Jésus-Christ dans la vie de Jean-Gabriel Perboyre

Jésus-Christ dans la vie de Jean Gabriel Perboyre

par Álvaro Quevedo, C.M.

Province de Colombie

Introduction

Jean Gabriel Perboyre « alter Christus », voilà l'image qui demeure gravée en moi, depuis mes années comme séminariste vincentien.

Dans l'iconographie variée sur Jean Gabriel, il y a deux images très connues, qui le mettent directement en rapport avec Jésus-Christ. La première, c'est celle de sa mort sur une croix. Elle attire l'attention des personnes qui la voient pour la première fois, et elles demandent pourquoi « ce saint » est en croix comme Jésus-Christ. L'autre image est celle du saint habillé en chinois, tenant dans ses mains un crucifix qu'il regarde avec dévotion comme s'il était en profonde méditation.

1. Son amour de Jésus-Christ

Ses biographes disent que ce qui caractérisait Jean Gabriel c'était sa dévotion à Jésus-Christ : ses lectures préférées étaient en rapport avec Jésus-Christ. Dans le Nouveau Testament, les livres qu'il préférait, c'étaient les Évangiles et les lettres de Saint Paul. L'on dit qu'il avait toujours Jésus-Christ sur ses lèvres et dans son cœur, qu'il l'aimait aussi tendrement qu'un enfant aime son père. Il voulait être agréable à Jésus-Christ en tout, dans ses pensées et dans ses actions, de sorte qu'il parvint à être une copie vivante de Jésus-Christ. Parlant de Jésus-Christ, il se passionnait et devenait éloquent.

Il disait : Jésus-Christ est le grand Maître de la science ; lui seul apporte la véritable lumière. Pour Jean Gabriel il n'y avait qu'une chose importante : connaître et aimer Jésus-Christ. Lorsque vous étudiez, demandez-lui qu'il vous enseigne lui-même ; si vous parlez à quelqu'un, demandez-lui de vous inspirer ce que vous devez dire ; s'il faut faire quelque chose, demandez-lui de vous faire connaître ce qu'il attend de vous.

Jean Gabriel ne se contentait pas d'étudier Jésus-Christ, il s'efforçait de l'imiter.

Jésus-Christ n'est pas venu uniquement sur terre pour nous instruire de sa doctrine, mais encore pour être notre modèle. Lorsque son Père nous l'a envoyé, il nous a dit à tous ce qui, en d'autres temps, il avait dit à son serviteur Moïse par rapport au tabernacle : regarde, et agis selon le modèle qui t'a été montré sur la montagne. Jésus-Christ lui-même nous a dit : » Je leur ai donné l'exemple, pour qu'ils agissent comme ils m'ont vu faire » (…) Il n'y a qu'une chose nécessaire, nous dit Notre Seigneur dans l'Evangile. Quelle est donc cette seule chose nécessaire ? L'imiter. (…) Faisons comme le peintre qui brûle du désir de reproduire fidèlement un tableau de grand prix : ayons les yeux sans cesse fixés sur Jésus-Christ. Ne nous contentons pas de copier un trait ou deux de notre modèle. Entrons dans tous ses sentiments. Approprions-nous toutes ses vertus. Recommençons et continuons chaque jour sans jamais nous lasser. (…)Mais, comment pourrions-nous parvenir à expérimenter parfaitement les trais d'un si beau modèle ? Pour cela, il suffit de seconder les œuvres de l'Esprit Saint dans nos cœurs : cet Esprit divin s'attache à dessiner en nous le portrait de Jésus par l'effusion de ses dons.

Dans une autre circonstance, il disait :

Nous devons surtout nous efforcer d'imiter Jésus-Christ dans la déférence qu'il avait à l'égard de son Père, et dans la parfaite dépendance de sa volonté. (…) Pensons et agissons toujours dans l'esprit de Jésus-Christ ; demeurons unis à lui, afin d'accueillir toujours sa divine influence.

