Repères pour la formation des nôtres aujourd'hui

Repères pour la formation

des nôtres aujourd'hui

Kazimierz Stelmach, C.M.

membre de l'équipe du CIF

Dans notre Congrégation, le théme de la formation a toujours été étudié et discuté. Déjà pour saint Vincent, la formation du clergé était l'un des objectifs visés dans l'établissement de la Congrégation. Observateur attentif des besoins de son époque, il a vu le renouveau de 1'Eglise commencer par la formation. A mon avis, par la formation du clergé, il a cherché aussi à rénover toute la société. Il sest exprimé clairement à ce sujet dans sa conférence aux missionnaires de septembre 1655 (SV XI,308-312; Dodin,265-270).

L'Eglise se trouve aujourd'hui à un moment difficile. Elle vit au sein d'une société qui, sur divers points, nous rappelle celle du temps de saint Vincent. Notre Congrégation vit aussi ce moment délicat. Comme saint Vincent, dans sa conférence de septembre 1655, nous devons donc nous interroger. Que devons-nous faire ? Comment nous préparer et comment préparer nos étudiants à affronter cette situation ? Comment nous rendre prêts à mieux répondre aux nécessités de notre temps, à participer aussi à la rénovation continue de la société et de l'Eglise ?

Ces quelques réflexions ne prétendent pas répondre à toutes les questions qui se posent. Simplement, à partir de ma petite expérience personnelle, je vaudrais signaler certains points plus importants de la formation, à soigner particulièrement aujourd'hui. En quoi et pour quoi devons-nous préparer nos étudiants ? Je ne fais pas de considérations d'ordre “doctrinal”; plutôt, je suis attentif à notre vie quotidienne et aux appels urgents qui en proviennent.

La "Ratio Formationis Vincentianae pour le Grand Séminaire de la Congrégation de la Mission" met au premier plan la formation humaine. Dans cette “préparation”, je voudrais souligner un seul des aspects dont parle la Ratio. Elle dit "l'Etudiant s'exercera à s'ouvrir aux autres, à ce qui est différent de lui, même à propos de ce qui est difficile à accepter" (Vincentiana 1988-2, p. 222). A mon avis c'est l'un des problèmes les plus fréquemment rencontrés aujourdthui par les jeunes, un des plus evidents auxquels j'ai dû faire face comme formateur.

Aujourd'hui le monde a plus que jamais besoin d'hommes capables de "rencontrer" au sens plein du mot. Il faut y insister fortement et enseigner à nos jeunes que, dans la "rencontre", il ne s'agit pas d'accepter "l'autre" de manière passive seulement. Ce point est mis fort en relief par saint Vincent. Pour lui, rencontrer le pauvre, c'est se donner totalement à lui. L'entraînement pour être des hommes de rencontre, commence dès le seminaire. On peut dire que si on n'est pas capable d'accepter le frère avec qui on vit, il sera difficile de pratiquer cette vertu en mission. Car la mission court le danger d'être limitée, superficielle ou sélective.

C'est donc la première tâche du formateur que d'observer et de bien connaître ses étudiants et d'agir en conséquence. Ce n'est en rien facile. A chaque formateur de trouver la méthode apte à favoriser chez les étudiants l'acquisition de la facilité de relation avec 1'autre.

A mon avis, un autre point très important regarde la prière en général. Nos séminaires se doivent d'être bien organisés pour la vie spirituelle. Cette vie "organisée" du séminaire comporte un danger. Quand nous nous retrouvons seuls, nous ne sommes plus toujours capables d'organiser notre vie spirituelle. Ce fait n'est pas nouveau, mais il faut toujours en tenir compte. Je crois que dans notre programme du grand séminaire, tout ne doit pas être prescrit, organisé. De temps à autre, il faut laisser aux étudiants la liberté d'organiser leur "journée spirituelle". Ainsi, non seulement ils apprendront à prier, mais découvriront le besoin et surtout la joie de la vie spirituelle. Cela porte le séminariste à être responsable. Cela est fondamental : par le fait même d'être responsable de sa prière, il apprend à assumer ses diverses responsabilités de futur missionnaire.

Le temps de la formation comprend des études théologiques. Au n° 31, au sujet des objectifs de la formation intellectuelle, la Ratio Formationis demande d'aider les étudiants "à acquérir la capacité de juger les valeurs et contre-valeurs du monde actuel, les causes de la pauvreté et les obstacles à l'évangélisation" (ib., 227).

Trop souvent les études de théologie sont regardées seulement comme une étape à franchir. Les jeunes veulent passer tout de suite à l'action. Cela a un côté très positif. Mais, les formateurs doivent essayer de faire constater aux jeunes que le monde d'aujourd'hui n'est pas simple, que d'ailleurs il ne l'a jamais été. Nos grands séminaristes doivent voir que pour agir, pour servir utilement le pauvre, il faut se préparer. Dans une de ses conférences, saint Vincent a souligné cette nécessité : "Il leur a fort recommandé de bien étudier ... afin de mieux servir Dieu, et le prochain plus utilement" (SV XII, 63:

Dodin, 478). Une chose doit être bien claire pour nos Etudiants : nous ne devons pas être de simples assistants sociaux, mais des missionnaires, car telle est notre vocation.

Je voudrais insister enfin sur une orientation de la formation qui intéresse la vie communautaire de toute la Congrégation. Notre erreur la plus fréquente est de considérer la Communauté comme étant à notre service, comme notre débitrice. J'ai constaté souvent cette attitude. Il va de soi que tout le processus de la formation doit viser à faire sentir, à faire constater que notre Communauté c'est vraiment notre famille et que nous y sommes dans "notre maison". S'il en est ainsi, c'est à moi d'être présent, pour cette famille. Cela n'est facile ni pour les séminaristes ni pour leurs formateurs.

Selon la Ratio Formationis, "la formation doit amener les Etudiants à ... s'intégrer dans une communauté fraternelle et missionnaire qui soit moyen de vivre selon l'Evangile et signe prophétique du Royaume de Dieu ... à contribuer activement à l'édification de la communauté" (ib. 231). Bref, la communauté sera ma communauté, ma maison, dans la mesure où, tout le premier, je me regarderai comme étant là pour elle. La famille peut nous servir de modèle : le père, la mère et l'enfant n'y sont pas seulement pour y dormir mais pour y vivre.

Voici seulement quelques-uns des aspects qui sont, à mon avis, très importants pour la formation dans nos grands séminaires. J'en ai perçu l'importance non seulement dans mon expérience de formateur, mais encore dans les conversations avec les missionnaires. Je pense que tout formateur en trouvera d'autres, vu que cela dépend beaucoup des lieux et des personnes. Il serait intéressant de confronter nos expériences au niveau interprovincial. Cela nous enrichirait et surtout serait une aide pour chacun.

(Traduction: Paul Henzmann, C.M.)