Collaborer dans la formation. Document final, engagement n° 3

Collaborer dans la formation

- Document Final, engagement n° 3 -

Par J. Ignacio Fernández de Mendoza, C.M.

Vicaire Général

En lien avec notre temps

La documentation postconciliaire de l'Eglise sur la formation des aspirants au sacerdoce et à la vie consacrée renvoie en général à quatre aspects de la formation: humaine, spirituelle, intellectuelle et apostolique. Il faut en dire autant de la Ratio Formationis pour le Séminaire Interne et pour le Scolasticat de la Congrégation de la Mission. Dans ce dernier cas, soumis à des conditions propres, on mentionne aussi la formation communautaire et vincentienne. Evidemment, dans le cas de la Congrégation de la Mission, la formation vincentienne remanie et donne une couleur propre à tous les autres aspects de la formation. Toutes proportions gardées et étant sauf ce qui doit l'être, tout ce qui a été exposé récemment par le Magistère de l'Eglise concerne aussi les Filles de la Charité et les laïcs vincentiens; et, jusqu'à un certain degré, on recueille les projets de formation des divers groupes de la famille vincentienne.

Qu'il nous soit permis de parler, ne serait-ce que brièvement, des divers aspects de la formation, en détachant pour chacun d'eux quelques-uns des éléments les plus proches d'une vision vincentienne de la formation.

La formation humaine a pour fin d'acquérir non seulement un haut degré de maturité personnelle, mais finalement de renforcer les activités apostoliques. Les membres de la Famille Vincentienne ont besoin de développer avant tout dans cette sphère de la formation certaines valeurs, telles que le respect de la personne, la compassion, l'accueil et la générosité. La formation spirituelle conduit, pour sa part, à la configuration personnelle et collective avec Jésus-Christ. Bien que soit commun à tous les fidèles l'usage de certains moyens pour stimuler la formation spirituelle, tels que l'écoute de la parole de Dieu, la vie sacramentelle et la prière, la formation spirituelle exige dans le cas d'un vincentien des nuances et des accents propres en fonction du charisme reçu du fondateur et partagé par l'institution à laquelle il appartient. Ceci étant admis, les membres de la Famille Vincentienne au moment d'obtenir une formation spirituelle adéquate essaieront avant tout de mettre leurs propres énergies au service de la charité en vue de développer un amour affectif et pratique pour les pauvres. La formation intellectuelle vise à obtenir une compréhension suffisamment solide du message chrétien pour qu'on puisse rendre compte de sa propre foi et annoncer l'Evangile. Astreint aux nuances et considérant comme admise l'opportunité de connaître, dans une certaine mesure, le contenu du Credo, un vincentien a besoin d'assimiler en particulier la doctrine sociale de l'Eglise, les causes de la pauvreté et ce qui se rapporte à l'inculturation de la foi. La formation à l'apostolat, dans le cas des diverses branches de la famille vincentienne, prétend orienter les énergies personnelles et collectives vers l'évangélisation des pauvres surtout par le service et l'annonce de la foi. Pour obtenir une formation apostolique appropriée, il faut que d'une manière ou d'une autre se joigne à la réflexion et à l'étude la pratique pastorale dans des milieux sociaux pauvres. De même, en suivant les règles antérieures, il revient à tous les vincentiens de développer leur conscience missionnaire, autant personnelle que communautaire.

La formation vincentienne doit être considérée comme fondamentale et indispensable. On tend à obtenir que tous les membres de la Famille Vincentienne, à la lumière du charisme propre, suivent Jésus-Christ évangélisateur des pauvres. La formation vincentienne ne se limite pas à une époque déterminée de la personne, mais elle doit s'entretenir tout au long de la vie. Elle se sert de la réflexion, de l'étude et, dans une mesure aussi large, de l'exercice pratique et concret de la charité. La formation vincentienne doit imprégner et pénétrer tout le processus de la formation personnelle et collective pour que toute la Famille Vincentienne vive avec intensité l'expérience de saint Vincent. Il lui revient de donner un sens et d'unifier les autres aspects de la formation. Dans cet ordre de choses les connaissances théoriques comptent beaucoup et, tout autant, les expériences et l'amour pratique des pauvres.

