Les attentes d'un évêque par rapport aux missions populaires

Les attentes d'un évêque

par rapport aux missions populaires

+ Jesus A. Dosado, C.M.,

archevêque d'Ozamis City, Philippines

Chers Collaborateurs en Saint Vincent,

Introduction

Permettez-moi d'abord de vous citer un passage de la lettre que le Père Emeric m'a adressée: "Nous aimerions que vous nous disiez, en tant qu'évêque, quel apport particulier vous attendez des missions populaires pour l'évangélisation dans votre diocèse et comment ces missions populaires peuvent s'ajuster avec la pastorale habituelle."

Cela nécessite que je parle un peu de mon diocèse.

Lorsque j'y suis arrivé en 1981, j'ai découvert qu'on y vivait déjà depuis deux ans un projet collègialement adopté: la Solidarité avec les Pauvres dans la Formation/Création de Communautés Ecclésiales de Base (C.E.B.).

Ce projet aura des implications par rapport au cadre dans lequel on va établir les missions populaires. Aussi, laissez-moi vous donner davantage de détails à ce sujet.

Solidarité avec les Pauvres. Entre autres choses, la solidarité avec les pauvres doit signifier d'abord que nous considérons notre situation du point de vue des pauvres qui est le point de vue de Notre-Seigneur.

La solidarité avec les pauvres implique la présence aux pauvres dans leurs souffrances; cela conduit à prendre leur parti, comme l'a fait Jésus.

La solidarité avec les pauvres exige aussi une conversion du prêtre et des gens dans la façon d'envisager le ministère sacerdotal: service du peuple et médiation de l'amour de Dieu par le soutien apporté aux gens dans leur humanité.

La solidarité avec les pauvres comporte aussi une restructuration ministérielle qui consiste en un passage du contrôle à la coordination et la “facilitation” des différents groupes existant sur le territoire auquel on fait référence comme paroisse.

La solidarité avec les pauvres signifie aussi de mettre l'accent sur la nécessité de faciliter la croissance continue de ces communautés pour les aider à devenir des communautés vivifiantes dans la paroisse, le diocèse et l'Eglise.

Ce changement dans la structure place au centre la forme de vie la plus fondamentale dans l'église locale: la Communauté Ecclésiale de Base.

Communautés Ecclésiales de Base. Les C.E.B. sont l'Eglise elle-même au niveau de la base, cette “base” étant comprise comme ce qui va tout droit su fondement ou à la “base” de notre foi: Jésus-Christ, l'Evangile, le Saint Esprit. Communautés de base, parce que leurs membres se situent, pour la plupart, à l'échelon le plus bas de l'échelle sociale: pauvres, locataires, chômeurs, marginaux, etc ...

Communautés de base aussi au sens communautaire, selon lequel chacun se sent engagé pour le bien de l'autre dans un regroupement de personnes qui se rencontrent pour réfléchir sur leur vie à la lumière de la parole de Dieu, pour célébrer cette parole de manière signifiante pour eux et pour oeuvrer à sa transformation.

Au niveau élémentaire des C.E.B., se situe l'exigence de la création de programmes destinés à développer un sens plus profond de la communauté, une un désir de partager les ressources et une structure pour la formation continue des responsables et des membres.

Au niveau de la paroisse il est nécessaire de constituer un noyau pour faciliter et soutenir l'activité interne permanente et la coordination des C.E.B..

Au niveau diocésain enfin il est nécessaire d'établir un programme de formation et un système de soutien coordonné pour les responsables de communautés locales et pour leurs membres.

Contribution spécifique des missions populaires.

Ainsi, comme évêque d'un diocèse qui a un tel projet, je souhaite que les missions populaires orientent les C.E.B. vers un renouveau dans les trois domaines interdépendants que sont la catéchèse, l'apostolat social et le culte.

Cela doit se réaliser de telle sorte que les communautés se sentent inspirées et motivées pour prolonger ces missions dans le cadre de leurs propres structures de responsabilité. Mais, déjà au stade de l'évangélisation lors des missions populaires, les communautés doivent recevoir un enseignement concernant ces trois domaines.

1. Catéchèse renouvelée

Le premier domaine d'une nouvelle évangélisation par les missions populaires est une catéchèse renouvelée: il n'y a pas assez de personnes catéchisées ou qui soient suffisamment catéchisées.

Christocentrique. Cette catéchèse doit être centrée sur le Christ. Il n'y a pas à transiger sur la centralité et la primauté du Christ. Le reste (la Vierge Marie, les saints, les sacrements, les dévotions ...) doit être enseigné en référence au Christ.

