Les enjeux d'un discours: la correspondance de Jean-Gabriel Perboyre

Les enjeux d'un discours :

la correspondance de Jean-Gabriel Perboyre

par Elie Delplace, C.M.

Province de Paris

Introduction

Dans la Vie du bienheureux Jean-Gabriel Perboyre, l'auteur écrit : « En notre bienheureux l'âme régnait sur tout lui-même. Tous ses organes la servaient avec une édifiante fidélité ; tous ses sens lui obéissaient, ou plutôt elle les tenait dans un sévère et dur esclavage. C'était une âme qui ne touchait pas pour ainsi dire à la terre, et qui vivait au milieu des faiblesses de l'humanité, comme un ange qui en emprunte les formes, quand il vient ici-bas pour accomplir une mission céleste ». De la même manière, nous pouvons encore citer comme caractéristique de ce type d'hagiographie cet autre passage significatif : « Il faisait sa grande étude de Jésus crucifié ; à ses pieds il cherchait la lumière et la force, pleurait ses péchés et ceux des autres, oubliait tout, s'oubliait lui-même et se trouvait pour ainsi dire dans un autre monde ». Pouvons-nous rendre compte, comme historien, des motivations profondes d'un homme qui, situé dans un contexte particulier, engage toute sa vie à la suite du Christ, en évitant les pièges de cette histoire téléologique si bien caractérisée par ces citations ? En faisant l'impasse sur ces conditionnements humains, de la même manière qu'en réduisant la vie d'un homme à un laconique « c'est de son temps », sans y prendre garde, nous risquons de passer à côté de ce qui constitue la singularité d'une rencontre. Pouvons nous éviter de réduire ce qui peut nous déranger en l'intégrant dans nos catégories familières pour accepter d'entrer en dialogue avec ce représentant d'une époque révolue qui nous rappelle cependant l'actualité du message chrétien ?

Pour cela nous nous proposons dans les limites de cet article, de rendre compte, d'une manière précise et concise, de la weltanschauung (comme « vue métaphysique du monde, sous-jacente à une conception de la vie ») de Jean-Gabriel Perboyre et, pour cela, de partir de ce que lui-même exprime d'une manière explicite. La correspondance du saint est une source précieuse pour saisir ce discours - fondement d'une action - car, dans la diversité des destinataires, elle nous donne accès à cette représentation. En l'abordant, nous nous refusons de séparer les réalités d'en-haut et celles terrestres, pour dialoguer avec ce présupposé unifié de la pensée et de l'action.

Grandeur de Dieu ; indignité de l'homme

Dans les lettres de Jean-Gabriel Perboyre, on trouve d'abord, et massivement, une conscience vive de la grandeur de Dieu. Il s'agit bien d'une « religion sévère » qui prend en compte l'unité de Dieu, comme cela est le cas au XIXè siècle. Dieu est celui qui est au centre de cette weltanschauung, et tout converge vers Dieu. Cela se caractérise d'abord par une lecture providentialiste de l'histoire du monde, de la mission en Chine, de la congrégation, et même de l'histoire individuelle et personnelle.

La justice et la miséricorde de Dieu caractérisent cette providence qui ordonne tout dans le monde. Pour illustrer cette conception fondamentale, nous pouvons citer ce passage d'une lettre du 27 octobre 1830 à son frère Louis qui, au Havre, est sur le point d'embarquer pour la Chine. Faisant référence à « une prophétie qui court dans nos pays » et qui annonce la conquête de Paris par les arabes, Jean-Gabriel expose ce qui peut apparaître comme le présupposé fondamental de sa conception de l'histoire : « Quoi qu'il en soit de toutes ces prédictions vraies ou fausses, nous sommes heureux, au milieu des bouleversements politiques et des calamités temporelles, d'avoir un Dieu pour Père qui ne nous châtie que pour nous rendre sages, qui ne permet le mal que pour en tirer le bien. Que celui qui a introduit le désordre dans le monde trouble et renverse tout, Dieu sait parvenir à ses fins et procurer par sa providence adorable sa plus grande gloire et la sanctification de ses élus. En lui seul notre espoir, notre unique ressource. Il est notre tout ; puisse-t-il l'être éternellement ». Il s'agit là de la clef essentielle pour comprendre la pensée et l'action du saint et, certainement aussi, de l'Église de France au sortir de la Révolution qui a renversé l'ordre de l'ancien régime.

Si Dieu est au centre, par conséquent le temps se trouve comme orienté pour permettre la réalisation du projet divin. L'homme est invité à entrer dans cette dynamique, d'autant plus lorsqu'il s'agit du missionnaire. Jean-Gabriel, dans une lettre du 25 septembre 1837, exprime ce dynamisme au Père Martin, directeur du Séminaire interne : « Je ne puis m'empêcher d'exprimer souvent devant Dieu le grand désir que j'ai qu'il fasse enfin arriver le jour où ce vaste empire doit devenir son héritage, en participant aux grâces qui lui sont réservées dans les trésors de ses miséricordes… ».

