Présentation de la Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul

Présentation de la Compagnie

des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul

Sœur Juana Elizondo, FdlC

Supérieure Générale

La Compagnie, fondée au XVIIe siècle par saint Vincent de Paul et sainte Louise de Marillac, est connue dans l'Église sous le nom de: Compagnie des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, Servantes des Pauvres.

Origines

Elle est née pour répondre aux multiples besoins d'innombrables pauvres qui existaient en France au début du XVIIe siècle. Saint Vincent commence par fonder les Confréries de la Charité à Châtillon les Dombes, aujourd'hui Châtillon sur Chalaronne. Les premières volontaires, dans les villages, étaient des femmes habituées aux durs travaux depuis leur enfance. À Paris, ce sont des dames, souvent de haut rang, qui adhèrent aux Confréries. Partagées entre le service à la Confrérie et les exigences de leur famille et de leur vie sociale, elles en arrivent à négliger le service des pauvres. Pour faire face à la misère, il faudra des femmes de la campagne, aimant les pauvres, toujours disponibles et prêtes à remplir à leur égard les plus bas services ne convenant guère aux «personnes de condition» comme: préparer la nourriture, donner des soins aux malades ou nettoyer une mansarde.

Au cours d'une mission prêchée par saint Vincent lui-même, Marguerite Naseau, jeune vachère, autodidacte de Suresnes, l'entend exposer son projet d'envoyer auprès des pauvres des filles bénévoles: elle y laissera d'ailleurs sa vie ayant contracté la peste auprès d'une malade à qui elle avait offert l'hospitalité. Marguerite arrive à Paris en 1630. Vincent la confie à Louise de Marillac pour la former au service des pauvres. D'autres femmes se présentent bientôt et ensemble sous la conduite de Louise de Marillac constituent un nouvel Institut: la Compagnie des Filles de la Charité.

Pour le service des pauvres

Elles eurent d'abord le soin des pauvres malades chez eux, dans les villes et dans les campagnes -ce fut la grande innovation de l'institution naissante: puis, au fur et à mesure des besoins, celui des malades dans les hôpitaux, des petites filles à instruire, des enfants trouvés, des galériens, des soldats blessés sur les champs de bataille, des réfugiés, des personnes âgées, des insensés et autres…

Le service doit être intégral, il doit s'occuper à la fois du corps et de l'esprit, c'est-à-dire, un service corporel et spirituel. Tout cela a été bien concrétisé dans le premier article des Règles Communes:

« La fin principale pour laquelle Dieu a appelé et assemblé les Filles de la Charité est pour honorer Notre Seigneur Jésus-Christ comme la source et le modèle de toute charité, le servant corporellement et spirituellement en la personne des pauvres, soit malades, soit enfants, soit prisonniers ou autres, qui par honte, n'osent faire paraître leurs nécessités…».

Le service rendu aux pauvres est un service rendu à Jésus Christ lui-même, Lui qui a voulu s'identifier à eux: « c'est que, servant les pauvres, on sert Jésus-Christ ».

Nous connaissons bien la riche doctrine développée par nos Fondateurs dans leurs conférences et leurs écrits en ce qui concerne la finalité et les qualités du service.

Saint Vincent a créé une institution ouverte sur l'avenir:

«Et voilà, mes filles -disait saint Vincent-, quel a été le commencement de votre Compagnie. Comme elle n'était pas à cette heure-là ce qu'elle est à présent, il est à croire qu'elle n'est pas encore ce qu'elle sera quand Dieu l'aura mise au point où Il la veut».

Aujourd'hui, nous continuons de réaliser les services classiques qui répondent aux pauvretés de toujours et qui sont présentes encore de nos jours, tels que le soin des malades de toutes sortes, les écoles, l'attention à l'enfance, à la jeunesse, aux personnes âgées, aux réfugiés: mais nous y ajoutons les réponses aux pauvretés qui montrent de nouveaux visages: la drogue et ses séquelles, les malades du sida, les prisonniers, les graves conséquences de la destruction de la famille: femmes maltraitées, enfants en difficulté, le chômage et ses répercussions, les services ponctuels à l'occasion de catastrophes, de guerres, de déplacements de peuples, les réfugiés, les sans domicile fixe, etc., etc. …

