Janez Francisek Gnidovec, C.M. (1873-1939)

Janez Francisek Gnidovec, C.M.

(1873-1939)

par Franc Letonja C.M.

Province de Slovénie

Certains de nos confrères sont des modèles qui peuvent nous inspirer dans notre manière de réaliser la vocation vincentienne qui est

d'apporter “la Bonne Nouvelle aux pauvres”. L'un d'eux est Janez Francisek (Jean-Franc¸ ois) Gnidovec.

Le procès diocésain pour la cause de béatification de J.F. Gnidovec commenc¸ a en 1978 et fut achevéà Ljubljana en 1984. Cette même année le dossier fut envoyé à la Congrégation pour les Causes des Saints à Rome.

Enfin, le 27 juin 2000, la positio du Serviteur de Dieu, Mgr Janez Francisek Gnidovec, M., Évêque de Skopje-Prizren, a étéprésentée à la Congrégation pour la Cause des Saints. Cette positio est composé e de deux gros volumes qui illustrent et mettent bien en relief la figure de notre confrère slovène qui devient le père de tous les: Alba-nais, Serbes, Croates et Slovènes. Mgr Rolando Zera a étéle collaborateur externe. L'Archevêque de Lubjana, Mgr Franc Rodé, C.M., a envoyéen novembre 1999 un « supplex libellus » au Saint Père pour

que rapidement cette cause soit examinée par le Collège des Théologiens et pour la Consultation des Cardinaux et des Évêques.

Les premières années

Jean-Franc¸ ois Gnidovec naquit le 29 Septembre 1873 à Veliki Lipovec (dans la paroisse d'Adjovec, à l'ouest de Novo Mesto), et fut baptiséle jour suivant dans l'Église paroissiale.

Sa famille, d'humbles paysans, était profondément chrétienne, et elle lui enseigna l'amour de Dieu et des nécessiteux et la manière de prier pour obtenir protection et aide. La famille priait régulièrement le matin et le soir, ainsi qu'avant les repas, et récitait l'Angélus à midi.

L'enfance du jeune Jean-Franc¸ ois Gnidovec ne fut pas heureuse.

Sa mère mourut lorsqu'il avait sept ans. Tout jeune encore, il dut travailler à la ferme, spécialement à la surveillance des quelques vaches Vincentiana, mars-avril 2001 et porcs. Il apprit très toˆ t à gagner sa subsistance de ses propres mains.

À sept ans, il alla dans une école élémentaire qui n'avait que la première classe, à Ajdovec. Aussi continua-t-il sa scolarité à Novo Mesto, où il fut un élève exceptionnel. Pendant l'année scolaire il habitait à Novo Mesto. Pour ne pas être trop à la charge de son père, il donnait des répétitions à d'autres élèves afin de pourvoir à son entretien. En 1892, il termina brillamment ses études secondaires.

L'école secondaire que fréquenta J.F. Gnidovec était dirigée par les Pères Franciscains. Leur exemple et leur enseignement lui permirent

d'approfondir sa foi. Ce fut à ce momentlà qu'il commença à rendre visite au Saint-Sacrement quotidiennement.

Appel au sacerdoce

En février 1892 son père mourut. La seule personne vers laquelle il put se tourner pour demander conseil était le prêtre de la paroisse.

Après avoir priépour être éclairéet s'être entretenu de sa foi et de son avenir avec le prêtre de la paroisse, Gnidovec partit pour Ljubljana (capitale de la Slovénie) ou` il entra au séminaire diocésain pour poursuivre ses études de théologie en vue de devenir prêtre. Encore une fois il fut très brillant dans ses études. Il travailla dur, non pour les notes, mais pour se préparer à sa vie et à la réalisation de sa vocation.

Travail pastoral

Le 23 Juin 1896, il fut ordonnéprêtre. Peu après, il fut envoyé dans une paroisse comme vicaire; il y travailla avec beaucoup de zèle.

Ses paroissiens réalisèrent très rapidement que leur nouveau prêtre était un homme de prière et d'action. S'il n'était pas à son bureau, il fallait le chercher à l'église ou en train de visiter des malades ou des personnes aˆ gées. Les gens parlaient de lui comme d'un saint homme.

Cependant son ministère pastoral en paroisse ne dura pas longtemps.