Efforçons-nous de grandir chaque jour dans l'amour de Jésus-Christ… Si nous voulons acquérir cet amour parfait, allons fréquemment à Jésus, parce qu'il est la source de toute grâce. Tout nous vient de lui, et nous ne pouvons rien avoir si non par lui. C'est lui qui donne la vie à nos âmes, comme les aliments donnent la vie au corps : attachons-nous à lui comme l'enfant s'attache à sa mère, buvons en lui le lait de toutes les vertus. L'enfant prend la plus pure substance chez sa mère, et s'en nourrit ; de la même manière, si nous nous approchons de Jésus, nous prendrons de lui une vie toute divine.

À un prêtre qui lui demandait quelques mots édifiants, il répondit :

Cher ami, me jugez-vous capable de vous dire quelque mot édifiant ? Vous feriez mieux de vous adresser à Notre Seigneur, et lui demander qu'il vous parle au cœur.(…) Ou bien si vous préférez ou voulez faire une lecture qui vous soit profitable, prenez comme livre Notre Seigneur lui-même…, comparez toutes vos actions avec les siennes… Ainsi, vous verrez comme dans un miroir quelles sont les fautes que vous aurez pu commettre

2. « Sacerdos, alter Christus »

Ordonné prêtre, bien qu'il ait demandé de partir dans les missions, il fut placé au Séminaire de Saint-Flour. Là il se donna à former des prêtres en prenant comme modèle Jésus-Christ. Il avait toujours les yeux fixés sur le modèle des prêtres, notre Seigneur Jésus-Christ ; il s'efforçait de suivre ses maximes et de reproduire ses exemples. La pensée sacerdos, alter Christus, fut toujours présente à son esprit et il tâcha, comme jamais, à édifier en lui l'image du divin Sauveur..

Si Jean Gabriel exhortait avec insistance à imiter Jésus-Christ, lui-même pratiquait d'une manière parfaite ce qu'il recommandait aux autres. Ardemment désireux d'imiter Jésus-Christ, il pensait sans cesse à lui, et comme l'Esprit Saint ne trouvait en lui aucun obstacle à ses interventions, il perfectionnait chaque fois plus dans son âme le portrait du Sauveur.

À l'exemple de saint Vincent qui proposait toujours en premier lieu l'exemple de Jésus-Christ, Jean Gabriel donnait comme modèle et maître Jésus-Christ. Notre Seigneur, disait-il, faisait ainsi. Ne voulez-vous pas faire comme lui ? Un prêtre, ne doit-il être un autre Christ ?

Ceux qui l'entendaient parler de Jésus-Christ disaient comme les disciples d'Emmaüs : notre cœur n'était-il pas brûlant tandis qu'il nous parlait ?

Un jour, parlant à un ecclésiastique qui l'interrogeait sur les devoirs d'un ministre de l'autel, il dit entre autres :

Le prêtre, qui a reçu la même mission que Jésus-Christ, puisqu'il est consacré à travailler au salut des âmes, ne doit pas seulement représenter Jésus-Christ à cause du caractère divin dont il est revêtu, et à cause des tâches sacrées que ce divin Sauveur vint accomplir sur terre ; il faut, de plus, qu'il le traduise intérieurement et extérieurement (…)Tout le monde doit reconnaître que nous parlons et que nous agissons à cause d'un principe divin, de sorte que nous puissions dire à tous ceux qui nous entourent : « Soyez mes imitateurs, comme je suis imitateur de Jésus-Christ ». Jésus-Christ nous dit dans les saints Évangiles qu'il est la vie dont nous devons vivre : ego sum vita. Tous ceux qui ne vivent pas de cette vie demeurent dans la mort. Il faut que Jésus-Christ coule dans notre âme, comme le sang coule dans toutes les parties de notre corps pour lui communiquer la vie ; et, comme le prêtre est appelé à une grande perfection, il doit posséder aussi cette vie de manière parfaite. Mais, comme il a peu de prêtres qui vivent véritablement de cette vie !

Lorsqu'il prêchait, il insistait sur l'union à Jésus-Christ puisque c'est le moyen le plus efficace d'acquérir la perfection que Dieu demande au missionnaire. Il préparait ses interventions au pied de la croix, à genoux dans sa chambre face au crucifix.

