Les martyrs d'Europe de l'Est - 2. La période communiste (1951-1978)

2. La période communiste (1951-1978)

Introduction

En Tchécoslovaquie, dans la nuit du 3 au 4 mai 1950, la Police d'Etat attaqua notre maison de Banská Bistrica. Le supérieur de la maison, le P. Augustin Mikula, n'était pas à la maison. La Police déporta tous les résidents de notre Ecole apostolique: le P. Stefan Kristin, le P. Rudolf Puchovsky, le Fr Rudolf Lorenc, les séminaristes et les novices, parmi lesquels il y avait Jan Havlik. Les pères furent déportés dans la grande maison des Salésiens de Hronsky Benadik, avec d'autres religieux (Capucins, Franciscains, etc.). Quelques jours plus tard, le P. Puchovsky et le P. Kristin s'évadèrent. Le P. Puchovsky se cacha pendant huit ans, ainsi que deux de nos confrères, les PP. Hutyra et Oriesek. Les jeunes furent déportés à Kostolna pour construire une digue sur le fleuve Vah, appelée “digue des jeunes”. Quelques mois plus tard, les jeunes du Séminaire Interne purent rentrer à la maison. Les séminaristes, diocésains, religieux et Lazaristes, furent obligés de faire le “service militaire” pendant trois ans et demi !!! Le P. Stefan Kristin, avec l'aide de laïcs et de Filles de la Charité, trouva à Nitra une maison adéquate où, à partir de septembre 1950, six de nos jeunes commencèrent à étudier dans un séminaire clandestin. Les PP. Puchovsky et Oriesek aidaient à la formation. Le 29 octobre 1951, la Police d'Etat arrêta le P. Kristin et les 6 séminaristes, parmi lesquels il y avait Jan Havlik. Ils subirent pendant 15 mois les interrogatoires, la tortures et la faim... Et, le 5 février 1935, leur procès s'acheva par les condamnations suivantes: le P. Stefan Kristin condamné à la réclusion à perpétuité (changée par la suite en 20 ans de réclusion; il fit en fait 13 ans de travaux forcés dans les mines); le séminariste Jan Havlik, condamné à 10 ans de prison (en fait il en fera 11!). Au cours de ce procès, nos confrères et nos étudiants ont été condamnés à des peines totalisant 129 ans de prison! (Milan Sasik, C.M.)

En Yougoslavie, le Parti communiste a pris le pouvoir à la fin de la deuxième guerre mondiale pendant laquelle il avait organisé la résistance avec l'intention très marquée de s'emparer du pouvoir et d'accomplir la révolution communiste. Pour cette raison, pendant l'occupation allemande (1941-1945), il avait déjà “liquidé” dans la clandestinité des centaines de compatriotes non-communistes en les accusant de collaborer avec l'occupant nazi. Ainsi, pendant cette occupation étrangère, une véritable guerre civile a sévi entre les partisans et les adversaires de la révolution communiste. L'Église catholique s'est généralement rangée du côté des adversaires du communisme, ce qui lui a valu une persécution particulièrement dure après l'arrivée des communistes au pouvoir. En plus, il est clair aujourd'hui que le régime communiste songeait à la séparation de l'Église du pays d'avec l'Église Catholique universelle et à la création d'une Église catholique schismatique et “patriotique”.

Les Filles de la Charité ne firent pas exception. A la fin de la deuxième guerre mondiale leur Province était très vivante si l'on pense que, sur une population d'un million et demi d'habitants en Slovénie, elle comptait 1140 soeurs au 31 décembre 1945. Elles travaillaient soit dans leur sept établissements scolaires et hospitaliers, soit dans quinze hôpitaux publics. La persécution a débuté tout de suite après la guerre, mais elle a été la plus dure dans les années 1947 - 1949. Progressivement le pouvoir révolutionnaire s'est emparé des établissements des soeurs en mettant en prison certaines d'entre elles, confisquant leurs propriétés et les chassant de leurs maisons ou des établissements publiques. Par une ironie de l'histoire, le coup le plus dur s'est produit le 8 mars 1948, célébré par les communistes comme la Journée des femmes. Ce même jour, dans tous les hôpitaux où elles travaillaient encore, les soeurs ont été convoquées et on leur a fait savoir qu'elles devaient quitter les lieux le jour même. Ainsi, en un seul jour, 249 soeurs se sont trouvée à la rue. La maison provinciale était trop petite pour les accueillir et beaucoup d'entre elles sont rentrées dans leurs familles. Le régime leur a proposé de quitter leur Compagnie, d'abandonner l'habit religieux et de rompre toutes relations avec leurs supérieurs. A cette condition, on leur offrait la possibilité de les embaucher de nouveau dans un délai de 15 jours. A l'exception d'une soeur qui avait collaboré avec les communistes et avait déjà quitté la Compagnie, aucune soeur n'a accepté cette offre.

