L'Association Internationale des Charité (AIC)

Les actions de l'Associations Internationales des Charités

Collaboration avec les autres branches de la Famille Vincentienne

Par Patricia Palacios de Nava

Présidente Internationale de l'AIC

C'est pour nous, membres de l'AIC, une grande joie de pouvoir être ici, à cette Assemblée Générale de la Congrégation de la Mission. Nous sommes très reconnaissantes envers le P. Maloney pour son invitation, mais surtout pour la manière dont il a stimulé tous les vincentiens pour que nous nous engagions dans la recherche de chemins communs et unis qui nous permettent de réaliser notre mission comme elle avait été prévue par saint Vincent de Paul qui nous fonda en pensant à cette collaboration.

A cette occasion, le Père Maloney nous a demandé de présenter les actions de l'AIC et la collaboration avec les autres branches de la Famille Vincentienne. C'est un thème très vaste, parce que les actions sont diverses et nombreuses, comme les pauvretés que nous rencontrons sur notre chemin et qui, malheureusement, augmentent de jour en jour. Je ne voudrais, en aucune manière, faire une énumération des actions et projets, qui peuvent paraître identiques à ceux réalisés par d'autres groupes d'assistance et de promotion sociale. Il me parait plus révélateur de signaler quelques-unes des caractéristiques de ces actions et de partager avec vous la philosophie qui nous anime, notre attitude face à la pauvreté, que sont les pauvres pour nous et comment nous voulons nous rapprocher d'eux.

Nous sommes conscientes de ce qu'il y a des groupes AIC qui manifestent une grande résistance au changement, qui sans mettre de coté leur désir de servir, préfèrent conserver les anciennes formes, les anciens systèmes d'assistance qui ne se justifient pas, et qui ne vont plus de l'avant, que se soit par apathie, par manque d'analyse ou par crainte, ou peur de l'engagement. Ces groupes existent toujours, de moins en moins nombreux, parce qu'ils n'arrivent pas à améliorer la vie des pauvres, et en certaines occasions aident à perpétuer l'état de marginalisation dans le quel ils se trouvent. Pour améliorer cette situation nous nous sommes engagées dans l'actualisation de la mission des « Charités ».

Aujourd'hui je veux vous parler de ce qui est notre utopie, l'idéal dont nous voulons nous rapprocher. Je vous parlerai de ce que nous prétendons obtenir grâce à nos lignes d'action, de ce qui a été obtenu et que nous souhaitons faire pénétrer dans la mentalité de beaucoup de volontaires dans le monde, aujourd'hui engagées avec enthousiasme, et même avec passion dans une transformation sociale. Je mentionnerai ces convictions qui son devenus des critères. Nous voulons qu'ils soient présents dans toutes nos actions, pour choisir des projets qui transforment de manière directe la vie des démunis. Ces éléments étaient déjà présents au XVIIème siècle, et le génie et la force de Vincent de Paul ont fait qu'ils sont toujours valables et actualisables. Saint Vincent a déjà fait sa part et il nous appartient à nous d'en faire une lecture attentive qui nous permette d'approfondir son enseignement dans sa véritable signification.

Il est nécessaire de signaler et il est nécessaire de tenir toujours présent à l'esprit, que l'évangélisation des pauvres est l'élément central de notre action.

Nous ne pourrions en aucune manière être fidèles au charisme de notre fondateur si toutes nos actions et nos projets n'étaient pas dirigés vers l'évangélisation des pauvres. Saint Vincent recommandait parmi les vertus principales le « zèle pour les âmes ». Il recommandait d'annoncer le Christ de toute part, au moyen de la parole, mais aussi par les actions, par un amour affectif, mais aussi effectif. Nous, volontaires AIC, nous nous engageons à évangéliser les pauvres et à être évangélisés par eux. Il est nécessaire que nous nous engagions à faire vivre l'Evangile et à rendre témoignage de l'amour du Christ pour les plus démunis.