À l'opposé de Dieu, il y a le monde. On est frappé aujourd'hui par cette perspective essentiellement pessimiste, mais dans la mesure où la finalité ultime de l'homme est de se tourner vers Dieu et de travailler à sa grandeur, le monde représente la voie opposée ou pour le moins cette option du refus du Dieu Un. A la miséricorde de Dieu s'oppose la désolation de notre monde. Jean-Gabriel Perboyre écrit ainsi à l'un des assistants de la Congrégation, Jean Grappin, le 18 août 1836 : « Plus on parcourt la terre, plus on est frappé de la vérité de ces paroles : misericordia Domini plena est terra ; mais plus on l'est aussi de la vérité de celle-ci : desolatione desolata est terra. Oui, de quelques côté que l'on se tourne, on la trouve infestée de vices et souillée d'iniquités. Il y a des saints qui sont morts de douleur de voir Dieu si offensé par les hommes ».

Pour l'homme, il s'agit donc de choisir : Dieu ou le monde. Le salut est « la grande affaire » et il se prépare ici-bas. La dépréciation des valeurs terrestres est une conséquence de cette prédication. C'est ce qu'il exprime à son frère cadet Antoine, d'une manière directe : « N'oubliez pas, mon cher frère, que notre vie disparaît comme une ombre, et qu'à la mort nous serons traités comme nous l'aurons mérité par nos vices ou par nos vertus. Ayez horreur des plaisirs de ce monde. Cherchez toujours par-dessus tout les intérêts éternels ; tout le reste n'est que vanité ». Cela est encore exprimé d'une manière plus directe lorsqu'il annonce à ses parents la mort de son frère Louis dans la lettre du 15 février 1832 : « Méprisons le monde, détachons-nous de toutes les choses de la terre, attachons-nous à Dieu seul et à son service ; nous ne recueillerons à la mort que ce que nous aurons semé pendant la vie ». De même, lorsqu'il apprend que son père est malade, dans une lettre à son frère Antoine du 14 janvier 1834, il écrit : « Le Bon Dieu ne l'afflige que pour son bien, il peut en être persuadé. En souffrant, il expie les peines qu'il aurait à endurer en Purgatoire, et il mérite une plus grande gloire pour le ciel. Ainsi je le prie de profiter des grâces de la maladie par une sainte résignation et une patience parfaite. Je lui conseille beaucoup de faire pendant sa convalescence une confession générale de toute sa vie ». Et Jean Gabriel en profite pour développer cette spiritualité traditionnelle en milieu chrétien de cet « art de mourir » : « A quelque instant que le Père céleste juge à propos de nous appeler à lui, nous devons nous trouver tout prêts. Il serait trop tard d'attendre la vieillesse, une violente maladie ou la mort subite. Toute maladie doit être une préparation continuelle à une sainte mort ; elle ne nous a été accordée que pour obtenir une bien précieuse éternité. Quant à vous, mon cher frère, quoique vous soyez encore jeune, pensez que vous pouvez mourir tous les jours. Vivez comme si chaque jour était le dernier de votre vie. D'ailleurs on ne peut trop tôt et trop soigneusement amasser des trésors pour le ciel. Au lieu d'imiter ceux qui perdent le temps de la jeunesse dans de vains plaisirs, appliquez-vous de votre mieux à observer la Loi de Dieu ». La souffrance est intégrée à cette spiritualité et Jean-Gabriel de résumer ce principe à son cousin à Montgesty en 1833 : « Le bon Dieu châtie ceux qu'il aime : regardez les souffrances comme des présents du ciel et comme d'excellents moyens de sanctification et de salut ».

Cette impossibilité de l'homme à se sauver dans le monde est aussi ce qu'il expérimente au niveau de son propre itinéraire. Avant d'entrer au séminaire de Montauban, dans la lettre à son père du 16 juin 1817 - la première dont nous disposons -, il écrit : « J'ai consulté Dieu pour connaître l'état que je devais embrasser pour aller sûrement au ciel. Après bien des prières, j'ai cru que le Seigneur voulait que j'entrasse dans l'état ecclésiastique ». Alors qu'il est prêtre depuis moins de deux ans, il partage à son frère Louis, le 11 juillet 1828 : « Je me vois dans ma 27è année ; hélas ! dans ma vie passée, quel vide affreux pour l'éternité ». Enfin, dans sa dernière lettre à Jean Baptiste Torette, procureur à Macao, datée du 16 août 1839, il témoigne du même sentiment à propos de dépenses faites pour lui acheter des bandages herniaires : « Au demeurant, que les dépenses qui ont été faites pour moi en cela soient bien inutiles, je le conçois et je l'avoue, avec d'autant moins de difficultés que je conçois de plus en plus l'inutilité de toutes celles que j'ai occasionnées à la Congrégation, depuis vingt ans que je suis à sa charge, et je vous assure que c'est là une de mes plus grandes peines, laquelle durera sans doute autant que le Bon Dieu me supportera en ce monde ».

Cette conscience de la vacuité de l'existence humaine - sentiment de la créature face à son créateur, car en toutes choses elle lui est redevable - est redoublée par la charge pastorale. Pour annoncer la date de son ordination sacerdotale, il écrit à son père le 24 août 1826 : « Il est donc déterminé, mon très cher père, et il n'est déjà plus bien loin le jour où le Seigneur doit imposer pour jamais sur ma tête le joug du sacerdoce ; ce jour sera le plus grand de ma vie. Quel bonheur pour moi, si je pouvais recevoir la prêtrise avec toutes les dispositions requises ! Quelle source de grâces pour moi et pour les autres ! Il faut que la miséricorde de Dieu soit bien grande pour se choisir des ministres aussi indignes ; vous savez combien j'avais peu mérité cette insigne faveur. Suppliez, je vous en prie, Notre Seigneur de ne pas permettre que j'abuse des grâces qu'il veut bien m'accorder ». La majesté de Dieu donne la mesure de l'insignifiance de l'homme dans la mesure ou elle rappelle aussi la grandeur et la beauté de ce projet de Dieu pour l'homme.

