Lettre jubilaire (1er janvier 2000)

Le 15 octobre 1999

Les membres de la Congrégation de la Mission à travers le monde

Bien chers Confrères,

La grâce de notre Seigneur soit toujours avec vous!

J'hésite à écrire sur le jubilé. On en a tellement dit sur le sujet. Dans son encyclique Tertio Millennio Adveniente, le Pape Jean-Paul II parle avec éloquence du sens de cet événement, et il suggère des moyens pratiques de le célébrer adéquatement. Presque toutes les conférences épiscopales ont mis en œuvre un comité du jubilé et publié un plan d'action. Bon nombre de Visiteurs m'ont affirmé avoir demandé aux confrères d'intégrer leur propres activités jubilaires à celles du diocèse local afin qu'à ce moment important les énergies des groupes d'Église soient canalisées au lieu d'être dispersées.

Malgré tout, on m'a demandé d'écrire. Je le fais aujourd'hui pour répondre à ces demandes. Je vais tenter de ne pas répéter ce que d'autres ont déjà dit, sachant bien que la répétition sera inévitable. Mes réflexions porteront particulièrement sur la manière vincentienne de célébrer le jubilé.

LA SPIRITUALITÉ JUBILAIRE

Comme vous le savez, saint Vincent a choisi un texte jubilaire comme devise de la Congrégation:

L'Esprit du Seigneur est sur moi,

parce qu'il m'a conféré l'onction

pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres.

Il m'a envoyé proclamer

aux captifs la libération

et aux aveugles le retour à la vue,

renvoyer les opprimés en liberté,

proclamer une année d'accueil par le Seigneur.

(Lc 4, 18-19)

Notre mission, comme celle de Jésus, est d'annoncer le jubilé, de «proclamer une année d'accueil par le Seigneur». Aujourd'hui, j'aimerais proposer trois aspects d'une spiritualité jubilaire sous-jacents à cette mission.

  1. La confiance dans la Providence

Dans la perspective juive, le jubilé vient de la tradition sabbatique. C'est le sabbat des sabbats (sept fois sept ans plus une année), où les champs étaient laissés en jachère, les esclaves libérés, les dettes effacées, et où la propriété aliénée retournait à son propriétaire d'origine. Bien qu'il soit peu évident que ces lois jubilaires aient été mises en pratique, elles sont inscrites dans la Loi de sainteté du Lévitique, et elles concrétisent les éléments-clés de la relation d'Israël avec Dieu, c'est-à-dire sa confiance que Dieu accorderait au peuple choisi l'abondance, même en période de repos, sa gratitude pour l'amour fidèle de Dieu, sa reconnaissance que nous sommes les dépositaires des dons de la création plutôt que ses propriétaires, et son respect pour les droits individuels et la dignité humaine de ceux et celles que Dieu a choisis. Les paroles vibrantes dans Lévitique 25, 18-21 ont pour but de provoquer une confiance profonde dans la providence de Dieu: «Mettez mes lois en pratique; gardez mes coutumes et mettez-les en pratique: et vous habiterez en sûreté dans le pays. Le pays donnera son fruit, vous mangerez à satiété, et vous y habiterez en sûreté. Vous allez peut-être dire: «Que mangerons-nous la septième année, puisque nous ne sèmerons pas, et que nous ne ramasserons pas notre récolte?» Eh bien! J'ordonnerai à ma bénédiction d'aller sur vous en la sixième année, et elle produira la récolte nécessaire pour trois ans.»

Il est certain que saint Vincent chérissait particulièrement ce thème, car il voyait la providence de Dieu à l'œuvre partout. Ses paroles étaient cinglantes parfois: «Nous ne pouvons mieux assurer notre bonheur éternel qu'en vivant et mourant au service des pauvres, entre les bras de la Providence et dans un actuel renoncement de nous-mêmes, pour suivre Jésus-Christ.» La confiance dans la Providence est, d'après Vincent, la clé pour trouver un sens lorsque nous sommes confrontés aux polarités souvent tragiques de l'expérience humaine: abondance et pauvreté, santé et maladie, vie et mort, grâce et péché, paix et violence, amour et haine, harmonie et chaos, planification et désordre. Pour saint Vincent, le missionnaire doit proclamer l'espérance, la bonne nouvelle, même dans les temps sombres. Les hommes et les femmes qui témoignent que la vie a un sens et qui peuvent parler du sens de la vie sont des ministres de la providence. La docilité à la providence, une vertu fondamentale pour le ministère des pauvres, implique une confiance respectueuse devant le mystère de Dieu, tel que révélé dans le Christ, en qui sont intégrées la vie, la mort et la résurrection.