C'est seulement de cette manière que notre foi peut se transformer en un signe et rendre concret l'Evangile. L'évangélisation des pauvres est au centre de chacune de nos actions.

Apres cette affirmation essentielle et prenant en compte les critères et les convictions qui ont donné vie à nos lignes opérationnelles, nous ferons référence à deux aspects fondamentaux: l'attention aux signes des temps, et l'attention à la personne des pauvres. Ce sont des conditions de départ qui doivent orienter toutes nos actions.

I.Conditions à prendre en compte dans toutes nos actions

1.Attention aux « signes des temps »

Nous situer dans le temps et dans la réalité d'une manière globale, dans le moment actuel, nous occasionne une préoccupation sérieuse sur le futur proche des pauvres. Le projet néo-libéral, qui s'est étendu aux cultures et milieux les plus divers, ne prend pas en compte les pauvres et les démunis: les exclus de la planète se convertissent en êtres improductifs, inexploitables et de ce fait, superflus.

Lorsque nous analysons avec attention les effets du néo-libéralisme, nous resituons la valeur de nos actions. Les pauvres sont maintenus dans un énorme désavantage quand, à cause de ces politiques, l'intervention de l'état se restreint, jusqu'à se déresponsabiliser des biens minimums que mérite tout citoyen, du fait d'être une personne. La disparition des programmes globaux offrant leurs chances à tous, nous oblige à évaluer chacune de nos actions. Nous ne pourrons jamais faire face à la situation actuelle sans modifier l'itinéraire qui a été le nôtre depuis si longtemps.

Ceci nous conduit à:

  • Insister sur la nécessité d'évaluations périodiques.

  • Chercher la transformation personnelle des volontaires, afin qu'elles acquièrent une vision moins simpliste du contexte historique et qu'elles s'engagent avec les plus pauvres dans une transformation sociale.

  • Promouvoir les démunis pour qu'ils prennent conscience de leur propre dignité, de leurs droits, de leurs capacités et de l'importance de l'autogestion.

  • Entamer un dialogue avec les gouvernements, les institutions, les organismes ecclésiaux et civils, pour chercher à influencer les prises de décisions ainsi que les politiques publiques qui visent les exclus.

  • Utiliser et exercer une pression sur les moyens de communication sociale.

2.Attention à la personne des pauvres

L'option préférentielle pour les pauvres implique un engagement pour la justice et la paix. Opter pour cela n'est pas une idée romantique ni un élément sentimental. Cela signifie de s'engager avec eux, de courir des risques avec eux et pour eux. Cela signifie de comprendre leurs besoins, leurs attentes, leurs désirs, exprimés ou non, afin que, partant d'une analyse sérieuse de leur réalité et de celle de leur entourage, nous adoptions sans crainte et avec un esprit créatif les méthodes d'action qui conviennent mieux à notre époque et à notre société. La réapparition de la « conscience citoyenne » est l'un des signes d'espérance face à ce futur incertain; nous les volontaires approuvons ce réveil et appuyons les indices d'organisation citoyenne qui surgissent parmi les marginaux.

Ceci nous a conduites à:

  • Réviser notre manière d'approcher les plus pauvres, promouvant une meilleure connaissance, développant la solidarité et la proximité.

  • Evaluer nos actions et nos projets afin que les moyens économiques immédiats n'interrompent pas le processus de formation des individus et des communautés, ni leur propre processus de développement et d'autogestion.

  • Nous former dans le respect de l'identité culturelle des personnes avec lesquelles nous travaillons.

  • Changer notre conception de la pauvreté et manifester que l'appauvrissement et l'exclusion sont des violations les plus élémentaires des droits humains et ne peuvent être considérés comme un phénomène ponctuel, ni comme un produit de la fatalité.

