Jésus-Christ, vivant dans son Eglise, Source d'espérance pour l'Europe

Jésus-Christ, vivant dans son Eglise,

Source d'espérance pour l'Europe

Quelques réflexions à propos de l'Assemblée spéciale pour l'Europe

du synode des Evêques.

par Jean Landousies, C.M.

Province de Paris

La deuxième Assemblée spéciale pour l'Europe du synode des Evêques, qui s'est tenue à Rome du 1er au 23 octobre 1999, a clos la série des synodes continentaux convoqués par Jean-Paul II dans la perspective du Jubilé de l'An 2000. Mon intention n'est pas ici d'en donner un aperçu général, deux de nos confrères qui y ont participé (Mgr F. Rodé, archevêque de Ljubljana et Mgr T. Goclowski, archevêque de Gdansk) seraient plus qualifiés. Je voudrais simplement proposer quelques réflexions d'un observateur extérieur sur quelques-uns des nombreux thèmes qui ont été abordés et qui nous concernent plus directement comme vincentiens. Je le ferai à partir des documents publiés tout au long du Synode par la Salle de presse. Dans un an, une exhortation apostolique du Pape devrait reprendre l'essentiel de la réflexion synodale.

1. Un constat réaliste

Plusieurs organes de presse, se basant en particulier sur une certaine lecture de la Relatio ante disceptationem (rapport introductif) du Cardinal Rouco, de Madrid, ont rapporté que le point de départ de ce synode avait été une description pessimiste de la situation de l'Eglise en Europe. Il est sans doute vrai que plusieurs Evêques sont arrivés au synode avec cet esprit. Toutefois, il paraît plus juste de lire les interventions des premiers jours comme un constat réaliste de la grave crise de la foi qui atteint les sociétés européennes aujourd'hui et surtout comme une prise de conscience de la grande diversité des situations entre les Eglises des pays appelés autrefois de l'Est ou de l'Ouest, ainsi qu'à l'intérieur même de ces régions.

A titre d'exemple, prenons l'intervention du Cardinal Eyt (Bordeaux): «L'idée que le christianisme aurait échoué en Europe est une idée répandue, entraînant parfois des programmes de distanciation entre l'Eglise, le christianisme, la culture contemporaine. Il s'ensuit une sorte `d'apostasie tranquille' d'une majorité d'Européens, du moins à l'ouest, et tout spécialement parmi les adolescents et les jeunes. `Anima europea naturaliter jam non christiana'». Mgr Rodé (Ljubljana) insiste lui sur l'avenir de la foi en Europe. Certes soulignera-t-il, la pratique religieuse baisse, les valeurs chrétiennes s'effritent, malgré le Concile et l'énorme effort de renouveau spirituel de l'Eglise. Mais «un tournant, peut-être se prépare. J'en vois la preuve dans la faillite de l'athéisme de ce siècle cruel… Ayant révélé sa radicale négativité, il est permis d'espérer qu'il apparaîtra aussi, aux yeux de l'homme européen, comme une prison pour le cœur et l'intelligence, incapable de donner un sens à la vie et un avenir à l'humanité. Or, sans avenir l'homme est en proie au désespoir ou menacé de folie».

La première partie du synode aura permis de faire un sérieux «état des lieux» qui aura ouvert à un nouvel optimisme car, dira le Cardinal Tettamanzi (Gênes), «le réalisme chrétien qui doit animer notre discernement ne peut pas ne pas s'ouvrir à un optimisme radical. C'est l'optimisme qui naît de la foi dans la présence du Seigneur Jésus, qui n'a pas abandonné l'Eglise et l'homme, et qui continue à envoyer son Esprit des quatre vents pour qu'il atteigne et transforme aussi l'Europe jusque dans ses parties les plus reculées. C'est ce qui a eu lieu continuellement durant ces deux mille ans d'histoire. Et nombreux sont les signes de cette présence opérante et vivifiante de l'Esprit».

C'était déjà l'appel à une `puissante espérance' lancé par Jean-Paul II dans l'homélie de la messe d'ouverture. Le message final du Synode, centré sur « l'Evangile de l'espérance », viendra confirmer cet état d'esprit qui traversera finalement l'Assemblée. Les travaux de groupe ont bien mis en lumière que le contexte de la mission en Europe aujourd'hui est celui d'une crise de la foi. En effet, au cours des dernières années les sociétés ont subi une forte sécularisation. Cependant, malgré les nombreux aspects négatifs de cette situation, il ne convient pas d'avoir une vision pessimiste des choses, car par ailleurs, un peu partout, on constate une forte demande de foi. Aussi, il paraît plus juste d'interpréter cette situation de crise comme un signe, une invitation à rassembler les énergies des communautés chrétiennes pour faire renaître la vraie espérance.

