Lettre du Supérieur Général sur les nouvelles missions (20 octobre 1995)

Le 20 octobre 1995

A tous les membres de la Congrégation de la Mission

Mes bien chers Confrères

La grâce de Notre Seigneur soit toujours avec vous!

Je vous écris aujourd'hui afin de lancer un nouvel appel aux volontaires pour nos missions internationales. Il y a quelques jours, précisément dans la séance du Conseil Général au cours de laquelle nous avons discuté les appels de cette année, nous avons également approuvé la nouvelle instruction sur les voeux. En réfléchissant sur les voeux au cours des dernières semaines, j'étais frappé de la puissante orientation missionnaire que saint Vincent leur avait donné. Il parle avec éloquence du besoin de mobilité dans la Compagnie: “Imaginons-nous qu'il (le Christ) nous dit: `sortez, missionnaires, sortez; quoi! vous êtes encore ici, et voilà de pauvres âmes qui vous attendent...!'” (SV XI, 134). Il met sous les yeux de la Compagnie les grands missionnaires des autres communautés qui sont allés aux Indes, au Japon, au Canada “pour achever l'oeuvre que Jésus-Christ a commencée sur la terre et qu'il n'a point quittée depuis l'instant de sa vocation” (ibid.). Il a une vive conscience que certaines attaches vont retenir les missionnaires, et en particulier le désir d'avoir d'abondants biens matériels, des plaisirs et des honneurs (SV XII, 367). Pour cette raison, il considère les voeux comme une force libératrice dans la vie du missionnaire:

Ceux qui se détachent de l'affection des biens de la terre, de la convoitise des plaisirs et de leur propre volonté deviennent des enfants de Dieu qui jouissent d'une parfaite liberté; car c'est dans le seul amour de Dieu qu'elle se rencontre. Ce sont ces personnes-là, mes frères, qui sont libres, qui n'ont point de lois, qui volent, qui vont à droite et à gauche, qui volent encore un coup sans pouvoir être arrêtées, et ne sont jamais esclaves du démon, ni de leurs passions. O! heureuses liberté des enfants de Dieu! (SV XII, 301).

Quand je visite nos diverses missions, l'une de mes grandes joies est de voir tant de confrères et de Filles de la Charité qui aiment tellement profondément qu'ils sont vraiment libres.

Aujourd'hui, permettez-moi de commencer par vous donner quelques nouvelles du développement de nos missions internationales depuis l'année dernière. Ensuite, je présenterai mes espérances pour l'année à venir.

QUELQUES NOUVELLES

L'année dernière j'ai lancé un urgent appel pour aider la Tanzanie. Je suis très reconnaissant envers tous ceux d'entre vous qui ont répondu. D'une manière particulière, je tiens à remercier la Province d'Inde qui a accepté de prendre une responsabilité spéciale par rapport à la mission de Tanzanie. Vous vous souvenez que, l'année dernière à cette époque, le P. Chacko y était tout seul. Il est maintenant accompagné de trois confrères: le P. Myles Rearden, d'Irlande, qui travaillera comme directeur spirituel de la communauté en pleine croissance des Soeurs de la Charité de Saint Vincent de Paul, et les PP. James Theikanath et Tirkey Prakash, qui travailleront parmi les pauvres de cette région. Ce dernier vient tout juste d'achever un cours de langue et d'inculturation à Morogoro. Alors que j'écris cette lettre, un cinquième confrère, de la Province d'Inde, le P. Johnson Nedumgadan, arrive tout juste dans ce pays.

Le mois dernier, nous avons ouvert une nouvelle mission à Charkib, en Ukraine, où il y a trois missionnaires: les PP. Jaroslav Jaššo de la Province de Slovaquie, Jacek Dubicki et Jan Trzop de la Province de Pologne. Ils connaissent les habituelles difficultés de départ, mais ils ont été très généreusement aidés par d'autres pour trouver un logement et rénover un vieux bâtiment qui deviendra bientôt un centre d'apostolat où les confrères travailleront avec les Filles de la Charité. Je viens de recevoir de ces trois confrères une lettre très positive et pleine d'enthousiasme missionnaire!