D'autre part, c'est à tous les membres de la Famille Vincentienne de découvrir et d'analyser avec un soin spécial l'histoire passée et présente de l'institution à laquelle chacun appartient.

Avant l'Assemblée générale de 1998

Ce qui concerne la Famille Vincentienne en tant que telle a reçu une forte impulsion durant la période qui s'étend entre les Assemblées Générales de la Congrégation de la Mission de 1992 et 1998 et, surtout, à l'occasion de cette dernière Assemblée. C'est le Supérieur général et son Conseil qui, dans une large mesure, ont donné à ce nouveau dynamisme une dimension universelle. Pour un grand nombre de confrères il s'agit naturellement d'un chemin connu et fréquenté. D'autres, au contraire, aidés par les nouvelles circonstances, découvrent un monde tant soit peu étranger pour eux: celui de la Famille Vincentienne. En tout cas les uns et les autres se sont rendu compte que l'idée et la réalité de la Famille Vincentienne ont atteint des niveaux insoupçonnés jusqu'à présent.

La pratique et la réflexion qui s'ensuit sur la Famille Vincentienne ont durant ces dernières années dirigé leurs pas dans des directions complémentaires. Quelques-uns des sentiers les plus fréquentés par les spécialistes ont été ceux qui se rapportent aux critères d'appartenance, de description de chaque mouvement, aux signes du renouveau postconciliaire, à l'identité de chaque branche et, en particulier, à l'impulsion donnée à la Famille Vincentienne, à sa vie et à son apostolat, en tant que tels. Dans cette décennie, celle qui nous situe au seuil du troisième millénaire, on a vu circuler dans la Famille Vincentienne, composée de clercs et de laïcs, les idées de connaissance mutuelle et de communion, d'unité dans la diversité des charismes, de collaboration et de mission propre. Un objectif d'un relief tout particulier a été et reste ce qui se rapporte à la formation. C'est d'elle que je parle dans cet écrit.

Responsabilité de la Congrégation de la Mission

Les communautés les plus significatives fondées par saint Vincent avec des buts apostoliques furent au nombre de trois: les Confréries de la Charité, la Congrégation de la Mission et la Compagnie des Filles de la Charité. Compte tenu de la fondation et aussi de la pratique historique persistante, il n'est pas permis d'affirmer que la Congrégation de la Mission ait toujours assumé la responsabilité de contribuer à l'animation spirituelle et à la formation vincentienne des deux autres groupes. Avec le cours des temps elle jouera un rôle identique ou semblable par rapport à d'autres laïcats vincentiens qui surgiront périodiquement. Certes, le degré de proximité et d'apport propre à chaque mouvement fut inégal dans la pratique, non seulement à cause des bases juridiques sur lesquelles s'établissent les rapports mutuels mais aussi à cause des relations fraternelles plus ou moins grande entre la C.M. et les autres mouvements vincentiens.

Aujourd'hui la Congrégation, dans ses Constitutions et Statuts et dans les documents émanés des Assemblées Générales, manifeste clairement ses convictions sur les responsabilités qui lui incombent de manière à offrir une bonne formation vincentienne aux associations fondées par saint Vincent ou qui découlent de son esprit.(C 17 ; S 7,1 ; Document final de l'AG-1992 et 1998).

Collaborer dans la formation

Un dictionnaire consulté apporte la définition suivante du verbe collaborer :c'est travailler avec d'autres personnes à une tâche commune, aider au succès d'un but déterminé. La collaboration se manifeste, donc, dans la réalisation d'un projet, mis en route par diverses personnes, qui se proposent de le mener à terme. Deux éléments entrent en jeu dans cette description : la pluralité des personnes ou des institutions impliquées et, d'autre part, la fin ou le but vers laquelle on s'est proposé de marcher: il n'est autre, dans le cas présent, que de parvenir à une bonne formation spéciale au profit des membres de la Famille Vincentienne.