Enracinée dans la parole de Dieu. Si elle veut être centrée sur le Christ, la catéchèse doit être enracinée dans la parole de Dieu. Rien ni personne ne parle mieux du Verbe incarné de Dieu que la parole de Dieu dans l'Ecriture. Une fois encore, la Bible doit être le premier manuel de catéchèse.

Authentiquement philippine. La catéchèse doit être aussi authentiquement philippine. Elle doit être inculturée de telle sorte que tout à la fois les moyens de transmission du message et les ressources proposées pour son assimilation relèvent de la culture philippine.

Cette inculturation de la catéchèse est une tâche très nécessaire et très urgente. Sans elle, soit le message chrétien restera étranger aux Philippins, soit ceux qui l'accueilleront risqueront de s'éloigner de leur culture.

Systématique. Enfin la catéchèse doit être systématique: elle doit proposer de manière ordonnée et programmée la totalité de la Bonne Nouvelle à partir de la Bible et de la Tradition, et telle qu'elle est enseignée par l'Eglise, sans altération ni restriction, en gardant toujours présente à l'esprit la condition des catéchisés. Elle doit mettre au premier plan les fondements de la foi et de la pratique catholiques et inclure, comme partie intégrante, la doctrine sociale de l'Eglise.

2. Apostolat social renouvelé

Le second domaine d'une nouvelle évangélisation est un apostolat social renouvelé. L'Eglise voit clairement maintenant que l'action sociale chrétienne, celle que mènent l'Eglise et ses membres pour promouvoir le développement de l'homme, la justice et la paix, n'est pas seulement une pré-évangélisation: elle est une tâche sans laquelle l'évangélisation est incomplète.

"L'action au nom de la justice et la participation à la transformation du monde nous apparaissent pleinement comme une dimension constitutive de la prédication de l'Evangile.”

3. Culte renouvelé

Le troisième domaine de la nouvelle évangélisation par les missions populaires est le culte. Malheureusement, aux Philippines, le culte a été souvent séparé de la totalité de la vie. La liturgie n'est pas considérée comme la source et le sommet de la vie de l'Eglise. Elle est plutôt regardée comme un secteur de vie qui n'a aucun lien intime avec la vie sociale, économique et politique.

Renouveau de la vie de prière. Une partie du renouveau de la vie cultuelle de notre peuple réside dans le renouvellement de la vie de prière. Nous devons viser au développement des groupes de prière, des groupes charismatiques et des mouvements religieux. Comme il serait bon de voir des gens se regrouper en assemblées pour prier.

Cette vie de prière a besoin d'être davantage encouragée. Il est important de former des personnes qui puissent apprendre aux autres à prier.

Renouveau de la piété populaire. Le renouveau de la vie de prière implique de savoir utiliser les pratiques religieuses populaires. Celles des Catholiques philippins contiennent de riches valeurs. Elles manifestent une réelle soif de Dieu et rendent les gens capables de générosité et d'abnégation dans la manifestation de leur foi.

Mais ces pratiques doivent être encouragées de telle façon quelles ne deviennent pas des déviations de la religion ou qu'elles ne demeurent pas au niveau de simples formes de culte, mais qu'elles deviennent plutôt de vraies expressions de la foi.

Nous devons nous assurer que les dévotions à la Vierge Marie et aux saints se développent et s'expriment en référence au Christ et en dépendance du Christ qui est le seul Médiateur entre Dieu et les hommes. Or, il semble que, en pratique, les saints et la Bienheureuse Vierge Marie retiennent plus l'attention de beaucoup de simples fidèles que ne le fait le Christ lui-même.

Renouveau liturgique. De grands pas ont déjà été accomplis pour promouvoir le renouveau liturgique aux Philippines, de sorte que la participation des fidèles aux célébrations sacramentelles peut être intelligente, active, totale et communautaire. Mais beaucoup reste encore à faire, notamment dans le domaine de l'éducation liturgique.

Parmi les domaines les plus vitaux de ce renouveau, je veux citer la catéchèse pré-sacramentelle grâce à laquelle aucun sacrement n'est administré sans une instruction préalable des participants sur le sens de ce qu'ils s'apprêtent à recevoir. Cela est particulièrement nécessaire pour le Baptême, la Confirmation et le Mariage.

Renouveau du sacrement de Pénitence. Ce sacrement, célébration du pardon de Dieu, a été souvent négligé tant par les prêtres que par les laïcs. Pasteurs et Fidèles doivent être éduqués pour voir en ce sacrement une rencontre avec le Seigneur qui nous réconcilie avec lui et avec son peuple.

Les prêtres doivent se montrer disponibles pour ce sacrement et chercher à proposer les moyens de remédier aux dangers de la routine dans sa célébration. L'usage créatif des célébrations pénitentielles sera d'un grand secours pour faire naître une meilleure appréciation de ce sacrement.

