L'amour est inventif jusqu'à l'infini

L'amour est inventif jusqu'à l'infini

- L'Eucharistie dans la tradition Vincentienne -

par Robert P. Maloney, C.M.

Supérieur Général

Dans notre Famille, nous citons souvent la maxime de saint Vincent : « L'amour est inventif jusqu'à l'infini. » D'habitude, nous employons cette citation pour motiver les autres à être créateurs au niveau pastoral, à répondre aux nouvelles formes de pauvreté, à être inventifs dans de nouveaux programmes de formation pour les responsables laïcs et pour le clergé, pour étudier des manières d'éradiquer les causes de la pauvreté. Mais si juste que soit cette utilisation rhétorique des paroles de saint Vincent, leur contexte véritable était tout à fait différent. Elles se réfèrent à l'institution de l'Eucharistie. Vincent, en parlant à un frère mourant en 1645, l'a instamment exhorté à penser à la miséricorde de Dieu. Après avoir décrit plusieurs signes de l'amour compatissant de Dieu, il dit au frère que Jésus, prévoyant sa mort, n'a pas voulu laisser ses disciples seuls. Il a craint qu'en son absence leurs cœurs ne se refroidissent. Et ainsi, il dit au frère, « De plus, comme l'amour est inventif jusqu'à l'infini... Il a fait que ce vénérable sacrement nous servît de viande et de breuvage Parce que l'amour peut et veut tout, il le voulut ainsi ».

Dans cet article je propose quelques réflexions sur l'Eucharistie dans la tradition Vincentienne ». Suivant une méthode que j'ai employée dans bien d'autres occasions, je diviserai ces réflexions en trois parties :

I.L'Eucharistie dans la vie et les écrits de saint Vincent

II.Quelques changements de perspectives entre les 17ème et 20ème siècles

III.Quelques réflexions sur l'Eucharistie aujourd'hui, dans un contexte Vincentien

  1. L'Eucharistie dans la vie et les écrits de saint Vincent

Vincent n'était pas un théologien systématique. Ses travaux expriment rarement une analyse théologique ordonnée et bien développée des questions qu'il traite. La plupart de ses lettres et conférences visent à motiver son auditoire et à suggérer des manières pratiques de mettre en œuvre le thème qu'il écrit ou dont il parle. Seulement de temps en temps, comme lorsqu'il s'adresse aux Filles de la Charité au sujet de la mortification et de la prière, il donne des explications détaillées sur un sujet, mais même ces présentations ne sont pas originales ; elles suivent simplement les auteurs classiques de l'époque.

Tandis que d'un point de vue théorique Vincent est rarement novateur, ses entretiens et ses écrits font preuve d'un sens commun éminent, d'une conviction profonde, d'une perspicacité instinctive dans la nature humaine, et beaucoup d'insistance sur la manière de mettre les choses en pratique. Les réflexions de saint Vincent sur l'Eucharistie illustrent bien ceci. Ci-dessous je propose huit des principaux points qu'il aborde dans des passages épars sur l'Eucharistie. Ce faisant, je ne fais aucun effort pour systématiser ce que saint Vincent, je pense, n'a jamais prévu de systématiser.

1L'Eucharistie est le centre de la « religion » et de la « dévotion »

Pour saint Vincent, l'Eucharistie est le testament du Seigneur à son Église. C'est le dernier signe de son amour, la source d'où jaillit la vie actuelle de l'Église. C'est également le centre de la « religion » et la base de la « dévotion », nous unissant à l'amour du Christ pour Dieu son Père.

La « religion » et la « dévotion » ont des significations spéciales dans les écrits de saint Vincent, aussi bien que dans ceux de nombre de ses contemporains. Avec une précision remarquable saint Vincent déclare dans une de ses lettres que la psychologie de Jésus est exprimée dans deux directions qui résument tout, « son rapport filial (la religion, en français) vers son Père et la charité vers les hommes  ». Bérulle, Olier, et d'autres membres de l'École Française parlent de la « religion » comme étant la réponse fondamentale de la personne humaine face à Dieu, une attitude d'adoration, de consécration totale à Dieu. D'une manière semblable, Vincent, dans un sermon sur la Communion, parle de l'Eucharistie comme « vraie base et centre de la religion ».

S'adressant aux Filles de la Charité, il appelle également l'Eucharistie «le centre de la dévotion ». Ici, l'influence de François de Sales sur Vincent semble évidente. François met l'accent sur le cœur, décrivant la dévotion comme amour prompt, désireux, actif. Ceci contraste légèrement avec l'utilisation plus sobre de Bérulle du terme « religion ». Saint Vincent a intégré la pensée et le vocabulaire de Bérulle et de François en parlant de l'Eucharistie.

2.C'est une semence de résurrection

Rappelant le sixième chapitre de l'évangile de saint Jean, Vincent déclare que nous parviendrons à la vie nouvelle et éternelle si nous sommes nourris par le corps et le sang du Seigneur. Il rappelle à ses auditeurs, cependant, qu'ils ne doivent pas simplement recevoir l'Eucharistie, mais qu'ils doivent bien la recevoir. Citant les mots de saint Paul, il déclare que ceux qui reçoivent l'Eucharistie indignement sont coupables de la mort du Seigneur.