Notre intention n'est pas de descendre dans des détails excessifs sur la formation. Qu'il nous soit permis, néanmoins, de reprendre ici quelques grandes orientations. Il s'agit d'une réalité complexe, nécessaire et urgente.

La formation contient des éléments généraux et particuliers. Il s'agit d'une progression de la personne ou du groupe vers une croissante configuration au Christ, qui se réalise en même temps, d'après le charisme de la propre institution à laquelle chacun appartient. C'est pourquoi elle s'articule autour de certaines valeurs chrétiennes communes et dans une certaine mesure spécifiques, en même temps qu'elle s'incarne dans la multiple variété des expressions sociales et culturelles de chaque lieu.

D'autre part, la formation s'occupe du développement intégral de la personne. Elle ne se limite pas, cependant, aux aspects individuels, mais elle fait attention au développement de son aptitude à vivre et à agir comme membre d'un corps. Elle prétend de même donner à chaque personne un plan de croissance articulé, solide, ouvert à une société en profonde transformation, toujours en consonance avec la vocation propre. On accède à la formation par l'information, la connaissance du fondateur et l'histoire de sa propre association, et à travers les expériences d'apostolat correspondantes. Le développement du sens historique et expérimental, touchant la propre mission, occupe aujourd'hui une partie considérable de la formation en chacun des mouvements vincentiens.

L'Assemblée générale se prononce

L'assemblée générale a eu lieu à Rome du 6 au 31 juillet 1998. Trente-trois représentants des divers groupes de la Famille Vincentienne participèrent aux débats du 9 au 14 juillet. Le fait était nouveau et prometteur. Le Document final porte le titre suivant: “Avec la famille vincentienne nous affrontons les défis de la Mission au seuil du nouveau millénaire”. Le texte approuvé recueille de nombreux apports concernant la Famille Vincentienne, tous travaillés par la base et par les spécialistes de la dernière décennie. Il contient diverses parties disposées dans l'ordre suivant: Introduction, défis, convictions, engagements et conclusion. Il s'adresse directement à la Congrégation de la Mission. D'une certaine façon, il s'adresse aussi de manière orientative, en guise d'invitation, aux diverses branches de la Famille Vincentienne.

La Congrégation de la Mission, après les deux ou trois mois de calme relatif qui suivirent l'Assemblée générale, s'apprête maintenant à décortiquer et à mettre en oeuvre le document dans les divers lieux et cultures du monde. La mise en pratique du mandat d'une Assemblée générale suppose du temps, une méthode adéquate et surtout la bonne volonté en même temps qu'un grand sens de la responsabilité.

Rendre effectives les décisions

Les défis signalés dans le Document final rassemblent en une brève synthèse quelques-uns des actuels signes des temps dont la Congrégation de la Mission devrait tenir compte à l'heure où elle déploie sa propre activité missionnaire: les pauvres, les nouveaux horizons culturels et la nouvelle évangélisation. Les convictions essaient de marquer quelques-unes des motivations, évangéliques et vincentiennes qui alimentent la vie et l'apostolat de la Congrégation de la Mission : l'envoi des Apôtres par le Seigneur, la vitalité du charisme vincentien, la fidélité à suivre Jésus et la charité pastorale.

De leur côté, les engagements pris par l'Assemblée générale, cinq en tout, impliquent la Congrégation en divers secteurs par rapport à de l'avenir: la collaboration avec la Famille vincentienne, la réponse ensemble aux cris des pauvres, la collaboration dans la formation, dans les missions internationales et dans l'usage pour l'évangélisation des nouveaux moyens de communication. L'Assemblée générale, à travers les décisions adoptées et recueillies dans le Document final, a tracé pour la Congrégation de la Mission un nouveau projet d'évangélisation: celui qu'elle se propose maintenant de mener à bien avec les autres branches de la Famille vincentienne. Il n'est donc pas exagéré de qualifier le moment présent de “ temps d'espérance ”. C'est sur tous les membres de la Congrégation de la Mission, prêtres, frères et étudiants que retombe la belle responsabilité de mettre en pratique ces cinq engagements.