Dans les pays où la Compagnie sert depuis de longues années et même des siècles, les grandes transformations politiques, économiques et sociales qu'ils ont subies, font qu'une grande partie des services sociaux est prise en charge par les pouvoirs publics, cependant il subsiste toujours des groupes de marginaux, des exclus de ces services, ainsi que des actions qui ne sont pas tellement considérées par les gouvernements, comme l'accueil, l'écoute. De nombreuses Filles de la Charité s'y engagent. De plus en plus, nos Provinces canoniques d'Europe et des États-Unis mettent en marche des services bénévoles où tous ces pauvres ont libre accès. Nous essayons de vivre ce que le Saint-Père nous dit dans Vita Consecrata:

«Il convient… de s'occuper de ce que le monde néglige, de répondre généreusement et avec audace, même par des actions nécessairement limitées, aux nouvelles formes de pauvreté, surtout dans les lieux les plus reculés».

Séculières, non religieuses

La Compagnie est le premier Institut dont les membres, des femmes toutes données à Dieu, non cloîtrées et non religieuses, sont prêtes à servir les pauvres à domicile. C'est une véritable révolution du concept de la vie consacrée à l'époque.

À des Sœurs envoyées en province, saint Vincent précise la réponse à donner à Monseigneur l'Évêque s'il leur demande si elles sont religieuses :

«Vous lui direz que non, par la grâce de Dieu. Que ce n'est pas que vous n'estimiez beaucoup les religieuses, mais que si vous l'étiez il faudrait que vous fussiez enfermées et que, par conséquent, il faudrait dire: adieu le service des pauvres. Dites-lui que vous êtes de pauvres Filles de la Charité qui vous êtes données à Dieu pour le service des Pauvres».

Une autre fois saint Vincent dira :

«Une Fille de la Charité est toujours dans le monde. Vous avez une vocation qui vous oblige à assister indifféremment toutes sortes de personnes, hommes, femmes, enfants et généralement tous les pauvres qui ont besoin de vous».

Être «dans le monde» pour y «assister toutes sortes de personnes» n'était pas compatible avec la condition de la «religieuse» de l'époque, obligée d'être cloîtrée. Cela aurait empêché le mouvement «allant et venant» que sainte Louise avait déjà perçu dans son illumination mystique.

Un des textes où notre fondateur exprime le plus catégoriquement le caractère séculier de la Compagnie est sa réponse à Jacques de la Fosse le 7 février 1660:

«… Les Filles de la Charité ne sont pas religieuses, mais des filles qui vont et viennent comme des séculiers».

Le fondateur souligne d'une façon extraordinaire, dans les Règles des Sœurs des Paroisses, les éléments qui dans la vie séculière des Sœurs équivaudraient à la protection que la religieuse trouve dans sa clôture. Ce texte est repris par nos Constitutions :

«Elles considéreront qu'elles ne sont pas dans une religion, cet état n'étant pas convenable aux emplois de leur vocation.

Néanmoins, à raison qu'elles sont plus exposées aux occasions de péché que les religieuses obligées à la clôture, n'ayant

  • pour monastère que les maisons des malades et celle où réside la Supérieure,

  • pour cellule une chambre de louage,

  • pour chapelle l'église paroissiale,

  • pour clôture l'obéissance, ne devant aller que chez les malades ou aux lieux nécessaires pour leur service,

  • pour grille la crainte de Dieu,

  • pour voile la sainte modestie,

et ne faisant pas d'autre profession pour assurer leur vocation et que,

  • par cette confiance continuelle qu'elles ont en la Divine Providence, et

  • par l'offrande qu'elles lui font de tout ce qu'elles sont et de leur service en la personne les Pauvres,

  • pour toutes ces considérations, elles doivent avoir autant ou plus de vertu que si elles étaient professes dans un ordre religieux,

c'est pourquoi,

elles tâcheront de se comporter dans tous ces lieux-là du moins avec autant de retenue et de récollection et d'édification que font les vraies religieuses dans leur couvent».

Actuellement, nombreuses sont les religieuses qui ne sont pas obligées de vivre en clôture et, par conséquent, peuvent se consacrer librement aux services extérieurs selon leur charisme. Les Filles de la Charité continuent d'être séculières car leurs vœux n'ont pas de caractère religieux. Les gens ne perçoivent pas bien toutes ces distinctions.