  1. La réconciliation

J'étais à Taiwan tout récemment, et j'ai noté que les évêques avaient choisi la réconciliation comme thème de l'année 2000. Ils soulignaient que dans notre monde actuel, malgré la haute technologie et la mondialisation de l'économie, nombreux sont ceux et celles qui expérimentent l'aliénation plutôt que la paix et le bonheur. Beaucoup subissent des tensions, du surmenage, de la souffrance et de la violence. Toutes sortes de contradictions envahissent leur vie. Certains se sentent aliénés par eux-mêmes, par d'autres, par la création, et par Dieu. Le document des évêques rappelait que la vie implique un mouvement

  • de la dépréciation personnelle à l'estime de soi,

  • de l'indifférence à la solidarité avec les autres,

  • de la destruction de la nature au respect de la nature,

  • du repli sur soi à la confiance en l'Être transcendant.

Ces quatre mouvements mènent à quatre impératifs:

  • aime-toi toi-même,

  • aime les autres,

  • respecte la création,

  • adore Dieu.

L'année jubilaire nous lance le défi de nous réconcilier dans l'amour de Dieu et de le proclamer au monde. Est-ce que nous portons envers nous-mêmes le même amour, la même compassion que Dieu nous porte? Aimons-nous notre prochain: nos frères de la communauté, les pauvres que nous servons, nos partenaires dans l'apostolat? Respectons-nous la création: l'air que nous respirons, l'eau qui purifie nos corps et étanche notre soif, les forêts qui jouent un grand rôle d'équilibre de notre planète? Portons-nous respect à Dieu dont la divine présence nous inonde dans la beauté de sa création, dans l'amour du prochain, et dans la personne de Jésus qui est la source de notre vie?

Il ne fait pas de doute que la réconciliation est au cœur des missions que Vincent prêchait lui-même et de la mission qu'il donnait à la Compagnie. La rémission des péchés, le sacrement de la réconciliation, la confession générale, la solution des querelles familiales, tous ces sujets sont des éléments-clés des premières missions populaires instaurées par Vincent et ses compagnons. Vincent exhortait les missionnaires à avoir «une exubérante confiance en votre souverain Créateur» (SV III, 279), afin de transmettre aux autres l'amour guérissant de Dieu.

Tous, nous apporterons nos cicatrices et nos péchés passés dans le nouveau millénaire. Nous avons besoin de guérison. Connaissons-nous un véritable «ami spirituel», un confesseur ou un directeur spirituel à qui nous pouvons confier nos blessures et avec qui parler ouvertement de notre besoin de guérison? Avons-nous le sentiment, à l'aube du troisième millénaire, de grandir dans la plénitude personnelle, l'intégrité et la réconciliation avec soi, avec les autres, avec la création, avec Dieu? Nous-mêmes, en tant que confesseurs et directeurs spirituels, pouvons-nous être une présence apaisante pour les autres en ce temps de réconciliation?

  1. La gratitude

Si le sabbat était pour Israël un jour particulier de reconnaissance envers Dieu, le jubilé, le sabbat des sabbats, doit être un temps de profonde action de grâce. Au cœur de la spiritualité des pauvres d'Israël, il y a la reconnaissance que tout est don. Seuls les humbles peuvent proclamer que «le Tout-puissant a fait pour moi de grandes choses» (Lc 1, 49). Les chants des pauvres d'Israël sont pleins de reconnaissance: «Célébrez le Seigneur, car il est bon et sa fidélité est pour toujours. Célébrez le Dieu des dieux, car sa fidélité est pour toujours» (Ps 136, 1-2).

Henri Nouwen, dans son livre intitulé Gracias, raconte son expérience parmi les pauvres, et sa réflexion m'a profondément touché:

Beaucoup de personnes pauvres vivent en lien si étroit avec les rythmes de la nature que tous les biens qui leur arrivent sont ressentis comme un don de Dieu. Les enfants et les amis, le pain et le vin, la musique et les tableaux, les arbres et les fleurs, l'eau et la vie, une maison, une chambre avec un seul lit, tout est don qui les invite à la gratitude et à la célébration. J'ai appris à reconnaître ce sens fondamental. On me remercie constamment: «Merci pour votre visite, votre bénédiction, votre homélie, votre prière, vos dons, votre présence parmi nous.» Même les biens les plus minimes et les plus élémentaires deviennent des motifs d'action de grâce. Cette gratitude constante est la base de la célébration. Les pauvres sont non seulement reconnaissants pour la vie, mais ils la célèbrent continuellement.