Son insistance sur l'Eucharistie en tant que partage de la vie de Jésus ressuscité est plutôt frappant puisque, tandis que saint Vincent parle souvent de la croix, les références à la résurrection sont relativement rares dans ses travaux. Dans le deuxième des deux premiers sermons sur la Communion, Vincent, parlant du Dernier Repas et en faisant également une allusion au chapitre sixième de saint Jean, déclare : « …par où nous concluons que nous ressusciterons et que nous aurons la vie éternelle » si nous participons au repas du Seigneur.

3.Ce n'est pas le prêtre seul qui offre le sacrifice Eucharistique. Tous ceux qui participent le font aussi

Vincent insiste très fortement sur les dispositions de ceux qui s'associent à l'Eucharistie. Il dit aux Filles de la Charité d'aller à la messe chaque jour, mais de le faire avec grande dévotion. Il leur rappelle l'exemple de Madame Pavillon, dont chacun a admiré la dévotion dans sa paroisse. Elle marchait en présence de Dieu, dit-il. Quand elle était à la messe, elle semblait presque insensible à tout autre chose.

Dans ce contexte, Vincent exprime son désir que les sœurs soient bien instruites au sujet de la signification de l'Eucharistie. En termes qui s'accordent bien avec un contexte post Vatican II, il insiste sur l'importance d'une participation active, disant que tous ceux qui participent à l'Eucharistie offrent le sacrifice du Seigneur, pas simplement le prêtre.

Pour encourager d'autres à bien participer à l'Eucharistie, Vincent met fortement l'accent sur la préparation. Avec des images charmantes, il dit dans un de ces sermons :

« Celui qui a à recevoir un plus grand que soi est en une peine et un soin extrême à penser à le recevoir dignement. Il accommode son logis, le nettoie, le tapisse, le range, donne ordre que rien n'y soit de vilain. Faut qu'il envoie à la boucherie pour de la chair, à la chasse pour la venaison, et mille autres soins qu'il a. Mais, pour Notre-Seigneur, rien n'est nécessaire de tout cela : point de travail, ni d'embarras ; mais, sans se mouvoir, chacun se peut disposer, pensant seulement en son cœur à vider les ordures de son âme par une contrition et à faire une ferme proposition de ne plus offenser Dieu ».

4. L'Eucharistie implique louange et action de grâce

Vincent encourage les prêtres et les frères de la Congrégation à utiliser la célébration de l'Eucharistie comme occasion de rendre grâce à Dieu pour les dons quotidiens qu'il accorde à la Congrégation. Il parle de l'Eucharistie comme source de « louange et de gloire ».

Il dit aux Filles de la Charité que, si nous participons bien à l'Eucharistie, nous serons attentifs à rendre grâce à Dieu. Vincent ajoute que, si nous sommes fidèles à rendre grâce à l'Eucharistie, et ainsi nous attirerons toujours nouvelles grâces de Dieu pour monter à un plus haut degré de perfection et d'amour.

5.C'est une nourriture et un remède, une école d'amour et une source de paix.

Vincent emploie fréquemment le mot « nourriture » quand il parle de l'Eucharistie. Juste comme le pain et le vin nourrissent le corps, de même les offrandes consacrées nourrissent l'âme.

Pour Vincent l'Eucharistie est également un antidote, une médecine, un remède pour notre faiblesse spirituelle. Il décrit également l'Eucharistie comme source de pardon pour les pécheurs. Vincent déclare que l'Eucharistie est « le remède le plus efficace » contre les maladies spirituelles.

Il dit aux Filles de la Charité qu'elles doivent aller à l'Eucharistie pour apprendre « l'amour, le support mutuel, et la cordialité ». À l'école de l'Eucharistie elles apprendront toutes les vertus nécessaires pour aider les pauvres.

Parlant de l'Eucharistie, saint Vincent dit aux Filles de la Charité : « Quelle grâce, mes filles ! être assuré d'être regardé de Dieu, considéré de Dieu, aimé de Dieu ! ».

Il dit également aux Filles de la Charité que l'Eucharistie sera pour elles une source de paix et de tranquillité de cœur. Elle leur donnera l'assurance qu'elles sont vraiment unies à Dieu. Au contraire, saint Vincent les met souvent en garde de ne pas recevoir la Communion quand les sœurs vivent dans la discorde,citant Matthieu 5, 23-24 : « Si vous apportez votre offrande à l'autel et que là vous vous rappelez- que votre frère ou sœur a quelque chose contre vous, laissez votre offrande à l'autel, allez d'abord vous réconcilier avec votre frère ou sœur, et ensuite venez présenter votre offrande ».