Plein de cette pensée de saint Paul que Jésus-Christ intercède sans cesse pour nous auprès du Père, il ne craignait pas de se présenter devant Dieu pour lui demander les grâces dont il avait besoin :

Par notre baptême, nous sommes devenus membres de Jésus-Christ ; et par conséquent, nos besoins sont d'une certaine manière les besoins mêmes de Jésus-Christ ; nous ne pouvons rien demander en rapport avec le salut et la perfection de notre âme, que nous ne le demandions aussi pour Jésus-Christ lui-même ; car l'honneur, la gloire de ses membres est l'honneur, la gloire du corps.

3. Le Crucifix

Dans sa jeunesse, étant séminariste, Jean Gabriel composa une œuvre littéraire intitulée : La Croix est le plus beau des monuments, et c'est là qu'il écrivit la phrase si connue et qui reflète son âme missionnaire : Oh ! qu'elle est belle cette croix plantée en des territoires infidèles et bien souvent arrosée avec le sang des apôtres de Jésus-Christ !

Lorsque quelque élève s'éloignait du sentier de la vertu, il se prosternait devant la croix priant pour sa conversion : mon ami, que de tristes moments me fais-tu passer aux pieds de Jésus crucifié.

La croix et le crucifix étaient pour Jean Gabriel des signes de l'amour rédempteur de Jésus-Christ qui se donna pour moi. Cette pensée était comme une flamme qui embrasait son cœur. En se préparant pour la sainte messe, il se souvenait que ce sacrifice était celui-là même de la croix : Jésus-Christ fut immolé pour moi ; je dois aussi m'immoler pour lui. Il faut que ma vie soit un continuel sacrifice.

La vue d'un crucifix réveillait en lui des sentiments d'amour, et il se complaisait à le regarder. Tandis qu'il célébrait le sacrement de la pénitence, il avait entre ses mains un crucifix qu'il regardait continuellement. Dans sa chambre, il se mettait souvent à genoux en face du crucifix pour méditer ou préparer ses prédications. Il y contemplait le plus grand mystère de l'amour : Notre Seigneur veut rencontrer des cœurs qui partagent ses peines et qui sachent reconnaître son amour. Il recommandait de méditer la Passion du Seigneur :

Parfois on se plaint qu'on ne sait que méditer ; il suffit de regarder cinq minutes le crucifix avec esprit de foi, pour se sentir pénétré d'amour et de reconnaissance à l'égard de Notre Seigneur, et se disposer à mieux le servir. Oui, il suffit de regarder le crucifix avec foi pour recueillir des précieux avantages. Il n'est pas besoin de savoir lire, ni de posséder des beaux livres ; le crucifix est le plus beau et celui qui a le plus d'impact de tous les livres (…) Pourquoi changeons-nous si souvent de thème de méditation ? Une seule chose est nécessaire, « porro unum est nécéssarium », et il montrait le crucifix.

Avant de donner son témoignage de martyr, Jean Gabriel eut « sa nuit obscure » durant plusieurs mois. Son crucifix était devenu muet, ou pire encore il n'entendait de lui que des voix de blâme. Il en vint même à penser, tandis qu'il célébrait le Saint Sacrifice, qu'il était un deuxième Judas qui buvait et mangeait sa propre damnation. Toute sa vie avait été vaine. Ces grandes souffrances affectèrent sa vie physique. Jésus-Christ, qu'il imitait fidèlement, avant les tourments du Calvaire, voulut le rendre participant de son agonie et de sa désolation dans le Jardin des Oliviers.

Jésus-Christ, le divin Sauveur, lui apparut attaché à la croix, et après l'avoir regardé avec une bonté ineffable, lui dit affectueusement : Que crains-tu ? Ne suis-je pas mort pour toi ? Mets tes doigts dans mon côté et arrête de craindre ta damnation. La vision une fois disparue, Jean Gabriel sentit que toutes ses angoisses furent changées en une paix délicieuse et sa santé aussi s'améliora.