En communauté

À partir de la date officielle de fondation, le 29 novembre 1633, les Sœurs se regroupent pour vivre l'idéal de la vie communautaire en vue d'un meilleur service des pauvres. Les deux fondateurs y tiennent beaucoup. Ils diront aux Sœurs qu'elles ont été «appelées et assemblées pour le service des pauvres». Saint Vincent consacrera plusieurs de ses instructions à ce thème, en expliquera l'excellence, les difficultés, les solutions à y apporter en insistant spécialement sur la nécessité du pardon mutuel. Sainte Louise accompagne admirablement les communautés locales à travers sa correspondance.

Aujourd'hui, après quatre siècles, nos Constitutions et nos Statuts continuent d'accorder à la vie communautaire l'importance qui lui revient: la mission ne peut pas se passer d'elle. Les Sœurs, qui réalisent leur service dans des situations de plus en plus exigeantes et stressantes, ont besoin de reconnaissance, de compréhension, d'écoute et de l'appui de la communauté fraternelle. La participation à la Communauté est l'une des façons de concrétiser l'appartenance à la Compagnie, si importante dans un monde où l'anonymat et la solitude nous menacent constamment. La vie communautaire a de plus une valeur comme moyen d'évangélisation: «… afin que tous soient un… afin que le monde croie que tu m'as envoyé».

Il est certain que les modes de vie communautaire ne sont plus les mêmes, ils ne sont plus si uniformes qu'à l'époque de la fondation et pendant les nombreuses années qui ont suivi. Les façons de servir ont changé, et pour la même raison, les façons de vivre en communauté. Nombreuses sont les variantes introduites conformément aux exigences des situations diverses dans lesquelles les Sœurs accomplissent leur service.

Les formules sont multiples et variées selon qu'il s'agit d'une Communauté constituée de Sœurs aînées disposant de plus de temps pour leurs rencontres communautaires ou de Sœurs en activité obligées de conjuguer le temps de service et les moments de rencontre pour l'oraison, les repas, les détentes, etc. L'essentiel est de trouver la juste mesure, pour ne pas tomber ni dans un excès, ni dans une insuffisance, et moins encore dans la carence. Nos jeunes Sœurs réclament une vie communautaire. Le Projet Communautaire est l'instrument efficace qui permet de régler ses modalités tout en sauvegardant l'essentiel selon les Constitutions et les Statuts.

Avec un esprit propre

Une fois bien défini le charisme concernant «le service des pauvres, des plus abandonnés, des victimes de toutes sortes de misères», il ne faut pas négliger l'esprit dans lequel doit être rendu ce service. Saint Vincent le fait consister en trois vertus: l'humilité, la simplicité et la charité, vertus propres à rendre les Sœurs aptes à leur mission de service auprès des plus démunis, ce qui n'est pas toujours facile. Ces dispositions aident les Filles de la Charité à reconnaître la dignité des pauvres. Ils sont leurs «maîtres et seigneurs». La simplicité, que saint Vincent appelle son Évangile, fait que les Filles de la Charité s'approchent facilement des pauvres, qu'elles établissent avec eux des relations fraternelles et vraies. Ces vertus permettent aux servantes des pauvres d'accomplir leur mission dans des conditions parfois difficiles. Elles leur apprennent qu'il faut, à certains moments, tourner la médaille pour y voir le visage du Christ.

Avec un style de vie simple, sobre

Un style de vie simple et sobre sera l'un des aspects sur lesquels les fondateurs insisteront. Dans la conférence du 25 janvier 1643: «Sur l'imitation des filles des champs», saint Vincent exprime sa pensée sur le mode de vie qu'il souhaite pour les membres de la Compagnie. Elles doivent posséder les vertus des filles des champs: l'humilité, la simplicité, la sobriété dans le manger, la pureté, la modestie, la pauvreté, l'obéissance… Il terminera ainsi cette conférence :

«Si jamais je vous ai dit chose d'importance et véritable, c'est ce que vous venez d'entendre: que vous vous devez exercer à vous maintenir dans l'esprit des vraies et bonnes filles des champs. Vous à qui Dieu, par sa grâce, l'a donné naturellement, remerciez-l'en: et vous qui ne l'avez pas, travaillez à acquérir la perfection que je viens de remarquer dans les vraies filles des villages. S'il s'en présente chez vous de familles plus relevées, avec le désir d'entrer en votre Compagnie, ô mes sœurs, il faut que ce soit pour vivre, selon le corps et l'esprit, comme les filles qui véritablement ont les vertus des filles de village» .

