Prêtre de la Mission pour quoi faire? Etude sur l'évolution des Provinces de France au cours des deux dernier siècles

PRETRE DE LA MISSION POUR QUOI FAIRE ?

Etude sur l'évolution des Provinces de France au cours des deux derniers siècles.

André Sylvestre, C.M.

Le Testament du Père

Saint Vincent laissait à sa mort environ 120 confrères qui avaient, avec lui et grâce à lui, remué profondément l'Eglise de leur temps. Leur nombre médiocre, cette chétive Compagnie dont parlait M. Vincent, a plus fait pour le renouveau de l'Eglise d'alors que les rangs serrés alignés par des ordres puissants et respectés.

A une époque où, pour nous, se pose la question de notre survie, de notre recrutement, du moins en France et en Europe, il n'est pas inutile de chercher des leçons dans le passé, surtout quand elles sont données par un tel maître.

Saint Vincent partait d'un point de vue tout à fait différent de celui qui nous préoccupe. Il n'avait pas, du moins aux origines, à tenir compte d'une Compagnie qui n'existait pas encore.

Après avoir commencé sa carrière ecclésiastique, car il s'agit alors pour lui d'une carrière, il est amené par les circonstances à entrer en contact avec la misère. Fasciné par ce qu'il en a vu, il poursuit au cours des années son exploration en descendant l'un après l'autre les cercles infernaux de la misère: le monde des hôpitaux, les mendiants, les enfants abandonnés, les filles en perdition, les paysans ruinés par la guerre, et tout au fond de l'abîme, les prisonniers et galériens.

Il a mis le doigt sur une plaie de son temps: la misère des humbles côtoyant le luxe insolent des puissants. Il en arrive à cette conclusion : "Le pauvre peuple meurt de faim ....et se damne ". Il crie cette conviction aux riches et aux puissants, à tous ceux qui, par leur influence et leur argent peuvent changer l'ordre des choses. Il la communiquera au clergé, pour qu'il ne fasse pas comme le Lévite de la parabole, qui passe son chemin sans un regard pour le malheureux.

Il est allé droit aux problèmes de son temps et il leur a apporté une réponse. Les appels au secours, d'autres que lui les avaient entendus, mais souvent sans les comprendre. Lui était prédisposé à en saisir le langage, car c'était le langage du peuple, le sien. Aussi le peuple ne s'y est pas trompé, qui l'a reconnu comme l'un des siens.

Il a vécu à la lettre le rôle de l'Eglise décrit dans Gaudium et Spes n_4: "Scruter les signes des temps...connaître et comprendre le monde dans lequel nous vivons, ses attentes, ses aspirations, son caractère souvent dramatique..." Pouvons-nous refaire aujourd'hui la démarche qu'il a faite ?

C'est parce qu'il répondait aux problèmes de son temps que saint Vincent a été compris et suivi par les premiers Prêtres de la Mission, par les premières Filles de la Charité, et par la foule de ceux et celles qui par la suite l'ont suivi .

Nous nous demandons parfois entre confrères, ce que la Compagnie peut bien avoir de spécifique, ce en quoi elle se distingue des autres Instituts, et les réponses sont variées. Mais en revoyant l'oeuvre de saint Vincent, on pourrait répondre: " Rien, sinon d'aller aux besoins les lus urgents du temps". Mais n'est-ce pas le rôle de l'Eglise, ce rôle qu'elle n'aurait jamais dû perdre de vue, et qu'elle vient de redéfinir au Concile.

Ce que M. Vincent a fait c'était déjà à toute l'Eglise de la faire, et il s'est employé à lui en faire prendre conscience.

Les Temps heureux

Sur la lancée de saint Vincent, la Compagnie a continué jusqu'à la Révolution française, tant en France qu'à l'étranger, avec parfois certains gauchissements mais je ne m'attarderai pas sur cette période. Elle disparaît dans la tempête, du moins en France où elle comptera une vingtaine de martyrs dont plusieurs ont été béatifiés. Puis 20 ans après le début de la tourmente elle renaît de ses cendres. Les causes de cette résurrection sont diverses. Essayons d'en dégager quelques unes.

A l'appel du Vicaire Général M. Hanon, les confrères dispersés dans les diocèses commencent à se regrouper dans des communautés à partir de 1809.