Histoire

On retrouve cette même perspective pessimiste par rapport au temps présent. A son frère Louis, qui lui annonce qu'il va enseigner la philosophie, Jean-Gabriel répond dans sa lettre du 24 mai 1828 : « Ce n'est pas une petite affaire que d'être professeur de philosophie dans un temps où chacun se fait sur cette science les idées qu'il lui plaît, où chacun a son système, ses opinions, où il y a autant d'écoles que de maîtres ». La rupture est introduite par la révolution française, et le saint répète le même diagnostic alarmiste que les adversaires de cette révolution et les défenseurs du catholicisme ultramontain. A son frère Louis, à Macao, il écrit en juillet 1831 : « M. Le Comte de Maistre disait en 1820 que l'Europe s'en allait comme lui dans la tombe ; vous, qui pour n'y être pas englouti avec elle, vous êtes hâté de vous éloigner d'elle, vous devez être curieux d'apprendre s'il lui reste encore quelque souffle de vie. Voici son bulletin ; vous y verrez que la malade est encore dans un état souffrant ; et aux crises qu'elle a eu à soutenir vous jugerez qu'il doit y avoir encore de la vigueur dans ses membres languissants ». Le monde est comme entraîné par cette règle d'entropie qui le mène inexorablement vers le désordre. Cette lettre de juillet 1831 à son frère Louis est certainement la plus intéressante pour percevoir la conception politique du missionnaire. Il y développe en effet un discours de défense de la légitimité et de la légalité : « Depuis la Révolution de juillet, les ministres s'y sont succédés avec la rapidité de l'éclair. Le gouvernement a eu souvent à se débattre avec les anarchistes des rues de la capitale et à épier les machinations vraies ou prétendues des partisans de l'ancien régime ». Dans un même mouvement, il rejette la « populace de Paris » et « le schismatique Grégoire ». A ce sujet, il rapporte à son frère : « A l'occasion du service funèbre qui avait été fait imprudemment à l'anniversaire de la mort du duc de Berry, la populace de Paris a horriblement saccagé l'église de Saint Germain l'Auxerrois, la palais de l'Archevêque et sa maison de campagne. L'église de l'Abbaye au Bois a été indignement et légalement profanée. Le ministre de la police y a introduit par la voie de la force le cadavre du schismatique Grégoire, ancien évêque constitutionnel, qui a persisté jusqu'à la mort dans toutes ses erreurs ». Ce qui est premier est bien le respect de l'ordre et de la tranquillité. De fait, toute forme de désordre est contraire aux saintes occupations. D'ailleurs l'essentiel se trouve à ce niveau. D'une manière significative, il dégage les enseignements moraux de cette situation politique pour son frère cadet Antoine, dans la lettre du 14 avril 1834 : « Il y a eu ces jours-ci à Paris quelques troubles ; c'est maintenant fini. Il y a eu des hommes tués, d'autres blessés. […] Notre quartier est fort tranquille ; d'ailleurs nous sommes sous la protection de saint Vincent de Paul, notre bon père, dont le corps est exposé à la vénération du public dans notre église. Une grande foule de peuple s'y rend tous les jours, cette semaine, à cause d'une neuvaine qui s'y fait en son honneur. Cela vous prouve que partout, pendant que les uns travaillent à leur perte, les autres s'occupent de leur salut. Tachez, mon cher frère, d'imiter sérieusement ces derniers ».

La révolution, qui apparaît comme une perte de temps et un gâchis d'énergie, est crainte. Dans la lettre à son frère Louis du 24 août 1830, - juste après la révolution de juillet qui renverse les Bourbons pour mettre en place une monarchie constitutionnelle avec Philippe d'Orléans - il écrit, non sans une certaine pointe d'exagération : « J'ai été dans des transes mortelles depuis la première nouvelle de la Révolution, jusqu'au moment où nous avons appris que vous étiez en sûreté ! ». Il poursuit encore, rapportant une rumeur : « J'ai versé aussi un torrent de larmes, quand on m'a dit que le corps de saint Vincent avait été jeté à la Seine, et je n'ai été consolé que lorsque j'ai été tout a fait détrompé. Puisse le Seigneur continuer à favoriser de sa divine protection et vous et tous les enfants de saint Vincent ! ».

S'il n'est jamais question, dans la correspondance de Jean-Gabriel Perboyre, des enjeux fondamentaux de la révolution française, elle a fondamentalement occasionné « une lacune funeste », préjudiciable au plan de Dieu lui-même. Heureusement qu'au terme « le Seigneur, ayant rétabli en France la famille de saint Vincent, et l'ayant mise en état de remplir tous ses engagements, elle est accourue de nouveau au secours des chinois ». Le politique ne présente aucun intérêt ; seul compte le surnaturel et pour l'homme concrètement il s'agit d'assurer son salut.