Saint Vincent et sainte Louise édifient une Compagnie solide, apte pour la dure tâche qu'exige son charisme: une Compagnie fondée sur le roc de la charité, de l'humilité, de la simplicité, y joignant l'audace, la prudence, la sobriété, la pauvreté et le bon sens paysan. Quelques phrases lapidaires le prouvent: «Vous n'avez droit que de vivre et vous vêtir: le surplus appartient au service des pauvres». «Eh! Qui voudra être riche après que le Fils de Dieu a voulu être pauvre», dira encore le fondateur. Donc, pas de place pour le superflu ni pour le gaspillage.

Sainte Louise affirme: «… la sainte pauvreté et la confiance en Dieu… sont les deux bases de la Compagnie des Filles de la Charité».

Une Compagnie missionnaire

Convaincus que la Charité du Christ, qui les presse, ne connaît pas de frontières, les fondateurs envoient en Pologne un premier groupe de Sœurs. La Compagnie se veut missionnaire dès sa naissance. Nos Constitutions ratifient ce caractère missionnaire:

«La Compagnie est missionnaire par nature, elle s'efforce de garder la souplesse et la mobilité nécessaires pour répondre aux demandes de l'Église face à toutes les formes de pauvreté. Elle essaie, comme ses Fondateurs, de rejoindre les Pauvres là où ils sont et d'aller à la recherche des plus abandonnés et des plus méconnus. Avec l'audace des Apôtres, saint Vincent a, dès l'origine, lancé ses filles sur les routes du monde».

La Compagnie continue de nos jours cette mission sans frontières, tant quant au type de service qu'au pays où elle est appelée. Comme nos Constitutions le signalent :

«À l'école du Fils de Dieu, les Filles de la Charité apprennent qu'il n'y a pas de misère qui leur soit étrangère…, multiples sont les formes de pauvreté, multiples les formes de service…».

Le 18 janvier 1655, la Compagnie fut approuvée par le Cardinal de Retz, Archevêque de Paris, et le 8 juin 1668, elle reçut l'approbation pontificale du Pape Clément IX.

Actuellement, la Compagnie est reconnue dans l'Église comme une Société de Vie Apostolique vivant en communauté, assumant les conseils évangéliques de chasteté, pauvreté et obéissance, ces derniers recevant du service des pauvres leur caractère spécifique.

Présence de la Compagnie dans le monde à ce jour:

La Compagnie compte23 861Sœurs, dont

324dans les différents Séminaires

809sans Vœux

22 728ayant fait les Vœux

Ces 23 861 Sœurs sont réparties en:

90pays

78provinces

1région

2 678maisons

Notre présence par continents est la suivante:

Afrique19pays

9provinces

144maisons

959Sœurs se dévouent généreusement au service des plus démunis.

Amérique

La plupart des pays d'Amérique (du Nord, Centrale, du Sud) ainsi que les grandes îles des Caraïbes, comptent sur la présence et le service de 5 987 Filles de la Charité en 23 pays et 796 maisons. Leurs œuvres sont d'une très grande variété.

États-Unis et Canada:

2pays

5provinces

130maisons

1 006Sœurs

Amérique Latine de langue espagnole :

20pays

15provinces

411maisons

3 111Sœurs

Amérique Latine de langue portugaise :

1pays

6provinces

255maisons

1 810Sœurs

Asie 

Les Filles de la Charité ont la joie de servir le Seigneur en :

17pays

9provinces

212maisons

1 685Sœurs

Australie, y compris les Îles Fidji et la Nouvelle Zélande :

3pays

1province

17maisons

80Sœurs

Comme nous pouvons le constater, les Sœurs ne sont pas très nombreuses pour un territoire aussi immense. Cependant, leur service tout particulièrement consacré en faveur des immigrés mal intégrés dans le pays, auprès des aborigènes, des handicapés physiques et psychiques, etc., mérite d'être spécialement mentionné.

Europe

Malgré les moments difficiles qu'elle traverse à cause de la diminution des vocations, la Compagnie est présente en:

28pays

33provinces

1région

1 509maisons

15 210Sœurs

PRÉSENCE DE LA COMPAGNIE PAR CONTINENTS

Continents

Pays

Provinces

Région

Maisons

Total de
Sœurs

Sœurs au
Sémin.

