Collaborer à la formation pour l'évangélisation. La raison d'être de la Congrégation de la Mission et l'apostolat dans les séminaires en Californie

Collaborer à la formation

pour l'évangélisation

La raison d'être de la Congrégation de la Mission

et l'apostolat dans les séminaires en Californie

Richard Benson, C.M.

Professeur au séminaire de Camarillo

Ces trente dernières années il y a eu un débat passionné au sein de la Petite Compagnie à propos d'une interprétation commune, ou plutôt un manque, concernant la finalité de la Congrégation de la Mission. Plus précisément certains ont demandé si la Communauté a un "but" ou des "buts". Tandis que cette question peut sembler restée ouverte à quelques-uns, pour la plupart des autres elle a été résolue à la lumière d'une exégèse des écrits de Vincent et d'une recherche historico-critique qui, bien qu'on admette qu'elles laissent place à quelque ambiguïté, mettent en évidence une compréhension généralement acceptée selon laquelle pour saint Vincent il n'y avait qu'une seule raison d'être de la Communauté: l'évangélisation des Pauvres

Grand sujet à la même Compagnie de se confondre de ce que jamais il n'y en avait eu une, car cela est inaudit, qui eût pour fin de faire ce que Notre-Seigneur est venu faire au monde, annoncer l'Evangile aux pauvres seulement, aux pauvres abandonnés : Pauperibus evangelizare misit me. Car c'est là notre fin, voyez-vous, de quoi il a plu à Dieu laisser depuis peu comme un monument à la Compagnie et un mémorial à la postérité. (XII, 4) (1)

Cette déclaration est toutefois à peine un refus ou même une minimisation de la valeur de l'apostolat dans les séminaires pour les Prêtres de la Mission. Il est historiquement évident que les séminaires furent un élément essentiel dans la mission spécifique de Vincent envers les pauvres parce qu'ils étaient facteurs de solidité et continuité de la mission suprême de la Communauté en travaillant à l'intérieur de la structure de l'Eglise diocésaine par l'évangélisation des curés. Saint Vincent lui-même, explique clairement cette logique dans une lettre au supérieur d'Agen (1654):

Sur ce que vous demandez comment on s'acquitte du quatrième voeu, qui est de s'employer au salut des pauvres gens des champs toute sa vie, n'étant toutefois employé qu'aux séminaires, je réponds que c'est, premièrement, en préparation d'esprit, se tenant prêt d'aller aux missions à la moindre signification qui nous en sera faite; et, en second lieu, parce que c'est médiatement travailler au salut du pauvre peuple de la campagne que d'être employé à former de bons curés et de bons ecclésiastiques, qui par après les vont instruire et les exhorter à une bonne vie ; pour le moins nous devons avoir cette intention et cette espérance. (V, 81) (2)

Stafford Poole, C.M. nous rappelle que c'était justement l'apostolat dans les séminaires qui amena, en premier lieu, la Petite Compagnie aux Etats Unis(3). La Congrégation de la Mission fut aussi l'une des rares compagnies qui vinrent aux USA dans le but précis d'y établir un séminaire diocésain.

Nos confrères vinrent tout d'abord à ce qui est maintenant l'archidiocèse de Los Angeles, en Californie, en 1863, pour ouvrir un petit séminaire pour le diocèse à la demande de son évêque, Thaddeus Amat, C.M. Cependant le séminaire ne prospéra pas et rapidement l'institution devint exclusivement une école pour laïcs. Néanmoins les confrères restèrent à Los Angeles et continuèrent d'exercer d'autres formes d'apostolats. Finalement, en 1926, Mgr Cantwell, évêque de Los Angeles ouvrit un petit séminaire avec un programme de formation de six ans que la Congrégation accepta de fournir en professeurs. Rapidement cette institution devint surpeuplée et un nouveau petit séminaire fut construit à San Fernando, en Californie, et la Communauté continua d'en fournir les professeurs et de l'administrer jusqu'en 1974, moment auquel l'archidiocèse le prit sous son entière responsabilité jusqu'à ce qu'il soit fermé quelques vingt années plus tard.

St John's Seminary, le grand séminaire pour l'archidiocèse de Los Angeles, situé à Camarillo, à approximativement 100 kilomètres au nord de Los Angeles, fut ouvert par l'évêque, Mgr Cantwell, en septembre 1939, et la responsabilité de fournir le personnel enseignant et de l'administrer fut confiée aux confrères. Alors qu'à l'origine il y avait un programme de six ans de formation, en complément du programme de six ans du petit séminaire, la durée du programme du séminaire Camarillo fut allongée en 1961 à huit ans, de façon à offrir un baccalauréat en philosophie officiellement reconnu, en 4 ans, ainsi qu'une maîtrise de Théologie officiellement reconnue et conduisant à l'ordination, en quatre ans également.

Alors que, jusqu'à tout récemment, les confrères étaient principalement sinon exclusivement responsables de la formation et de l'administration des séminaires de Camarillo, actuellement ils continuent à travailler dans ces séminaires en collaboration avec l'archidiocèse de Los Angeles, aux niveaux de l'enseignement et de l'administration. Alors que les deux recteurs sont des prêtres diocésains, les deux vice-recteurs sont actuellement des Prêtres de la Mission, et les sept confrères travaillant à plein temps dans l'un ou l'autre ou les deux séminaires représentent environ le cinquième des formateurs travaillant à plein-temps.