  • Être conscientes de ce que les pauvres et les pauvretés ont changé et agir en conséquence, incitant à la participation et respectant les leaders naturels et le réveil du peuple comme sujet historique.

Les nouveaux éléments, inclus ou que nous devons inclure, dans nos actions pour qu'elles soient véritablement transformateurs sont:

  • La promotion et la défense des droits de l'homme.

  • Les actions de dénonce et de pression.

  • Les actions de transformation culturelle.

  • La création d'un réseau de lutte contre les pauvretés.

  • L'action sur les moyens de communication sociale.

  • La présence dans les organismes internationaux.

Parlant de ces nouveaux éléments, je me référerai à un seul exemple, qui peut être un modèle; à travers ses différentes étapes j'explique la manière de procéder de l'AIC, au sujet de chacune des actions qui nous conduiront au changement de mentalité sociale auquel nous prétendons.

La promotion et la défense des droits de l'homme est une action que nous avons

cherché à inclure dans les différents projets, avec la conviction qu'il ne suffit pas de donner des réponses alternatives aux violations contre ces droits, mais qu'il est nécessaire de s'engager dans leur défense.

  • Un exemple d'action traditionnelle est l'attention aux anciens d'un foyer d'une institution officielle dans lequel les volontaires se limitent à donner des aides et à faire des visites. Dans l'AIC, nous ne voulons pas nous limiter à l'indispensable. Une des actions collatérales que nous réalisons est la promotion des droits à travers la pression exercée sur les responsables de l'administration du foyer; le but est d'améliorer le traitement des anciens et de leurs familles, afin d'y être attentifs avec respect et affection, et que leurs conditions d'hygiène d'alimentation, de soins médicaux, d'entretien soient optimalisées.

Les actions de dénonce et de pression constituent la dimension politique de notre mission. Ceci, étant basé sur l'obligation que nous avons d'être prophètes, nous engage dans l'annonce et la dénonce, nous oblige à signaler tout ce qui atteint la dignité des hommes et des femmes.

  • En beaucoup d'occasions, nous, les volontaires, détectons des situations d'injustice contre lesquelles nous devons agir. Dans le cas, par exemple, des femmes maltraitées, il ne s'agit pas de compatir à leur malheur, mais de les conscientiser de l'injustice de cette situation. Nous devons les motiver pour qu'elles dénoncent les coupables aux autorités compétentes pour éviter que le fait ne se répète. Prenons l'exemple d'un centre AIC qui s'est spécialisé non seulement dans l'attention aux besoins de ces femmes, mais aussi qui met en oeuvre une vraie compagne d'éducation des femmes elles-mêmes et de diverses communautés marginales pour combattre les abus sexuels et essayent d'amener le problème jusqu'à la Chambre des Députés pour obtenir une modification de la loi. Il y a beaucoup d'autres cas de ce types dans lesquels nous, les volontaires, nous pouvons et devons intervenir pour parvenir à plus de justice.

Les actions de transformation culturelle ne signifient d'aucune manière un manque de respect ou une ingérence. Au contraire, elles manifestent notre désir d'unir le progrès, la justice et la solidarité au respect des valeurs culturelles de chaque groupe social. Comme volontaires AIC, nous nous engageons, conjointement aux autres forces sociales, vers une action culturelle pour promouvoir un nouveau modèle de valeurs, qui conduise la société à des principes de solidarité, de proximité et de bien commun, afin de donner une réponse aux besoins croissants d'accueil, de relations entre les personnes, d'authenticité des valeurs, de respect de la dignité des personnes.

  • Engager les autres est un service vincentien. Pour cela, nous stimulons la création de groupes AIC au sein de ces noyaux dans lesquels nous travaillons. Dans le foyer d'anciens, nous voulons instaurer un groupe de volontaires AIC, dont feraient partie les personnes âgées elles-mêmes, afin qu'elles aident celles qui en ont le plus besoin.