2. Recentrer la mission sur le Christ

De façon générale, ce synode a été une incitation à pêcher en eau profonde. En une période de doute, d'inquiétude pour l'avenir où la confiance et l'espérance sont mises à rude épreuve, c'est un appel à se dépasser, à s'engager à la suite du Christ, en refusant d'en rester aux apparences, à la surface des choses, pour revenir à l'essentiel. Ainsi, pour affronter sereinement la situation spirituelle difficile que traverse le continent, il est urgent de revenir à l'origine même de la mission, de se ressourcer dans la foi au Christ afin de l'annoncer et de conduire les hommes vers lui. Car dira encore Jean-Paul II : «Jésus-Christ est vivant dans son Eglise, et continue, de génération en génération, à `s'approcher' de l'homme et à `faire route' avec lui. C'est surtout dans les moments d'épreuve, lorsque les déceptions risquent de faire vaciller la confiance et l'espérance, que le Ressuscité croise les chemins de l'égarement humain et, même s'il n'est pas reconnu, il devient notre compagnon de route» (Homélie d'ouverture, n. 2).

Il est donc nécessaire de remettre au centre de la mission le mystère du Christ source d'espérance, en ne le séparant pas de l'Eglise qui doit en être un vivant témoignage du message évangélique. L'Eglise n'a pas d'autre trésor que d'annoncer Jésus-Christ mort et ressuscité. C'est là le kérygme qui doit être au cœur de sa mission, convaincue que le salut de Jésus est nécessaire pour notre époque et notre culture. Lorsqu'il est reçu, ce message conduit alors à un changement moral progressif de toute l'existence et à sa célébration liturgique.

L'annonce du kérygme prend une importance encore plus grande face au nombre considérable de nos contemporains qui ne connaissent plus l'essentiel du message chrétien ou en font seulement un répertoire de valeurs acquises, voire dépassées. Dès lors, pour la plupart, le Christ est-il encore perçu pour le Fils de Dieu? Est-il notre Sauveur? D'ailleurs se poser de telles questions a-t-il encore un sens alors qu'on ne sait plus ou qu'on ne comprend plus de quoi et pourquoi on devrait être sauvé par cet homme qui a vécu voici 2000 ans? Ainsi, par exemple, la célébration du Jubilé ou plus exactement, pour le plus grand nombre sans doute, la date même de l'an 2000 a-t-elle un sens autre que celui de la symbolique des chiffres? Dans un monde où, à juste titre, l'esprit démocratique façonne de plus en plus les mentalités, la foi peut-elle être autre chose que le fruit d'une opinion commune, fondée sur des sondages? Peut-elle être encore une véritable confession?

Il est donc urgent de proposer à l'homme européen une annonce renouvelée de Jésus Christ unique Sauveur et du salut qu'il apporte à tous les hommes et à tous les peuples, en particulier aux plus pauvres d'entre eux, et de témoigner d'une foi qui suscite une espérance durable. Cette annonce doit mettre en lumière que le Christ révèle la véritable identité de l'homme et rend possible la communion de l'homme avec Dieu. La conception de l'homme que révèle le Christ est la réponse la plus éminente à la recherche de la dignité de la personne qui est l'une des aspirations les plus hautes de l'homme d'aujourd'hui. En effet, elle nous affirme que l'existence de chaque personne humaine a un sens aux yeux de Dieu, que la communion entre les personnes est historiquement possible et que la diversité peut devenir une richesse. Elle nous indique aussi que la force du Royaume agit dans l'histoire et contribue à l'édification de la cité de l'homme selon Dieu, que la charité donne une valeur éternelle à tout geste qui humanise et que la souffrance, librement assumée, est transformée en instrument de Rédemption. C'est enfin la certitude que la vie triomphe définitivement de la mort.