3ème engagement : collaborer dans la formation

Ce paragraphe se rapporte à la formation initiale et permanente des membres de la Congrégation de la Mission et des laïcs vincentiens. A un moment déterminé, afin de couper court à un possible inconvénient, celui de rendre trop homogènes sur ce point les diverses branches vincentiennes, le document invite opportunément à respecter l'expérience historique et la tradition particulière de chaque partie de la Famille Vincentienne. Il parle également de la collaboration mutuelle en ce qui concerne la formation, sans oublier l'autonomie et les particularités de chaque groupe.

Comme on le voit, l'Assemblée générale demande maintes fois que la Congrégation de la Mission collabore à la formation, mais en affichant clairement une attitude de très grand respect pour ce qui est spécial et caractéristique dans chaque mouvement vincentien.

D'ailleurs, cette partie du Document final insiste avec d'humbles accents sur le fait qu'elle ne se propose pas d'offrir de grandes nouveautés. Ce qu'elle veut, c'est profiter de l'actuelle conjoncture qui donne aux diverses branches de la Famille Vincentienne un sens profond d'appartenance, qui n'a fait que croître au cours de la dernière décennie. L'engagement que nous commentons contient, en plus d'une brève introduction, trois parties : la formation des nôtres, celle des formateurs et celle de la Famille Vincentienne.

Formation initiale et permanente des nôtres

Cette partie touche directement tous les membres de la Congrégation de la Mission, aussi bien ceux qui se trouvent à l'étape de la formation initiale que de la permanente. En substance, l'Assemblée générale élargit un canal déjà existant pour que dès maintenant, dans les programmes de formation de la Congrégation de la Mission, figure ce qui concerne la Famille Vincentienne et, en particulier, la relation de la Congrégation de la Mission avec les autres mouvements qui partagent notre charisme. Il s'agit de construire solidement l'édifice des relations mutuelles. Pour cela rien de tel, de notre côté, que de chercher à connaître davantage et encore mieux les autres mouvements, de tâcher d'accroître chez tous le sens d'appartenance à la Famille Vincentienne et, vu cela, d'ouvrir la voie à la collaboration dans le service et l'évangélisation des pauvres.

Le document de l'Assemblée fait un pas de plus. Les membres de la C.M., en même temps qu'ils mettent leurs dons au service de la formation des autres, doivent aussi se considérer volontiers comme profitant de cette formation. Les autres groupes vincentiens ont beaucoup à apprendre aux membres de la Congrégation de la Mission. Parfois ils les aideront à découvrir la fraîcheur et la nouveauté du charisme vincentien. De même ils feront apparaître devant eux de nouvelles formes et de nouvelles manières d'incarner ce charisme en des milieux du monde très différents, qu'ils soient culturels ou sociaux. Sur ce point, certains faits actuels qu'il convient de rappeler restent très significatifs. De jour en jour augmente le nombre des Filles de la Charité et des laïcs vincentiens qui enseignent dans les Séminaires internes et les Scolasticats de la Congrégation de la Mission. En même temps, leurs noms figurent dans les programmes de rencontres, les semaines, les congrès et les sessions de formation, destinés à toute la Famille Vincentienne, y compris aux membres de la Congrégation de la Mission. Le fait n'est pas rare de voir une Fille de la Charité animer les Exercices spirituels destinés aux membres de la Congrégation de la Mission.

Ensuite l'Assemblée générale signale quelques disciplines à prendre en considération et à inclure dans les programmes de formation des Provinces: l'étude des causes de la pauvreté, l'apprentissage des langues, la connaissance de la doctrine sociale de l'Eglise, le recours au CIF et à d'autres organismes semblables. Il s'agit de donner une impulsion et, dans ce cas, de profiter de ces moyens qui favorisent la formation et, finalement, la mission elle-même.

