Projet Communautaire

Projet Communautaire

par José Antonio Ubillús Lamadrid, C.M.

Assistant Général

1. Importance

Les Constitutions (C. 27, cf. Statut 16) offrent un moyen pratique pour renouveler la vie communautaire: le projet communautaire. Il peut être un moyen très efficace pour le renouvellement, si les membres d'une communauté l'adoptent comme une «alliance». Si à travers du dialogue, fondé sur l'expérience commune, nous parvenons à une plus grande coïncidence d'idées et à une formulation de jugements commune, nous pouvons nous engager devant Dieu et devant les autres à vivre une alliance d'action commune sur laquelle nous nous sommes mis d'accord. Le projet communautaire aura le rôle de formulation écrite de cette alliance.

Il est évident que créer et vivre une alliance exige beaucoup de créativité et de responsabilité de la part des membres de la communauté locale. Il n'y a plus des structures imposées de l'extérieur. Maintenant il faut créer des structures qui nous obligent de l'intérieur. Et donc, une alliance implique le fait qu'après avoir pris des décisions communes et avoir crée des structures locales, il faut les tenir et les vivre. Tout projet est un long chemin à parcourir. Sans union, sans effort, sans engagement et sans action concrète, celui-ci devient lettre morte (Cf. R. P. Maloney, Un chemin vers les pauvres. Spiritualité de Vincent de Paul, Desclée de Brouwer, Paris, 1994, p. 159 et seq.).

2. Buts

1a. Que la communauté locale parvienne à être un véritable signe du Royaume de Dieu, une école d'amitié, de fraternité, d'oraison, de correction, de pardon, génératrice de missionnaires profondément humains, spirituels et solidaires des pauvres et des marginalisés.

2a. Que chaque communauté, en promouvant un pèlerinage aux sources de la Congrégation de la Mission: l'Évangile de Jésus, l'expérience spirituelle de saint Vincent, dont le centre est Jésus-Christ, évangélisateur et serviteur, et les pauvres à qu'il faut leur annoncer la bonne nouvelle du Royaume, contribue à la «nouvelle fondation» ou «revitalisation» de la Congrégation, ce qui veut dire, retour au fondement et aux éléments essentiels de la Congrégation, de sorte qu'elle parvienne à être, en même temps, un authentique mouvement spirituel et missionnaire, au milieu d'un monde caractérisé par la grandissante prise de conscience de la diversité de contextes socio-culturels et ecclésiaux.

3. Structure

Un projet communautaire doit essayer d'articuler une série d'éléments. Pour atteindre une vision d'ensemble suffisamment riche et claire, il m'a semblé convenable d'y distinguer, sept moments essentiels que nous pourrions grouper en deux parties.

a) Présupposés

Il est transcendantal de faire la clarté sur ces présupposés, car seulement à partir d'eux on peut atteindre une compréhension adaptée du projet: ils indiquent les idéaux derrière lesquels une communauté va se mettre en marche. En fin de compte, le projet n'est plus qu'un instrument pour grandir vers ces idéaux communautaires. S'ils sont mal définis, le projet ne nous servira pas à grand chose.

1er Moment: Présupposés anthropologiques: il s'agit d'atteindre une compréhension dynamique de la personne:

- entendue comme processus de croissance autonome,

- et comme rencontre avec les autres, en résolvant la tension entre autonomie/interdépendance.

2eme Moment: Présupposés théologiques: il s'agit de prendre en compte que la base de l'identité de la communauté chrétienne est: la primauté de l'amour libre et gratuit de Dieu et de son règne de communion (koinonia). On ne comprend pas la vie de communauté sans l'immense gratuité de l'amour de Dieu. C'est elle qui lui accorde sens et réussite. En dehors de cet amour gratuit, et de ses exigences, la vie communautaire peut se perdre - comme cela est arrivé si souvent - en règles de conduite purement formelles, en distorsions par abus de pouvoir, en une vie selon des catégories purement mondaines.

3e. Moment : Présupposés psychosociaux: ils nous offrent les critères pour distinguer les comportements sains et malsains d'une communauté, et le besoin d'apprendre à manier certaines habiletés ou adresses pour améliorer la communication, l'acceptation mutuelle, la capacité à aborder positivement les conflits.

b) L'élaboration du projet

Les trois moments antérieurs constituent les présupposés. C'est-à-dire, ce que une communauté doit posséder déjà, en quelque sorte, lorsqu'elle se met au travail sur le Projet communautaire. Sans ces présupposés, il est très difficile de parvenir à de bons résultats.