Moyenne
d'âge

Afrique

19

9

-

144

959

63

47,68

Amérique Latine

Lang. Esp.


20


15

-


411


3 111


67


56,70

Lang. port.

1

6

-

255

1 810

24

61,60

Amérique du Nord

2

5

-

130

1 006

1

68,70

Asie

17

9

-

212

1 685

94

51,98

Europe

28

33

1

1 509

15 210

75

69,17

Océanie

3

1

-

17

80

-

66,03

TOTAL

90

78

1

2 678

23 861

324

60,26

Actuellement, la Compagnie est présente dans les 5 continents et dans les pays les plus pauvres. Durant les cinq dernières années de nouvelles missions ont été ouvertes en:

Afrique: 1995: Angola: 1996: Ghana: 2000: Libye: 2001: Tchad et nous réfléchissons sur une réponse à donner à un appel provenant du Kenya. Les Sœurs, arrivées à Sierra Leone en 1997, ont été obligées d'en sortir momentanément à la suite des événements tragiques qui ont eu lieu. Elles espèrent y retourner dès que les circonstances seront plus favorables.

Amérique: Grâce à nos Sœurs de Los Altos Hills (Californie), la Compagnie a étendu son service en Alaska.

Asie: Dernièrement, les Sœurs de la Province de Thaïlande sont allées, courageusement au Cambodge et au Laos.

Europe: Un autre lieu d'expansion se situe en Europe de l'Est et en Asie. Après la chute du communisme, nos Provinces de Pologne et de Slovaquie ont ouvert cinq maisons en Ukraine, deux en Biélorussie et 2 en Asie: une Sibérie et une au Kazakhstan.

Il nous paraît important de souligner la présence des Filles de la Charité dans des pays musulmans: Algérie, Indonésie, Iran, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie, Turquie, etc.

L'affirmation de saint Vincent: «les Filles de la Charité…sont des filles qui vont et viennent comme des séculiers…», continue d'avoir tout son sens, elle leur permet d'aller partout. Fidèle à cet esprit, la Compagnie se tient disponible et mobile pour répondre aux nouveaux appels.

Évolution de la Compagnie

Dieu, qui est l'Auteur et le Maître de la Compagnie, la conduit là où il veut. Il n'y a pas de doute qu'il la déplace vers les plus pauvres.

La Compagnie, dans son ensemble, voit ses membres diminuer chaque année d'une manière importante. Si nous considérons seulement les dix dernières années, la diminution a été de 6 315 Sœurs, soit une moyenne annuelle de 630 Sœurs. Les décès et les sorties sont les deux facteurs de ces baisses si importantes. Les décès correspondent aux entrées nombreuses, d'il y a 50 et 60 ans. Au cours des années 1940, 1950 et même 1960, les séminaires d'Europe et des États-Unis comptaient des centaines de Sœurs. Il y a eu une croissance extraordinaire de la Compagnie et, naturellement -c'est la règle de la condition humaine-, il faut retourner à la Maison du Père. Actuellement, il y a moins de sorties par rapport à celles des années qui ont eu lieu après le Concile Vatican II. Au cours de ces dix dernières années, la moyenne de Sœurs ayant quitté la Compagnie se situe entre 0,38 et 0,54 %. Bien sûr, c'est toujours de trop.

Ces baisses, aussi bien les décès que les sorties, qui, d'une certaine façon, s'avèrent normales, sont très loin d'être compensées par les entrées: c'est notre plus grand problème en Europe Occidentale, aux États-Unis et il commence déjà à se faire sentir dans d'autres pays. Depuis plusieurs années, cette diminution du nombre des Sœurs et le vieillissement des Provinces a une grande répercussion sur les œuvres. Certaines Provinces ont été obligées de laisser un grand nombre de services, même si les Sœurs restent en activité jusqu'à un âge très avancé. Au cours de ces dix dernières années la diminution des maisons a été de 491.

Le vieillissement et les diminutions des effectifs imposent la restructuration des Provinces: En juin dernier, après une préparation de plusieurs années, les six Provinces de France se sont regroupées courageusement en deux. C'est un exemple que devront suivre d'autres pays et Provinces tant en Europe qu'aux États-Unis.

Cependant, le nombre de Provinces dans la Compagnie n'a pas diminué car de nouvelles Provinces ont été créées: au Burundi-Rwanda, au Cameroun, en Chine, en Érythrée, en Éthiopie, au Nigeria, en Haïti, en Thaïlande. L'année dernière, une deuxième Province a été érigée en Inde.