Son amour pour Jésus crucifié, symbolisé dans le crucifix, fut manifesté d'une manière héroïque durant les jours de sa passion. À plusieurs reprises on lui ordonna de piétiner l'image du crucifix, et qu'ainsi il serait libéré des tourments et de la mort ; mais Jean Gabriel affirma une fois de plus : « Jamais je ne renoncerai à la foi en Jésus-Christ. » »Je résisterai jusqu'à la mort, mais je ne renierai ma foi ; je ne piétinerai pas le crucifix ». « Je serai heureux si je meurs pour ma foi ».

Ce fut un moment sublime lorsque le mandarin lui demanda s'il était chrétien. Il répondit immédiatement : Oui je suis chrétien. C'est ma gloire et mon orgueil. Alors on mit par terre un crucifix et on lui dit : Si tu veux piétiner le Dieu que tu adores, je te donnerai la liberté. À cette proposition impie, le confesseur cria les yeux pleins de larmes : Comment pourrais-je faire une telle injure à mon Dieu, mon créateur et mon sauveur ? Et se penchant péniblement, il ramassa l'image sainte, la serra contre son cœur, la porta à ses lèvres et l'embrassa de manière tendre et amoureuse, la mouillant de ses larmes. De nouveau les coups de fouet et de bambou tombèrent sur son corps, et mandatés par le mandarin, quelques apostats lui crachèrent dessus, l'insultèrent, lui arrachèrent les cheveux et lui frappèrent le visage.

Une autre fois, ils firent peindre une croix sur le sol, et par force, ils lui firent marcher dessus. Jean Gabriel dit : Je suis chrétien. Ce n'est pas moi, c'est vous qui profanez cet auguste signe de la rédemption. Ils l'habillèrent d'ornements sacrés, et se moquant de lui crièrent : « C'est le Dieu vivant »

4. Jésus-Christ dans l'Eucharistie

Son amour pour Jésus-Christ revêtait une manifestation grandiose dans son amour et son culte pour l'Eucharistie, dans la célébration de la Cène du Seigneur, comme dans le culte au Très Saint Sacrement :

Cet amant fervent de Jésus-Christ s'était construit deux tentes, une au pied de la croix, et l'autre au pied du saint tabernacle ; il allait continuellement de l'une à l'autre, pour contempler là la charité de son Dieu et s'y enivrer d'amour.

Sa plus douce consolation c'était de pouvoir célébrer l'Eucharistie et recevoir Jésus dans son cœur : Je ne puis être content, tant que je n'ai pu offrir le sacrifice de la messe. Dans une de ses lettres écrites durant son voyage en Chine, il dit en se référant sans doute à l'Eucharistie : Oh ! Comment se sent-on heureux sur ce vaste désert de l'océan, en se trouvant de temps en temps en compagnie de Notre Seigneur !

À un prêtre qui lui racontait qu'il n'avait pu célébrer la messe à cause d'un mal de tête, il dit : tu as mal fait ; Dieu ne demande pas la tête, seulement le cœur.

Il se préparait avec beaucoup de soin pour la messe. Avant de célébrer la sainte messe, nous devons nous efforcer d'entrer dans les mêmes dispositions par lesquelles Notre Seigneur s'offre pour nous sur l'autel.

Chaque jour, avant de monter à l'autel, Jean Gabriel s'adressait à Notre Seigneur et lui disait avec beaucoup de ferveur :

Me voici, oh, mon divin Sauveur ! Malgré mon indignité, je vais te donner un être que tu n'as pas, l'être sacramentel. Eh bien ! Je te demande et t'adjure d'opérer sur moi la même merveille que je vais réaliser sur ce pain, en vertu des pouvoirs que tu m'as confiés. Lorsque je dirai : ceci est mon corps, puisses tu dire aussi, de ton indigne serviteur : celui-ci est mon corps. Par ta toute puissance et ton infinie miséricorde, fais que je change et sois totalement transformé en Toi. Que mes mains soient les mains de Jésus, que mes yeux soient les yeux de Jésus, que ma langue soit la langue de Jésus ; que tous mes sens et mon corps tout entier servent uniquement pour te glorifier ; mais surtout transforme mon âme et toutes ses puissances : que ma mémoire, que mon intelligence, que mon cœur, soient la mémoire, l'intelligence et le cœur de Jésus ; que mes actions, mes sentiments soient semblables à tes actions et à tes sentiments ; et comme ton Père disait à ton sujet : « Aujourd'hui je t'ai engendré », tu puisses dire de moi la même chose et ajouter aussi avec ton Père du ciel : « voici mon fils bien-aimé, objet de mon amour ». Oui, détruits en moi tout ce qui ne vient pas de toi ; fais que je ne vive que de Toi, pour Toi de manière que je puisse dire comme ton grand apôtre : « ce n'est pas moi qui vit, c'est Jésus-Christ qui vit en moi ».