Nous pourrions citer comme exemple le cas d'une association européenne qui, se rendant compte qu'il y avait un vide juridique important dans la loi sur les immigrés, porta ce problème au niveau du volontariat, auquel elle appartenait depuises débuts. Les volontaires ont alors étudié des propositions alternatives et ont réussi à faire amender la loi pour donner de meilleures conditions de vie aux immigrés.

  • Comme volontaires, nous nous engageons à la création d'un réseau de lutte contre les pauvretés. Il faut avoir une conscience claire de ce qu'un réseau mondial d'interaction solidaire peut et doit exercer des actions conjointes, en accord avec la spécificité de chaque organisme. Il faut réaliser des actions de pression qui interpellent les responsables des décisions politiques. Le réseau prioritaire et initial d'interaction a été, depuis plus de trois cents ans, la Famille vincentienne, et notre engagement dans les temps actuels est de l'amplifier et de lui donner plus de force.

* Comme volontaires AIC, nous ne limitons pas notre travail à ce que nous réalisons avec les anciens, mais nous promouvons la création d'un réseau entre tous les organismes de la localité travaillant avec les anciens. Nous divisons les tâches et partageons les responsabilités, nous établissons des contacts avec d'autres organismes afin que chacun prenne ses responsabilités dans l'attention aux différentes catégories d'anciens: anciens chez eux, anciens actifs, moins valides et handicapés, ou avec des problèmes mentaux, ou qui ne se suffisent pas à eux-mêmes, etc. Nous suscitons, par exemple, une convention entre les institutions afin que les anciens puissent circuler d'un lieu à un autre, en fonction de leurs besoins spécifiques.

Dans la lutte contre les pauvretés, les moyens de communication sociale peuvent être des ennemis tenaces ou des alliés de valeur. Comme volontaires AIC, nous nous préparons à agir face à eux ou avec eux, les utilisant pour faire connaître les situations injustes, faire connaître les pauvretés, comme le fit de son temps Saint Vincent de Paul, grâce aux milliers de lettres qu'il écrivit, ou à travers ses « Relations ». De plus, nous avons affronté ces moyens de communication lorsqu'ils altéraient la véracité des informations.

Face au problème des personnes âgées des femmes maltraitées et de multiples formes de violations des droites de l'homme, certains groupes AIC font des reportages pour des revues ou pour la télévision, dénonçant les injustices détectées. Dans le cas des femmes maltraitées par exemple, les volontaires réalisèrent une campagne médiatique à partir de spots pour la radio et la télévision, de reportages, d'interview et de programmes radiophoniques pour sensibiliser la société et prévenir les abus sexuels. Un autre exemple, ce sont les campagnes et les concours pour lutter en faveur de l'insertion des personnes âgées dans la vie sociale d'une communauté déterminée.

La présence dans les organisations internationales, à travers les représentantes de l'AIC, formées et préparées pour remplir ce rôle, est une des grandes possibilités et des points forts de l'AIC. Dans ces organismes, nous sommes responsables de parler au nom des pauvres et de ceux et celles qui sont engagés pour les défendre. Nous y assumons les fonctions de ceux qui connaissent les pauvres, comme amies, et qui en sont les défenseurs. Nous agissons également au nom de ceux qui sont prêts à s'engager pour eux, de ceux et celles qui annoncent et dénoncent, grâce à une attitude réfléchie et vigilante. C'est-à-dire que nous assumons un rôle prophétique, décidées à atteindre une transformation sociale.

Par exemple, en lien avec le problème de l'habitat, à l'occasion du programme “Habitat II” de l'UNESCO, qui eut lieu à Istanbul, en vue de faire parvenir à cet organisme les désirs et les préoccupations des pauvres par rapport à l'habitat, nous avons recueilli, avec la collaboration des volontaires de base de différents pays du monde, plus de 1 500 témoignages des pauvres eux-mêmes. Leurs réponses ont été remises à la conférence elle-même qui les étudia avec beaucoup d'attention. Ces apports des plus pauvres, classés par des représentantes de l'AIC, ont été déterminants pour mettre au grand jour la situation réelle et pour élaborer les programmes qui sont sortis de cette réunion.