Pour quel motif l'Assemblée générale insiste-t-elle sur la formation initiale et permanente des nôtres? La réponse ne devrait étonner personne. C'est en premier lieu parce qu'il convient avant tout d'élever le niveau de la formation intégrale des membres de la C.M.. Le manque de confrères spécialisés, ou avec une formation proche de la spécialisation, est aujourd'hui notoire en beaucoup de Provinces de la Congrégation de la Mission. Cela se doit en partie, mais pas uniquement, à l'abandon croissant des séminaires où les confrères avaient des fonctions d'enseignement. On trouve une autre cause dans les nombreuses fermetures du scolasticat provincial lui-même, où jusqu'à une date récente les candidats à la vie missionnaire recevaient leur formation philosophique et théologique. Actuellement la plupart des étudiants de la Congrégation de la Mission fréquentent des Centres d'étude dont la responsabilité est étrangère à la Congrégation de la Mission. Le fait doit être considéré comme normal et même profitable. Ce qui ne paraît pas aussi acceptable, pour les conséquences que cela entraîne, c'est le faible nombre de confrères qui enseignent dans les premiers cycles de ces centres d'étude et dans leurs cycles de spécialisation. De la même façon, il faut peut-être attribuer à un troisième facteur le manque de spécialisation d'un groupe au moins suffisant de confrères dans chaque Province: c'est l'option pour certains ministères, par exemple le ministère paroissial, dans lesquels par leur nature même l'exigence de connaissances et en général de formation est dans la pratique plutôt faible.

En détectant sur ce point une carence qui affecte la Congrégation de la Mission, l'Assemblée générale invite les Provinces à mettre en pratique les moyens nécessaires pour trouver dès que possible le remède approprié. Dès lors, pour hausser le niveau de la formation initiale et permanente, il est requis avant tout de la part des Provinces la bonne volonté. Il revient aux Assemblées provinciales et, en particulier, aux Visiteurs et à leurs Conseils d'examiner la situation et de prendre les décisions pertinentes d'après ce qui fut décidé par l'Assemblée générale.

L'appel de l'Assemblée générale est dû en second lieu au manque, maintes fois constaté, de formation vincentienne (et en particulier d'information suffisante) et au sens d'appartenance à la Famille Vincentienne. De fait, un groupe de membres de la Congrégation de la Mission est resté étranger - dans un passé récent - à la réalité de la Famille Vincentienne; et, en conséquence, il n'éprouva que peu ou point la proximité affective et effective des diverses branches de celle-ci. D'où la convenance de l'impulsion donnée par l'Assemblée à la formation des membres en vue de resserrer les liens et de collaborer avec le reste des vincentiens. En tant que Congrégation de la Mission nous nous trouvons, donc, au moment opportun, dans un temps de grâce, pour donner impulsion, en accord avec la voix de l'Assemblée générale, à tout ce qui se rapporte à la Famille Vincentienne et, ainsi, affronter tous ensemble avec les meilleures garanties de succès l'évangélisation au début du troisième millénaire.

Formation de nos formateurs

L'Assemblée générale s'est prononcée sur ce sujet en toute clarté et décision. Ce n'est pas en vain que l'avenir de la Congrégation, à court et à moyen terme, dépendra d'une certaine façon de la formation des jeunes confrères et, pour que cela soit possible, de ceux qui vont, dans un prochain avenir, remplir l'office de formateurs. On invite les Provinces à mettre en pratique tous les moyens nécessaires, même les moyens économiques, pour offrir la meilleure préparation possible à leurs actuels et à leurs futurs formateurs. L'Assemblée générale fait même appel à la collaboration interprovinciale pour assurer la formation des formateurs. Elle signale à ce sujet trois pistes: la mobilité et l'échange des formateurs, l'apport de ressources économiques aux Provinces qui en manquent et l'accueil offert dans la Province elle-même aux confrères venant d'autres horizons. On demande même au Supérieur général que, une fois examinés le pour et le contre, il se serve, s'il le juge opportun, de moyens extraordinaires pour donner une impulsion à la formation des formateurs. L'Assemblée générale signale deux possibles chemins à suivre dans l'immédiat: la création d'un ou de plusieurs centres internationaux et la formation d'une équipe itinérante d'experts, qui se rendrait présente dans les Provinces ou au moins dans les grandes zones géographiques où se trouvent les membres de la Congrégation de la Mission. On ne ferme aucune porte. Le temps et les circonstances conseilleront ce qu'il est plus convenable de faire à chaque moment. Le Supérieur général et son Conseil, en évoquant cette collaboration, tiennent compte de ce que l'Assemblée générale a approuvé; ils ont déjà mis en route un processus de discernement pour prendre, à ce sujet, les décisions opportunes.

