La Chapelle de la rue du Bac

La chapelle de la rue du Bac

par Jean Daniel Planchot, C.M.

Province de Paris

  1. Quelques jalons historiques

L'ancienne chapelle du Sacré-Cœur dans la Maison-Mère des Filles de la Charité de Saint Vincent de Paul, rue du Bac, est devenue Chapelle Notre-Dame de la Médaille miraculeuse car la Vierge Marie s'y est manifestée en 1830 à Catherine Labouré. La diffusion de la « médaille » qu'elle lui confiait s'est réalisée à partir de 1832. Les Parisiens ont bientôt donné le nom de « miraculeuse » à cette médaille lors des épidémies qui ont sévi dans ces années-là.

Le 23 juillet 1880 est établie la fête de Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse, fixée au 27 novembre, aux cinquante ans de sa révélation. En 1897, le cardinal Richard procède, avec la permission de Léon XIII, au couronnement de la statue de la Vierge Marie.

Jusqu'en 1930, on note une présence permanente de fidèles, essentiellement de Paris qui fréquentaient la chapelle quand elle leur était ouverte. Ils y priaient, soit individuellement, soit en s'associant au chapelet récité par les sœurs, mais sans possibilité d'assister couramment aux offices d'une communauté très nombreuse à l'époque et qui remplissait entièrement par elle-même la chapelle.

Les sœurs des différentes maisons de Paris y amenaient à l'occasion leurs jeunes. Au moment de la célébration de la neuvaine, du 27 novembre au 8 décembre, l'assistance devenait bien plus abondante.

En 1930, on a célébré le centenaire des apparitions, marqué avant tout par le « Pèlerinage international des Enfants de Marie », qui inaugure une ère de grands pèlerinages. À partir de cette année-là, en effet, à la présence continuelle d'un certain nombre de gens aux heures d'ouverture de la chapelle et à l'affluence considérable pour la neuvaine du 27 novembre au 8 décembre, s'ajoute désormais une série de pèlerinages : les sœurs des maisons de Paris continuent d'amener leurs jeunes, des groupes d'Enfants de Marie viennent de France et d'Europe ; on constate aussi des pèlerinages « professionnels », comme ceux des conducteurs d'autobus et du « Bon Marché », le pèlerinage des Basques de Paris, des pèlerinages paroissiaux avec les messes d'action de grâces des enfants de la communion solennelle de Paris. Ce mouvement se poursuit jusqu'en 1940. Dans le souvenir des témoins de cette époque, le sommet de participation a été atteint en 1930 avec les pèlerinages des Enfants de Marie.

En 1940, la chapelle est ouverte plus longtemps au public, les sœurs étant moins nombreuses à la communauté en raison de l'exode provoqué par la guerre. Les fidèles de Paris peuvent donc participer désormais aux offices, ainsi que les soldats de l'ambulance installée dans les locaux. Les pèlerinages des enfants des écoles de Paris, tenues ou non par les sœurs, continuent.

De 1944 à 1953, vont s'adjoindre en plus des pèlerinages internationaux, provenant d'Allemagne, d'Angleterre, d'Amérique... On peut compter jusqu'à 400 personnes pour certains.

En 1953 commence « la neuvaine perpétuelle », célébrée à la chapelle tous les mardis. Beaucoup de Parisiens suivent les réunions de la neuvaine - il y en a quatre chaque mardi -, et pour la messe du soir la chapelle est archi-pleine. Du 27 novembre au 8 décembre, les fidèles trop nombreux doivent constituer des files d'attente pour pouvoir entrer.

Il faut remarquer qu'après le concile une substantielle modification va intervenir : à chaque réunion de la neuvaine, l'eucharistie sera célébrée dans le but d'y unir la dévotion mariale : « Venez aux pieds de cet autel ».

2. L'évolution de la chapelle

La chapelle de Notre-Dame de la Médaille Miraculeuse est à la fois lieu de prière, centre pastoral et lieu de pèlerinages.

- Lieu de prière, pour les gens, la chapelle l'est sûrement depuis 1897, ou tout au moins depuis les toutes premières années du siècle dernier. Actuellement de 5 000 à 6 000 personnes passent chaque jour à la chapelle. On trouve à la fois des habitués de la région parisienne et des étrangers qui viennent prier individuellement. C'est à peu près la même population que l'on retrouve le mardi. Le passage incessant de fidèles, venant du monde entier, est le signe de ce courant qui porte tant de gens en prière au sanctuaire près de la Vierge Marie. Il faut aussi rappeler que quantité de prêtres depuis toujours viennent y célébrer l'eucharistie.