4. Corrélation entre ces domaines

Il faut insister sur le fait qu'aucun vrai renouveau ne peut survenir dans un domaine (la catéchèse, par exemple), séparément des deux autres domaines. Tout renouveau authentique doit être “holístique”: il doit affecter les trois domaines dans leurs relations mutuelles.

Toutefois, le domaine le plus fondamental du renouveau, celui qui doit être absolument prioritaire, c'est la catéchèse. Sans une éducation qui conduise à la maturité dans la foi, l'apostolat social deviendra activisme et se trouvera en proie à la tentation des idéologies non-chrétiennes. Sans la catéchèse, le culte dégénérera en formaliste et glissera vers la superstition et un état d'esprit enclin à la magie.

D'autre part, la catéchèse sans l'apostolat social manquera de puissance dans le témoignage et la transformation chrétiennes. Et, sans le culte, la catéchèse deviendra simple endoctrinement.

Finalement, l'apostolat social sans le culte perdra la source de sa force, tandis que le culte sans l'apostolat social se transformera en un culte isolé de la vie.

Après avoir déterminé les domaines de la nouvelle évangélisation par les Missions Populaires, je vais maintenant en esquisser les caractéristiques.

5. Caractéristiques de la nouvelle évangélisation

Cette nouvelle évangélisation doit se caractériser par la clarté de ses objectifs, par une ferveur nouvelle, par de nouvelles méthodes et par de nouvelles expressions.

Objectifs de l'Evangélisation. La nouvelle évangélisation doit viser avant tout à la formation des Catholiques dans une spiritualité intégrale.

Elle doit aussi chercher à construire l'Eglise de telle sorte qu'elle devienne un peuple unifié par l'unité du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint, une communauté de disciples du Christ, un mystère visible de communion et de mission et, dans le Christ, un sacrement de salut universel.

L'évangélisation ne se limite pas à la construction de l'Eglise. Elle cherche aussi à transformer tout l'édifice social en conformité aux valeurs du Royaume et du Christ et à promouvoir le développement intégral de l'homme, son entière libération, la justice sociale et la cause de la paix.


Nouvelles méthodes.

Aux philippines, les objectifs de la nouvelle évangélisation ne peuvent être poursuivis que grâce à des méthodes nouvelles, en ce sens qu'on y apporte une insistance renouvelée.

L'un des aspects de la nouvelle méthodologie est la démarche participative: elle demandera à tous, sans exception de s'associer et de participer.

En catéchèse, les gens doivent constamment être entraînés à faire le lien entre les vérités de la foi et les réalités de leur vie. La liturgie elle-même doit tendre à la pleine participation du peuple. Et l'apostolat social doit stimuler ceux qui en sont les bénéficiaires à prendre une part active dans leur propre développement, dans la lutte pour la justice et dans le travail pour la paix.

Un autre aspect de la nouvelle méthodologie est que l'évangélisation se fait en équipe. Particuliers et groupes s'associent pour réaliser leurs objectifs, dans une reconnaissance croissante de l'existence de leurs propres charismes et de ceux des autres.

Nouvelle ferveur. Cette démarche participative n'est possible que si un nouvel enthousiasme pénètre tous les membres de la communauté chrétienne. Oui, vraiment, nous sommes tous appelés à proclamer ensemble la Bonne Nouvelle, avec l'ardeur des saints et un zèle semblable à celui des premiers disciples.

Nouvelles expressions. Cette nouvelle ferveur et ces nouvelles méthodes exigeront de nouveaux modes d'expression. Il y a aujourd'hui de formidables possibilités de transmettre la Bonne Nouvelle par les moyens de communication sociale.

"Nouvelles expressions": cela signifiera aussi l'usage de symboles et de langages compris par les gens, des expressions et des mots qui pénètrent les esprits, les coeurs et les âmes.

Nous devons également prendre en considération la culture des gens afin de découvrir quelles expressions et quels symboles culturels les atteignent effectivement et font appel à leurs coeurs.

Je terminerai en exprimant ma reconnaissance aux confrères qui m'ont permis de me joindre à ce Mois Vincentien sur le thème des Missions Populaires. Déjà, en juin 1996, lors de notre retraite annuelle, mes prêtres avaient envisagé, dans nos “Perspectives Missionnaires”, la constitution d'une Equipe Missionnaire Diocésaine. D'avance, j'assure de ma gratitude tous ceux d'entre vous qui me donneront durant ce mois des leçons qui m'apprendront certainement beaucoup et qui me seront de très grande utilité. Merci beaucoup et que Dieu vous bénisse.