3. Transmettre la foi

La transmission de cette foi dans le Christ mort et ressuscité, toujours agissant dans notre monde, est une question cruciale. Mais, il faut noter que ce problème n'est pas propre à l'Eglise. C'est notre époque elle-même qui semble incapable de transmettre son héritage spirituel, moral, culturel, aux générations suivantes. Par ailleurs, l'évangélisation aujourd'hui se réalise dans un contexte culturel nouveau qui représente un immense défi pour la foi et le comportement des chrétiens. On a dit que l'Europe est une sorte de laboratoire où se joue la confrontation entre la foi et la modernité. En effet, la transmission de la foi doit souvent tenir compte d'un processus de sécularisation qui limite l'horizon de l'homme à ce qui est concret et visible, excluant ainsi Dieu et l'invisible.

Pourtant, dans ce contexte même, l'homme ressent un puissant besoin d'espérance et de certitudes. Dès lors, transmettre la foi exige que le mystère du Christ soit annoncé dans sa totalité, sinon il est impossible de répondre aux grandes questions que se pose l'homme. Ceci est d'autant plus important que beaucoup de nos contemporains ne réussissent plus à déterminer ce qui distingue le christianisme des nombreux courants de spiritualité de tous ordres qui envahissent les esprits. La foi chrétienne n'est pas un vague sentiment religieux peu contraignant. Annoncer le Christ vivant et en témoigner demande de manifester sans crainte la spécificité de l'identité chrétienne. Comment dès lors ne pas sentir la nécessité de faire preuve d'audace dans la proposition de la foi, une audace qui se traduit aussi par un plus grand enthousiasme que certains Pères synodaux ont caractérisée de paulinien.

La dimension eschatologique de l'annonce de la foi, souvent sous-développée dans la prédication, trouve en fait un point d'appui dans les aspirations secrètes du cœur de l'homme européen, hanté par les questions de la souffrance et de la mort. Cette attente eschatologique concerne aussi la vie actuelle. La venue du Royaume de Dieu dans ce monde n'est pas le fruit de nos seuls efforts humains, souvent bien désespérants, mais elle jaillit avant tout de la grâce gratuite de Dieu.

Il est donc urgent que chaque chrétien, chaque communauté chrétienne retrouvent un esprit missionnaire pour annoncer le kérygme avec la force que donne l'Esprit déjà à l'œuvre, tout en recherchant des méthodes nouvelles qui permettront de rencontrer l'homme là où il se «fait» et s'exprime aujourd'hui. L'annonce de l'Evangile est une tâche qui concerne tous les chrétiens. Ceci exige des communautés et des personnes authentiquement croyantes. Le témoignage des personnes représente une nécessité absolue. Pour évangéliser, il faut savoir repérer les carences des agents de l'évangélisation et celles des communautés, au niveau de la foi et de son expression, comme seraient une foi fondée plus sur la coutume que sur les convictions, une pratique religieuse routinière ou un manque d'intérêt pour les défis culturels actuels. Dans un monde qui n'accepte guère les doctrines abstraites, c'est par le témoignage individuel et communautaire de croyants authentiques, à travers le compagnonnage de la vie quotidienne et l'écoute, que l'Evangile est souvent annoncé avec le plus d'authenticité et d'impact. D'autre part, si la connaissance des vérités fondamentales ne peut être mise de côté, -de l'avoir fait parfois a pu conduire aussi à la situation actuelle-, il n'est pourtant pas évident de la transmettre. Seuls des apôtres crédibles qui ont eux-mêmes fait l'expérience de la rencontre du Christ, le véritable évangélisateur, pourront avoir la transparence des témoins et entraîner à leur suite vers le Christ. Seule une personne évangélisée peut évangéliser, seule une personne sanctifiée peut devenir instrument de sanctification. L'évangélisateur est celui qui se laisse façonner par la charité de Dieu au point de devenir le reflet terrestre de son amour miséricordieux pour les hommes.

Revitaliser les communautés pour que l'Eglise soit source d'espérance en Europe, cela passe par une sorte de réveil spirituel, une prise de conscience renouvelée de la Seigneurie du Christ, Fils de Dieu fait homme, c'est-à-dire en confessant avec vigueur que Jésus Christ est vérité et vie, seule espérance valable pour toutes les générations et non simple maître à penser, aussi digne soit-il.

Dès lors, l'évangélisateur se présentera comme un prophète, signe de contradiction qui, dans une attitude de dialogue et de service, insistant plus sur l'interrogation que sur la dénonciation, discerne et accueille les signes positifs de la culture, et en même temps, confronte et relève avec vigueur ce qui va contre l'intérêt de l'homme et de sa destinée.