L'Avenir, le « système de M. de Lamennais »

Dans ce contexte, la seule attitude favorable où sont peut-être abordées les questions de fond, se situe par rapport au journal l'Avenir de Félicité de Lammenais dont la devise était « Dieu et la liberté » qui paraît après la révolution de juillet, du 16 octobre 1830 au 15 novembre 1831. Elle est caractéristique de l'attitude du clergé de la France qui manifesta un grand intérêt pour ce journal. C'est dans la lettre à Louis à Macao, écrite vers juillet 1831, que Jean-Gabriel Perboyre est le plus explicite sur cette question : « Un mot du journal l'Avenir. Comme vous le savez, il est rédigé par une armée d'intrépides ultramontains dont M. de Lammenais est le capitaine. Les doctrines qui y sont défendues ne sont que les principes mieux développés que M. de Lammenais avait déjà exposés dans son ouvrage des progrès de la Révolution. Vous ne pouvez vous faire une idée combien ce journal a remué les esprits. En général les évêques de France ne l'aiment pas. Cependant il est plus ou moins dans tous les diocèses. Il y a partout de chauds partisans et de nombreux adversaires. Il a fait fortune en Belgique. À Rome, il y a du pour et du contre. MM. les rédacteurs ont adressé au Saint Siège une déclaration dans laquelle ils exposent leurs principes philosophiques, théologiques et politiques, en suppliant le Saint-Père de décider les questions délicates qu'ils lui soumettent. Mais Rome n'a rien répondu depuis quatre ou cinq mois que cette déclaration lui a été envoyée ». Dès 1828, dans sa lettre du 24 mai, « le système de M. de Lammenais » était un sujet d'échange avec son frère Louis et Jean-Gabriel Perboyre, au fait de l'actualité littéraire, précisait : « Quant à la doctrine de ce dernier [...] il existe un bon nombre d'ouvrages qui peuvent parfaitement vous satisfaire là dessus ».

Enfin dans une lettre à son cousin, curé de Jussies dans le canton de Catus, on trouve une autre référence importante qui permet d'apprécier son attitude : « Notre oncle de Montauban vient de m'écrire qu'il s'est élevé un grand orage contre nos Messieurs de Cahors, à cause des opinions Lamennaisiennes. J'ai quelque peine à la croire, soit parce que sa grande aversion pour M. de La Mennais aurait bien pu le faire tomber dans l'exagération, soit parce que nos confrères sont très réservés à cet égard. Et comment poursuivrait-on des hommes qui ne croient avoir que les opinions du Saint-Siège, et qui y tiennent dans leur cœur jusqu'à ce que le Saint-Siège ait prononcé qu'ils se trompent. Vous êtes bien à portée de connaître la vérité, allant souvent à Cahors. Voudriez-vous me dire ce qu'il en est ?

J'ai lu les deux premiers numéros de la Gazette du Clergé. Elle se rapproche beaucoup de l'Avenir pour le fond des doctrines, mais elle est plus modérée et plus douce dans les formes, et lui est bien inférieure sous le rapport du talent de la rédaction. Je vous apprendrai que les célèbres pèlerins sont arrivés à Rome. Ils y passeront un mois avant de se présenter devant le Pape, pour voir en attendant quel est l'air du bureau. M. de La Mennais a été très fatigué du voyage. Dès que le légat de Florence le sut arrivé dans cette ville, il s'empressa de l'inviter à dîner, et il le reçut de la manière la plus brillante au milieu des convives les plus distingués. Vous apprendrez avec plaisir que l'auteur de l'Essai sur l'indifférence a composé un essai sur la philosophie catholique, qui, dit-on, éclipsera tous ses autres ouvrages. Mais avant de le faire paraître, il veut vider la querelle de l'Avenir ».

C'est seulement dans ce cadre que J. G. Perboyre manifeste et exprime un intérêt pour les questions socio-politiques mais pour, à l'image du jeune clergé, rapidement s'estomper avec la condamnation de Rome.

Missionnaire

Cette attitude de rupture par rapport au monde se manifeste concrètement avec le départ du missionnaire pour un autre pays. Pour bien comprendre cette spiritualité missionnaire nous pouvons nous référer à deux passages significatifs des lettres de Jean-Gabriel : il y a d'abord la lettre à son frère Louis du 8 octobre 1830, où il réagit à la nouvelle de son départ pour la Chine : « La nature s'afflige, mais la foi vient consoler. Pour soutenir ma faiblesse et soulager ma peine, je me représente la gloire que vous prouverez à Dieu et le salut des âmes que vous aurez le bonheur d'arracher à l'esclavage du démon. L'espoir de vous revoir, sinon ici bas, du moins dans la céleste patrie, adoucit l'amertume de ma douleur. Allez donc, mon très cher frère, allez où la voix de Dieu vous appelle. Vous emportez mes regrets, mais mes vœux vous poursuivront partout.

[…] Puissent les anges tutélaires des contrées infidèles que vous êtes destiné à évangéliser vous saluer à votre arrivée, vous seconder dans toutes vos entreprises et vous obtenir d'immenses succès dans l'établissement du règne de Dieu ! Puissions-nous l'un et l'autre vivre la vie des saints et mourir de la mort des élus !

