Charité et promotion humaine dans la mission

Charité et promotion humaine

dans la mission

Sr Maria Grazia Deriu, FdlC

Province de Sardaigne

Chers Frères et Soeurs, je vous salue tous respectueusement et fraternellement.

Il m'appartient de traiter le thème : "La charité et la promotion humaine dans la Mission". Certaine de votre bienveillante compréhension, je compte sur votre cordialité pour vaincre l'émoi.

Comme préalable, je résume la synthèse de la dynamique et des étapes de notre intervention missionnaire.

1) Les missionnaires préparent et organisent toujours la mission d'entente avec le curé et les groupes ecclésiaux à l'oeuvre. Ainsi, on choisit le thème conducteur, on fixe la date la plus opportune et on met au point la logistique, afin d'assurer à la mission le meilleur résultat possible. Autant que faire se peut, à ces rencontres préliminaires prennent part quelques membres du groupe qui ont ainsi un premier contact avec le milieu à évangéliser.

2) Au sein du groupe, nous travaillons par équipes de deux : une laïque et une soeur. Suivant les exigences de la communauté et nos disponibilités, deux ou trois de ces équipes participent à la mission. Notre tâche dure deux ou trois semaines. Nous arrivons sept jours avant les missionnaires. Au cours de cette première phase nous travaillons donc seules; et dans la deuxième phase nous continuons à jouer notre rôle, tandis que les prêtres commencent le leur.

3) Le jour de notre arrivée, au cours d'une cérémonie à la fois simple et suggestive, d'ordinaire insérée dans la messe ou les vêpres, en présence de la communauté réunie pour la célébration, le curé nous remet le crucifix comme signe de notre mandat et du début officiel de notre service.

4) Nous sommes hébergées, selon les possibilités, par des familles bénévoles, avec lesquelles nous prenons d'ordinaire nos repas.

Nous commençons alors la visite des familles. Nous tâchons de contacter tous les foyers, en allant de la périphérie vers le centre. Nous prenons contact, présentons et expliquons le programme de la mission. Nous essayons de rendre les gens sensibles à la chance et aux devoirs de ce temps de grâce. Nous jetons les bases de rapports cordiaux. Dans le climat amical, qui souvent s'instaure avec facilité, nous arrivons à connaître les problèmes particuliers de tous genres : les souffrances physiques et morales, les difficultés et problèmes de nature diverse. Suivant la liberté qu'on nous laisse et pour les cas qui le méritent, nous suggérons de rencontrer le missionnaire. Souvent nous nous chargeons de lui signaler les personnes âgées ou malades.

Ce genre d'approche nous permet de connaître les problèmes, les difficultés et aussi les joies des personnes rencontrées. En toute simplicité, c'est déjà une annonce du Christ et de son Evangile, en attendant celle plus systématique et complète des missionnaires.

Pour la Fille de la Charité, l'expérience de la mission est toujours merveilleuse. Il y a de très beaux moments d'enrichissement et aussi d'affrontement à des réalités qui sont si différentes de mon quotidien. Ces expériences m'ont rendue plus ouverte et disponible, plus attentive et sensible aux problèmes présentés.

Mère Guillemin disait : "La Fille de la Charité doit embrasser l'horizon du monde", attentive comme saint Vincent aux nouvelles réalités, aux signes des temps.

La difficulté la plus fréquente se présente avec ceux qui sont éloignés de l'Eglise. Bien qu'il ne soit pas nouveau, c'est un problème difficile à cerner, tant sont divers les chemins qui conduisent à s'éloigner de la vie active de l'Eglise et de ses engagements. Même dans le cas le plus complexe, de celui qui nous dit ne s'intéresser en rien à Dieu et à tout ce qui le regarde, notre attitude doit rester chrétienne. Nous allons à la rencontre de ces personnes en étant pleines de Dieu, l'annonçant sans cesse et toujours au nom de l'Eglise, dans la charité qui pourra si nécessaire prendre la forme d'une aide matérielle, accompagnée de prière, dans le style tout naturel saint Vincent.

Pour développer notre action, nous avons un guide précis en notre Directoire. Permettez-moi de citer son n° 40 : "Témoins du Christ, Seigneur de notre vie, nous veillerons avec la plus vive attention à ce que les personnes qui nous rencontrent et nous écoutent, soient portées à rencontrer Notre-Seigneur à travers nous...”