En même temps que la Compagnie diminue en nombre, elle s'étend vers les pays les plus nécessiteux. Dieu nous conduit vers les plus pauvres en Afrique et en Europe de l'Est où nous n'étions pas encore présentes et les appels continuent...

En Afrique et en Asie, le nombre de Sœurs des Provinces augmente actuellement. Pour l'Afrique: Afrique Centrale (Burundi-Rwanda), Cameroun, Congo, Madagascar, Mozambique, Nigeria: pour l'Asie: Chine, Philippines, Inde, Indonésie et Viêt-nam.

En ce moment, c'est la Province du Viêt-nam qui compte le plus grand nombre de vocations.

Il n'est pas difficile de présenter la situation actuelle de la Compagnie et son évolution numérique et géographique. La réalité est là et nous devons l'affronter sans crainte ni découragement. Le plus difficile, c'est de bien situer les causes de cette évolution, surtout les causes de cette diminution des vocations dans certains pays et dans certaines provinces. Nous partageons ce phénomène avec la plupart des Congrégations Religieuses. Parmi les influences certaines, nous pouvons citer les facteurs suivants: la sécularisation, la déchristianisation, la société de consommation, le matérialisme en général, l'érotisme, la destruction des valeurs spirituelles, morales, humaines, la destruction de la famille. Tout ceci ne constitue pas le meilleur «bouillon de culture» pour les vocations à la vie consacrée. Il faut y ajouter la diminution du nombre d'enfants dans les familles. Il manque donc la matière première. Il faut aussi tenir compte du grand nombre de nouveaux Instituts et mouvements spirituels et apostoliques qui surgissent. Un autre facteur très important dans la diminution des vocations est la promotion des laïcs au sein de l'Église et leurs ministères. Quant à nous, comme il s'agit d'un charisme qui s'exprime par les multiples et diverses œuvres sociales en faveur des pauvres, nous trouvons un grand nombre d'associations, d'ONGS, de groupes de laïcs qui se consacrent à ces tâches. Est-ce que cela veut dire que nous ne sommes plus si nécessaires dans le monde actuel? Loin de là, des secteurs très abandonnés existent encore, «ceux dont personne ne veut» et qui réclament notre présence et notre service.

«Il convient… d'être attentif aux besoins de l'Église universelle et particulière, de s'occuper de ce que le monde néglige, de répondre généreusement et avec audace, même par des actions nécessairement limitées, aux nouvelles formes de pauvreté, surtout dans les lieux les plus reculés».

Cette situation semble une invitation à examiner plutôt le vrai sens de notre vocation. Aujourd'hui si on veut seulement servir les pauvres, il n'est pas indispensable de faire partie de la Compagnie ou d'une autre Congrégation ayant le même charisme. Cependant, celles qui voudraient servir les pauvres à partir d'une consécration totale à Dieu et avec toutes les caractéristiques que les fondateurs réclament pour le service des Filles de la Charité, trouveront l'occasion de le faire et l'appui nécessaire. Sommes-nous capables de montrer cette différence à partir de notre vie? Saint Vincent nous a voulu toutes données à Dieu pour le service corporel et spirituel des pauvres.

Une autre interrogation que nous devons nous poser a trait à notre réponse aux signes des temps. Sommes-nous suffisamment ouvertes, souples pour répondre aux besoins des temps actuels en ce qui concerne le service (formation, information), le style de vie, les formes de vie communautaire adaptées aux exigences du service?

Nous constatons que la Compagnie s'efforce d'assurer l'essentiel et de maintenir, simultanément, l'ouverture et la flexibilité nécessaires. Le Projet Communautaire est un instrument précieux nous permettant de vivre selon les exigences de chaque maison et de chaque service.

Défis

Comme je viens de vous le dire, le contexte défavorable dans lequel les Sœurs doivent vivre leur vocation nous lance une série de défis à nous qui avons reçu la mission d'animer la Compagnie.

Défis communs à toutes les provinces de la compagnie

  • Maintenir vivant dans sa radicalité le charisme d'attention aux plus pauvres, ce qui requiert une disponibilité et une mobilité continuelles. C'est seulement ainsi que nous serons des signes dans l'Église.