  • Ce que nous pouvons dire sur notre manière de procéder, sur nos oeuvres dans le concret et sur les principes qui les animent, se complète par une réflexion sur les différents types de volontaires AIC. Ce sont elles et leur témoignage qui donnent de la valeur à notre association et constituent notre vraie richesse. Leur contact direct avec les pauvres, leur présence toujours proche, même si elle est diverse selon les contextes, est la clef qui nous conduit à transformer notre vision du monde et de l'être humain.

  • * Dans certains pays développés, il y a des volontaires pleinement insérées dans la modernité, qui assument des modèles de développement et des méthodologies de travail en accord avec les temps actuels. Ce sont des volontaires qui travaillent en relation directe avec les gouvernements et autres institutions et qui imposent des modèles spécifiques dans la lutte contre les pauvretés. Elles utilisent les technologies les plus modernes, les moyens de communication sociale, enfin elles sont à jour dans tous les sens.

  • * Il y a d'autres volontaires, dont la caractéristique fondamentale et le moyen d'influence prioritaire, sont leur participation en réseaux et plates-formes d'action sociale, dans lesquels, en beaucoup de cas, elles développent un rôle de pionnières, indiquant des voies pour l'éradication de la pauvreté, valables tant au niveau national qu'international.

  • * D'autres, pleinement insérées dans la vie de leurs communautés, représentent une nouvelle modalité de vivre le volontariat. Engagées dans leur propre communauté, elles s'insèrent dans un processus très intéressant d'autopromotion. Ce type de groupes composés de volontaires qui souffrent la pauvreté dans leur chair, est chaque jour plus fréquent en différents pays, surtout dans le tiers-monde.

  • * Beaucoup de volontaires, également pauvres, sont pleinement intégrées dans le mode de vie de leur communauté et dans la nature qui les entoure. Ce sont des volontaires qui travaillent la terre pour assurer leur propre entretien, celui de leurs époux et de leurs enfants. Ces volontaires cultivent des champs de maïs, de manioc, des cacahuètes et autres produits, pour couvrir de manière précaire, leurs nécessités de base. Afin de payer les frais inhérents à leur action avec de plus pauvres qu'elles, et pour payer les cotisations nécessaires au soutien d'une association dans laquelle elles croient et dont elles estiment le travail indispensable sur les plans local, national et international, ces volontaires travaillent en d'autres champs, dès l'aube, et ainsi trouvent les fonds nécessaires à cette fin.

* Enfin, pour donner une idée claire quant aux différents types de volontaires existant dans l'AIC, je citerai les mots de l'animatrice régionale AIC pour l'Afrique et Madagascar: « Pendant ces dix années de vie de l'association, le Saint Esprit s'est fait présent dans l'association de Madagascar... c'est l'esprit qui nous anime après chaque échec, ou chaque apparente déroute..., il était présent pour nous encourager à avancer, quand tout nous paraissait s'arrêter à cause des hésitations ou du découragement. C'est le Saint Esprit qui nous murmurait qu'il fallait sourire, et même rire, quand tout, intérieurement, n'était que larmes et désespérance. Il nous disait « mission » pendant qu'en nous-mêmes il n'y avait que « démission ». Dix années pendant lesquelles nous n'avons cessé d'être « créatives jusqu'à l'infini » nous convertissant en cultivatrices de maïs, en éleveuses de poules pondeuses, promotrices d'idées nouvelles, gestionnaires de grands et petits projets, ambassadrices devant les grandes instances civiles, pédagogues des handicapés et autres choses, rôles que jamais nous n'avions pensé développer il y a dix ans, lorsque se créa l `AIC à Madagascar, avec l `appui des Filles de la Charité. »

Les constatations antérieures nous ont conduites à réaffirmer la conviction qu'une action isolée ne peut produire un changement dans la qualité de vie des pauvres, ni contribuer à une transformation sociale. De ce fait, nous, volontaires AIC, nous nous efforçons de modifier l'orientation de nos actions, complétant les oeuvres existantes par d'autres services et actions visant à atteindre un véritable effet transformateur.

