrivant le genre de rattachement recherché, et qu'y soient précisés les droits et responsabilités mutuels du diacre marié et de la Congrégation de la Mission. Même si un diacre marié n'était pas incorporé en tant que membre de la Congrégation de la Mission, d'autres formes de lien restent tout à fait possibles. Pour qu'il y ait incorporation, les voeux de la Congrégation sont nécessaires (C. 57), ainsi qu'un engagement dans la vie communautaire (C. 21).

3.Les diacres permanents étant incardinés dans un diocèse, les responsabilités mutuelles de l'évêque, dans le diocèse duquel ils sont incardinés, et de la Congrégation de la Mission, avec laquelle ils recherchent quelque forme de lien, doivent être absolument clairs.

4.Comme il a été mentionné plus haut (IV, 7), le consentement — et de préférence l'encouragement et le soutien — de l'épouse du diacre est une condition requise.

5.En ce qui concerne le lien de diacres individuels, il faudrait établir un contrat clair décrivant les droits et les obligations du diacre et ceux de la Congrégation de la Mission, ainsi que la durée de l'accord. Un contrat de ce genre pourrait toucher aux précisions concernant la formation, l'apostolat, la prière, le soutien mutuel, les réunions, les relations à l'autorité et des questions économiques.

6.Si le nombre de diacres mariés recherchant une sorte de lien devait croître de façon significative, on pourrait songer à créer une association ayant un statut international qui pourrait valoir pour différents pays. Un tel statut pourrait être développé à partir de l'expérience de liens existant actuellement depuis plusieurs années dans divers pays

IX. Possibilités futures

Saint Vincent était à la fois un esprit créatif et bien organisé, capable de mobiliser les énergies de beaucoup de gens et de groupes au service des pauvres. Au moment de clore cette étude, j'encourage les membres de la Famille Vincentienne à prendre exemple d'une telle inventivité.

Plus loin, je suggère quelques possibilités. Il y en a sûrement beaucoup d'autres que des lecteurs pourraient envisager.

1.Des milliers de laïcs, hommes et femmes, travaillent aux côtés des Lazaristes et des Filles de la Charité dans des oeuvres éducatives ouvertes aux étudiants de tous âges, depuis les enfants d'âge pré-scolaire jusqu'à l'université. Récemment de nombreux documents ont atterri sur mon bureau concernant ces personnes et ces institutions. En octobre 1997, une réunion tenue à Curitiba au Brésil s'est arrêtée sur ce thème: “Educadores Vicentinos No Contexto Mundial”. En 1997, Soeur Louise Sullivan, Fille de la Charité, publia un ouvrage intitulé “ The Core Values of Vincentian Education”. Les confrères du Collège Saint Stanislas de Bathurst, Australie, ont composé en 1996 un document intitulé “Vincentian Philosophy of Secondary Education”. Les Lazaristes et les Filles de la Charité d'Espagne ont fait circuler une brochure portant le titre “Propuesta Educativa de los Centros Educativos Vicencianos”. Nos universités vincentiennes possèdent également des documents décrivant la signification de la prise en charge par la Congrégation de ces institutions. Ne pourrait-on pas former une association à l'intention de nos collaborateurs dans le domaine de l'éducation, leur offrant une spiritualité vincentienne, des buts apostoliques, des formes de prière, etc.?

2.Quantité de laïcs, hommes et femmes, comprenant de nombreux médecins et infirmières, travaillent aux côtés des Filles de la Charité dans des institutions de santé. Beaucoup parmi ces institutions ont écrit d'éloquentes déclarations sur leur mission vincentienne. Ces mêmes institutions luttent souvent pour rester fidèles à cette mission à une époque où la législation sur les soins de santé augmente le danger des procédures hospitalières bureaucratiques et dépersonnalisées. Ne serait-il pas possible d'envisager l'existence d'un groupe d'“Associés Vincentiens des Soins de Santé” qui regarderaient les pauvres malades avec les yeux de saint Vincent, les aimeraient avec son coeur, les serviraient animés de son esprit?

3.MISEVI, mentionné plus haut (VII, 5) fournit un modèle valable d'organisme qui envoie des volontaires (hommes et femmes, célibataires et mariés) dans les pays de mission étrangère. Ses statuts ont été approuvés pour l'Espagne. D'autres pays ne pourraient-ils pas adopter des statuts similaires et fournir aux laïcs, hommes et femmes, l'occasion de servir, dans l'esprit de saint Vincent, pour une durée de trois à cinq ans dans un pays de mission?