Comme vous le savez, la Province de Naples, avec l'aide des autres Provinces d'Italie, a maintenant pris la responsabilité de la nouvelle mission de Rrëshen, en Albanie, avec l'assistance également de la Province de Pologne. J'ai reçu des rapports très positifs de nos missionnaires ainsi que du Nonce qui espère que nous pourrons étendre notre présence là-bas. Je continue encore à recevoir des lettres de volontaires.

J'ai eu la chance de visiter en juin dernier la nouvelle mission de Xai- Xai, au Mozambique, dont la Province du Mexique a pris la responsabilité. J'ai parlé avec chacun des quatre missionnaires: Les PP. Jorge Pedroza, Jesús Arzate, José Ramírez, et un laïc, César Alonso Salda_a Moreno. Ils sont très heureux dans leur nouvelle tâche au petit séminaire, même s'ils doivent se débattre avec le paludisme, le manque d'eau, et la lenteur de la construction du séminaire. Le séminaire est déjà plein, avec la perspective de nombreux autres candidats à venir! L'évêque du lieu est très heureux de leur présence.

Il y a actuellement quatre missionnaires à EleAlto, en Bolivie, où les PP. Aarón Gutiérrez et Jorge Homero, de la Province de Mexico, ont maintenant rejoint les PP. Bernard Massarini et Bogus_aw Sroka. C'est une mission extrêmement difficile. Comme elle se trouve à presque 4000 mètres d'altitude, les conditions physiques sont dures; les conditions apostoliques sont encore plus dures. Les missionnaires m'ont écrit récemment pour me dire à quel point les gens sont craintifs dans leurs contacts et leur communication avec eux. Ils ont aussi relaté une pénible histoire au sujet d'une fête de village où les gens se sont terriblement enivrés et sont entrés dans une danse frénétique au cours de laquelle ils ont battu une femme du lieu sur la place publique. La femme mourut ultérieurement des suites des sévices.

J'ai reçu un rapport très positif du P. Hugh O'Donnell, le Visiteur, au sujet des nouveaux missionnaires à Taïwan, qui suivent un cours de langue et d'inculturation en préparation à un possible futur ministère en Chine Continentale: les PP. Thomas Sendlein, Anton Budianto, Joseph Loftus, Peter Solis et Dario Pacheco. Je leur rendrai visite en janvier.

Ce matin même, j'ai reçu une lettre du P. Marcello Manimtim, supérieur de notre mission des Iles Salomon. Il me dit que les PP. Tom Hynes et Stanislas Reksosusilo (qui vient d'arriver d'Indonésie) font très bien. Les travaux de construction du séminaire ont commencé. Plusieurs autres confrères se sont offerts pour aller y enseigner des matières spécialisées qui sont nécessaires de temps en temps. J'ai été très heureux lorsque, il y a quelques jours, le P. Serafín Peralta, le Visiteur de la Province des Philippines, a offert de prendre la responsabilité de la mission tout entière. Nous discuterons ce point lors d'une future séance du Conseil Général.

Comme vous pouvez le voir, les nouvelles dans l'ensemble sont bonnes. Les confrères sont enthousiastes. Les missions se développent. Des progrès sont faits sur le plan de l'inculturation et de la langue. Mais aussi, tous n'ont pas réussi à s'adapter à de nouvelles cultures. Deux des nouveaux missionnaires, après s'être efforcés de s'adapter, ont décidé d'entreprendre un autre travail au service des pauvres. Je leur suis plein de reconnaissance pour les efforts qu'ils ont faits.