Retour aux études

L'Évêque de Ljubljana, Mgr Anton B. Jeglic, fonda le tout premier collège classique de langue slovène, qui était un pensionnat. Il désira y mettre de bons professeurs et de bons éducateurs. En 1899, Mgr Jeglic envoya Gnidovec à Vienne pour y étudier les langues. Gnidovec combina ses études supérieures avec le service pastoral, travaillant auprès des immigrés slovènes de Vienne, connus comme pour être des vendeurs de châtaignes grillées. Il obtint son diplôme en 1904. Puis il enseigna le catéchisme, pendant une année, dans un pensionnat à Kranj en Slovénie.

Professeur

En 1905, Gnidovec devint professeur dans le collège classique diocésain puis fut nommérecteur de l'institution. Il y fut aiméet respecté à cause de ses connaissances et de sa personnalité. Les professeurs, aussi bien que les étudiants, le considéraient comme un modèle. Ils le virent bien souvent en train de méditer dans la chapelle.

Pendant la première Guerre Mondiale, une partie du collège fut aménagée en hôpital. Gnidovec visitait presque chaque jour les soldats blessés, leur apportant des paroles de réconfort et les sacrements.

Il y avait quelques soldats hongrois parmi les blessés, aussi apprit-il à parler le hongrois pour mieux les aider et leur rendre service.

Entrée dans la Congrégation

Cependant le P. Gnidovec ne trouvait pas la paix intérieure ni son épanouissement dans ses fonctions d'enseignant et de recteur.

Son cœur était auprès des déshérités et des pauvres auxquels il voulait apporter l'amour de Dieu, la Bonne Nouvelle. Qui saura combien de temps il a médité et réfléchi sur son éventuelle entrée dans la Congrégation? Le 6 décembre 1919, il dit au revoir aux professeurs et aux étudiants et, le 7 décembre 1919, il fut rec¸ u dans la Congrégation et commença le séminaire interne. Le Visiteur fit ce commentaire dans une lettre au Supérieur Général à propos du nouveau membre: “Gnidovec est un homme qui a l'esprit excellent, prêt pour n'importe quelle tâche, et il est considéré comme un saint par ses confrères”.

On remarqua sa vie spirituelle et il fut sollicité pour devenir l'assistant du directeur du séminaire interne. Il brûlait du désir de rejoindre ses confrères pour donner des missions populaires, mais son travail dans la Congrégation, dans la Province de Yougoslavie (maintenant Province de Slovénie), ne dura pas longtemps.

Nomination épiscopale

Le P. Gnidovec n'essaya jamais d'impressionner qui que ce soit avec ses diplômes de l'Université de Vienne ou par le fait qu'il avait été directeur d'un collège diocésain. Il était profondément humble.

Lorsqu'il fut appelépar l'Évêque de Ljubljana, il était très anxieux, se demandant ce que cet appel pouvait signifier, mais il accepta la nomination et fut consacré évêque le 30 novembre 1924. Ceux qui le connaissaient ne furent pas surpris lorsqu'il fut choisi comme évêque.

Peu de temps après que sa nomination ait été rendue officielle parmi les prêtres du diocèse de Skopje, l'un d'entre eux désira en savoir plus sur le nouvel évêque. “Est-il (Gnidovec) un homme de prière et a-t-il de la patience?”. Lorsque ce prêtre reçut une réponse positive il dit: “Que notre nouvel évêque soit le bienvenu!”.

Le diocèse de Skopje

Le diocèse de Skopje, au sud de la Serbie (aujourd'hui la Macédoine, et la région du Kosovo), était une véritable diaspora. Les Catholiques étaient une minorité de la population étant donné que 50% étaient Orthodoxes et plus de 40% étaient Musulmans. Il est difficile d'imaginer leurs conditions de vie après la guerre des Balkans (1912-1914) et la première Guerre Mondiale. Il était clair qu'il y avait de fortes tensions aussi bien politiques qu'ethniques et religieuses.

On reconnut que Mgr Gnidovec était un excellent choix puisqu'il n'était ni Serbe, ni Croate, ni Albanais, mais Slovène. Il était doué pour les langues, pieux et humble, mais aussi persévérant et travail-leur acharné.

Sa cathédrale était une petite église ayant un bâtiment attenant qui lui tenait lieu de maison paroissiale, de chancellerie et d'habitation. Dans son diocèse, il y avait pénurie de prêtres, d'églises et de chapelles.

Séminaire

En tant que pasteur d'un diocèse si diversifié et si pauvre, sa première priorité fut le séminaire. Il savait que le ministère pastoral ne pourrait être mené à bonne fin que par des prêtres bien formés et instruits. Il dut commencer à partir de rien, sans fonds disponibles, aussi il se fit “mendiant”.