4.Dans divers pays, la Congrégation de la Mission a des centres de formation pour les responsables laïcs (par exemple, le Centre Hector Gallego à Volcán, au Panama, où un grand nombre de responsables pastoraux sont formés). Ils sont souvent les principaux agents pastoraux des villages ou des les Communautés Chrétiennes de Base. Ces responsables n'ont parfois aucun lien formel avec un diocèse ou avec quelque groupe que ce soit. Ne pourrait-on pas fonder une association appelée “Agents Pastoraux Vincentiens” qui offrirait à ces laïcs, hommes et femmes, une spiritualité vincentienne, des perspectives pastorales, etc.?

5.Dans certains pays, aussi bien dans le passé qu'actuellement, des laïcs, hommes et femmes, vivent dans nos maisons pendant un certain temps, parfois même durant toute leur vie, et offrent un service généreux sans aspirer à devenir formellement “membres” de la Congrégation de la Mission ou des Filles de la Charité. On les a appelés de divers noms (par exemple, los donados en Espagne). Récemment j'ai reçu une lettre d'Inde demandant si un groupe de femmes de ce genre pourraient être formellement relié aux Filles de la Charité. Serait-il possible de formuler une sorte de statut pour de telles personnes?

6.Assez fréquemment, un célibataire, un couple marié se présentent et disent qu'ils seraient très désireux de donner une part significative de leur temps, ou même tout leur temps, au service des pauvres. Serait-il possible de formuler un statut appelé “Associés Vincentiens”, qui indiquerait mutatis mutandis selon les pays, ce qui pourrait être proposé à de telles personnes individuelles ou à des couples et ce qu'on pourrait attendre d'eux? Le statut pourrait, finalement, être rédigé sous forme de contrat avec cette personne ou ce couple.

7.De nos jours des laïcs, hommes et femmes, célibataires et mariés, coopèrent souvent avec nous dans les missions populaires. Serait-il possible de lier de façon plus formelle ces personnes à la Congrégation de la Mission en leur offrant la possibilité de partager plus pleinement notre spiritualité?

8.Il arrive que des employés, des élèves de nos écoles, d'anciens séminaristes restent étroitement unis à la Congrégation et expriment le désir d'avoir des relations plus étroits. Y aurait-il une possibilité de leur offrir une forme de lien?

Bien sûr, lorsqu'on soulève la question de possibilités comme celles que je viens de mentionner, on pourrait immédiatement imaginer les problèmes que cela peut poser. La loi civile, aujourd'hui, crée souvent des complications, particulièrement dans le domaine des responsabilités. Cela rend indispensable la rédaction soigneuse de statuts et l'obtention d'un avis légal autorisé, pour que la Congrégation et ceux qui y sont reliés soient convenablement protégés par la loi civile.

Le problème du financement de la vie et de la mission des associés laïcs est certainement aussi une question très délicate à considérer.

Tous ces problèmes pourraient nous décourager au début, mais il est bon de penser que saint Vincent a fait face aux mêmes difficultés. A son époque, les obstacles canoniques auraient pu sembler presque insurmontables lorsqu'il essaya de faire de la Compagnie des Filles de la Charité une société apostolique, surtout du fait que son ami François de Sales avait récemment échoué dans ses efforts pour libérer les Sœurs de la Visitation de l'enfermement dans un cloître. Mais avec patience, saint Vincent réussit à trouver une solution légale viable. Il trouva également des solutions en ce qui concerne le soutien financier des nombreuses œuvres qu'il entreprit.

J'espère que nous réussirons à être aussi créatifs à notre époque.

Robert P. Maloney, C.M.

Le 26 janvier 1999

Les postulats étaient rédigés comme suit:

1. A l'Assemblée Générale

Un bon nombre de diacres mariés, dont certains sont des Conférenciers de saint Vincent de Paul, manifestent le désir d'un rattachement plus étroit à la Congrégation de la Mission.

L'Assemblée Provinciale demande à l'Assemblée Générale de prendre ce désir en considération et d'y réfléchir.

2. Au Supérieur Général

L'Assemblée Provinciale demande au Supérieur Général de faire étudier par des Confrères engagés dans divers ministères et par des canonistes éprouvés, Lazaristes ou non, les modalités pratiques qui permettraient à des diacres mariés d'être unis par quelque lien juridique officiel à la Congrégation.