Depuis une trentaine d'années, on remarque un nombre de plus en plus conséquent d'Antillais, de Réunionnais, d'Indiens, d'Africains et de gens du Sud-Est asiatique, essentiellement Vietnamiens. Le nombre des personnes de couleur est très important et constitue parfois jusqu'à la moitié des pèlerins. L'assistance est donc très mélangée, et on y trouve des représentants de toutes les catégories socio-professionnelles. Mais la majorité est constituée par de petites gens. Dans l'ensemble il s'agit, quelle que soit leur origine sociale ou ethnique, de personnes à la foi simple et qui l'expriment dans les formes classiques. Pour la majorité, il n'y a pas d'attitude de blocage devant une évolution progressive et les changements nécessaires à introduire parfois. Nous devons être attentifs aux différences de culture et d'approche religieuse. La manière dont s'expriment les Antillais, en particulier, reflète toute une formation reçue dans leur pays, qui peut surprendre.

Depuis la réouverture de la chapelle le 11 juin 1980, après les gros travaux qui s'imposaient, on note un nombre d'hommes bien plus élevé que par le passé, et aussi un rajeunissement. Néanmoins les plus nombreuses ce sont toujours les femmes.

- Centre pastoral où l'accent est mis sur la prière d'intercession à Marie et sur la prière d'action de grâces. Depuis 1953, en dehors des célébrations spécifiques du mardi, il y a chaque jour, le rassemblement pour l'Eucharistie au moins trois fois, l'heure mariale, avec le chapelet, qui s'achève par le salut au Saint Sacrement, les vêpres avec la communauté, puis chaque semaine les assemblées dominicales en relation avec les paroisses dans une perspective d'Église. À ce titre, il est bon de mentionner que nous sommes insérés dans la pastorale du diocèse de Paris et que nous participons aux rencontres proposées.

Une équipe d'animation pastorale a été mise en place, constituée par cinq prêtres, une dizaine de prêtres confesseurs, trois sœurs à plein temps et un bon groupe laïcs bénévoles et de sœurs qui, tout en gardant leur travail dans la maison, participent aux différentes activités réparties en plusieurs pôles : accueil des personnes et des groupes, présentation des montages audio-visuels, etc., sans oublier les sœurs qui assurent les divers accueils, le service de la sacristie, des médailles, de l'entrée, de l'allée, de la porterie. Plus spécifiquement nous avons créé un espace vincentien, qui permet de présenter de façon accueillante la famille vincentienne dans sa diversité.

- Lieu de pèlerinages fréquenté à présent par des groupes de tous pays. Face à ce phénomène de mondialisation, nous cherchons à répondre par une qualité d'accueil mariale et vincentienne, dans un esprit de collaboration fraternelle où tous se sentent partie prenante d'une même mission au service du Message délivré en ce lieu. Pour bien marquer notre appartenance aux mouvements d'Église, nous sommes notamment membres de l'ARS (Association des Recteurs de Sanctuaire), de l'AOM (Association des Œuvres Mariales) et associés de l'ANDDP (Association Nationale des Directeurs Diocésains de Pèlerinage).

Comme centre de pèlerinages, la chapelle reçoit actuellement en moyenne une douzaine de groupes organisés par semaine. Ils viennent de tous les coins de France et de toutes les parties du monde. Pour la France, cela va des écoles, des enfants des catéchismes, des scouts, jusqu'aux groupes de personnes âgées « Vie montante ». Les pèlerinages internationaux sont souvent le fait de gens qui viennent à Lourdes et passent par Paris. Là aussi nous trouvons des gens de tous âges. Et, malgré le côté « voyage à l'étranger », nous ne ressentons pas beaucoup la mentalité « touriste » : nous rencontrons des gens qui veulent prier.

Une autre remarque : si l'on a pu parler à un moment d'un déclin de la piété mariale, il ne s'est pas vraiment ressenti à la chapelle de la rue du Bac. Le succès de la neuvaine, lancée en 1953 par le Père Henrion et continuée par ses successeurs à la chapelle, semble bien montrer qu'elle répondait à un besoin profond du peuple de Dieu par rapport à la présence de Marie dans sa vie. En tout cas, nous nous trouvons devant un mouvement très régulier de participation constante. Et nous pouvons dire aujourd'hui que, depuis la réouverture de la chapelle et la visite de Jean-Paul II le 31 mai 1980, il y a un nombre de pèlerins croissant qui a culminé parfois en des occasions exceptionnelles, comme aux JMJ (Journées Mondiales de la Jeunesse) en 1997 où chaque jour de 30 000 à plus de 50 000 jeunes sont venus ou lors des grandes fêtes mariales, comme à l'Assomption le 15 Août.

  1. Perspectives pastorales actuelles

Nous partons de la réalité en faisant les observations suivantes :

  • L'ensemble des personnes qui fréquentent la chapelle relève de ce que l'on a coutume d'appeler la « religion populaire ».