Les séminaires comprennent deux maisons canoniques séparées pour les confrères, l'une au séminaire de philosophie et l'autre au séminaire de théologie. Les confrères sont engagés dans une heureuse et mutuelle collaboration avec leurs trente cinq collègues dans ce ministère. Le personnel enseignant comprend des prêtres diocésains, des religieux hommes et femmes non-Vincentiens et des laïcs. La Divine Providence nous a conduits à cette situation où l'on constate que, loin de s'en trouver amoindri, l'esprit vincentien est florissant. Au milieu de la diversité de cette communauté d'étudiants et de professeurs, les maisons C.M. prospèrent et le charisme de la Communauté continue à être l'un des principes directeurs de la formation. Que ce soit en enseignant en classe, en assurant la direction spirituelle, ou en accomplissant des tâches administratives dans un bureau, les confrères propagent l'esprit de saint Vincent, aussi bien chez les étudiants que parmi le personnel enseignant. En collaboration avec cet éminent corps enseignant, les dons individuels de chacun des formateurs du séminaire, y compris ceux des Prêtres de la Mission, sont mis en valeur et reconnus. En fait, ce modèle vivant de collaboration dans le ministère est rendu effectif quotidiennement pour les étudiants comme pour les formateurs.

Les séminaires, avec plus de 150 étudiants, sont au service de plus de 15 diocèses des Etat-Unis et d'autres pays et de plusieurs congrégations religieuses, dont la Province de l'Ouest de la Congrégation de la Mission. La population étudiante reflète l'Eglise multi-culturelle et multi-linguistique du sud-ouest des Etats-Unis, avec plus d'un tiers d'étudiants latino-américains, un quart d'asiato-américains et le autres qui sont soit euro-américains, soit afro-américains. Les orientations pour la formation dans le séminaire, mises en oeuvres dans une collaboration de l'ensemble des formateurs, reflète pareillement l'influence vincentienne dans le séminaire depuis plus de 50 ans. Un exemple clair en est que les séminaires préparent des prêtres pour la mission évangélique en insistant pour que tous les étudiants suivent un cours complet de langue de sorte qu'avant l'ordination ils puissent démontrer leur compétence pastorale en plus d'une langue. Le cursus inclut aussi une préparation pastorale multi-culturelle, en même temps qu'il offre un certain nombre de cours de théologie en espagnol, parallèlement au cursus complet en langue anglaise. Alors que de nombreuses langues sont régulièrement intégrées à la prière et à la musique de l'Eucharistie quotidienne, il y a aussi un jour particulier de la semaine où l'entière l'Eucharistie et toute la récitation publique de la Liturgie des Heures sont célébrées en espagnol par l'ensemble de la communauté du séminaire.

Les confrères s'efforcent de maintenir une forte identité vincentienne tout en s'intégrant pleinement à l'ensemble composite des formateurs et des étudiants. Tout en s'engageant dans une pleine participation à l'emploi du temps quotidien du séminaire, la communauté C.M. met en place chaque année un projet communautaire qui prévoit du temps pour des rassemblements hebdomadaires de prière, de travail et de détente. Toutes les fêtes principales de la Congrégation sont intégrées au calendrier du séminaire et célébrées par l'entière communauté du séminaire.

En vérité un esprit vincentien semble imprégner le séminaire tout entier, depuis le magnifique vitrail de Vincent de Paul dans la chapelle jusqu'aux cours sur la justice sociale et l'homilétique enseignée par les confrères. La province C.M. de cette région organise chaque année une conférence théologique sur un thème vincentien pour la communauté du séminaire, les anciens élèves et les laïcs de l'archidiocèse. Chaque année des Médailles Miraculeuses sont bénites et distribuées à l'ensemble du séminaire. Enfin, alors que les confrères s'efforcent de participer pleinement à la vie du séminaire, il leur arrive souvent de prendre du temps pour faire une retraite et prier ensemble.

Il est clair que lorsque un juste équilibre est atteint, les confrères peuvent trouver un heureuse harmonie entre la vie de communauté entre eux et une profonde efficacité apostolique dans le contexte d'un séminaire diocésain et en collaboration avec des collègues qui ne sont pas de la Congrégation. Lorsqu'il en est ainsi, la logique de l'esprit de St Vincent devient très claire et les confrères peuvent dire avec Vincent: "Il n'y a pas d'oeuvre plus importante dans l'Eglise que de travailler à la formation de bons prêtres.".

(Traduction: Mme Monique Amyot d'Inville)

(1) Pierre Coste, C.M., Monsieur Vincent: le grand saint du grand siècle. (Les soulignements sont de l'auteur.)

(2) Ibid. (Les soulignements sont de l'auteur.)

(3) “Ad Cleri Disciplinam: The Vincentian Seminary Apostolate in the United States” in “The American Vincentians”, J. E. Rybolt ed. (New York City Press, N.Y., 1988) pp. 97-162.