Cette belle et profonde demande qu'il adressait à Dieu avant de célébrer l'Eucharistie, dans un cœur ardent, il la renouvelait durant l'action de grâce. Un de ses professeurs de Saint-Flour disait : « Lorsque je regarde la vie qu'il mène, tout me porte à croire que Dieu l'avait écouté. Son cœur ne vit que par et pour Jésus-Christ. On aurait pu lui appliquer ce que saint Jean Chrysostome disait de saint Paul : Cor Christi, cor Pauli. En le regardant, on aurait cru voir Notre Seigneur… »

Il célébrait l'Eucharistie avec beaucoup de soin et de dévotion :

Nous devons bien faire attention à la manière de prononcer les diverses oraisons prescrites; car c'est un malheur pour un prêtre de ne pas faire attention au sens des prières qu'il adresse à Dieu…

Ah ! S'il y a un moment où le prêtre doit être embrasé du zèle de la gloire de Dieu et du salut des âmes, c'est surtout lorsqu'il va offrir le saint sacrifice de la messe, qui lui rappelle tout ce que Jésus-Christ a voulu souffrir pour réparer l'injure faite à son Père par le péché, et pour racheter le genre humain.

Il expliquait que les mots : Dominus vobiscum. Et cum spiritu tuo, sont pour animer notre dévotion, et que les prêtres, nous devrions rougir si, au lieu d'être avec le Seigneur, nous nous trouvions dissipés…

En commençant la prière eucharistique, on invite l'assemblée à lever cœurs vers le Seigneur : Sursum corda. Habemus ad Dominum. Jean Gabriel commentait :

Ah ! tu devrais être confus si ton cœur est encore embrouillé dans les pensées de la terre ! N'est-il pas juste que nous soyons les premiers à pratiquer ce que nous recommandons aux autres ? Après la préface, n'oublie pas que tu viens de t'unir à Jésus-Christ pour chanter les louanges du Seigneur avec les anges et que ton cœur doit être embrasé de charité.

Et il ajoutait :

Au fur et à mesure que tu approches de la consécration, ta ferveur doit grandir. Mets ton attention à ce que tu vas faire en un moment si solennel ; représente-toi Notre Seigneur lorsque, au milieu de ses disciples réunis au cénacle Il institua ce sacrement d'amour, et agis dans le même état d'esprit que ce divin Sauveur. C'est alors surtout que nous devons avoir besoin de renouveler notre foi ; car ce n'est pas sans raison que dans les paroles de la consécration ce divin sacrifice est appelé un mystère de la foi.

Adresse-toi à Lui avec confiance et humilité, (durant la consécration) et demande-lui que par sa toute puissance, il y ait en toi une consécration qui te change en lui-même, de manière que tu ne sois plus ce que tu étais avant, mais que tu sois transformé en Jésus-Christ, et que tu puisses dire avec l'apôtre Paul : « Ce n'est pas moi qui vit, c'est Jésus-Christ qui vit en moi ». Et tu feras bien de renouveler cette demande durant l'action de grâce après la messe, et de lui demander avec insistance qu'il t'accorde cette grâce.

Jean Gabriel prolongeait ce qu'il avait vécu dans l'Eucharistie dans les visites au Saint Sacrement : il allait fréquemment se réfugier près du tabernacle pour boire les grâces dont il avait besoin, ou pour tenir compagnie à Celui qui voulut, par amour pour nous, partager les tribulations de notre exil :

« Là, il passait des heures entières en adoration, sans bouger, presque sans respirer »… « Lorsqu'il sortait de la chapelle, surtout après une visite prolongée, son langage était plus ardent, son visage plus joyeux et souriant. On remarquait que son cœur était embrasé d'une flamme céleste, qui se reflétait même sur son visage ».