  • Leur expression religieuse est celle de la religion catholique dans sa forme traditionnelle.

  • Nous devons tenir compte de l'approche religieuse particulière des Antillais, des Réunionnais, des Africains et autres.

  • Nous notons la présence d'un certain nombre de jeunes, sans grande formation doctrinale, mais qui manifestent un grand appétit spirituel.

  • Si nous nous trouvons parfois en présence d'attitudes qui peuvent relever du formalisme, voire de la superstition, nous avons la certitude que la plupart des gens prient en vérité, et que nombre d'entre eux vivent une foi éclairée et engagée.

S'il nous arrive d'être interpellés de moins en moins par un petit nombre de gens qui réagissent contre la pastorale actuelle, nous constatons que la très grande majorité des participants est résolument fidèle au concile et ne demande qu'à être partie prenante de la vie de la chapelle, par exemple en assurant les lectures, la quête, en se chargeant de divers services, comme celui des médailles ou de l'accueil dans l'allée et, depuis un an, en prenant en charge le site Internet de la Chapelle :

http://www.chapellenotredamedelamedaillemiraculeuse.com/

  • Nous voyons que la chapelle est un lieu où beaucoup de gens viennent porter au Christ et à Notre-Dame leurs peines, leurs difficultés, un lieu où ils viennent chercher la paix. Et, comme partout où elle est venue nous donner un message, Marie conduit les foules à son Fils dans un mouvement de conversion et une approche de l'Eucharistie.

Un prêtre se tient en permanence à la disposition des fidèles qui veulent s'approcher du sacrement de Réconciliation dans un endroit aménagé à cet effet au fond de la chapelle, et ce sont des centaines de personnes qui le reçoivent chaque jour.

Au moins trois fois durant la journée, la messe est célébrée, et jusqu'à cinq fois le mardi, sans compter les messes des groupes de pèlerins en diverses langues. Là se manifeste le lien profond entre la dévotion mariale et la participation à l'Eucharistie (plus de 550 000 hosties distribuées par an et l'on peut facilement multiplier par quatre selon des critères expérimentés pour avoir un nombre approchant des entrées à la Chapelle).

Loin d'en être amoindrie, la piété envers Marie manifeste par là son dynamisme, et elle en reçoit un enrichissement en réalisant ce pour quoi elle est faite : conduire davantage au Christ.

Avec Marie, centrés sur le Christ

Nous essayons donc d'avoir une pastorale résolument centrée sur le Christ, en plein accord avec une dévotion mariale authentique et avec le message de Notre Dame à la rue du Bac : « Venez au pied de cet autel », le « M » et la croix, les deux cœurs... Cet accent christologique se manifeste en particulier par les célébrations eucharistiques qui sont partie intégrante des rassemblements du mardi. Mais nous gardons le souci d'éclairer doctrinalement le lien entre Marie et son Fils à toutes les célébrations : chapelet, heure sainte, etc. En fidélité à l'Église, à son dernier Concile et à l'enseignement du pape Jean-Paul II, nous essayons d'avoir une pastorale sans initiatives intempestives, mais liée aux orientations données et aux possibilités ouvertes par rapport à la liturgie.

et sur l'Église

Dans le même esprit, nous essayons d'avoir une pastorale qui soit vraiment d'Église : nous nous unissons intensément aux grands moments de la vie de l'Église et à ses intentions, qu'il s'agisse de l'Église universelle, de l'Église locale, ou tout simplement de la paroisse. Nous ne voulons pas reconstituer un refuge spirituel faussement sécurisant, une « chapelle » refermée sur elle-même.

Nous essayons de donner un éclairage doctrinal par rapport à la vie chrétienne dans nos diverses interventions. Ainsi, les homélies des dimanches sont orientées vers un approfondissement du sens de la Parole de Dieu. De même quand il s'agit du message de Notre Dame, message de foi, d'espérance et de charité, que nous mettons en lumière dans les conférences ou les formations pour jeunes, dans notre site : chapellenotredamedelamedaillemiraculeuse.com, dans les panneaux et les vidéos proposés aux pèlerins.

Nous essayons d'avoir une pastorale réaliste et constructive. Plutôt que de contrer systématiquement ce qui peut apparaître comme imparfait, voire comme une dérive, nous nous efforçons de partir de ce qu'il peut y avoir de positif pour éclairer et rectifier si possible.

4. Dans l'immédiat pour 2004

Notre thème d'année sera « Avec Marie, témoins de la foi ». La Vierge Marie nous invite à assumer dans notre vie la foi qui nous a été transmise comme un bien précieux. Cette année, nous la voulons particulièrement dynamique, dans la perspective de la semaine de la Toussaint 2004 où Paris recevra le congrès missionnaire international, pour la nouvelle évangélisation de l'Europe.

originale

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