Pour atteindre son premier but, il devait trouver des prêtres. Il retourna en Slovénie oú il rencontra des Évêques et le Visiteur de la Congrégation de la Mission, leur demandant des prêtres. Sa demande fut agrée. Un certain nombre de confrères et quelques membres du clergé diocésain vinrent l'aider, et il reçut aussi une aide matérielle pour construire un séminaire.

Églises et chapelles

De nombreuses petites communautés catholiques de ce diocèse n'avaient aucun lieu de culte officiel, si bien que lorsqu'un prêtre venait célÉbrer la messe et entendre les confessions, une simple maison ou une école servait d'église. Pour ceci encore Mgr Gnidovec eut à mendier afin d'obtenir permis et fonds. Il eut à frapper aux mêmes portes de nombreuses fois. Les membres du gouvernement étaient des Serbes orthodoxes et ils ne voulaient pas voir une église catholique s'installer dans leur voisinage.

Charité

Beaucoup de gens de ce diocèse vivaient dans la pauvreté aussi bien que dans le laisser aller moral. Mgr Gnidovec voulait leur offrir une aide à la fois spirituelle et matérielle. Certains membres du gouvernement ne pouvaient comprendre pourquoi cet Évêque aidait les pauvres et les mendiants et l'accusaient même d'encourager la paresse.

Les pauvres et les nécessiteux découvrirent très vite que l'Évêque était bienveillant envers eux, aussi venaient-ils souvent frapper à sa porte. Mgr Gnidovec faisait tout ce qu'il pouvait pour soulager leurs souffrances.

Congrégations et fraternités

De sa courte expérience du ministère pastoral dans des paroisses en Slovénie, Mgr Gnidovec apprit que les jeunes autant que les adultes avaient besoin de soutien et d'une meilleure connaissance de leur foi. Ce soutien était même encore plus nécessaire en diaspora. La Légion de Marie et quelques autres congrégations du même genre commencèrent à se former. Une jeune fille, Agnès Bojadziev, fut un membre très actif de la Légion de Marie. Elle devint plus tard Mère Teresa de Calcutta.

Les Fraternités du Saint-Sacrement et du Sacré-Cœur, ainsi que l'Action Catholique furent aussi formées.

La dévotion des premiers vendredis et des premiers samedis du mois était très chère à son cœur. L'évêque souhaitait que des familles adhèrent à cette dévotion pour se modeler sur la Sainte Famille. Il savait qu'une vie de foi ne se développerait que dans de bonnes et pieuses familles.

Publication religieuse

Mgr Gnidovec essayait d'être le plus possible en contact avec ses ouailles; mais visiter les paroisses et les communautés catholiques n'était ni facile ni simple. Dans certains coins de son diocèse, les seuls moyens de circuler étaient à cheval, à bicyclette ou à pied.

Il écrivait régulièrement aux prêtres, mais les fidèles étaient négligés. Il réalisa l'importance des médias pour former et éduquer les fidèles. Le 25 mars 1928, sortait le premier numéro d'un nouveau magazine, Blagovijest (La Bonne Nouvelle).

Ljaramani - catholiques secrets

Sous la domination ottomane dans les Balkans, la religion musulmane se propagea et s'imposa à la population. Quelques Catholiques se soumirent à la nouvelle religion. Ceux qui ne voulaient pas devenir Musulmans, menèrent alors une vie à double face: en public ils se comportaient comme des Musulmans, en privé ils étaient Catholiques. Cela dura plusieurs siècles. Afin de pouvoir faire baptiser leurs enfants, ils devaient parfois marcher pendant des heures, voire des jours, à la recherche d'un prêtre catholique.

Après la première Guerre Mondiale, la libertéreligieuse fut proclamé e dans les Balkans ainsi qu'en Yougoslavie. Mais les Ljaramani n'y crurent pas et ne voulurent pas changer. Ils continuèrent à être en même temps Musulmans et Catholiques.

Mgr Gnidovec essaya de toutes ses forces de les aider à réaliser qu'ils n'avaient plus rien à craindre. Il invitait les Ljaramani chez lui. Dans les visites qu'il leur faisait il essayait de les enhardir et de les instruire, car il y avait de grandes lacunes dans leur éducation de la foi catholique.