Je crains de n'avoir pas été fidèle à la vocation que le Seigneur vous a donnée. Priez-le de me faire connaître sa sainte volonté et de m'y faire correspondre. Obtenez-moi de sa miséricordieuse bonté le pardon de mes misères et l'esprit de notre saint état afin que je devienne un bon chrétien, un bon prêtre, un bon missionnaire. »

Ensuite, il y a l'annonce à son oncle de son propre départ pour cette même mission, dans une lettre datée de février 1835 : « J'ai une grande nouvelle à vous annoncer. Le bon Dieu vient de me favoriser d'une grâce bien précieuse et dont j'étais bien indigne. Quand il daigna me donner la vocation pour l'état ecclésiastique, le principal motif qui me détermina à répondre à sa voix fut l'espoir de pouvoir prêcher aux infidèles la bonne nouvelle du salut. Depuis, je n'avais jamais tout a fait perdu de vue cette perspective, et l'idée des missions de Chine surtout a toujours fait palpiter mon cœur. Eh bien ! mon cher oncle, mes vœux sont aujourd'hui enfin exaucés. Ce fut le jour de la Purification que me fut accordée la mission pour la Chine, ce qui me fait croire que, dans cette affaire, je dois beaucoup à la Sainte Vierge. Aidez-moi, s'il vous plaît, à la remercier et à la prier de remercier Notre-Seigneur pour moi. Je vais donc partir avec deux de nos jeunes confrères et plusieurs prêtres des Missions Etrangères.

[…] Dieu daigne m'accorder les grâces dont j'ai besoin pour faire une traversée heureuse, pour vivre et mourir en vrai missionnaire ». Dieu est au départ et au terme de tout engagement. Dans cet espace s'inscrit la tâche du missionnaire qui consiste à établir le règne de Dieu. Il n'y a aucune autonomie car, dans toute initiative de l'homme, il s'agit de reconnaître l'action de Dieu.

Avec son départ pour la Chine le 21 mars 1835, la rupture qu'il n'a cessée de vivre devient effective. Il écrit à son oncle quelques jours avant d'embarquer, le 18 mars : « Je m'empresse de vous adresser encore mes adieux avant de quitter cette patrie qui va cesser d'être la mienne ». Il réalise cet idéal de la séparation qui assume toute la vie spirituelle d'une manière radicale.

La vie pour Jean-Gabriel est envisagée comme un combat pour le Christ. L'obéissance toute militaire du missionnaire s'inscrit dans cette perspective. A M. Torrette il écrit le 15 juillet 1835 : « Très heureux de combattre sous vos drapeaux, je me livre sans réserve. Je travaillerai sous le confrère que vous voudrez, j'irai où vous voudrez, même dans la Tartarie et au-delà. Ce sera assez que vous puissiez tirer de moi quelque parti ». Au supérieur général, Jean-Baptiste Nozo, dans une lettre du 19 décembre 1835, il déclare : « Soldat à qui la témérité tient lieu de courage, j'ai senti mon cœur tressaillir à l'approche du combat. Je n'ai jamais été plus content que dans cette circonstance. Je ne sais ce qui m'est réservé dans la carrière qui s'ouvre devant moi : sans doute bien des croix, c'est le pain quotidien du missionnaire. Et que peut-on souhaiter de mieux, en allant prêcher un Dieu crucifié ? Puisse-t-il me faire goûter les douceurs de son calice d'amertume ! Puisse-t-il me rendre digne de mes devanciers que je vais rejoindre ! Puisse-t-il ne pas permettre qu'aucun de nous dégénère des beaux modèles que notre Congrégation nous présente dans ces pays lointains ! ». Apprenant les subtilités de la langue chinoise, le missionnaire ajoute, dans une lettre à sa sœur Antoinette de novembre 1835 : « Quand nous la saurons un peu passablement, nous nous en servirons pour faire la guerre à Satan dans le vaste empire de la Chine, où il y a encore tant de millions d'infidèles ».

Le missionnaire qui se risque « sur une terre ennemie » doit persévérer : « Il n'était pas tout à fait inutile de se rappeler dès lors que souffrir fait la moitié du missionnaire ». Reprenant l'image de St Paul, et faisant le lien avec ses longs et pénibles déplacements, il écrit à son oncle le 10 août 1836 : « Si je suis venu de si loin c'est sans doute pour courir encore dans cette arène. Dieu veuille que j'y coure de manière à obtenir l'incorruptible couronne ».

Le missionnaire, familier de la souffrance, coopère ainsi au projet de Dieu. Si pour lui-même, Jean-Gabriel Perboyre prend garde à ne pas majorer ses « chétifs efforts » - il n'est rien par lui-même : « petit avorton » il lui suffit « d'être un bon petit trotte-menu »- il se plaît à décrire les qualités et les vertus qu'il rencontre chez ses confrères (en particulier Mrs Laribe et Rameaux) et propose un tableau exigeant pour le missionnaire : à M. Martin, qui est directeur du Séminaire interne, il décrit les enjeux de la formation dans une lettre du 4 novembre 1835 : « Vous voyez quel dévouement vous devez inspirer aux sujets que vous formerez pour nous. Ils doivent être plein de sainteté et de prudence. Qui dit un saint, dit un homme qui possède toutes les vertus dans un haut degré de perfection. La prudence suppose une grande rectitude et une certaine portée dans le jugement, embrasse l'esprit de discernement et de bonne conduite et demande pour l'accomplissement du bien la force d'âme et une constance invincible. Cette prudence ne doit pas être simplement une qualité naturelle, mais encore un don surnaturel, ce doit être une sagesse vraiment céleste. Après tout, si la mission donne l'autorité aux apôtres, il n'y a que la communication de l'Esprit de Dieu qui leur donne la puissance de convertir le monde ». En toute chose, il s'agit de reconnaître l'initiative et l'œuvre de Dieu.