Cette deuxième partie est celle qui constitue à proprement parler des pas à suivre dans l'élaboration du projet. Nous pouvons y distinguer quatre moments:

1er. Moment. (Voir) Un exercice: L'analyse de la réalité comme discernement communautaire de la réalité que vit la communauté et de la réalité dans laquelle elle-même travaille.

2e. Moment. ( JUGER) Une expérience: l'éclairage acquis à travers une réflexion biblico-spirituelle et théologique afin que:

- la communauté parvienne à identifier avec clarté ses difficultés et à sentir le besoin de changer, réveillant ses dynamismes les meilleurs pour se mettre en marche;

- pour combler l'abîme qui existe entre l'Évangile et le monde moderne et postmoderne; entre l'esprit du Royaume de Dieu et le côté inhumain de notre temps;

  • de réaffirmer l'option préférentielle pour les pauvres et de continuer à proclamer obstinément le Royaume de Dieu, non pas comme une conquête, mais comme une séduction par le rayonnement d'une vie chrétienne d'oraison et d'action. «Comme Peuple de Dieu au service du Royaume, dit le Document Final de l'Assemblée Générale de 98, II, 1, pour suivre le Christ, évangélisateur des pauvres, nous savons que nous avons été envoyés pour proclamer la Bonne Nouvelle aux pauvres, pour travailler au service du Royaume: «Quel bonheur mes frères… Faire connaître aux Pauvres, leur annoncer Jésus-christ, leur dire que le royaume des cieux est proche et qu'il est pour les pauvres». (SV XII, 80)

3eme Moment. Une conséquence: La programmation comme stratégie de priorités, objectifs et moyens avec lesquels la communauté tente de collaborer dans sa propre vie, et dans la réalité sociale qui l'entoure les changements et les dynamismes de transformation réveillées par le rayonnement, parvenant ainsi à des engagements concrets.

4eme Moment(AGIR). L'application du projet à la vie ordinaire, et son évaluation, c'est-à-dire, le suivi et la mise en pratique du projet discerné et parvenu au consensus.

4. Conclusions

1a. La vie en communauté nous introduit définitivement en une ambiance privilégiée de rencontre. Mais cette rencontre peut être frustrée et la communauté peut être réduite à un groupe de personnes solitaires, fréquemment très travailleuses. D'autant plus travailleuses qu'elles sont solitaires, sans doute. C'est dans la volonté de construire la fraternité que s'authentifie la vérité d'une vocation à la vie communautaire.

2a. La vie fraternelle, comme tâche, est un exode permanent, c'est un appel à sortir soi-même, à se décentrer du propre narcissisme, à grandir en sensibilité pour cheminer vers la rencontre du frère.

La rencontre de communion est notre terre promise. Tant que dure le chemin, les frères et leurs conflits sont le buisson ardent d'où Dieu nous appelle pour le servir en «Esprit et en Vérité», pour avancer vers la libération de notre étourdissement individualiste qui nous rend esclave. Quand l'expérience religieuse se construit en tournant le dos au cri des frères, Yaweh est substitué par le veau du narcissisme propre. Seule «la relation avec l'être humain est l'authentique allégorie de la relation avec Dieu», écrit M. Buber. (Moi et Toi, Caparros, Madrid 1993, p.95).

3a. Le projet communautaire veut être un moyen pour nous aider à vivre et à construire la fraternité à partir de cette rencontre de communion entendue comme don et tâche, et pour nous projeter, comme des missionnaires, vers l'évangélisation et le service des pauvres et des marginalisés. Mais, dans la pratique, où en sont nos projets communautaires? Jusqu'à quel point apportent-ils davantage de qualité de vie, et raniment-ils nos relations interpersonnelles, notre foi commune, notre niveau de communication, et notre mission? Que sont-ils en train de rater dans leur conception, dans leur élaboration et dans leur application?

Il serait bon que nous nous arrêtions un moment pour réviser nos projets, puisque la qualité de vie de nos communautés peut dépendre, en partie d'eux. (Cf. Juan Maria Ilarduia: Le Projet Communautaire, Gasteiz/Vitoria, 1977).

1