4. Evangéliser les pauvres

Si ce thème ne s'est pas présenté explicitement comme un thème majeur du synode, il a pourtant été présent de multiples façons dans les interventions des Pères synodaux. Ainsi, dès les premiers jours, Mgr Kenney, auxiliaire de Stockholm, au nom des Evêques scandinaves, faisait quelques requêtes qui me semblent significatives car elles ont été reprises de plusieurs manières par la suite:

•«En premier lieu, nous demandons que le Synode promeuve des actions concrètes pour aider les pauvres d'Europe, quelle que soit la raison de leur pauvreté. Ceci signifie une solidarité encore plus grande envers les pays les plus pauvres de notre continent. En même temps, nous ne pouvons pas oublier les pauvres des autres parties du monde. Autrement dit, nous devons être plus généreux que nous le sommes aujourd'hui». En rappelant avec force que l'Europe ne devait pas se fermer sur elle-même, les Pères ont fait de la solidarité un point clé de la réflexion tant pour ce qui est de la vie interne de l'Eglise (solidarité entre les Eglises de l'Ouest et de l'Est par exemple), que pour les relations entre les nations du continent pour renforcer le processus de construction de l'Europe. Plusieurs évêques ont insisté fortement sur la responsabilité de l'Europe et des Eglises envers les peuples pauvres et sur l'urgence d'un examen de conscience de la part des Eglises plus riches. La présence de délégués représentant les cinq continents, mais surtout peut-être le fait que de nombreux évêques européens ont des relations effectives avec les Eglises plus pauvres, font que ce souci est ressenti de plus en plus comme un appel pressant à la solidarité et à un changement d'habitudes de consommation dans les sociétés développées. «Sans la sobriété, nous ne pouvons pas développer une vie spirituelle et authentiquement solidaire».

•«En deuxième lieu, nous demandons que l'Eglise mette encore plus l'accent sur le problème des émigrés clandestins présents dans beaucoup de nos pays - qui ont atteint aujourd'hui plusieurs millions dans notre continent - et ne permette pas que ces sœurs et ces frères soient oubliés». La question de l'accueil de l'étranger et, plus largement, de la rencontre de l'autre différent, est revenue dans de nombreuses interventions. Il faudrait évidemment reprendre toute la réflexion qui a été amorcée sur la rencontre des cultures à l'intérieur même du continent. Je m'en tiendrai ici à deux éléments qui, aujourd'hui, sont brûlants dans de nombreux pays: l'immigration et l'Islam.

- On a remarqué que dans certains pays l'Eglise et ses organisations représentent souvent la seule source d'assistance et de support. Un accent important devrait être mis, avec réalisme toutefois, sur l'accueil à donner aux émigrés, en étant conscient des difficultés et des engagements financiers nécessaires. L'aide offerte à ces personnes doit leur permettre de se développer par elles-mêmes et se concrétiser en partenariat avec l'Eglise et le pays d'où elles proviennent. Devant la diversité des situations des personnes, immigrés économiques, réfugiés qui s'enfuient de leur pays pour sauver leur vie ou par désespoir, il a été suggéré que les différents organismes ecclésiaux concernés puissent élaborer une critique sérieuse des politiques européennes dans ce domaine.

- La relation avec les musulmans, qui ne sont pas tous des immigrés ou des étrangers, a été relevée par la presse comme un sujet particulièrement difficile. Même si quelques interventions n'ont pas fait preuve de grande ouverture, on peut dire que globalement, l'engagement de l'Eglise au dialogue avec les musulmans a été réaffirmé avec force. Il n'est d'ailleurs pas sans signification que quelques jours après la clôture du synode, Jean-Paul II lui-même présidait au Vatican, sur la place Saint-Pierre, une Assemblée interreligieuse, voulue dans le prolongement de la rencontre d'Assise en 1986 et déclarait: «Le devoir qui nous attend consiste donc à promouvoir une culture du dialogue… Je suis convaincu que l'intérêt croissant pour le dialogue entre les religions représente l'un des signes d'espérance présents dans la dernière partie du siècle. Pourtant il faut continuer. Une plus grande estime mutuelle et une confiance croissante doivent conduire à une action commune encore plus efficace et coordonnée au nom de la famille humaine». Certes, le Pape connaît les difficultés concrètes de ce dialogue, pourtant «il faut continuer», car il s'agit d'une option irréversible de l'Eglise (cf. Redemptoris missio, n. 55-57). Face à la réalité de l'Islam en Europe, l'Eglise n'a pas toujours d'autres possibilités que la proposition d'un dialogue sincère et elle doit mettre tout en œuvre pour l'instaurer et le faire progresser sans naïveté mais aussi sans préjugés. Le dialogue avec les musulmans exige de la part des chrétiens une attitude évangélique de charité et de gratuité. Mais, dans le même esprit, ils doivent aussi réclamer aux sociétés à majorité musulmane où vivent des chrétiens le respect des droits fondamentaux de la personne dont fait partie la liberté religieuse. Pour que le dialogue interreligieux puisse progresser il est aussi nécessaire que les catholiques soient bien assurés dans leur foi et qu'ils redécouvrent la richesse de leur propre tradition spirituelle.