Tout cela représente, évidemment, un engagement accru de la part de l'AIC internationale qui est appelée à offrir des services adéquats. Mais, il est certain que dans ces appels il y aussi un engagement implicite de la part des volontaires, des associations et des responsables à procurer le soutien nécessaire aux groupes vincentiens.

II. Collaboration avec les autres branches de la Famille Vincentienne

1. Les collaborations existantes

Jusqu'à maintenant, l'interaction de l'AIC s'est réalisée spécialement avec les Pères de la Congrégation de la Mission et avec les Filles de la Charité mais, comme volontaires, nous avons conscience de la nécessité d'amplifier ce réseau afin que participent également d'autres groupes de la Famille Vincentienne. Cette interaction a été particulièrement appuyée par le Père Robert Maloney. Les quatre réunions internationales qu'il a convoquées ont ouvert des chemins nouveaux de collaboration dans plusieurs pays du monde. De plus, Nous sommes motivées par la conviction que les communautés religieuses “doivent partager avec les laïcs le charisme propre de leur communauté » et que « les divers membres de l'Eglise peuvent et doivent unir les efforts... afin de participer efficacement à la mission ecclésiale” (1)

  • A partir de cette ferme conviction, l'AIC a cherché à resserrer les liens de collaboration existants, au moyen de tous types d'initiatives:

  • * Invitation à des séminaires et assemblées nationales, régionales et internationales.

  • * Réponses aux invitations des Pères et des Soeurs.

  • * Envois de courriers et d'informations dans le bulletin international AIC.

  • Contacts avec les visiteurs et visitatrices, ainsi qu'avec les assesseurs (aumôniers) des différents pays.

  • * Motivation des séminaristes et jeunes novices.

  • * Participation à des projets et initiatives conjoints, d'appui, de développement et de promotion sociale, d'évangélisation et de formation.

  • * Travail en équipe apportant la spécificité de son action.

  • * Appuis financiers pour faire bénéficier des groupes ou communautés déterminés

* Prière et réflexion en commun.

2. Les perspectives, le futur prévisible

Il est important de nous questionner au sujet des perspectives d'avenir de la Famille vincentienne. Avant de nous préciser des défis, il est nécessaire de réfléchir sur les chances, c'est-à-dire sur ce qui nous offre des espaces et des possibilités de succès. Également, il est nécessaire de considérer les risques ou ce qui peut affecter l'objectif que nous voulons atteindre.

2.1 Les chances

  • Nous sommes à un moment privilégié pour l'interaction, qui, d'ailleurs, existe et s'est amplifiée depuis plusieurs années. Ce fait se reflète dans une série de chances ou de facteurs qui influent positivement notre objectif.

  • * Le désir du Supérieur Général de la Congrégation de la Mission, de la Mère Générale des Filles de la Charité et des responsables internationaux des différentes branches de stimuler la collaboration

  • * Ce même objectif est partagé par un grand nombre de responsables nationaux

  • * Les projets pilotes en cours qui peuvent servir de modèles et de stimulation

  • * Le début d'une connaissance plus poussée des autres branches de la famille vincentienne

  • L'intérêt suscité chez beaucoup de Pères et de Soeurs pour fonder des groupes vincentiens et le jaillissement d'initiatives nouvelles, avec de nouveaux acteurs sociaux, comme les indigènes, les ruraux et les personnes de la communauté à promouvoir

2.2. Difficultés et risques

  • Nous devons avoir une conscience claire de ce que chaque initiative nouvelle comporte des risques et des difficultés qui, si elles sont affrontées avec détermination et esprit d'humilité et de service, nous aident à croître. Voici quelques exemples de risques:

  • * La crainte de certains groupes de perdre leur autonomie et leur liberté et de se retrouver en situation de soumission et de dépendance.