APPELS POUR L'ANNÉE PROCHAINE

Je continue à recevoir de nombreux appels de la part d'évêques à travers le monde (jusqu'à hier au déjeuner, où un évêque asiatique m'a murmuré à l'oreille qu'il avait besoin de missionnaires pour un petit séminaire!). Beaucoup de demandes concernent le personnel de formation. Permettez-moi de vous rapporter quelques-uns des appels les plus urgents. Je sais que je n'ai pas besoin d'en appeler à votre générosité parce que je l'ai trouvée en abondance dans la Congrégation. Je vous demande plutôt de peser devant Dieu ces besoins dans le contexte de votre vie personnelle, de votre santé, de vos talents, des urgences du Seigneur et des besoins de votre province. Si vraiment vous pensez que le Seigneur vous appelle à répondre à l'un de ces besoins, alors, n'hésitez pas à écrire en suivant les indications données à la fin de cette lettre.

1. Rwanda - Alors que je fais cet appel, je sens que j'appelle des martyrs parce que, comme vous le savez, beaucoup de missionnaires, hommes et femmes, y sont morts, y compris deux postulantes chez les Filles de la Charité. Récemment, la Mère Générale m'a demandé si quelques-uns de nos prêtres pourraient accompagner les soeurs au Rwanda. Trente-quatre Filles de la Charité y travaillent, ainsi que dans les camps de réfugiés à la frontière du Zaïre. Au commencement, notre ministère pourrait prendre la forme d'une petite paroisse missionnaire proche des Filles de la Charité, avec des postes de mission dans différents villages. A mesure que le nombre des volontaires augmentera, nous pourrons fournir en formateurs un petit séminaire. La langue est le français.

2. Mozambique - Comme je l'ai déjà mentionné, j'ai visité le Mozambique en juin dernier. J'ai été profondément ému par la pauvreté que j'ai vue. Après tant d'années de guerre civile, les structures de base du pays ont été détruites. Même si il y a la paix depuis trois ans, les conditions sont encore désastreuses. Les écoles et les hôpitaux sont dans un état dramatique. La tuberculose, la dysenterie et le SIDA sont répandus. Les choses vont si mal que le Mozambique est souvent cité comme étant le pays le plus pauvre du monde. Nos confrères y ont d'immenses besoins. Leur nombre est très réduit (ils sont seulement 18). Quelques-uns ont des problèmes de santé. D'autres sont épuisés et assez isolés. Je suis très désireux de leur envoyer du renfort. Les perspectives pour le ministère sont immenses, mais les ouvriers sont très peu nombreux. Il y a un bon nombre d'étudiants en formation. La langue de départ est le portugais. En de nombreux endroits, il faudra aussi apprendre la langue locale.

3.Cuba - Ici aussi, comme au Mozambique, les gens, aussi bien que les confrères et les Filles de la Charité, souffrent de conditions économiques et sociales très éprouvantes. La nourriture est rare. Le ministère est difficile. Nos confrères sont très peu nombreux (ils sont seulement neuf) alors que le champ d'apostolat grandit sans cesse. Un grand nombre de gens viennent dans nos églises et nos centres. Un terrain et un bâtiment pour une maison de formation viennent d'être achetés. La langue est l'espagnol. Le missionnaire devra avoir une très bonne santé parce que la vie est très dure.

4.Cameroun - Ici aussi, pour diverses raisons (état de la société, conditions sanitaires, etc.) nos confrères sont très peu nombreux. Il y a un besoin urgent d'un confrère parlant le français, qui ait une expérience pastorale et qui soit capable d'animer un centre paroissial, avec des postes de mission dans plusieurs petites communautés villageoises. La mission compte un bon nombre d'étudiants en formation et pourrait recourir aussi à l'aide d'un confrère parlant le français et ayant une expérience de formateur.