Ils sont dans ces débuts une centaine, mais leur nombre va s'élever à 220 au milieu du siècle, à 585 en 1875 et à 680 à la fin du siècle.

Qu'est-ce qui a valu à la Compagnie en France ce développement extraordinaire ? cette multiplication par 7 en moins d'un siècle, alors qu'elle ne disposait pas d'oeuvres de recrutement à proprement parler. Cependant 4 Ecoles apostoliques se sont mises en place dans la dernière partie du siècle.

Il faut noter, au cours de ce XIXe s., la naissance et le développement de Communautés missionnaires. Notre Communauté a été emportée dans cet élan de renouveau et en a largement profité. Mais en dehors de ces causes générales et communes à toutes les communautés, on peut noter quelques points particuliers, à propos desquels nous avons joué un rôle notable.

La Compagnie parait alors particulièrement bien insérée dans l'Eglise de France: elle répond, par son action sur divers plans, aux besoins les plus vivement ressentis dans ce siècle.

1_ La réorganisation et l'évangélisation de la chrétienté qu'il a fallu reprendre en mains. Au milieu du siècle nous avions réussi à remettre en fonctionnement 7 maisons de Missions. Ce nombre s'élève rapidement jusqu'à 30 en 1875.

2_ La formation d'un clergé solide pour encadrer cette chrétienté. Au milieu du siècle nous avons repris en charge 11 Grands séminaires et un Petit séminaire . A la fin du siècle ce sont 19 grands séminaires et 5 Petits séminaires. Cette progression est une preuve de la confiance qui nous est faite.

3_ L'ouverture au grand large par les Missions lointaines, missions auxquelles la sensibilité française est plus particulièrement éveillée.

Missions en pays d'Islam, depuis surtout la conquête de l'Algérie, Missions en Amérique latine où les mouvements de libération et d'indépendance se sont largement inspirés des idées françaises, Mission en Chine où la France est intervenue et se pose en protectrice des missions.

Par ces trois engagements, mais il y en aurait aussi d'autres, la Compagnie se trouve à l'intérieur du clergé français comme un poisson dans l'eau. Deux faits en sont la preuve, qui ont eu un grand retentissement dans l'opinion du clergé en France. L'extraordinaire succès des récits de voyage du P. Huc, et la béatification du Bx. Perboyre. Un prêtre ordonné en 1900, dans un diocèse où nous n'étions pas représentés, Nancy, me disait en 1950 l'enthousiasme suscité un peu avant 1900 parmi les séminaristes et les prêtres par la béatification de J.G. Perboyre.

Les entrées à Saint Lazare

Le registre des entrées au séminaire interne nous apprend que de 1850 à 1900 se sont présentés pour entrer au Séminaire interne 523 séminaristes venant des Grands séminaires de France soit de 10 à 11 en moyenne par an, et dans le même demi siècle 281 prêtres diocésains ont demandé eux aussi leur admission au séminaire interne, soit 5 à 6 par an.

On sait qu'on entre à Saint Lazare pour travailler à l'un ou l'autre des objectifs majeurs de l'Eglise. On sait qu'en entrant à Saint Lazare, on aura le soutien d'une vie de communauté. On sait aussi qu'on aura dans la C.M. des horizons beaucoup plus vastes que les limites d'un diocèse dans lequel on resterait confiné. Une sorte de symbiose s'était établie entre la Compagnie et le clergé diocésain. Elle travaillait pour lui et avec lui, et elle en était en bonne partie une émanation.

Les besoins les plus marquants ressentis dans la conscience du clergé diocésain, avaient leur répercussion chez nous. Des prêtres de la Mission étaient à la fin du siècle aux avant-gardes de l'Eglise de France dans la recherche intellectuelle : Pouget, Ermoni... dans la prospection oecuménique, Portal... dans l'expansion missionnaire, il suffit d'évoquer les grands évêques de Chine : Mouly , Jarlin... Vers 1900, nous comptons 680 confrères français dont 260 en pays de mission.

L'Exil

Un coup terrible est porté à la présence de la Compagnie en France par la Séparation de l'Eglise et de l'Etat. Du fait que nous étions malencontreusement assimilés à des Religieux, nous avons disparu presque complètement de l'Eglise de France. Alors que nous étions par diverses oeuvres présents dans une trentaine de diocèses, certains diocèses comptant jusqu'à trois maisons, comme Montpellier, Carcassonne, Cambrai, Marseille, il ne nous reste plus, après la Séparation, que quatre maisons : Paris, Bordeaux, Dax et Marseille.