  • Maintenir l'unité de vie en conservant un équilibre entre les trois éléments clés qui constituent l'identité des Filles de la Charité: la vie spirituelle, la vie de service, la vie fraternelle en communauté.

Actuellement et pour diverses raisons, il existe, parmi les Sœurs en activité, le grand danger d'un excès de travail et une certaine tendance à l'activisme qui risquent de les faire tomber dans un état d'épuisement non seulement physique mais aussi spirituel leur faisant perdre leurs motivations. C'est une des raisons les plus évoquées par les Sœurs qui ont quitté la Compagnie au cours de ces dernières années. À cause de ce travail excessif, les temps consacrés à la prière, aux rencontres et à la détente communautaires peuvent manquer. Ce qui crée à la longue un climat communautaire froid, des relations superficielles et même une certaine solitude. Les Sœurs se plaignent du manque de moments de vie fraternelle en commun et même quand ces rencontres existent, elles ne permettent pas la communication. D'une manière concrète, elles font allusion à la télévision qui capte à l'excès notre attention. Elles demandent l'intervention des Supérieurs comme mesure de protection. Bien sûr, on ne peut pas généraliser. Il revient aux personnes qui sont confrontées à cette réalité de la vérifier et de discerner.

Défis spécifiques selon les lieux

Ne perdons pas de vue que la lecture attentive des signes des temps provoque certainement, avec une plus grande intensité et urgence, des défis spécifiques selon les lieux. Le fait qu'aujourd'hui en Europe, en Amérique du Nord, en Australie, au Japon, la Compagnie diminue en nombre et en vitalité à cause du vieillissement, peut avoir comme conséquence une certaine désespérance ou un certain découragement. Dans ces pays, la revitalisation exige :

  • un accompagnement approprié auprès du grand nombre de Sœurs âgées qui continuent d'être un capital important et pour lesquelles la Compagnie doit toujours avoir le souci de confier un service des pauvres, adapté à leurs possibilités.

Pour cela, il est nécessaire de sauvegarder leur vie spirituelle, leur enthousiasme, leurs convictions, et même si elles ne peuvent plus «travailler» -ce dont elles se plaignent- ni connaître la joie du service direct, elles restent d'authentiques Filles de la Charité, «servantes des Pauvres» par la prière et l'offrande de la diminution de leurs forces et de leurs souffrances.

Comme nos Constitutions l'affirment:

«Les Sœurs malades et aînées sont partie prenante de la mission par leur prière et l'offrande de leurs souffrances. La Communauté les entoure de soins et d'affection et les aide à accepter leurs infirmités comme une forme de service».

  • Dans cette même perspective qui consiste à mettre tout en œuvre pour le service des pauvres, les responsables provinciaux doivent:

être inventifs afin qu'aucune Fille de la Charité ne soit privée du service auquel elle a droit. La retraite professionnelle qui, parfois, dure de longues années, ne suppose pas la cessation immédiate de toute activité. La Sœur, elle-même, ne doit pas perdre de vue que les pauvres l'attendent et les responsables provinciaux feront tout ce qui est en leur pouvoir pour satisfaire ce besoin. Bien sûr, il y a des cas où la maladie ou d'autres circonstances peuvent déconseiller la continuation d'une activité par la Sœur. Tout cela peut être précisé dans un dialogue fraternel entre la Visitatrice et la Sœur.

La pénurie des vocations nous conduit également à encourager:

  • La pastorale des vocations qui, si elle est importante pour toutes les Provinces, doit être une priorité pour celles qui en manquent, bien que cela suppose beaucoup de travail et parfois très peu de réussite. Ce qui ne doit jamais arriver, c'est que le désespoir et le découragement atteignent un tel point qu'ils freinent notre enthousiasme pour obtenir de nouveaux membres et qu'ils nous rendent incapables de les insérer dans nos communautés.

  • Les Provinces, ayant un grand nombre de vocations, sont appelées à faire un discernement circonspect quant aux motivations qui conduisent les candidates à la Compagnie. Il faut donner la priorité à la qualité et non à la quantité.

    • Les Provinces qui, comptent sur un grand nombre de jeunes Sœurs, doivent porter le plus grand intérêt à leur formation initiale. Il faut veiller non seulement à celle du Séminaire mais aussi à celle de l'étape suivante qui est surtout confiée à la Sœur Servante et à la Communauté locale, période au cours de laquelle, la jeune Sœur consolide sa vocation de Fille de la Charité dans tous les domaines. Tous les efforts réalisés dans ce sens sont donc justifiés et doivent être encouragés en vue d'aider les jeunes Sœurs à s'intégrer dans la Compagnie.