•Une autre requête de l'assemblée synodale concernant l'évangélisation des pauvres touchait la doctrine sociale de l'Eglise. Il est clair que trouver le Christ, c'est en même temps le servir dans ses frères, chacun personnellement et dans leur vie en société. La doctrine et l'action de l'Eglise vont de pair. Il en va de sa crédibilité. De nombreux Evêques ont souligné que l'Eglise ne peut pas se taire devant certaines situations d'injustice et de mépris de l'homme, car l'Evangile appelle à humaniser la société. Face aux évolutions du monde, la doctrine sociale de l'Eglise doit donc prendre à son compte les formes nouvelles de pauvreté. Il est nécessaire d'éveiller les chrétiens et l'ensemble de l'opinion publique à l'importance de tels champs d'action et de contribuer ainsi à la diffusion et à la valorisation de la doctrine sociale. On sait d'ailleurs que depuis quelques mois un«catéchisme de la doctrine sociale de l'Eglise» est en cours d'élaboration.

5. La formation des laïcs

La place des laïcs dans l'Eglise a été au centre de nombreuses interventions. On a en particulier souligné l'importance de leur engagement dans la vie de la société. La préoccupation qu'une conscience sociale n'a pas été formée au cours de la génération présente s'est manifestée, constatant surtout que cette dernière a adopté une attitude de plus en plus individualiste. L'appel à s'engager dans la vie publique est fondé sur l'Evangile. Pour répondre correctement à leur vocation et leur permettre de réfléchir sur leur rôle à la lumière de l'Evangile, il est nécessaire de prévoir une formation chrétienne des laïcs, dans laquelle la doctrine sociale de l'Eglise doit occuper une place de premier plan. Une solide formation théologique et spirituelle se révèle de plus en plus indispensable pour leur permettre d'assumer pleinement leurs responsabilités de baptisés. Les valeurs sur lesquelles une société saine peut se construire ne peuvent venir que des convictions des individus. Aussi, une attention particulière doit être accordée aux laïcs qui occupent des responsabilités importantes dans les domaines de la culture, de l'économie ou de la politique, car ils sont souvent l'objet de fortes pressions ou tentations.

6. La Mission ad gentes

La dimension universelle de la mission de l'Eglise a été bien présente à ce synode. Les représentants des autres continents ont souvent rappelé avec force l'urgence de la solidarité ecclésiale. Ainsi le Cardinal Tomko, préfet de la Congrégation pour l'Evangélisation des peuples, rappelant que les deux-tiers de l'humanité ne connaissent pas encore Jésus Christ selon les termes de la foi, déclarait:«Si dans certains pays et dans certains groupes d'Europe il existe une crise de la foi, elle ne se résoudra pas grâce à un repli des Eglises d'Europe sur elles-mêmes, mais plutôt avec leur ouverture à la mission universelle. Pourtant aucun de ceux qui croient au Christ, aucune institution de l'Eglise ne peut se soustraire à ce devoir suprême: `annoncer le Christ à tous les peuples' (Redemptoris missio, n. 3)». Et le Cardinal demandait plus précisément de poursuivre avec audace la mission ad gentes par la promotion des vocations missionnaires ad vitam, le développement de l'envoi de prêtres fidei donum et un soin particulier à la mission envers les immigrés qui se trouvent dans les communautés chrétiennes européennes. «Les Eglises d'Europe doivent être des communautés dynamiques qui évangélisent, plutôt que des communautés de manutention et de conservation». Cette dernière affirmation semble d'une grande importance pour nous à un moment où le petit nombre de prêtres conduit à les employer dans un service de plus en plus limité à la communauté déjà rassemblée au détriment de la mission vers ceux qui sont les plus éloignés de l'Eglise. Par ailleurs, on a insisté aussi sur la nécessité de renouveler la théologie missionnaire, donnant la place qui leur revient aux fondements christologique et pneumatologique de la mission, à l'inculturation, à l'œcuménisme et au dialogue interreligieux.