5. Sibérie - Lors de notre dernière séance du Conseil Général, nous avons accepté la demande de Mgr Joseph Werth d'envoyer une équipe à Nizhniy Tagil, aux pieds des montagnes de l'Oural. Les Provinces de Pologne, Slovaquie et Slovénie ont généreusement promis leur assistance pour fournir en personnel cette mission, mais il serait très utile que l'équipe ait des membres d'autres nations. La langue de départ pour les contacts pastoraux dans région est l'allemand; mais l'étude du russe est aussi indispensable. Les conditions de vie sont difficiles à cause du froid et de l'isolement.

6.Zaïre - La nouvelle Province du Zaïre compte un grand nombre de candidats pour la Congrégation de la Mission. Elle m'a lancé un appel à diverses reprises afin de fournir des formateurs expérimentés pour collaborer avec nos confrères Zaïrois dans la formation de nos séminaristes. La langue est le français.

Il y a de nombreux autres besoins. Notre confrère le P. Demerew Souraphiel qui, l'année dernière, a été nommé Préfet Apostolique de Jimma- Bonga, en Ethiopie, a très peu de prêtres. On demande aussi des confrères pour travailler au Danemark où, jusqu'à maintenant, la Province de Hollande a soutenu une mission. L'évêque de Trujillo, au Honduras, cherche aussi de l'aide pour la région de la Moskitia, une zone de mission très pauvre où les confrères de la Province de Barcelone, ainsi que les Filles de la Charité, sont déjà à l'oeuvre.

Je vous suis très reconnaissant, mes frères, pour votre généreuse réponse aux appels que j'ai faits en faveur des missions au cours de ces dernières années. Il est admirable de voir combien l'esprit missionnaire est fort dans la Compagnie et combien les confrères sont désireux d'aller dans des parties du monde éloignées et souvent difficiles. Je fait appel à votre aide une nouvelle fois aujourd'hui. Alors que nous nous préparons pour la canonisation de Jean-Gabriel Perboyre, qui devrait probablement avoir lieu vers la fin de l'année 1996 (la date n'est pas encore sûre), nous avons mis l'accent à la fois sur sa vocation de formateur et de missionnaire. Vous remarquerez que nombreux sont les appels mentionnés ci-dessus qui coïncident avec cette vocation. J'espère que l'année prochaine, avec ses diverses célébrations et ses moments de réflexion, sera un stimulant pour nous tous afin de suivre les traces de notre héroïque frère. Il ne sera pas canonisé simplement parce qu'il a donné sa vie au service de l'Evangile, mais parce qu'il l'a vécue à fond selon la tradition vincentienne.

Votre frère en Saint Vincent,

Robert P. Maloney, C.M.

Supérieur Général

INFORMATIONS ET CRITÈRES

POUR CEUX QUI ÉCRIVENT

1.Si vous souhaitez vous proposer, je vous prie de bien vouloir envoyer votre lettre de manière à ce qu'elle arrive à Rome pour le 15 décembre 1995.

2.Afin que je puisse lire les lettres toutes ensemble et qu'elles puissent être soigneusement triées, je vous prie de rédiger l'enveloppe comme suit:

Robert P. Maloney, C.M.

Missions

Congrégation de la Mission

Via dei Capasso, 30

00164 Roma -Italie

3.Certes, il serait utile de connaître la langue auparavant, mais ce n'est pas absolument nécessaire. Un temps d'étude de la culture et de la langue sera accordé au missionnaire. Les modalités varieront selon les missions.

4.Bien que nous ayons décidé de ne pas établir une limite d'âge impérative, il est nécessaire que le missionnaire ait une santé suffisamment bonne.

5.Les confrères qui se proposent, en envoyant une lettre au Supérieur Général, devront en informer leur visiteur.

6.Votre lettre devra donner des informations générales sur vous-même, votre expérience du ministère et votre formation. Elle devra aussi exprimer les intérêts particuliers que vous avez, comme la mission à laquelle vous aimeriez participer.

7.Même si vous avez déjà écrit dans le passé, n'hésitez pas à me contacter de nouveau.