Défis spécifiques pour les pères directeurs

    • L'animation spirituelle. Tous les efforts réalisés dans ce domaine et à tous les niveaux: personnel, communautaire et provincial, sont nécessaires et sont bien justifiés. Parfois les Sœurs se trouvent dans des situations et dans des milieux de travail très peu appropriés à la vie spirituelle et à la vie de foi. Ce sont des milieux où tout ce qui a trait à la foi et aux comportements en accord avec elle, non seulement n'est pas compris ni accepté, mais encore est rejeté et ridiculisé. Ces ambiances conduisent à un refroidissement spirituel, à une démotivation et même à la perte de la vocation et de la foi. Selon les personnes concernées, quelques pertes de vocation ont été précédées de ces états d'âme.

Une attention spéciale doit être accordée, de la part de tous ceux à qui est confiée l'animation spirituelle, et plus encore de la part des Pères Directeurs, aux Sœurs qui, dans les lieux où nous les avons envoyées pour réaliser leur mission, ne disposent pas des moyens nécessaires pour nourrir la vie spirituelle propre à une personne consacrée, tels que l'Eucharistie et le sacrement de Pénitence. Parfois, elles ne trouvent personne avec qui partager une difficulté. Il y a eu des cas et il en existe encore, où les Sœurs ont une Eucharistie tous les trois mois. Est-il prudent que nous les soumettions à ces situations? Nos fondateurs auraient-ils agi ainsi?

    • La formation. Un autre aspect, où le rôle du Père Directeur est fondamental, est celui de la formation nécessaire à toutes les étapes mais, d'une manière spéciale, à la période initiale: postulat, séminaire, préparation à l'émission des Vœux pour la première fois. Sa fonction dans ces étapes est indispensable aussi bien pour aider au discernement, de plus en plus nécessaire, que pour un accompagnement qui éclaire et qui forme.

Nos Constitutions leur attribuent également, d'une manière précise la formation des Sœurs Servantes. Ce sont elles qui ont dans leurs mains l'animation et le gouvernement des Communautés et elles doivent faire face, dans la pratique, à des réalités et à des situations souvent difficiles. D'où la nécessité de formation, d'accompagnement et de soutien. Selon la Constitution 3. 11, la Communauté locale et surtout la Sœur Servante sont responsables de la dernière étape de la formation initiale de la jeune Sœur, une tâche qui comprend aussi son intégration dans la Communauté locale. Nous n'ignorons pas que, selon les caractéristiques de la jeunesse actuelle, sans oublier ses grandes valeurs, et d'après les caractéristiques de nos Communautés dans certains pays où les différences d'âge et de mentalité sont énormes, l'intégration et la vie fraternelle en commun deviennent très difficiles. Ces situations requièrent également un accompagnement aussi bien des Sœurs Servantes que des Communautés locales.

Avant de terminer, je tiens à vous remercier de tout ce que la Compagnie reçoit de vous, par votre compétence et par votre dévouement. Il est difficile de trouver les mots justes pour exprimer tout ce que, depuis les origines, l'accompagnement de la Congrégation de la Mission a représenté pour les Filles de la Charité et, grâce à elles, pour le service des Pauvres. MERCI!

Coste IX, p. 252. Conférence du 13 février 1646

Coste IX, p. 245. Conférence du 13 février 1646

V.C. nº 63

Coste IX, p. 533: Conférence du 22 octobre 1650.

Coste X, p. 452: Conférence du 6 janvier 1658.

Sainte Louise, Écrits Spirituels, A. 2. p. 3.

Coste VIII, p. 237.

Coste X, p. 661: Conférence du 24 août 1659.

Jn 17, 21.

Coste IX, p. 93. Conférence: du 25.01.1643

Coste IX, p. 89: Conférence du 25 janvier 1643.

Coste X, p. 205: Conférence du 20 août 1656.

Sainte Louise, Écrits Spirituels, L. 489.

C. 2. 10.

C.1. 8.

Coste VIII, p. 237: Lettre au P. de la Fosse du 7 février 1660.

V.C. nº 63.

C. 2. 20.

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