Près de 200 confrères partent à l'étranger, ils vont renforcer les 260 qui sont déjà en pays de mission, ou bien ils vont se lancer dans des oeuvres nouvelles. C'est ainsi qu'à la demande du Saint-Père 4 Séminaires diocésains sont pris en charge en Sicile.

Cette grande épreuve fut peut-être un bien pour toute l'Eglise, puisque d'autres chrétientés y gagnèrent, mais pour nous ce fut un désastre, une complète désorganisation, du fait du bouleversement total de nos assises dans l'Eglise de France. La province C.M. d'Allemagne avait subi une épreuve analogue lors du Kulturkampf décrété par Bismarck. Cette situation dura pour nous jusqu'après la grande guerre.

La Restauration ou le Malentendu

Dès l919, nous rentrons au pays et reprenons rapidement notre place. Malgré ces années d'absence et d'épreuves, nous sommes encore près de 500 confrères français, au lieu des 680 vingt ans plus tôt.

En 1920,nous avons déjà repris 8 Grands séminaires et rouvert 8 maisons de missions. Des Ecoles apostoliques sont réorganisées ou fondées dans les années qui suivent: Berceau, Primecombe, Marvejols, Loos, Beaupreau, Gentilly et Belletanche qui se transféra rapidement à Cuvry.

La progression des confrères en nombre reprend. De 500 confrères au lendemain de la guerre, le nombre s'élèvera à 552 en 1939. Le remplacement des décès de ces 20 ans et l'augmentation de 52, représentent un peu plus de 200 nouveaux confrères ordonnés entre 1919 et 1939.

Notre service de recrutement et de formation compte dans les Ecoles apostoliques un total de 55 confrères pour 400 élèves au plus. L'avenir de la Compagnie semble assuré, elle a l'air d'avoir repris un développement normal, puisqu'elle augmente en nombre. Apparemment oui, mais quelque chose est brisé, et la blessure n'apparait pas.

Le lien intime et vital pour nous, de la Compagnie avec le clergé de France, cette présence au coeur de l'Eglise de France et au plus vif de ses problèmes, cette attention aux urgences du monde dans l'horizon français n'y étaient plus. Dans le clergé, ceux qui connaissaient et estimaient la Compagnie, nous l'ont parfois fait remarquer avec un ton de regret.

Essai d'explication

Nous avions été absents pendant vingt ans, comme ces émigrés qui revinrent en France au moment de la restauration en 1815, et qui ne s'apercevaient pas que le monde avait tourné. Il avait tourné sans eux et il avait aussi tourné sans nous. Sans doute nous avions notre auréole d'avant la Séparation et nous nous référions trop volontiers, sans nécessairement le dire, à notre expérience d'avant l'exil. Nous n'avons pas tenu suffisamment compte de l'état présent et des urgences de ce monde de l'entre deux guerres.

Dans nos séminaires et nos missions, nous appliquions des méthodes éprouvées. Mais il était plus commode de nous reposer sur la gloire et la sécurité de notre passé, que d'inventer des solutions pour un monde nouveau.

Aussi dans cet univers en devenir, mis à part le lancement et le développement des Enfants de Marie, la naissance des Louise de Marillac, la création et la propagation de la Neuvaine de la Médaille miraculeuse, nous n'avons été mêlés ni comme créateurs, ni comme collaborateurs principaux à la naissance d'aucun des grands mouvements apostoliques ou caritatifs qui ont marqué la vie de l'Eglise de France de 1920 à 1970 qu'il s'agisse de la naissance de l'Action catholique rurale, de la création du Secours Catholique, ou des chiffonniers d'Emmaüs, d'A.T.D. quart monde, du lancement de la Mission de France, alors qu'on nous avait prié d'en organiser le Séminaire, et nous avons décliné cette proposition.

Nous ne pouvions peut-être pas tous être insérés dans la vie de l'Eglise au même degré que l'a été M. Gounot, mais l'Eglise ne s'y est pas trompée en le choisissant comme évêque.

La Fêlure

Nous avons donc continué sur la lancée d'autrefois, et grâce à nos Ecoles apostoliques, nous avons continué à avoir des vocations. On entrait encore chez nous, mais on ne savait plus très bien pourquoi on y entrait.