Après avoir guéri les dix lépreux, Jésus exprime sa souffrance qu'un seul soit venu lui exprimer sa gratitude (Lc 17, 11-19). Pareillement, saint Vincent prévient la Compagnie contre l'ingratitude qui est le «crime des crimes» (SV III, 37). Il nous incite, comme annonciateurs du jubilé, à reconnaître que tout bien vient de Dieu (SV I, 182). Savons-nous exprimer notre gratitude envers les autres? À ceux et celles qui nous aiment? À nos amis? À la Congrégation? Aux pauvres? Sommes-nous heureux de célébrer l'Eucharistie comme des personnes dont l'attitude fondamentale est celle de la gratitude?

METTRE EN PRATIQUE LE JUBILÉ

Saint Vincent nous a laissé trois conférences sur les années jubilaires (SV IX, 45s; IX, 690s; X, 229s) et des lettres qui nous engagent à y participer (SV III, 317, V, 574). Aujourd'hui, je vous encourage comme membres de la Congrégation à pratiquer le jubilé de manière vraiment vincentienne. Je fais trois suggestions, en espérant que les communautés locales réfléchiront aux moyens de les pousser plus loin.

  1. Un pèlerinage vers les pauvres

Certaines sources estiment que 30 à 40 millions de pèlerins viendront à Rome durant l'année 2000. Sans doute que des millions se rendront également à Jérusalem. Cependant, d'un point de vue global, ceux et celles qui participeront à ces voyages sont relativement peu nombreux et, pour la plupart, leurs ressources économiques sont assez élevées. Je propose donc aujourd'hui que pour nous, Prêtres de la Mission, le pèlerinage le plus approprié s'effectue auprès des pauvres. En eux, plus que tout, nous trouverons Dieu. Ce ne sera pas un long pèlerinage: les pauvres ne sont jamais très éloignés de nous. Je suis convaincu que la plupart des confrères ont souvent fait ce voyage. Mais je demande que chacun de nous, à l'approche du troisième millénaire, se fasse proche des pauvres d'une façon nouvelle.

En premier lieu, allez écouter. Ce que les pauvres ont à nous dire maintenant, 2000 ans après le passage de Jésus venu leur «apporter la bonne nouvelle»? Il est essentiel de les écouter avant de parler, de comprendre leur situation réelle avant de planifier. Avons-nous des moyens de regrouper les pauvres de nos milieux, de nos paroisses, de nos écoles pour comprendre leurs aspirations les plus profondes, afin de les servir le mieux possible? Les pauvres nous parleront clairement si nous leur en offrons l'occasion. Ils nous enseigneront leur volonté de partager le peu qu'ils ont, leur gratitude envers Dieu pour ses dons, l'espérance contre toute espérance que Dieu leur procure.

En second lieu, je vous encourage à faire ce pèlerinage auprès les pauvres avec d'autres au début de ce troisième millénaire. Amenez tout spécialement les jeunes. Cette expérience peut changer leur vie. Le Pape Jean-Paul II a souvent exprimé que les jeunes tiennent l'avenir entre leurs mains. Il leur appartient. Les moins de 25 ans comptent pour 64% de la population mondiale. Il est primordial de les insérer dans notre mission.

Actuellement, nos propres groupes de jeunes croissent très rapidement. Lorsque j'étais à Taiwan, en avril dernier, j'ai découvert que les groupes ont surgi spontanément, presque sans notre intervention. Les jeunes désirent faire quelque chose de leur vie. N'hésitez pas à faire appel à leur générosité en leur confiant les besoins de l'humanité souffrante.

  1. La prière

Saint Vincent était un homme incroyablement actif, mais ses contemporains voyaient également en lui un contemplatif. Nos Constitutions (42) nous appellent, tout comme lui, à devenir contemplatifs dans l'action et apôtres dans la prière.

Dans une saine spiritualité vincentienne, la prière et l'action vont de pair. Séparée de l'action, la prière peut devenir une fuite; elle peut se perdre dans la fantaisie. Séparé de la prière, le service peut devenir tiède et il peut entraîner une dépendance, un besoin.