Deux choses sont donc inséparables pour le missionnaire : travailler à sa propre sanctification et œuvrer au salut du prochain. À ses parents, il écrit le 22 août 1836 : « Mes très chers parents, n'ayez d'autre sollicitude pour moi que celle de prier pour que je me sauve et que je contribue à sauver les autres ». Demandant à un prêtre de continuer de prier pour qu'il obtienne la protection du Seigneur, Jean Gabriel ajoute dans une lettre du 22 août 1837 : « afin que j'aie le bonheur de contribuer un peu à sa gloire, en opérant mon salut et coopérant à celui du prochain ». Dans cette perspective, la prière est aussi importante que l'action, car il s'agit bien de vivre cette entière disponibilité à Dieu. Dans la lettre à son oncle, faisant référence à l'œuvre de la Propagation de la Foi, il insiste sur la double dimension de la prière : d'une part comme supplication pour permettre la conversion de la Chine : « Si donc vous voyez de toutes parts des prières s'élever vers le ciel, de plus en plus multipliées, de plus en plus ferventes, vous pouvez mieux juger de loin que nous de près si le royaume est proche de cette grande nation » ; et, d'autre part, comme lutte contre satan, il formule ce vœu : « Puissent tous leurs frères en Jésus-Christ s'enflammer du même zèle pour les intérêts de notre divin Roi, s'enrôler dans la même milice spirituelle, et prendre les armes de la prière pour continuer à ruiner l'empire de satan ! ».

Mission

Le réflexe qui consiste à idéaliser le passé semble caractéristique du présent post-révolutionnaire. Le présent est dégradation et toute la question est bien d'être à la hauteur de ce prestigieux passé. Par rapport à la mission, Jean-Gabriel Perboyre regrette d'abord la situation du début du XVIIIe siècle : au Vicaire général de Saint-Flour il écrit le 16 août 1836 : « Les missionnaires ont maintenant dans la mission de Pékin une position bien différente de celle qu'ils y ont occupée précédemment. Alors, quoiqu'ils n'eussent été admis à Pékin que comme des savants européens, appelés à lui former une académie des sciences et des arts, ils pouvaient, à la faveur de ce titre, exercer au sein de la capitale toutes les fonctions du missionnaire : diriger un séminaire, prêcher continuellement la religion dans leur église, recevoir dans leur maison plus de deux cents retraitants par an, former des catéchistes, expliquer tous les jours les cas de conscience aux prêtres chinois, pendant deux mois de vacances qu'ils prenaient auprès d'eux, en revenant de mission, soigner les chrétiens dans les divers quartiers de la ville, d'où ils savaient encore s'échapper secrètement, malgré les défenses de l'empereur pour aller missionner à la campagne, etc. ».

Au niveau des missions, Jean-Gabriel insiste d'un côté sur la misère des chrétiens de Chine : depuis Macao, il écrit, sans l'avoir constaté de visu : « Nos chrétientés sont généralement dans une très grande misère ». A son oncle, depuis le Honan, le 10 août 1836, il précise : « Ceux qui ne meurent pas vivent à peu près de rien ». Il rappelle « l'extrême misère » à son cousin Caviole, curé de Catus, dans une lettre du 12 septembre 1838. De l'autre côté, comme associé à cette misère matérielle, il y a le petit nombre des chrétiens : « Dispersés sur toute la surface de l'empire ils [les chrétiens] sont dans la foule des païens comme quelques petits poissons dans la mer ; en évaluant à trois cent millions le nombre total de chinois : sur treize ou quatorze cent à peine trouve-t-on un seul chrétien ».

Décrivant la mission de Chine, il écrit dans une lettre du 22 août 1837 à un prêtre de la paroisse St Eustache : « Il y a en Chine près d'une quarantaine de prêtres européens, et environ quatre vingt prêtres chinois. Ce nombre d'ouvriers n'est pas encore suffisant pour soigner les seuls chrétiens qui, cependant, au milieu de cette innombrable population chinoise qui sert le démon, ne paraissent que comme ces rares épis qui échappent à la faux du moissonneur. Dans les diverses provinces, il se convertit de temps en temps des païens, mais encore sur une si grande masse, c'est un point insensible. Il faut espérer que Dieu, dont les jugements sont impénétrables, fera entrer un jour cette grande nation dans le sein de son Église. La vie des missionnaires en Chine est toute apostolique ; elle se passe au milieu des fatigues et des dangers ; les trois quarts de l'année, ils sont à parcourir de vastes districts pour diriger les chrétientés, prêchant, administrant tous les sacrements, etc. , vivant frugalement dans un pays où le riche fait bonne chère comme ailleurs, mais où le pauvre n'a pas toujours un peu de riz pour se nourrir… ».

Une année plus tard, dans une lettre à son cousin Caviole, curé de Catus, il écrit le 12 septembre 1838 : « Elle est, vous le savez, un vaste champ couvert d'une grande moisson ; mais ses ouvriers évangéliques sont, en proportion, en bien petit nombre. Quoique appartenant à divers corps et à diverses nations, ils travaillent tous de concert, dans l'unité de vues et de doctrine, unis par les liens d'un même esprit, également zélés et infatigables à soutenir les mêmes travaux et à porter la même croix, également convaincus que, si la main de Dieu ne s'y met, celle de l'homme n'y peut rien. Ces dispositions, rapprochées des prières ferventes et continuelles qui se font dans toute l'Église pour la conversion de la Chine, sont peut être le meilleur présage qu'on puisse avoir aujourd'hui, qu'il se prépare des jours de miséricorde pour cette immense population jusqu'ici étrangère à la vie de Dieu. S'il ne doit pas nous être donné de voir luire ces heureux jours, ne cessons du moins de les appeler de toute l'ardeur de nos vœux ». Dans ces présentations qui insistent sur le petit nombre, on trouve une description idéalement apostolique du travail missionnaire. Avec toute l'Église, celui-ci est comme tendu vers la réalisation du projet de Dieu.