Comme fuit de sa foi et de son expérience, il affirmait :

La dévotion au Saint Sacrement doit être la caractéristique du prêtre. Il s doivent être les gardiens de ce sacrement et les compagnons de Jésus sur nos autels.

5. Dans les pauvres

Jean Gabriel, en bon fils de Vincent de Paul, il trouvait aussi Jésus-Christ dans les pauvres et nécessiteux. Sa charité envers les pauvres était très particulière. Il leur donnait le premier lieu dans son cœur, il les accueillait et leur parlait avec beaucoup de respect, car il considérait que Jésus-Christ tait présent en eux, et il ressentait une grande joie à parler avec eux. Il leur rappelait que Jésus-Christ se fit pauvre pour sanctifier leur état… Jamais il ne les laissait aller sans leur donner quelque secours :

Eh bien ! Que voulez-vous ? Nous sommes heureux d'être comme Notre Seigneur, qui manquait de tout, qui n'avait pas une pierre où reposer sa tête et cependant, il était le maître du monde.

Notre Seigneur fut pauvre, Saint Vincent nous a recommandé la pauvreté et lui-même la pratiquait d'une manière parfaite ; mon désir c'est d'être pauvre comme eux.

6. Passion de Jésus-Christ et la passion de Jean Gabriel Perboyre

Saint Vincent a dit à plusieurs reprises à ses missionnaires qu'ils devaient être courageux :

Et si Dieu permettait que (…) quelques-uns parmi eux devaient aller mendier le pain ou se coucher à côté d'un mur, avec les vêtements déchirés et transis de froid, et que dans cet état quelqu'un demanda à l'un d'eux : « Pauvre prêtre de la Mission, qui t'as mis dans cet état ? » Quelle joie, mes frères, de pouvoir leur répondre alors : « c'est la Charité ! » Oh que ce pauvre prêtre serait estimé devant Dieu et devant les anges ! » (SV XI, 76)

Le P. André Sylvestre nous présente un extraordinaire parallèle entre la passion de Jésus-Christ et la passion de saint Jean Gabriel Perboyre :

1. « Je dois être baptisé et dans quelle angoisse je suis jusqu'à ce qu'il s'accomplisse ! »

Jean Gabriel souhaita toute sa vie le martyre. Il dit à ses séminaristes en leur montrant l'habit de Monsieur Clet, mort martyr en 1820 : Voici l'habit d'un martyr. Quelle joie si nous avons un jour la même chance ! Et ce désir il l'exprima plus d'une fois.

2. Jésus commença sa passion après trois années de vie publique

Jean Gabriel commença sa passion après trois ans de ministère

3. Jésus dans le jardin de l'agonie s'écria : « mon âme est triste à en mourir »

Jean Gabriel eut une sorte d'agonie spirituelle qui dura trois mois durant lesquels il lui semblait que Dieu l'avait abandonné.

4. Jésus, dans son agonie, fut réconforté par un ange

Jean Gabriel, dans sa « nuit obscure de la foi », fut réconforté par une vision de Jésus-Christ crucifié qui dissipa ses angoisses et lui apporta une profonde paix.

5. Jésus fut trahi et livré aux soldats pour trente deniers

Jean Gabriel aussi fut trahi et livré pour trente taels par le fils d'un catéchiste

6. Jésus avait prié avec trois compagnons, Pierre, Jacques et Jean

Au moment de son arrestation Jean Gabriel eut aussi trois compagnons : Thomas qui demeura fidèle comme Jean ; Philippe qui s'enfuit, comme Jacques et enfin, un vieux catéchiste qui plus tard le reniera, comme Pierre.

7. Jésus, au moment de son arrestation, empêcha Pierre d'utiliser l'épée pour se défendre contre les soldats

Jean Gabriel défendit à son disciple Thomas d'utiliser la violence pour se défendre contre les soldats qui l'avaient arrêté.

8. Jésus fut traité comme un malfaiteur

Au moment de son arrestation, Jean Gabriel fut traité brutalement, chargé de chaînes et frappé comme un bandit.