Ma plus belle expérience en Mission, c'est quand j'assiste au retour de ceux qui sont loin à la maison du Père, de voir la profondeur de leur joie de se savoir pardonnés après si longtemps, de partager leur bonheur de se sentir enfin libérés de fardeaux pesants et avilissants.

Il est très important de disposer les esprits au dialogue, surtout au sein des familles, car nous y trouvons souvent des cas de solitude profonde, même chez les personnes qui vivent avec leur parenté et leur famille: enfants, conjoint, père et mère. Nous rencontrons sans cesse l'incapacité au dialogue et à 1'écoute, comme pour confirmer le dicton : "on n'est jamais aussi seul qu'en compagnie". Nous vouons donc une attention particulière à qui, manifestement, éprouve le désir élémentaire de trouver à qui parler.

Très souvent nous rencontrons des personnes qui ne désirent rien d'autre qu'un peu d'attention, une minute de notre temps. En nous parlant alors que nous les écoutons, elles se sentent importantes. Que de fois, de notre écoute désintéressée, attentive et prudente, naissent des confidences très émouvantes. Nous nous rendons compte de ce que le simple fait de ne pas nous connaître, nous missionnaires, fait tomber la barrière de la pudeur et du respect humain, obstacle fréquent à la franchise sans réserve. Cela nous oblige en même temps à la nécessaire discrétion absolue, au respect et à la gratitude envers qui nous honore de son estime et de sa confiance.

Nous concluons la rencontre par une brève prière, une cordiale salutation, un au revoir affectueux qui invite aux rencontres de la mission. Ainsi, de maison en maison, de famille en famille, des logis les plus éloignés, petit à petit nous gagnons le centre ...

La mission m'a appris une grande leçon : le devoir de respecter au plus haut degré toute personne que je rencontre. Je peux ne pas comprendre, j'ai le droit de ne pas partager un point de vue, j'ai le devoir de respecter. Tous les jours je me trouve face à des cultures et à des façons d'être complètement différentes de l'éducation et de la formation que j'ai reçues. Je me souviens sans cesse d'une phrase importante de Paul VI : "L'homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres, ou s'il écoute les maîtres, c'est parce qu'ils sont des témoins". Je l'entends dans la vie quotidienne, surtout chez les plus pauvres, qui n'ont plus rien, qui ont tout perdu. Leur douleur muette me fait sentir leur désir d'être aidés à recouvrer leur dignité. Je suis là pour faire avec eux rien qu'un petit bout de chemin. Je dois cheminer avec eux, démontrer dans les faits qu'il est toujours possible de reprendre un chemin qu'ils ont peut-être perdu.

Telle est la promotion humaine que m'enseigne la mission : elle s'insère fort bien dans l'évangélisation globale. En effet, dans le document pastoral "Évangélisation et Sacrements" des Evêques d'Italie, au n. 81, nous lisons : " ... Les hommes de notre temps sont très sensibles à la présence tangible et à la mise en valeur de tous les aspects de la promotion humaine. Toutes ces formes restent à la base de l'Evangile; elles sont réincarnées et revécues dans la vie de l'Eglise. La réalité sacramentelle, si bien adaptée à l'homme dans son être concret, si elle est comprise dans les profondeurs de sa structure, fait reconnaître et défendre dans le signe les justes exigences de cette promotion, la libération, la justice et la paix".

Vous, prêtres, soeurs et laïcs, qui connaissez mieux que moi les enseignements du Concile, vous savez que c'est à nous, en mission surtout, à savoir accueillir et appliquer les orientations données par l'Eglise.

Bien sûr, nous présentons ces orientations aux gens avec beaucoup de tact. Nous leur faisons comprendre que l'Eglise est faite de tous les baptisés qui professent la foi. Cette foi nous ne l'imposons jamais. Nous respectons qui ne la partage pas.

Confions notre engagement à Marie, à saint Vincent évangélisateur et serviteur des pauvres. Qu'ils nous guident dans l'annonce de l'Evangile du Christ ! Qu'ils nous bénissent! Qu'ils bénissent les personnes déjà rencontrées et toutes celles que nous rencontrerons encore dans nos missions futures. Merci.

(Traduction: Paul Henzmann, C.M.)