L'Assemblée générale, sans descendre dans trop de détails, établit une distinction entre la formation des professeurs et celle des formateurs. Sans exclure la première, elle se réfère surtout à la seconde. C'est pour cela qu'elle parle, en passant, de quelques tâches propres au formateur vincentien. Il accompagne et il appuie dans toute sa croissance celui qu'il forme: vocation personnelle, option pour le sacerdoce ou pour l'état laïc, spiritualité vincentienne et d'un sacerdoce missionnaire.

On peut se demander: L'appel insistant de l'Assemblée générale à préparer des formateurs obéit-il à un besoin réel? Est-il opportun en ce moment précis? Aurions-nous peut-être négligé en ces dernières décennies cette part si décisive qu'est la formation des formateurs?

Qu'il nous soit permis de répondre, en partant non de présupposés théoriques, plus ou moins connus et même rebattus, mais à partir de l'expérience accumulée par celui qui écrit cela en tant qu'Assistant du Supérieur général et par ceux qui ont constaté sur place la situation réelle d'une bonne partie de la Congrégation de la Mission en ce moment précis.

La Congrégation de la Mission constate dans sa propre histoire un fait nouveau. A la fin du second millénaire et au moment de commencer déjà le troisième, la Congrégation de la Mission se déplace de l'hémisphère nord vers l'hémisphère sud. Selon le pronostic des experts, la Congrégation de la Mission connaîtra dans les prochains 25 ans une croissance notable dans les pays d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie. C'est l'inverse qui arrivera en Europe et aux Etats-Unis. Dans la majeure partie des Provinces de la Congrégation de la Mission, sans exclure celles d'Europe et des Etats-Unis, le manque de formateurs saute aux yeux. En tout cas, le besoin de formateurs préparés et suffisamment motivés est à tout point de vue beaucoup plus évident, non pas en toutes les Provinces, mais dans la majeure partie de celles qui sont situées en Afrique, en Asie et en Amérique latine. Or c'est en ces lieux précisément que, de jour en jour, augmente le nombre des candidats qui frappent aux portes de nos maisons de formation.

Les Visiteurs respectifs ressentent au vif les embarras et les angoisses propres à ceux qui manquent de formateurs et, d'autre part, ils ne trouvent pas la formule idéale pour résoudre une si grande difficulté. A moyen et à long terme la solution de ce problème se trouve dans les lieux mêmes où se trouvent ces difficultés. A court terme, nous avons le remède jusqu'à un certain point, et de façon provisoire, dans la collaboration interprovinciale. L'aide offerte par les Provinces riches en personnel, et parfois aussi en moyens économiques, à celles qui en manquent est décisive et indispensable au moment de poursuivre et de consolider l'implantation de la Congrégation de la Mission en beaucoup de Provinces enclavées dans les continents mentionnés plus haut. Il s'agit de l'un des défis que la Congrégation devra affronter avec entière détermination au début du troisième millénaire.

Personne ne devrait s'étonner que, devant quelques faits et besoins objectifs, l'Assemblée générale ait pressé la Congrégation de la Mission de prendre sans délai des mesures dans ce genre de choses. Pour leur part, les Provinces qui ne disposent pas de formateurs devraient privilégier ce ministère au moment d'élaborer les projets provinciaux et de répartir le personnel. La préparation d'un formateur requiert des moyens économiques et du temps. Son ennemi numéro un est l'improvisation. Improvisation avec laquelle on joue d'ailleurs dans les Provinces où, le nombre des vocations ayant notoirement baissé, on compte théoriquement avec des formateurs préparés. La réalité est très différente. Quand un formateur cesse ses fonctions, son Visiteur en bien des cas ne dispose plus de confrères préparés et motivés pour remplir ce ministère délicat.