9. Jésus fut conduit de tribunal en tribunal, devant Caïphe, Anne, Hérode et Pilate

Jean Gabriel fut aussi conduit de tribunal en tribunal : au tribunal civil, au tribunal militaire et au tribunal des crimes ; à la sous-préfecture et à la capitale de la province devant le gouverneur et le vice-roi.

10. Jésus fut aidé par le Cyrénéen sur le chemin du supplice

Jean Gabriel, épuisé, réveilla la compassion d'un lettré, Lieou Kiou Lin qui le fit transporter à ses frais en chaise à porteurs, et l'accompagna durant les deux jours de voyage après son arrestation.

11. Jésus fut maltraité, injurié, couvert de crachats et flagellé

Jean Gabriel fut cruellement frappé avec des bambou, avec des fouets en cuir ; on lui cracha sur le visage et on le gifla.

12. Jésus fut abandonné par les siens, excepté par Jean et les pieuses femmes

Jean Gabriel eut la douleur de voir les deux tiers des chrétiens, arrêtés et emprisonnés, renier leur foi. Seulement quelques-uns restèrent fidèles.

13. Jésus fut renié par Pierre

Jean Gabriel eut la peine de voir son ancien catéchiste Ly, qui était très uni aux missionnaires, renier sa foi et celle de son maître. Vaincu par les tourments, il en arriva même à l'injurier et à le frapper.

14. Jésus fut revêtu d'un manteau de pourpre chez Hérode et envoyé à Pilate comme un roi comique

Jean Gabriel, par ordre du mandarin, fut revêtu d'ornements sacerdotaux et livré aux moqueries du peuple.

15. Jésus fit silence devant Pilate

Jean Gabriel, après avoir confessé sa foi, supporta en silence les tourments avec une patience héroïque.

16. Jésus, depuis la croix, pria pour ses bourreaux

Jean Gabriel, en plein milieu d'une séance de tortures, se mit à genoux pour remercier Dieu de lui avoir permis de souffrir en son nom, et pria pour ses bourreaux.

17. Jésus absout le bon larron, en lui disant : « Aujourd'hui même tu seras avec moi dans le paradis. »

Jean Gabriel, au milieu du tribunal, donna plusieurs fois l'absolution à un apostat.

18. Jésus écouta les insultes des pharisiens et du peuple qui lui disait : « Si tu es le Fils de Dieu, descends maintenant de la croix et sauve-toi toi-même. »

Jean Gabriel écouta ce blasphème de la bouche du vice-roi : « maintenant que tu souffres, prie ton Dieu de te délivrer de mes mains. »

19. Jésus, au Calvaire, reçut à boire fiel et vinaigre

Jean Gabriel, pour supprimer un ensorcellement, qui, d'après le juge le rendait insensible à la douleur, fut condamné à boire le sang chaud d'un chien égorgé.

20. Jésus, par moquerie, fut couronné par les soldats d'une couronne d'épine qu'ils lui mirent sur la tête

Jean Gabriel éprouva un châtiment semblable : on lui grava sur le front, en caractères chinois, avec un poinçon rougit au feu, ces mots : « Propagateur d'une secte abominable »

21. Jésus, à la vue de la joie éternelle qui lui était préparée, souffrit la croix en méprisant le déshonneur

Jean Gabriel alla au supplice avec joie et son visage devint radieux

22. Jésus monta au Calvaire avec deux bandits

Jean Gabriel fut conduit à la mort avec plusieurs criminels qui furent exécutés en même temps que lui.

23. Jésus, depuis la croix, cria : « Père, entre tes mains je remets mon esprit »

Jean Gabriel, en arrivant sur le lieu de son exécution, se mit à genoux, leva les yeux au ciel et recommanda son âme à Dieu.

24. Jésus, depuis la croix, vit ses bourreaux se distribuer ses vêtements

Alors que Jean Gabriel était attaché à la croix, ses bourreaux recueillirent ses vêtements pour se les partager après la mort, mais ses disciples les reprirent, ainsi que les instruments du supplice, pour les conserver comme des reliques.