7. Les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée en Europe

On sait combien cette question est préoccupante aujourd'hui dans la plupart des pays d'Europe. Cette crise est liée à la crise du christianisme en général qui se vérifie dans ces mêmes pays. Il est important de continuer à appeler aux ministères et à la vie religieuse avec une insistance prévenante, et pour cela de développer une pastorale des vocations qui commence au bon moment et de donner la meilleure visibilité possible aux instances d'éveil à la vocation et de préparation aux ministères. Les jeunes doivent connaître au plus tôt les communautés religieuses où règne une atmosphère qui aide à vivre la foi chrétienne. Il peut arriver aussi que la crise des vocations soit due à une vision inadéquate de l'Eglise, au manque de clarté sur l'identité sacerdotale et sur le rapport intime et spécifique qui existe entre le sacerdoce ministériel et le sacerdoce du Christ.

8. L'unité européenne

On ne peut parler de ce synode sans faire allusion à la préoccupation qu'il a manifestée pour l'unité spirituelle de l'Europe. Sur le continent, l'Eglise a pour mission de transmettre à nouveau l'espérance qui lui est donnée en Jésus Christ. Aujourd'hui encore les peuples de l'Europe souffrent des effets des idéologies totalitaires, des conséquences des guerres et des luttes civiles. Et on peut aussi constater la faillite des institutions européennes face aux horreurs des épurations ethniques de ces dernières années. Ces événements représentent un appel urgent pour l'Eglise afin qu'elle promeuve une nouvelle culture de la rencontre et de nouvelles formes de solidarité et de participation.

Dans ce contexte, la réconciliation devient un élément majeur de l'évangélisation pour assainir le souvenir et indiquer les voies de l'avenir.

9. Un message d'espérance

Le message final de l'assemblée synodale, adressé aux croyants et à tous les citoyens de l'Europe, se veut essentiellement un vigoureux appel à l'espérance. Le document insiste d'abord sur le fait que l'homme ne peut pas vivre sans espérance, sinon son existence serait vouée à l'insignifiance et deviendrait insupportable. Pourtant, il est clair que cette espérance se trouve affrontée à de sérieux défis, à diverses formes de souffrance, d'angoisse et de mort. Aussi, faut-il que les chrétiens soient des témoins ardents et prophétiques de l'Evangile de l'espérance, en se fondant sur la certitude que l'Esprit de Dieu est victorieux de toute désespérance.

Dès lors, les Evêques invitent les catholiques à confesser leur foi en Jésus Christ, unique et vraie espérance de l'Homme et de l'Histoire. Qu'ils soient assurés que l'espérance n'est ni un rêve ni une utopie, mais une réalité. Les signes concrets de l'œuvre de Dieu dans les Eglises et dans la société européennes sont là. Et le document en énumère un certain nombre qui font de l'Eglise la communauté de l'espérance: signes d'espérance, les martyrs dont la foi a été plus forte que la mort, la sainteté de tous ceux qui ont vécu dans la fidélité généreuse à l'Evangile; signes d'espérance si nombreux dans la vie quotidienne des communautés ecclésiales et de chaque disciple du Christ.

Tout cela est à la fois un don et une responsabilité pour les communautés et pour chacun, conduisant aussi à un courageux examen de conscience. Dans cette perspective, les Pères synodaux lancent un appel confiant:«Laissez-vous convertir par le Seigneur et répondez avec une ardeur rénovée à la vocation apostolique et missionnaire que vous avez reçue avec le Baptême!».

«Annonçons, célébrons et servons l'Evangile de l'espérance!». Ce sera en quelque sorte l'appel vigoureux qui ressortira de ce deuxième synode européen. Alors, il sera possible de porter un regard nouveau sur l'Europe, pour y reconnaître les nombreux signes qui ouvrent à l'espérance.

La conclusion des Evêques, qui est aussi la nôtre, est une prière au Dieu de la vie, de l'espérance et de la joie: «Eglise d'Europe, ne crains pas! Notre Dieu est fidèle, le Dieu de l'espérance ne t'abandonne pas. Espère en ton Seigneur et tu ne seras pas confondue éternellement!».

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