Dans la consultation générale des confrères des provinces de Paris et Toulouse faite au cours de l'hiver 66-67, à la question qui était posée: Pourquoi vous êtes-vous fait Prêtre de la Mission? plus de la moitié des confrères de moins de 55 ans ont répondu : Par un hasard providentiel.

Providentiel tant qu'on voudra, mais il est tout de même regrettable que tant de confrères ne soient entrés dans la Compagnie que par hasard. Notre idéal se serait-il estompé à un point tel que beaucoup en entrant dans la C.M. ne savaient pas très bien pourquoi ils y entraient, même si, par la suite ils y ont vu plus clair. Les confrères plus anciens ont apporté à la même question une réponse beaucoup plus nette. Ils savaient pourquoi ils entraient chez nous, que ce soit pour la mission lointaine ou les séminaires ou les missions populaires.

Nos Ecoles apostoliques réorganisées après la 1ère guerre et après la deuxième ont donné ce qu'elles pouvaient donner; elles ont joué leur rôle. Grâce à elles la Compagnie a pu continuer et attendre des lendemains. Sans elles nous ne serions que le tiers ou le quart de ce que nous sommes comme confrères français, et c'est un résultat tout à fait positif. Mais malheureusement du fait que nous nous recrutions à peu près normalement par ce moyen, nous ne nous sommes pas posé de questions sur notre présence et notre rôle dans l'Eglise de France. Du moins, ces questions ne nous étaient pas posées de manière brutale et vitale par les chiffres. Un rideau de chiffres rassurants nous cachait la réalité. Dans les années qui précédèrent la guerre de 39, nous avions de 15 à 20 ordinations par an. L'avenir sur le plan du nombre ne donnait lieu à aucune inquiétude.

Un fait cependant aurait dû nous troubler. Sauf à de rares exceptions près, il ne rentrait presque plus personne chez nous, venant des Grands séminaires diocésains, et cela même à des périodes où les effectifs des séminaires étaient redevenus nombreux comme de 1930 à 1940 et de 1945 à 1950. Au cours de ces années 17 grands séminaristes seulement et 2 prêtres ont demandé leur admission au séminaire interne, soit moins d'un par an. Nous sommes très loin des chiffres extraordinaires de la deuxième moitié du siècle dernier où il en entrait entre 16 et 17 par an.

On n'avait plus l'envie d'entrer chez nous, on ne voyait pas bien ce qu'on aurait pu venir y faire. Malgré le contact quotidien de nombreux séminaristes diocésains (entre 500 et 600) avec nos communautés de confrères enseignant dans les séminaires, nous faisions figure d'étrangers, vivant dans un monde à part, que d'ailleurs dans certaines maisons, nous tenions à garder bien à part.

Les problèmes du temps, les urgences de l'évangélisation, les initiatives d'une clergé en recherche, nous apparaissaient peut-être comme une vaine agitation devant l'éternité de l'Eglise et le caractère immuable de la Compagnie. Nous avions le passé et grâce à notre nombre croissant, nous avions l'avenir, qu'avions à faire du présent ?

Chacun à la lumière de son expérience peut contester l'exactitude de cette analyse, en se disant que, pour sa part, il avait l'impression de coller parfaitement aux problèmes de son temps et d'être en relations cordiales avec le clergé, je ne le contesterai pas, je l'ai moi-même pensé.

Mais les problèmes vitaux finissent toujours par faire surface, même si pendant longtemps ils sont restés entre deux eaux.

Pour l'Eglise dans son ensemble a sonné une heure de vérité. Elle a dû se poser à la suite du Concile, des questions sur son rôle dans le monde, sur ce qu'elle doit être pour les hommes. Sinon elle va se recroqueviller sur sa vie interne et ne sera plus qu'un ghetto. De même pour la Compagnie à la suite du regain d'intérêt pour saint Vincent, il est temps de chercher avec lui quelles tâches peuvent nous être demandées pour préparer l'Eglise de demain, et elles ne manquent pas. Si nous ne voulons pas le faire, il ne reste plus qu'à prendre des dispositions testamentaires et nous préparer à l'Extrême-onction.