Diverses causes ont contribué à créer la situation que nous connaissons. Durant les trois premières décennies qui ont suivi Vatican II, les préférences des confrères se sont concentrées dans des ministères directement pastoraux. La forte impulsion donnée à la réflexion sur la spiritualité vincentienne et, en particulier, sur la fin de la Congrégation de la Mission, a conduit beaucoup de confrères à penser que le ministère pastoral, avec charge d'âmes, répondait plus authentiquement à la pensée du fondateur que la formation des nôtres, par exemple. A ce facteur il faudrait en ajouter un autre de nature très différente. Le ministère paroissial a réuni en cette fin de siècle un nombre de confrères beaucoup plus élevé qu'en aucune autre époque antérieure de la Congrégation de la Mission. A travers les paroisses on a réalisé sans aucun doute un énorme travail missionnaire, souvent dans des lieux vraiment pauvres. Cependant, ce ministère, valable en soi-même et approprié quant à l'évangélisation, a entraîné quelques inconvénients. Un nombre croissant de confrères a éprouvé, personnellement, une certaine inappétence pour assumer d'autres ministères distincts de l'habituel, par exemple, celui de la formation des nôtres et des prêtres diocésains. Un autre fait, en rapport avec tout ce que nous disons, n'est pas non plus passé inaperçu. Souvent, mais pas toujours, le confrère au service d'une paroisse déterminée perçoit à court terme les résultats positifs de ses efforts pastoraux. Au bout de peu de temps il reçoit l'adhésion et la reconnaissance des personnes pour qui il se dévoue. Comme l'expérience l'enseigne, il ne semble pas que la même chose arrive à ceux qui se consacrent à la formation: ils doivent attendre de longues années pour évaluer les fruits de leurs efforts. Il s'agit, en définitive, d'un facteur de plus qui, ajouté à ceux mentionnés plus haut, a contribué à établir une certaine distance et à créer une désaffection entre un bon nombre de confrères et le ministère de la formation.

Ceci étant acquis, et comme le prochain millénaire est sur le point de commencer, il conviendrait de tourner la page pour stimuler franchement la préparation des formateurs, d'après ce que dit l'Assemblée générale. Il faudrait profiter de cette conjoncture pour prendre définitivement les mesures propres à une solution satisfaisante dans le domaine de la formation des nôtres.

Formation de la Famille Vincentienne

Elargissant sa perspective, l'Assemblée générale imagine les différents groupes de la Famille Vincentienne frappant aux portes de la Congrégation de la Mission afin de demander de l'aide pour la formation des mouvements apparentés. En réalité, c'est ce qui arrive assez fréquemment. L'Assemblée générale, en toute connaissance de cause, demande aux Provinces de prendre des mesures. Ce n'est pas sans raison que la vitalité plus ou moins grande des divers groupes de la Famille Vincentienne et ses besoins surgissent et se découvrent dans le milieu local. De même, la solution à de tels besoins est en général dans les mains de ceux qui connaissent de près les diverses situations. Selon l'Assemblée générale, il semble inadéquat de recourir à des centres éloignés tant géographiquement que culturellement, quand en réalité la solution est à portée de mains.

Descendant dans certains détails, l'Assemblée générale se reporte à la formation des divers groupes vincentiens sous son double aspect: initiale et permanente. Elle rappelle également aux confrères qu'il convient de donner un coup de main aux groupes déjà existants qui souffrent d'un manque de vitalité. Elle invite aussi les membres de la Congrégation de la Mission à offrir un accompagnement aux organismes locaux florissants, puisque la formation permanente doit être regardée comme opportune pour tous sans exception et à tout moment.