En guise de conclusion

La mission vécue par les missionnaires en Chine au XIXe s'inscrit dans un contexte bien précis, tant au niveau de l'intérieur - le catholicisme en France doit retrouver ses marques après le bouleversement de la révolution - que vis à vis de l'extérieur : l'appel à convertir ce vaste empire où « règne satan ». D'un côté comme de l'autre « Dieu Tout-Puissant » est l'acteur principal. Toutefois, au niveau de l'Occident, le temps semble mener à la mort, tandis qu'il annonce « d'heureux jours » de l'autre côté. Le missionnaire se trouve engagé dans cette lutte aux dimensions du monde.

On se rend compte également de l'unité de la weltanschauung de Jean-Gabriel Perboyre que nous pouvons caractériser par une spiritualité de la souffrance et de la rupture, du combat et de la gloire. En effet, ce qui est déterminant est le salut, c'est-à-dire le choix définitif de Dieu. Le monde ne présente plus d'autre intérêt que d'être lieu de passage, arène où se prépare l'éternité. Il n'a aucun intérêt en lui-même et présente le risque considérable de faire oublier la finalité ultime pour l'homme.

Reprenant les mots de Paul Ricoeur : « Ce que nous voulons honorer au titre du passé, ce n'est pas qu'il n'est plus, mais qu'il fut. Alors, le message de l'histoire à la mémoire, de l'histoire à l'homme de mémoire, c'est d'ajouter au travail de mémoire non seulement le deuil de ce qui n'est plus, mais la dette de ce qui fut ». Nous pouvons finalement reconnaître l'importance de cette étude à partir de la correspondance de Jean-Gabriel Perboyre. Ce travail d'histoire nous permet de prendre la mesure de l'écart qui demeure entre un témoin de la foi -Jean-Gabriel Perboyre - et notre époque contemporaine. Et en même temps il nous faut reconnaître la dette dont nous sommes redevables. Se livrer à cette tâche, c'est entendre une autre invitation et laisser résonner - dans notre propre quotidien, ce qui nous est le plus proche - dans d'autres mots qui ne sont plus familiers à notre culture, une Bonne Nouvelle.

La vie du bienheureux Jean-Gabriel Perboyre, Paris, Gaume et compagnie, 1889, p. 53.

Ibid. p. 79.

Petit Larousse 2001.

Cf. CHOLVY G. et HILAIRE Y-M., Histoire de la France contemporaine 1800-1880, Toulouse, Privat, 1985, p. 58-65.

A titre d'exemple, nous pouvons retenir ce qu'il écrit le 8 novembre 1838 au procureur de Macao : « On doit s'abandonner aux soins de cette providence, qui gouverne tout en ce monde avec ou sans ou contre l'industrie humaine. » Saint Jean-Gabriel Perboyre, Correspondance, Rome, Congrégation de la Mission, Roma, Detti, 1996 (nouvelle édition revue et corrigée), p. 192.

Dans sa lettre du 16 août 1836 : « Quand ce petit levain aura-t-il pénétré cette énorme masse ? C'est le secret de Celui qui a les temps en sa puissance ». Op. Cit., p. 203.

A la fin de l'année 1837, il écrit : « Ce n'est pas sans un dessein particulier qu'elle [la Providence] les a fait entrer les premiers [Laribe et Rameaux que J. G. Perboyre propose comme Vicaires généraux] dans nos missions de Chine, qu'elle s'est servie d'eux pour les ressusciter et les mettre dans un état qu'on peut déjà appeler prospère malgré le triste délabrement où ils les avaient trouvées. » p. 262-263.

Durant son voyage en direction de la Chine, le bateau traverse une tempête et J. G. Perboyre en propose cette lecture dans une lettre du 29 juin 1835 : « Cependant nous possédions notre âme en paix, aimant à nous abandonner au bon plaisir de Celui qui conduit aux portes du tombeau et en retire. Il voulut bien nous faire sortir tous sains et saufs de cette crise ». p. 104. Cf. p. 122. Il précise encore à son oncle, le 10 août 1836 : « Nous mettions toujours d'autant plus notre confiance en la Providence de Dieu que nous comptions moins sur la nôtre et celle de nos guides ». p. 176.

p. 44.

p. 251.

p. 222-223.

CHOLVY, HILAIRE, op. Cit., p. 59-60.

20 Janvier 1835, p. 97.

p. 56

p. 78-80

p. 65

p. 3.

de Saint Flour, p. 22.

p. 303.

p. 7

p. 20. La philosophie, trop mondaine, risque de faire perdre de vue « l'idée de cette adorable Majesté ». p. 59.