Notre nombre

J'écrivais en 1967 que nous étions 465 confrères français en France et à l'étranger, après pointage de chacun sur le catalogue. J'ajoutais que, vu la pyramide des âges, ce nombre allait baisser de moitié en 20 ans. Il s'est écoulé 27 ans depuis lors et nous sommes à la fin de 1994, 224 confrères français, soit à peu près la moitié de ce que nous étions alors.

Les Oeuvres

Les séminaires. En 1955, nous dirigions avec 54 confrères 10 séminaires diocésains et deux séminaires universitaires. En 1968, soit 13 ans plus tard, il ne restait plus que Montpellier et quelques confrères enseignant dans des séminaires regroupés, soit en tout une quinzaine de confrères enseignant effectivement dans des séminaires. Il faudrait ajouter à ce nombre ceux qui enseignaient dans nos propres maisons d'études. Combien aujourd'hui sont appliqués à la formation dans les séminaires ou à la formation permanente du clergé? Ce nombre pour les deux provinces ne dépasse pas la dizaine.

Une conséquence sérieuse se trouve dans le fait que nous avons plus de 40 confrères en moins pour enseigner la théologie et pour certains, s'adonner à la recherche. C'est pour nos provinces une grave perte de matière grise.

Les missions. En 1955, 8 maisons de mission en France totalisaient 65 missionnaires. En 1967, ils n'étaient plus qu'une petite trentaine. Aujourd'hui ne subsiste qu'une seule maison de missions proprement dite, qui fait de l'excellent travail dans l'effort général des diocèses pour la réorganisation pastorale en milieu rural. D'anciens missionnaires et d'anciens professeurs d'écoles apostoliques se sont alors tournés vers le ministère paroissial, en prenant en charge des paroisses ou groupes de paroisses. Les évêques ne demandaient ,pas mieux de nous voir venir boucher les trous de leur dispositif pastoral.

L'objectif de ces équipes en milieu rural n'est pas ou n'est plus de remplacer simplement des prêtres diocésains qui se font rares. Il est de répondre à une des urgences majeures de l'Eglise en monde rural. Il s'agit dans de vastes secteurs où il n'y aura plus de prêtres, de réveiller les laïcs soit par un temps de mission ou autrement, pour les amener à prendre des responsabilités pastorales, et à prendre en mains l'organisation et la vie de l'Eglise dans leur secteur. Ce n'est pas une petite affaire.

Par ailleurs nous avons pris en charge des secteurs en monde urbain , à l'imitation d'autres Instituts. Des confrères y ont fait et y font encore de l'excellent travail. Mais nous étions moins bien préparés à ce type d'apostolat, aussi plusieurs confrères n'ont pas tenu le coup, et nous ont quittés.

Les Ecoles apostoliques. Nous avions en 1938 six écoles apostoliques comptant en tout environ 600 élèves avec 55 prêtres professeurs. Elles assuraient des rentrées record au Séminaire interne. En cette année 1938 nous sommes entrés à 48. Il est vrai que ce fut la guerre et sur ce nombre nous ne sommes que 15 à être arrivés au sacerdoce dans la C.M. et 3 dans des diocèses.

Dans l'après guerre nous avons bâti à neuf plusieurs écoles apostoliques et nous en avons modernisé plusieurs autres. En 1955, elles étaient 7 fonctionnant avec 70 confrères. Malheureusement elles ont été loin de donner les résultats pour lesquels tant d'efforts avaient été faits. La réforme scolaire nous a obligés à entreprendre leur reconversion. Elles sont devenues de simples collèges, ou bien elles ont cessé leur activité. Du coup nous n'avons plus eu aucune ou presque aucune vocation venant de ce côté.

Qu'aurait-il fallu faire au lieu d'une simple suppression? Peut-être eut-il fallu créer quelques Foyers pour y préparer des vocations proprement dites. Il est dommage que cette expérience n'ait pas été tentée.

Les Missions lointaines. Nous sommes considérés à juste raison comme un Institut missionnaire et nous avons en ce domaine une longue et glorieuse histoire. Un certain nombre d'entre nous sont entrés dans la C.M. pour partir en mission.

Mais nos effectifs missionnaires ont considérablement baissé. En 1938, sur 515 confrères français de moins de 75 ans, 245 étaient en pays de mission soit presque la moitié. En 1967 sur 400 confrères de moins de 75 ans il n'y en plus que 101 soit le quart en pays de mission. En 1994, sur 133 confrères français de moins de 75 ans, il n'y en a plus que 29 en pays de mission. Il est vrai que dans plusieurs pays un recrutement local a pu prendre la relève.