La grande nouveauté c'est l'appel de l'Assemblée générale à établir des équipes de formation, composées de membres de la Congrégation de la Mission et des membres des autres mouvements de la Famille Vincentienne : Filles de la Charité et laïcats. Avec cette disposition l'Assemblée générale dépasse une époque où, en ce qui concerne la formation de la Famille Vincentienne, deux facteurs entraient en jeu : le corps enseignant, d'ordinaire la Congrégation de la Mission, et le corps “enseigné ”, à qui la formation était destinée; et il se composait du reste de la Famille Vincentienne. L'Assemblée générale, avec beaucoup de doigté et d'habileté, démonte la vision antérieure des choses et opte pour la création d'équipes de formation qui soient mixtes. Bien sûr, en la circonstance actuelle et peut-être dans les prochaines années, le poids de la formation spirituelle et vincentienne continuera à retomber, sinon exclusivement du moins de façon prépondérante, sur la Congrégation de la Mission et les Filles de la Charité.

De ce qui a été dit, une conséquence se dégage: les conseillers et conseillères spirituels en exercice, membres de la C.M. et Filles de la Charité, et ceux qui à l'avenir vont s'incorporer à cette catégorie devront connaître la spiritualité vincentienne et en même temps les caractéristiques des associations avec lesquelles ils vont collaborer en tant que formateurs. Ils veilleront de même à ce que la manière d'agir et la vie de ces associations s'établissent uniquement sur des bases vincentiennes, en évitant le mélange avec d'autres spiritualités.

Le Document final fait un pas de plus. Il invite les Provinces de la Congrégation de la Mission à ouvrir aux autres mouvements vincentiens leurs organismes de formation permanente déjà existants. Cette mesure, si elle est accueillie, sera sans aucun doute bénéfique pour tous. Les structures créées sont parfois sous-employées, faute d'un usage approprié et suffisant. L'affluence de nouveaux groupes peut contribuer à leur donner une plus grande vitalité. Même à un organisme en plein rendement l'extension de son rayon d'action lui est bénéfique si de cette façon elle parvient à atteindre, comme il arrive en ce cas, les diverses branches de la Famille Vincentienne. Le Document final invite à prendre en considération ce choix et d'autres encore qui visent la collaboration mutuelle.

Conclusion

L'Assemblée générale a mis dans les mains des membres de la Congrégation de la Mission un document où se trouve, entre autres, l'engagement à collaborer dans la formation. Il revient aux confrères d'assimiler son contenu et de le mettre en pratique. Il s'agit, sans doute, d'un temps de grâce pour toute la Famille Vincentienne. La Congrégation de la Mission a élargi ses propres horizons pastoraux. D'une manière explicite elle assume avec détermination une responsabilité particulière: collaborer dans la formation avec le reste de la Famille Vincentienne. Cette coopération affecte la Congrégation de la Mission, mais en même temps elle s'ouvre aux autres branches. Le membre de la C.M. se sent disposé à se dévouer, mais aussi à recevoir. Il se reconnaît responsable, mais aussi bénéficiaire, de la formation. Il affronte le début du nouveau millénaire en coopérant de près avec les Filles de la Charité et les laïcats. Les membres de la Famille Vincentienne, ainsi dotés d'une bonne formation, garantissent dans le prochain avenir l'évangélisation des pauvres.

Saint Vincent appréciait le ministère de la formation. En s'adressant à des missionnaires, il les invitait à regarder Jésus-Christ, qui évangélisa les pauvres mais aussi forma les apôtres et un groupe de femmes. Il dira aux missionnaires: “Nous sommes tous appelés de Dieu... pour travailler à un chef-d'œuvre ; car c'est un chef-d'œuvre en ce monde que de faire de bons prêtres ”. Et encore : “Quelle bénédiction de Dieu de nous trouver en l'état que le Fils du Père éternel s'est trouvé, de diriger comme lui des femmes qui rendent service à Dieu et au public dans les meilleures manières que des pauvres filles sont capables de le faire ”.

(Traduction: Jules Vilbas, C.M.)

Coste XII, 14.

Coste XII, 87.