L'expulsion des soeurs de leurs maisons et des autres établissements était généralement accompagnée d'interrogatoires et d'emprisonnement provisoire. Mais il y avait aussi de véritables procès devant les tribunaux où les soeurs étaient condamnées à des peines de prison allant de quelques mois à quelques années. Au total, 42 soeurs sont passées par les prisons ou les camps de travaux forcés. En 1948 une soeur est morte en prison.

Progressivement, la province s'est réorganisée en envoyant les soeurs en Serbie et Macédoine où on manquait de personnel soignant qualifié, c'est pourquoi elles y ont été reçues à bras ouverts. Mais en réalité ce fut une véritable hémorragie puisque elles ont quitté leur région catholique pour aller dans les régions non catholiques où leur présence est restée sans fruit sur le plan de vocations. En revanche, leur présence dans le milieu orthodoxe a joué un rôle très important sur le plan de l'oecuménisme. (Anton Stres, C.M.)

a. Martyrs de la Congrégation de la Mission

1.- Jan Havlik, C.M., Séminariste de la Province de Slovaquie, né à Dubovce le 12 février 1928 et mort le 27 décembre 1965, sur la route de Skalica.

Jan Havlik acheva ses études secondaires en 1949 dans notre Ecole apostolique de Banska Bystrika. Le 29 octobre 1951, il fut arrêté avec cinq autres séminaristes de la Congrégation de la Mission, dans le séminaire clandestin de Nitra. Il fut interrogé et torturé par la terrible Police d'Etat pendant quinze mois, souffrant de la faim et du froid. Après un procès qui dura du 3 au 5 février, il fut condamné à 10 ans de prison. Il fut condamné pour des motifs strictement religieux : l'étude de la théologie dans un séminaire clandestin. Il est clair que les mauvais traitements et les tortures qu'il subit en prison devaient servir à détruire sa personnalité. Le prolongement d'un an de sa peine d'emprisonnement, sans autre procès, témoigne qu'il resta fidèle à sa vocation, sans accepter aucun compromis. Dans la prison, il témoigna de sa foi de façon héroïque. Il passa la dernière période de son incarcération à Valdice. En prison, également, il fut interrogé, maltraité, torturé et laissé sans nourriture et au froid. Il se comporta toujours avec foi et courage. Il fut libéré le 28 octobre 1962, après 11 ans d'incarcération.

Malade de coeur, et ayant d'autres problèmes de santé, il mourut à l'âge de 37 ans sur la route de Skalica, le 27 décembre 1965, alors qu'il se rendait chez son frère pour lui rendre visite. Sa tombe se trouve dans le cimetière de son village natal, à Dubovce, près de Vlèkovce.

Il vécut saintement. Il était pieux, doué pour le chant et pour la parole. Il aimait prier la Vierge Marie et était fervent dans la prière.

2.- Père Jan Hutyra, C.M. Membre de la Province de Slovaquie, né à Jablonov le 1er février 1912 et mort à Brno le 27 février 1978.

Peu avant la fin de la première guerre mondiale, le P. Hutyra tenta de sauver la vie de 20 habitants de Ladce, pris en otages et condamnés à mort par les Allemands en représailles d'un attentat. Il alla personnellement parler avec les officiers allemands et offrit sa vie ainsi que celles de 19 Filles de la Charité volontaires pour mourir à la place des 20 innocents condamnés. Mais les officiers refusèrent et pendirent 19 otages, faisant grâce à l'un des habitants.

En 1947, le P. Hutyra participa à l'Assemblée Générale de la Congrégation de la Mission, ainsi qu'à la canonisation de Catherine Labouré, FdlC. Pendant son voyage, il fut suivi et espionné par la police secrète. A son retour à Bratislava, il fut arrêté, emprisonné et durement roué de coup. A la suite de cela, il dut être hospitalisé à Turcianski, où il resta jusqu'à la fin du mois de mai 1950.

Mais, la même année, il fut arrêté avec d'autres confrères par la police secrète et condamnés pour diffusion d'imprimés et de littérature religieuse. Il fut enfermé dans le camp de concentration de Bac puis de Podolinec et ensuite de Beluske Slatiny. Il réussit à s'échapper du camp et se cacha jusqu'en 1958. Il continua dans la clandestinité à diriger avec succès ses confrères, ainsi que les Filles de la Charité, les consolant, les conseillant et les guidant. Il continua à écrire et à diffuser en cachette de la littérature religieuse. Il était très prudent et n'avait des contacts qu'avec certains confrères et certaines soeurs. La Police d'Etat retrouva sa trace et l'arrêta en 1958. Il fut de nouveau interrogé et durement torturé. Puis il fut condamné à 10 ans de prison. Il fut incarcéré à Valdice, puis à Bory. Il dut travailler pendant longtemps à la taille du verre, ce qui était très mauvais pour sa santé.