  • * L'immaturité de certains laïcs qui ne désirent pas collaborer, mais être dépendants.

  • * Le peu de confiance de certains Pères et Soeurs dans les capacités des laïcs.

  • * L'image antique et obsolète de certains groupes qui fait que les Pères et les Soeurs ne sont pas intéressés de collaborer avec eux.

  • * Le manque de connaissance mutuelle quant au charisme et à la mission de chaque branche et le manque d'intérêt pour créer des relations interpersonnelles positives.

  • * Les échecs de certaines initiatives d'interaction, dus à une mauvaise planification ou à une progression sans préparation du processus préalable à l'interaction.

  • * L'attachement de certains groupes à utiliser encore des méthodes d'assistance qui sont dépassées dans l'action sociale et qui ne favorisent pas l'autopromotion des démunis.

  • Le manque de formation authentiquement vincentienne qui nous permettrait, à tous et toutes, d'assumer des attitudes cohérentes avec l'esprit de notre fondateur.

3. Une réflexion sur l'agenda du futur proche. Les défis face au troisième millénaire

Le futur proche, l'Année internationale de la Charité, la célébration du Jubilé de l'an 2 000, auquel Jean Paul II nous invite à participer, nous motivent avec urgence à franchir les pas nécessaires pour chercher de nouvelles formes de collaboration. Les pauvretés qui augmentent, jour après jour et les difficultés que nous rencontrons pour lutter contre elles, nous rendent plus conscientes aussi de la nécessité de resserrer les liens qui nous unissent et de préparer une planification conjointe sérieuse, afin de cheminer d'un pas assuré vers une nouvelle forme de servir.

Nous pouvons commencer, comme cela s'est fait ces dernières années, par renforcer à tout moment, la connaissance mutuelle et les relations interpersonnelles, priant ensemble, programmant ensemble, célébrant ensemble. Cependant, nous ne devons pas nous laisser prendre par l'enthousiasme de départ, et nous devons être conscientes de ce que tout changement exige une renonciation et que cette renonciation à certains moments implique souffrance et peine. Elle implique de renoncer aux intérêts propres pour rechercher le bien commun. Les difficultés qui surgissent dans le cheminement quotidien, font que, en certaines occasions, les projets communs, commencés avec beaucoup d'enthousiasme, présentent des difficultés et conduisent même à l'échec. Ceci ne doit pas nous décourager, mais doit être une incitation supplémentaire si nous sommes convaincues de la valeur de l'initiative.

L'interaction dans des projets communs que, parfois, nous commençons dans l'enthousiasme, n'est pas une tâche facile, comme il n'est pas facile de s'adapter aux manières d'être et d'agir des personnes, des organismes et des groupements différents.

Dans cette interaction, chacune des branches doit se rendre compte de ce qu'elle peut apporter de manière spécifique, au bénéfice de l'ensemble du réseau et de ses composantes. Nous croyons que l'AIC peut apporter son caractère d'association de laïques, avec tout ce que cela comporte, ainsi que une possibilité de participation et de présence dans les divers organismes, concernés directement par l'éradication des pauvretés et de leurs causes. Cela nous donne la possibilité d'être présentes dans les lieux où se prennent les grandes décisions, où s'élaborent les politiques publiques qui, de manière précise, affectent la vie des marginaux. Elle peut aussi apporter, entre autres choses, des documents spécifiques de formation pour le laïcat vincentien.