Dernièrement, j'écoutais une conférence où le pasteur demandait: «Quelle image mentale les gens se font-ils de notre communauté? Quel «portrait»gardent-ils de nous après nous avoir visités? Ce prêtre en charge de la communauté laïque de Sant'Egidio, qui accomplit un travail remarquable auprès des pauvres de Rome, répondit: «Je crois que le portrait mental que la plupart des gens ont de nous est notre prière communautaire». Je pense qu'il a raison. C'est sûrement l'image qui me reste de cette communauté, bien qu'elle soit mieux connue pour son service des pauvres et sa médiation de paix dans plusieurs pays.

Quel «portrait» les jeunes qui nous visitent gardent-ils de la Congrégation de la Mission? Retournent-ils chez eux saisis par notre prière fervente et fidèle? Ressentent-ils que les deux poumons de la Congrégation sont la prière et le service des pauvres?

Permettez-moi de vous donner deux suggestions à cet effet.

Premièrement, dans notre propre tradition spirituelle, la prière mentale joue un rôle très important. Peu de choses ont reçu autant d'attention dans les écrits et les conférences de saint Vincent. En parlant de la prière mentale aux missionnaires, il écrit: «Donnez-moi un homme d'oraison, et il sera capable de tout; il pourra dire avec le saint Apôtre: «Je puis toutes choses en Celui qui me soutient et qui me conforte.» La congrégation de la Mission subsistera autant de temps que l'exercice de l'oraison y sera fidèlement pratiqué, parce que l'oraison est comme un rempart inexpugnable, qui mettra les missionnaires à couvert contre toutes sortes d'attaques» (SV XI, 83).

Je suis convaincu que cela est aussi vrai de nos jours que du temps de saint Vincent: la fidélité à la prière méditative quotidienne est essentielle au renouveau continuel de la Congrégation. Nos Constitutions (47, § 1), en présentant une formulation contemporaine des intuitions fondamentales de Vincent, nous appellent à une prière personnelle d'environ une heure par jour. La méditation doit certainement occuper une bonne proportion de ce temps. Rien ne sera aussi important pour notre vitalité au troisième millénaire. Contempler le Seigneur dans le silence en présence les uns des autres est le génie de la formule de Vincent pour la prière.

Deuxièmement, comme vous le savez, j'ai à maintes reprises appelé la Congrégation à faire de la prière communautaire «quelque chose de beau pour Dieu et d'attrayant pour les jeunes», en particulier la célébration quotidienne de Laudes, de Vêpres et de l'Eucharistie. En plus de bien préparer notre prière quotidienne, nous pouvons également, de temps à autre, donner à nos célébrations une couleur vincentienne.

Récemment, je consultais les Visiteurs à propos des résultats de nos efforts des dernières années pour renouveler notre prière commune. Plusieurs affirment que ces efforts ont porté fruit, mais d'autres mentionnent que les résultats sont minces. Cependant, je refuse de me laisser décourager et je continue de presser la Congrégation d'aller plus loin sur ce point. Je demeure convaincu que cela est essentiel pour notre avenir. Je réitère cet appel maintenant au début du troisième millénaire, réalisant qu'à peu près personne n'est en désaccord avec moi sur le principe. Dans ce domaine, la léthargie est en cause bien plus que la mauvaise volonté.

Notre prière ne sera belle qu'à la condition d'être bien préparée, sinon elle deviendra une routine sans intérêt. Je vous soumets un bref schéma pour vous aider dans la préparation de Laudes et de Vêpres, demandant qu'il soit appliqué dans toutes les maisons; mais je suis conscient que certains le font déjà et peut-être même davantage.

  1. L'annonce et l'enseignement de la justice

Le prophète Michée souligne (6, 8): «On t'a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que Yahvé réclame de toi: rien d'autre que d'accomplir la justice, d'aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu».

J'ai publié dans Vincentiana, il y a peu de temps, un article intitulé «Dix principes fondamentaux de la doctrine sociale de l'Église». Je dois dire que j'ai beaucoup emprunté, avec sa permission, à un homme beaucoup plus sage que moi! J'ai écrit cet article parce que je suis convaincu, comme le souligne le Pape Jean-Paul II dans Centesimus Annus (5) que «l'enseignement et la diffusion de la doctrine sociale de l'Église appartient à sa mission d'évangélisation; c'est une partie essentielle du message chrétien». Il ajoute: «La «nouvelle évangélisation»… doit compter parmi ses éléments essentiels l'annonce de la doctrine sociale de l'Église».

