Homélie SG à la veillée de prière pour la canonisation de François-Régis Clet, 30 septembre 2000

HOMÉLIE - VEILLÉE DE PRIERE EN PRÉPARATION A LA CANONISATION DE FRAN*OIS-RÉGIS CLET

Rome, Italie, Église de San Gioacchino, 30 septembre 2000

L'an dernier j'ai visité Wuhan, la ville où François-Régis Clet a été tué. J'ai descendu la rivière jusqu'à l'endroit où, j'en suis presque certain, a eu lieu l'exécution. Je me déplaçais avec prudence car j'étais sous surveillance. Il est très difficile pour nous, qui avons tant de liberté, de croire que des millions de Catholiques continuent à vivre clandestinement et souffrent pour leur foi en Chine Continentale. J'étais très ému de penser que François-Régis Clet, un homme de 72 ans, y avait marché tranquillement vers sa mort. Là, sur le bord de la rivière, il a été lié sur une croix, a été étranglé trois fois, puis est mort.

Clet était un homme extraordinaire. Permettez - moi d'essayer de vous dire pourquoi.

  1. Premièrement, il était une personne complète, véritablement intègre. Ses amis le décrivaient comme un homme plein de tendresse et de compassion. Il a vécu longtemps et pleinement. Pouvez-vous imaginer : il a vu de près les débuts de la Révolution Française. Une foule furieuse envahit la Maison-Mère où il vivait, la pilla et détruisit tout. Il était alors, Directeur des Novices à Paris, homme de talent, intelligent, amical. Pressentant que la Congrégation allait être réprimée en France, il s'offrit pour aller en Chine et en peu de semaines il était en chemin sachant qu'il ne reviendrait plus pour revoir ceux qu'il aimait.

Ses lettres de Chine sont merveilleuses. Elles nous renseignent sur sa bonne humeur, son amour pour sa famille, son admiration pour la pauvreté et la foi du peuple chinois qu'il servait. De plus, elles nous dévoilent aussi un million de petites préoccupations que tous nous pouvons comprendre. Il détestait être Supérieur. Il avait besoin d'huile pour l'onction des malades, des bougies et du vin pour la Messe. Il demandait une montre qui marcherait bien. Parfois il n'avait pas d'argent. Il se plaignait que ses lettres et celles des autres étaient perdues. Il se lamentait de la violence permanente de la Révolution en France.

Ses confrères et le peuple chinois aimaient beaucoup François-Régis Clet. Il est aussi évident que le Mandarin qui a présidé son procès final l'admirait beaucoup. Il a été jusqu'à recommander que Clet ne soit pas exécuté. Mais l'Empereur en a décidé autrement.

  1. Il avait une profonde confiance en la providence de Dieu. A son arrivée en Chine il écrivait : «je crois que je suis la volonté de la providence ». Au cours de ses années passées là bas, il disait à ses amis : « nous devons adorer la providence dans les bons et les mauvais moments». Souvent, en prison, il voyait la main de Dieu dans toutes choses. Et écrivant à ses confrères, il leur rappelle combien il était important pour saint Vincent d'avoir foi en en la Providence. Nous devons la suivre dans toutes choses déclarait-il. Il me semble que c'est cela le secret de sa sainteté : Clet savait donner un sens à la vie car il était capable de trouver Dieu dans tous les évènements de son existence. C'est cela avoir foi en la providence. C'est la vertu du donner sens. C'est trouver à donner un sens dans l'abondance et la pauvreté, dans la lumière et l'obscurité, dans l'amour et la haine, dans la grâce et le péché, dans le prévu et l'imprévu, dans la paix et la violence, dans la vie et la mort.

  1. Clet fait preuve d'une sérénité stupéfiante devant la mort. Les mois précédant sa fin, il réalisait qu'un grand ouragan l'engloutissait et l'emporterait bientôt à la mort. Après sa capture, il a séjourné dans 27 prisons différentes. Il y était battu et devait s'agenouiller sur ses chaînes pendant des heures. Il était sale, affamé, vêtu de haillons, couvert de puces quand il est arrivé à Wuhan. Mais là aussi, la providence est intervenue, disait-il. Il était si pauvre et si sale que les geôliers du lieu ont refusé de le recevoir et il fut envoyé dans un autre endroit où il retrouva ses amis prêtres et un groupe de chrétiens. Il disait à tout le monde que ses derniers mois de prison ont été relativement agréables - beaucoup mieux, déclarait-il, que les prisons françaises - et là il attendait la mort dans la paix. Durant cette période il écrivait à ses amis : « Pour moi, vivre c'est Jésus-Christ et mourir m'est un gain ». Dans son ultime lettre adressée à son Supérieur, il concluait simplement : « Voici peut-être mon dernier signe de vie auprès de vous ». Puis il se mit en route vers son exécution.

Mes frères et sœurs, pour nous les saints incarnent la sainteté véritable. Ils la rendent concrète. En eux la sainteté devient vie. Leurs vies ne sont pas des livres de théologie abstraite, ni des manuels de spiritualité aride. Elles sont une réalité palpable. Aujourd'hui, je vous encourage à nous en réjouir et bien évidemment, à suivre l'exemple de cet homme extraordinaire. Il était une personne entière, remplie de tendresse et de compassion. Sa vie était marquée par une confiance profonde en la Providence de Dieu et par la certitude que Dieu était à ses côtés sur la route. Il avançait avec sérénité vers sa mort. Y a t-il encore quelque chose de plus dont nous ayons besoin d'apprendre pour vivre cela ? Si François Régis Clet peut nous enseigner ces leçons alors son martyre n'aura sûrement pas été vain.

Robert P. Maloney, C.M.