Cette dimension missionnaire de nos provinces est à maintenir. J'ai pu au cours de divers voyages, constater combien de nombreuses provinces sont reconnaissantes aux confrères français de les avoir fondées et ensuite aidées pendant longtemps, et encore maintenant. Il arrive assez souvent que des jeunes soient attirés chez nous par cette dimension missionnaire.

Je n'ai pas eu la possibilité de rassembler les chiffres des entrées au séminaire interne et des sorties de 1960 à 1990. Je peux tout au plus dire que parallèlement aux diocèses de France, les entrées au séminaire se sont effondrées, et commencent à remonter un peu. Les commentaires que je viens de faire sur les chiffres de ces 150 années, ne me permettent pas de vaticiner pour l'avenir. Mais on peut légitimement se demander :

Que faudrait-il faire ?

Pour que des jeunes veuillent entrer chez nous, il faut qu'ils aient l'impression que nous essayons de répondre selon notre vocation aux urgences de l'Eglise. Je n'ai pas à dire ce qu'il faudrait faire, c'est aux assemblées provinciales d'y réfléchir. Pourtant je me permets de signaler deux urgences qui, me semble-t-il, devraient solliciter notre attention, car elles sont dans la ligne où nous avons vu agir saint Vincent

1_ Le monde rural est en train de devenir un désert religieux, s'il n'est pas évangélisé pour susciter des équipes de laïcs, capables de prendre en charge la vie de l'Eglise, nous retrouvons là une intuition de saint Vincent.

2_ Le monde des exclus au service duquel beaucoup de bonnes volontés se dévouent. Nous aurions à étudier ce problème de société et à y éveiller nos jeunes. Nous avions presque pris la résolution, à la fin de la retraite d'Aiguebelle avec le P. Durand O.P. de nous atteler à cet effort d'analyse et de réflexion. Nous aurions au moins à encourager et soutenir les vocations de confrères qui se sentent appelés à s'y dévouer...

Cela ne doit pas nous faire oublier la dimension mission lointaine, à travers l'aide aux provinces de pays de mission, envisagée plutôt comme un échange, grâce au départ de quelques confrères en mission et à l'accueil parmi nous d'étudiants ou de prêtres venant de ces provinces...


Entrées et sorties à Saint-Lazare et Dax

des sujets français 1840-1960

Entrées Sorties

Venant du clergéAvant Après

Prêtr.Sémin.Tot. %Autr.Tot.10 ansTot %

_____________________________________________________________________________

1840-4418355351%481012553030%

1845-49 31568768%4212951-5138%

1850-54 26558166%411221972621%

1855-59 5536311673%431592412517%

1860-64 28588564%491352913022%

1865-69399313276%431754285029%

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1840-6919536055567%2668211902221226%

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1870-74 318912056%932136086832%

1875-79 27336050%611215466050%

l880-84 21416242%8614837114833%

1885-89 15385334%10515826154126%

1890-94 19254429%10514933144732%

1895-9921567738%1252024655125%

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1870-9913428241643%5659812565931532%

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1900-04 4434728%12016744246841%

1905-09 5141920%789739104949%

1910-14 62812%616921123348%

1915-192246%65692573246%

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1900-1917617819%3244021295318245%

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1920-24551010%9210224103433%

1925-29 491314%79924144549%

1930-34 1453%1851905466032%

1935-39-110,7%15315497410166%

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1920-391019295,5%5095382162424045%

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1940-44 ---0%1121127247668%

1945-49 0121225%37494504592%

1950-54 ---0%62622763352%

1955-6034715%41483263880%

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1940-59216197%2522711761619271%

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Récapitulation

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1840-6919536055567% 2668211902221226%

1870-9913428241643%5659812565931532%

1900-1917617819%3244021295318245%

1920-391019295,5%5095382162424045%

1940-59316197%2522711761619271%

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120 ans359738109736%19163013967174114137%

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1ère colonne les prêtres entrés à la C.M. 2ème colonne les séminaristes

3e,total des 2 4e pourcentage par rapport aux entrées totales

5e entrées venant du laïcat 6e Total des entrées

7e sorties avant 10 ans de présence 8e, sortoies après 10 ans

9e Total des sorties 10e, Proportion des sorties sur les entrées