25. Jésus souffrit la mort en dehors des portes de la ville

Jean Gabriel fut exécuté hors de la ville, au lieu des exécutions, près d'un lac.

26. Jésus fut cloué sur la croix

Jean Gabriel fut attaché avec des cordes à un gibet en forme de croix pour être étranglé.

27. Jésus mourut un vendredi, à trois heures de l'après-midi

Jean Gabriel mourut aussi un vendredi, à trois heures de l'après-midi

28. Jésus reçut d'un soldat romain un coup de lance sur le côté droit pour s'assurer qu'il était mort

Jean Gabriel reçut aussi le coup de grâce : un violent coup de pied au ventre de la part d'un soldat.

29. Jésus suscita la compassion des pieuses femmes, la profession de foi du centurion et le remords du peuple

Jean Gabriel suscita des sentiments semblables parmi les païens, qui étaient venus, nombreux, qui murmuraient et protestaient contre la sentence du tribunal.

30. Jésus apparut à Pierre, à Marie de Magdala, et aux onze disciples

Jean Gabriel apparut au lettré païen, son bon cyrénéen, qui était très malade, et il se convertit. Il apparut à d'autres personnes dignes de foi. Une grande croix apparût dans le ciel au moment de sa mort, vue par de nombreuses personnes, même de loin.

31. Jésus, au pied de la croix, vit sa Mère sublimement résignée

La mère de Jean Gabriel, en apprenant sa mort, dit : « Pourquoi devrais-je hésiter à faire le sacrifice de mon fils à Dieu, alors que la Très Sainte Vierge n'a pas hésité à faire le sacrifice du sien pour notre salut ? »

32. Les responsables de la mort de Jésus eurent une triste fin : Hérode et Pilate furent déposés et allèrent à la mort misérablement, en exil. Judas se pendit, Caïphe fut destitué au bout d'un an

Les responsables de la mort de Jean Gabriel finiront aussi misérablement : le mandarin qui le fit arrêter fut déposé et se pendit, le vice-roi si cruel, fut dénoncé à l'empereur, dépouillé de ses biens et envoyé en exil. D'autres encore furent condamnés à l'exil ou moururent prématurément.

7. Conclusion

Je termine ces réflexions, en mettant sur les lèvres de saint Jean Gabriel Perboyre les paroles de Paul VI, sur Jésus-Christ :

Je ne me fatiguerai jamais de parler de lui ; il est la lumière, la vérité, plus encore, le chemin, la vérité et la vie ; il est le pain et la source d'eau vive qui satisfait notre faim et notre soif ; il est notre berger, notre guide, notre exemple, notre consolation, notre frère (Manille, 29 novembre 1970)

(Traduction : BERNARD GARCÍA, C.M.)

Prière Perboyre

Ô mon divin Sauveur,

faites par votre toute-puissance et votre infinie miséricorde

que je sois changé et tout transformé en vous.

Que mes mains soient les mains de Jésus,

que me yeux soient les yeux de Jésus,

que ma langue soit la langue de Jésus ;

que tous mes sens et tout mon corps ne servent qu'à vous glorifier ;

mais surtout transformez mon âme et toutes ses puissances ;

que ma mémoire, que mon intelligence, que mon cœur,

soient la mémoire, l'intelligence et le cœur de Jésus ;

que mes opérations, mes sentiments

soient semblables à vos opérations, à vos sentiments,

et que, de même que votre Père disait de vous :

`Je vous ai engendré aujourd'hui',

vous puissiez le dire de moi et ajouter aussi comme votre Père céleste :

`Voici mon fils bien-aimé, l'objet de mes complaisances'.

(Prière attribuée à J.-G. Perboyre. Cf. François Vauris, C.M. : Le disciple de Jésus ou Vie du Vénérable Perboyre, Paris, 1853, p. 322)

Les textes en italique sont des références tirées de “Vie du Bienheureux Jean-Gabriel Perboyre” (Paris, Gaume et Cie, Libraires-Éditeurs, 1889).

André Sylvestre, C.M. : « Jean-Gabriel Perboyre » (L'imprimerie J.M. Mothes, 82200, Moissac, 1991).

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