Joseph de Maistre (1753-1821) joua un rôle essentiel dans l'évolution du catholicisme après l'épisode tragique de la révolution française. Seule l'Église peut permettre une véritable restauration, car ce qui est en cause est le fondement même de la société.

p. 47

Louis était mort peu de temps après le départ de l'ile de France, le 2 mai 1831. Jean-Gabriel apprit cela en février 1832 comme l'indique la lettre à son oncle : p. 57 et celle à ses parents du 15 février 1832, p. 56.

p. 48

Henri Grégoire (1750-1831), député à la Constituante, il se bat pour la réunion des trois ordres. Il vote la déclaration des droits de l'homme et la constitution civile du clergé. Il est sacré évêque constitutionnel du diocèse de Blois. Inflexible, sur son lit de mort il refusa de rétracter le serment constitutionnel

p. 48

p. 88

p. 39

p. 200

Ibid.

Lamennais (1787-1854) est l'un des premiers représentants du catholicisme libéral avec Montalembert. Le journal tente de rapprocher les principes révolutionnaires dont le premier est certainement la liberté : le journal réclamait la liberté de conscience avec comme corollaire la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la liberté d'enseignement, la liberté de la presse et celle d'association… De décembre 1831 à juillet 1832 les « pèlerins de la liberté » sont à Rome pour obtenir l'appui du pape. Après une entrevue sans allusion au journal, de retour de Rome, ils apprennent la publication de la Bulle Mirari Vos du 15 août 1832. Grégoire XVI, sans jamais citer directement le journal, condamnait les doctrines de l'Avenir et en particulier le libéralisme, « cette maxime fausse et absurde ou plutôt ce délire, selon lequel on doit procurer et garantir à chacun la liberté de conscience ».

L'attitude des biographes de Jean-Gabriel Perboyre est significative : par exemple, La vie du bienheureux Jean-Gabriel Perboyre, op. cit., passe complètement sous silence cette question de l'intérêt pour Lamennais et le journal l'Avenir, tandis que, reprenant le commentaire de François Vauris, Le disciple de Jésus, ou vie du Vénérable Perboyre, Paris, 1853, la note de la page 53 de la Correspondance, op. cit., commente : « Etant supérieur de Saint-Flour, le saint avait adopté le système de l'abbé de Lamennais parce qu'il le croyait propre à contribuer au bien de l'Église », pour citer ensuite la première biographie mettant en évidence la fidélité de Jean-Gabriel Perboyre à la décision du Pape.

p. 48-49

p. 21

Il s'agit de deux volumes, édités en 1817 et 1820 où Lamennais s'attaquait à la philosophie développée par les encyclopédistes.

p. 53-55.

p. 41

p. 100

p. 100-101

Déjà lors du départ de son frère Louis, il écrivait à son oncle le 23 août 1833 : « Ceux qui partent sont au comble de la joie. Ceux qui restent ne se consolent que par l'espoir de les suivre plus tard. ». p. 69.

p. 110.

p. 148

p. 145.

p. 176

p. 103. La souffrance possède des vertus curatives au niveau du salut : p. 79. Cf. Lettre à son cousin à Montgesty, p. 65. Cf. plus haut.

p. 197

Lettre à son oncle du 24 juillet 1835, p. 112.

A son frère Jacques, 18 septembre 1838, p. 274.

Lettre à son oncle du 10 août 1836, p. 182. « Rameaux, qui est vraiment le père des chrétiens » (p. 195). Au Supérieur Général, lettre du 18 août 1836, p. 217. Décrivant le travail apostolique de ses confrères, Jean-Gabriel ajoute : « Je voudrais bien pourtant glaner quelques épis pour les poser à côté des grandes gerbes de mes confrères dans l'aire du Père de famille, afin d'avoir une petite part à leur récompense. » p. 223.

p. 138

p. 225

Non sans humour, il renouvelle dans un très beau passage cette même invitation à sa sœur Antoinette que nous ne pouvons pas ne pas citer au moins dans cette note : « N'allez pas vous figurer qu'à chaque instant tous les Chinois sont à mes trousses, et qu'ils ne songent qu'à me perdre. Ce sont des hommes que j'aime beaucoup plus que je ne les crains. Je vous assure que je ne crains pas même l'Empereur, ni les Mandarins, ni leurs satellites. J'ai toutefois dans ce pays-ci un ennemi particulier, dont je dois beaucoup me défier. Pour celui-là, il est vraiment à craindre : c'est le plus mauvais sujet que je connaisse ; ce n'est pas un chinois, c'est un Européen. Il fut baptisé dès son enfance ; depuis il a été ordonné prêtre. De France, il est venu en Chine avec nous sur le même navire. Je ne puis pas douter qu'il ne me poursuive partout, et il causerait certainement ma ruine si j'avais le malheur de tomber seul entre ses mains. Je ne vous le nommerai pas, car vous le connaissez ; si vous pouviez obtenir sa conversion, vous lui rendriez un grand service et votre frère vous devrait son bonheur. » Novembre 1835, pp. 145-146.

La Société de la Propagation de la Foi a été fondée à Lyon en 1819 et en 1822 paraissent les Annales pour faire connaître cet élan missionnaire. C'est l'occasion de mobiliser les prières et les dons des catholiques pour la mission.

Lettre à son oncle du 16 août 1836, p. 203-204.

Ibid.

p. 201

Lettre du 6 novembre 1835, p. 143

p. 195

pp. 269-270.

Lettre du 16 août 1856, p. 203.

p. 235

p. 266

RICOEUR P., « Définition de la mémoire d'un point de vue philosophique », dans Académie universelle des Cultures, Pourquoi se souvenir ?, Paris, Grasset, 1999, p. 32.

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