J'exprime ma profonde reconnaissance aux membres de la Curie Générale, qui ont visité ces communautés et y ont mené des interviews, en utilisant un questionnaire que nous avions préparé d'avance.

Le développement très rapide en ce qui concerne cette question a pour résultat de soulever de nombreuses quaestiones disputatae. Le Saint Siège a demandé une étude sur ces sujets (par ex. l'érection d'associations privées et publiques.)

Lumen Gentium, 9-17.

Ibid., 40.

Redemptoris Missio, 71-74.

Apostolicam Actuositatem, 2-4; Ad Gentes Divinitus, 2-7.

Ecclesiae Sanctae, 1, 18; Evangelii Nuntiandi, 15, 59-60; Christifideles Laici, 16, 51.

Voir de Marcello Zago, “Laici Associati Nell'Odierno Contesto Ecclesiale” dans La Vita Consacrata coll. “Studi e Saggi su: “ (Conférence Italienne des Supérieurs Majeurs: Rome, 1997) 201-215.

Pour une bibliographie abondante sur la question, voir Gian Franco Poli, “Religiosi e Laici: osare la svolta” dans Vita Consacrata XXXIII (n. 6; novembre-décembre 1997) 648-653. En fait, chaque numéro de Vita Consacrata contient des informations sur les nouvelles formes de vie communautaire.

Il existe beaucoup d'autres Tiers Ordres; par exemple, les Dominicains, les Augustiniens, les Minimes, les Mercédaires, les Servites, etc. Voir Vita Consacrata, 54.

Voir Vita Consacrata, 62; également, 12, 54-56.

Voir Vita Consacrata, 62.

Par exemple, les Membres de l'Oasi della Pace font un voeu “d'être paix et d'intercéder pour la paix.”

Juan Martínez Saez, “Fraternità `Verbum Dei'” in Vita Consacrata XXXIV (n. 1: janvier/février 1998) 87-97.

“La Comunità delle Beatitudini compie 25 anni” in Vita Consacrata XXXIV (n. 6; novembre/décembre 1998) 647-657.

“Comunità Mariana `Oasi della Pace'” in Vita Consacrata XXXIV (n. 2; mars/avril 1998) 181-196.

Voir de D. Nygren et M. Ukeritis, The Future of Religious Orders in the United States (Praeger Press; Conn., 1993) 251; d'Albert di Ianni, “Religious Vocations: New Signs of Times”, Revue pour les Religieux 52 (#5; septembre/octobre, 1993) 745-763; Voir Catherine Bertrand, “Communs Threads— Are we Weaving Or Unraveling?”; de Marcello Zago, livre cité.

Cf. Vita Consecrata, 54-56.

La spiritualité d'une association reliée à la Congrégation de la Mission doit être basée, spécifiquement, sur les piliers suivants:

1.La suite du Christ en tant que Serviteur et Évangélisateur des pauvres.

2.Une charité concrète et effective vécue dans la simplicité et l'humilité.

3.Un engagement bien défini à la prière quotidienne (par exemple, quelques prières vocales accompagnées d'un temps de prière mentale à l'aide d'une méthode de méditation).

4.Un souci mutuel les des autres et un soutien mutuel.

Le programme de formation d'une association de ce genre pourrait inclure une instruction en ce qui concerne la spiritualité de base du nouveau Testament (Jésus et la proclamation du royaume de Dieu, l'appel à la conversion, la mission, la charité pratique, le pardon accordé aux autres, la foi, la confiance en la Providence, l'attachement à la vérité, la mortification, etc.) Ainsi qu'une instruction et une expérience concernant le charisme vincentien. Ce serait une manière d'offrir à d'autres une spiritualité apostolique de type vincentien, comme la mise en oeuvre d'un bon service des pauvres et une bonne connaissance de l'enseignement social de l'Eglise.

Il serait normal qu'il y ait un processus bien défini de formation avant toute entrée dans l'Association. Normalement cela devrait avoir lieu pendant une durée déterminée, à la fin de laquelle les membres seraient formellement admis.

Voir Canons 312-314.

Voir “Statuts de MISEVI” dans Vincentiana XLII (n. 3; mai-juin 1998) 141-149.

Cette étude a été publiée par l'Université DePaul, 1 East Jackson Boulevard, Chicago, Illinois 60604-2287.