En 1965, à la faveur d'une intervention du Pape Paul VI, le P. Hutyra fut gracié avec d'autres prisonniers. Mais il ne reçut pas l'autorisation d'exercer le sacerdoce. Il dut travailler, comme laïc, à l'hôpital de Prague. Mais en secret, il continuait à s'occuper de la Famille Vincentienne, de la formation et de la recherche des vocations.

Tous ceux qui ont été en contact avec lui ont confirmé ses qualités extraordinaires, sa capacité de vivre au milieu des difficultés, sa sagesse pastorale, sa foi apostolique, sa droiture et sa diplomatie. Il a été contrôlé par la police jusqu'à la fin de sa vie.

Les terribles interrogatoires qu'il subit de la part de la police altérèrent beaucoup sa santé et il ne se rétablit jamais. Il fut battu à plusieurs reprises jusqu'à en perdre connaissance. Des témoins racontèrent que durant l'un des interrogatoires, on lui enfonça des aiguilles sous les ongles des mains. Ces mauvais traitements lui provoquèrent de graves maladies. Le P. Hutyra mourut à 66 ans, le 27 février 1978, à Brno, où il est enseveli.

b. Martyres de la Compagnie des Filles de la Charité

1.- Soeur Valerija Bojc, FdlC, membre de la Province de Slovénie, née le 4 décembre 1904 et morte le 5 avril 1928.

En 1947, les communistes qui étaient les maîtres absolus de l'Etat yougoslave, ont entrepris une persécution religieuse. Dans la seule Slovénie, il y a eu entre 1947 et 1949 environ cent prêtres emprisonnés, ainsi qu'un grand nombre de laïcs et de religieuses, dont 40 Filles de la Charité de la Province. Ils étaient accusés de diverses choses, mais le motif principal était leur appartenance à l'Eglise catholique.

Soeur Bojc a été arrêtée le 1er septembre 1948 à Dedinje-Belgrade, en Serbie, par la Police secrète (OZNA), puis emprisonnée jusqu'à sa mort.

Elle avait été très affaiblie par les mauvais traitements et la faim, surtout pendant sa détention de quatre mois dans la cellule la plus rigoureuse (le cachot). Tombée malade, elle ne reçut pas les soins nécessaires. En danger de mort, elle fut transférée à l'hôpital de la prison où elle mourut le 5 avril 1951.

2-. Soeur Florina Barbora Bönighová, FdlC, membre de la Province de Tchécoslovaquie, née le 21 Décembre 1894 à Wengaithen, Slovaquie, et morte le 31 mars 1956, dans la prison de Prague-Pankrác.

Après la première guerre mondiale, Sr Florina Barbara Bönighová fut nommée soeur servante de la communauté des soeurs de l'hôpital de Kremnica. Elle n'avait que 8 ans de vocation, ce qui montre ses grandes qualités. Puis, elle devint responsable de l'hôpital de Ru_omberok. En 1934, elle fut nommé économe provinciale à Ladce. De 1940 à 1948, elle était soeur servante à l'hôpital de Levoc_a et plus tard à l'hôpital de Nitra, où elle fut arrêtée en 1951.

A cette époque, on était sous le régime communiste. Quelques jeunes aspirants de la Congrégation de la Mission s'étaient installés à Nitra, près de l'hôpital où travaillaient les Filles de la Charité. Le père Štefan Krištín, Lazariste, formait les jeunes dans la clandestinité. Soeur Florina, soeur servante de la communauté de Nitra, aidait les soeurs sur tous les plans. Rapidement, la police secrète découvrit la formation clandestine donnée par les Lazaristes. Les jeunes et le père Štefan Krištín furent arrêtés. Un peu plus tard, le 1er novembre 1951, soeur Florina, aussi, fut arrêtée. Elle fut soumise à des interrogatoires qui eurent lieu à Nitra. Peu de temps après, on la transféra de la prison à l'hôpital, étant atteinte d'une de fluxion de poitrine et de diabète. Bien qu'elle fut étroitement surveillée, quelques soeurs réussirent à s'approcher d'elle. soeur Florina était sereine et résignée à la Volonté de Dieu. Après une semaine de traitement médical, elle retourna en prison où elle fut soumise à de nouveaux interrogatoires. Il ne nous a pas été possible de connaître les détails, mais, selon les pratiques de cette époque, les interrogatoires étaient pénibles, car les personnes suspectes étaient souvent torturées.

Le 3 novembre 1953, eut lieu au tribunal le procès “Krištín et ses compagnons”. Quand on donna la parole à soeur Florina, elle s'exprima brièvement: “Je respecte le Saint Père et je veux rester fidèle à l'Eglise et à ma vocation, même si cela me coûte la vie. Il est vrai que je secourais ceux qui en avaient besoin, mais c'était mon devoir de chrétienne”.

Elle fut condamnée à 15 ans de prison. Raison: “Haute trahison”. Après un courte incarcération à Pardubice, elle fut transportée à Prague-Pankrác. Ce que soeur Florina a vécu dans cette prison reste pour nous inconnu. Après sa mort elle fut enterrée dans une fosse commune à Praha-_áblice.