À l'exemple des prophètes, nous sommes appelés à proclamer et à enseigner la justice. Je sais que cela ne peut se faire chaque jour, ni chaque dimanche. Les Écritures proposent beaucoup d'autres thèmes, dont la joyeuse bonne nouvelle de la présence du Christ ressuscité. Mais est-ce que nous proclamons et enseignons la justice, même occasionnellement? J'ai posé cette question récemment à quelques groupes et je n'ai pas obtenu beaucoup de réponses affirmatives.

Bien que l'Église expose avec éloquence sa doctrine sociale depuis plus de cent ans, peu de catholiques la connaissent. C'est en quelque sorte un échec. Nous n'avons pas su la présenter adéquatement ni de façon attrayante à la consommation. Il est primordial pour nous d'étudier cet enseignement et de le présenter clairement. Je vous encourage, au seuil du troisième millénaire, à proclamer et à enseigner deux thèmes. Je vous les présente à titre d'exemple. Il y en a certainement beaucoup d'autres, mais je choisis principalement ceux proposés par le Pape Jean-Paul II et plusieurs conférences épiscopales:

a)La réduction et la remise de la dette internationale

b)L'abolition de la peine capitale

Il est important de ne pas regarder ces sujets et d'autres points de justice simplement d'un point de vue politique, bien qu'ils comportent des dimensions politiques. Le poids de la dette laisse d'innombrables pauvres des pays sous-développés dans un cycle de pauvreté d'où ils ne peuvent se sortir. La remise de la dette est précisément un thème jubilaire, et le Pape Jean-Paul II parle explicitement de ce sujet dans Tertio Millennio Adveniente, comme l'a fait notre récente Assemblée générale (III, 2, d). De même, la question de la peine capitale est directement reliée à l'appel à la compassion du jubilé et à celui de l'Église pour la promotion de la vie.

En parlant de ces questions, il est essentiel de présenter: 1) les faits; 2) une analyse des faits; 3) la tradition chrétienne (depuis ses racines bibliques jusqu'aux documents des papes contemporains, des évêques et des théologiens; 4) des conclusions pratiques (qu'est-ce que les gens peuvent faire?). Je vous envoie une petite brochure sur chacun de ces deux thèmes du jubilé, pour vous offrir un bref aperçu de ce que l'on peut proclamer et enseigner. Plusieurs conférences épiscopales fournissent une foule de renseignements de même qu'Internet. Vous pourrez trouver dans chacune des brochures une courte bibliographie et une liste de sites web.

Je crois qu'il est beaucoup plus difficile de prêcher la justice que de l'enseigner. Dans un cours, on peut davantage étudier le sujet en présentant les faits, en les examinant soigneusement, en apportant des objections, en répondant aux questions et en proposant des suggestions concrètes. Par ailleurs, lorsque les Écritures nous en fournissent l'occasion, une homélie bien dirigée sur un thème de justice peut donner des résultats remarquables. J'inclus quelques exemples d'homélies écrites par Walter Burghardt, qui a consacré les dernières années de sa vie exceptionnelle à prêcher la justice. Je souhaite que plusieurs d'entre nous soient aussi éloquents que lui.

Ces pensées sur le jubilé sont plus longues que prévues. J'ai choisi des thèmes plus spécifiquement vincentiens que je crois extrêmement importants pour notre croissance et notre renouveau au début du troisième millénaire. L'aube d'un millénaire dévoile un nouvel horizon. Avec vous, aujourd'hui, je prie le Seigneur de nous donner des yeux qui peuvent scruter cet horizon et voir beaucoup plus loin. Une vision qui aime la plénitude de la vie et qui sait la promouvoir, une vision qui crée l'unité et la paix entre des femmes et des hommes très différents, une vision qui brise les barrières de division, une vision qui fait disparaître les causes écrasantes de la pauvreté. Bien sûr, nous ne pouvons rien faire seuls. Le Seigneur nous appelle à agir ensemble en communauté et avec les pauvres que nous servons. J'espère que notre famille vincentienne sera un instrument souple entre les mains du Seigneur, dans les décennies à venir, pour aider à créer un monde nouveau où la justice et la paix régneront.

Votre frère en saint Vincent,

Robert P. Maloney, c.m.

Supérieur général

(Traduction: Mme. Raymonde Dubois)

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