Œcuménisme

Puisque les Catholiques de ce diocèse étaient une minorité au milieu des Orthodoxes et des Musulmans, Mgr Gnidovec s'efforça d'établir de bonnes relations entre eux tous, spécialement avec les autorités des deux principales religions. Certains d'entre eux n'aimaient pas beaucoup rencontrer ou entendre parler de l'Évêque catholique, des prêtres et de leur foi. Ce fut un long processus, mais l'honnêteté de l'Évêque, sa bonté, son respect envers chacun gagnèrent finalement leur respect. Les Filles de la Charité suivirent aussi l'exemple de Mgr Gnidovec. Elles ne faisaient aucune discrimination parmi les gens, aussi les Musulmans s'adressaient-ils à elles comme à des anges.

Ainsi qu'il a déjÀ été mentionné, les séminaristes de Ljubljana, aussi bien que les paroissiens dont il s'était occupé ou les étudiants et les professeurs du Collège, tous avaient remarqué qu'il était “un homme de prière et un travailleur acharné”. Les prêtres de son diocèse eurent la même opinion.

Lorsqu'il était chez lui, il célÉbrait chaque jour la Messe pour ses diocésains et entendait les confessions. Lorsqu'il visitait une paroisse, son premier arrêt était à l'église ou à la chapelle du lieu.

Bien que fatigué par un long voyage, il passait des heures dans le confessionnal.

Mgr Gnidovec était un homme d'apparence frêle. Il est vrai qu'il ne pensait jamais à lui. Dans tous ses travaux pour le bien-être spirituel aussi bien que matériel de son troupeau, il ne se plaignait jamais et ne semblait jamais fatigué.

Une personne qui n'aurait pas bien connu Mgr Gnidovec aurait pu penser qu'il était quelqu'un d'insignifiant. Mais lorsque les droits des gens et des fidèles étaient bafoués, il se montrait déterminé pour les faire rétablir. Il n'hésitait pas, dans de tels cas, à aller trouver les plus hautes autorités.

Lorsque des prêtres lui disaient leur inquiétude au sujet de sa santé, sa réponse était invariablement qu'il devait respecter avec fidélité sa devise: “Je me suis fait tout à tous”.

En 1938, la fatigue commença à souvent l'envahir. Comme l'année e touchait à sa fin, sa faiblesse devint plus évidente. Avec grande difficulté, il présida la célÉbration liturgique de Noël. Finalement il se résigna et, après le Jour de l'An, il partit à Ljubljana pour faire des examens médicaux. On diagnostiqua une tumeur au cerveau. Il passa un mois à hôpital et, malgré de terribles souffrances, il ne se plaignait pas. Il mourut le 3 février 1939, qui était un premier vendredi du mois.

Lorsque la nouvelle de sa mort se répandit dans son diocèse, les prêtres et la population furent profondément attristés. Tous les gens, même les Musulmans disaient: “Un saint vient de mourir”.

Mgr Gnidovec n'eut jamais l'intention ou le désir d'être célèbre ou connu. Mais il voulait que son nom figure au Livre de Vie.

Il semble que Dieu ait donné à Mgr Gnidovec deux missions: la première, être recteur du Collège de Ljubljana et la seconde, être l'Évêque de Skopje. Mgr Gnidovec eut ainsi deux commencements difficiles.

Sous l'autorité du Mgr Jeglic, Évêque de Ljubljana, Gnidovec fut un membre fondateur du premier Collège classique catholique de Slovénie. Il se dévoua à l'éducation et à la direction spirituelle des étudiants pendant quatorze ans. Pendant ces quatorze années il grandit spirituellement et transmit cette richesse à ses élèves. Un grand nombre d'entre eux racontèrent des souvenirs édifiants sur lui.

Il n'a jamais souhaitédevenir un personnage public. Il était entré dans la Congrégation pour être un simple missionnaire. Mais il ne put échapper à Dieu.

Comme Évêque, il accepta un nouveau champ d'apostolat avec ferveur et zèle. De nouveau il travailla infatigablement, tel un vrai pasteur pendant quatorze ans. Les tensions et les divisions, souvent provoquées par les autorités gouvernementales, entre les Catholiques, les Orthodoxes et les Musulmans, les Serbes et les Albanais causèrent beaucoup de souffrances à Mgr Gnidovec. Mais, en dépit de toutes les difficultés, il resta fidèle à sa devise: “Je me suis fait tout à tous”.

Il demeura un authentique Vincentien.

(Traduction: Mme MONIQUE AMYOT D'INVILLE)