Afin d'avancer dans l'interaction, il est, de plus, nécessaire d'améliorer la communication entre nous et de promouvoir la création d'un réseau, avec des canaux spécifiques et bien définis, « qui nous conduise à connaissance plus approfondie, nous aidant mutuellement pour la croissance de tous. » (2)

Les responsables de la formation de l'AIC ont élaboré un document pour les assesseurs (conseillers/res), avec la collaboration précieuse du P. Lauro Palù, prenant différents textes sur ce thème, écrits par d'autres Pères de la Congrégation de la Mission. Il s'agit d'un instrument qui nous permet de travailler unies et d'avoir une meilleure connaissance de ce processus de formation.

La formation doit toujours évoluer pour correspondre aux exigences de notre temps et de la nouveauté de notre engagement. Elle doit être intégrale et atteindre la personne dans sa totalité, s'adapter aux signes des temps, aux différents milieux et types de groupes. Il s'agit d'une formation spirituelle, sociale et technique. Cela requiert une formation spécifique et permanente, un approfondissement constant de notre charisme et de notre mission ainsi qu'une compréhension claire de ce qui nous rend différentes et détermine la spécificité de notre action et la nouveauté de notre engagement. Seule une solide formation vincentienne permettra aux volontaires d'être capables de servir nos frères et soeurs et de participer efficacement à ce grand réseau mondial de lutte contre la pauvreté.

Les Pères, les Soeurs, les Laïcs qui se préparent à développer le travail de formation, doivent avoir une véritable vocation de formateurs. Trop souvent les responsables de formation ne sentent pas leur tâche comme quelque chose d'important, mais plutôt comme quelque chose qui les distrait de leur charisme de pratique de la charité. La formation qu'ils ou elles donnent ne correspond pas aux attentes et ne réussit pas former de meilleurs serviteurs des pauvres.

4. En guise de conclusion

Pour terminer, je souhaite vous dire que l'intensification des relations entre les branches de la Famille vincentienne est l'une des grandes priorités de l'AIC, et la mienne personnellement.

C'est une initiative en laquelle je crois profondément; je suis convaincue des merveilles que nous pourrons faire si nous sommes unis comme une grande armée engagée dans la lutte contre les pauvretés et contre leurs causes, ainsi que pour la défense des droits des plus pauvres.

Nous vous demandons de nous offrir un accompagnement libérateur. Le Père Alvaro Quevedo ainsi que le Père Rafael Ortega définissent cet accompagnement libérateur comme un accompagnement dans lequel « s'exaltent les valeurs communautaires, la solidarité, la collaboration, la créativité, l `initiative. C'est un accompagnement toujours ouvert au dialogue, à la participation, à la réflexion, à la coresponsabilité. Il favorise la prise de conscience de la dignité propre de chacun et de sa valeur comme personne, et il a comme objectif bien clair la transformation de la réalité. Cet accompagnement libérateur doit conduire à l'engagement social et rappeler ce qu'implique l'option pour les pauvres ». Nous vous demandons également de nous aider à prendre mieux conscience de notre être et de notre identité qui, souvent, se diluent dans les impératifs concrets du quotidien.

Votre appui et les contacts que nous avons eus avec vous sont une leçon de vie qui nous conduisent à la générosité et au sacrifice. A tous moments vous nous avez enrichies, vous nous avez fait grandir et vous nous avez fait aimer les pauvres, en certains cas en vous imitant, avec un amour véritable qui est don et sacrifice. Pour tout cela et pour ce que vous signifiez, nous conduisant à accepter ce sacrifice, permettez-nous de cheminer à vos côtés, de mieux vous connaître, afin que votre témoignage, votre exemple et votre parole nous aident à avoir le discernement et l'ouverture nécessaires pour faire que la prophétie qui annonce des nouveaux temps de vie et de plénitude deviennent histoire.

(Traduction: AIC)

(1) Vita consecrata. Exhortation post-synodale de Jean Paul II, 25 mars 1996

(2) Padre Benjamin Romo cm. Le caminar del Laicado vicentino en Mexico