6.Elle nous fait devenir une même chose avec Dieu

Vincent dit aux Filles de la Charité que, si nous recevons bien l'Eucharistie, nous devenons « une même chose » avec Dieu. Il s'exprime d'une manière très éloquente : « Un des biens qui nous arrivent en suite d'une communion bien faite, c'est, mes filles, de devenir une même chose avec Dieu. Quoi ! Une pauvre Fille de la Charité, qui avant sa communion était ce qu'elle est, c'est-à-dire très peu de chose d'elle-même, devient une même chose avec Dieu ! Ah ! mes filles, qui voudrait négliger ce bien ! Oh ! quelle grâce ! Que pensez-vous que ce soit, mes filles, sinon les arrhes d'une éternité bienheureuse ! Pourrions-nous comprendre, mes chères sœurs, quelque chose de plus grand ! Oh ! non, cela ne se peut qu'une pauvre chétive créature soit unie à un Dieu ; oh ! qu'il soit béni à jamais » !

  1. 7. Elle est source d'évangélisation effective

Vincent dit aux Filles de la Charité que c'est à l'Eucharistie qu'elles apprendront vraiment comment aimer : « Allez à l'Eucharistie au nom de Dieu ! C'est là que vous devez aller afin d'étudier l'Amour ! » Il leur dit également : « Quand vous verrez une Sœur de la Charité servir les malades avec amour, douceur, grand soin, vous pourrez dire hardiment : `cette sœur a bien communié' ». De même, il dit aux membres de la Congrégation : « Ne sentez-vous pas, mes frères, ne sentez-vous pas ce feu divin brûler dans vos poitrines, quand vous avez reçu le corps adorable de Jésus-Christ dans la communion ? ».

Saint Vincent dit souvent aux Filles de la Charité qu'elles devraient servir les pauvres non seulement corporellement, mais aussi spirituellement. L'Eucharistie leur fournira la sagesse et le courage dont elles ont besoin pour apporter les mots de la foi, l'espoir et la consolation à ceux qui sont abandonnés. Dans une conférence donnée le 22 janvier 1646, saint Vincent déclare : « Pensez-vous, mes filles, que Dieu attende de vous seulement que vous portiez à ses pauvres un morceau de pain, un peu de viande et de potage et des remèdes ? Oh ! nenni, mes filles, ce n'a pas été là son dessein en vous choisissant pour lui rendre le service que vous lui rendez en la personne des pauvres ; il attend de vous que vous pourvoyez à leurs besoins spirituels, aussi bien qu'aux corporels. Il faut la manne spirituelle, il leur faut l'esprit de Dieu ; et où le prendrez-vous pour le leur communiquer ? C'est, mes filles, dans la sainte Communion».

8.La disposition fondamentale pour célébrer l'Eucharistie consiste en « une vive appréhension du grand amour que Dieu nous a témoigné en ce sacrement et une réciprocation et correspondance d'amour de notre côté »

Fondamentalement, saint Vincent demande instamment à ceux qui célèbrent l'Eucharistie d'avoir l'esprit du Christ, déclarant que nous devons nous conformer nous-mêmes, autant que possible, à Jésus comme lui-même s'est offert en sacrifice à son Père éternel.

Et insistant sur ce point à la fin d'une conférence aux Filles de la Charité le 22 octobre 1646, saint Vincent prie à haute voix :

Mon Seigneur et mon Dieu, Jésus-Christ mon sauveur, le plus aimable et le plus aimant de tous les hommes, qui incomparablement plus que tous ensemble avez pratiqué le plus de charité et le support, qui avez reçu le plus de torts et d'affronts et qui en avez moins eu de ressentiment, écoutez, s'il vous plaît, la très humble prière que nous vous faisons, à ce qu'il vous plaise départir à la Compagnie l'esprit de charité dont vous avez été embrase, et l'esprit de douceur et de support que vous avez eu envers vos ennemis, afin que, par la pratique de ces vertus, les desseins éternels de l'adorable volonté de Dieu soient accomplis sur elle, afin qu'elle puisse glorifier Dieu en vous imitant, et gagner, par son exemple, les âmes à votre service, et surtout, mon Dieu, afin que, par le mutuel support, cette Compagnie vous soit agréable ».

Saint Vincent souligne que l'Eucharistie doit être offerte, dans le même esprit par lequel Jésus s'est offert à son Père. Dans une conférence aux prêtres et aux frères de la mission, Vincent déclare que, en célébrant l'Eucharistie, nous devons avoir, autant que possible, les dispositions que Jésus lui-même a eues en offrant son sacrifice. Ici encore il revient au thème de la dévotion, déclarant que nous ne devons pas simplement célébrer l'Eucharistie, mais que nous devons le faire avec la plus grande dévotion possible.

II.Quelques changements de perspectives entre les 17ème et 20ème siècles

D'énormes changements ont eu lieu dans la théologie de l'Eucharistie depuis le temps de saint Vincent. Il a vécu après le Concile de Trente quand la théologie, à la fois du côté catholique et protestant, avait une tonalité résolument polémique. Nous vivons dans une période œcuménique où les partenaires en dialogue ont entrepris de développer une plus grande compréhension mutuelle.

Pendant la vie de saint Vincent une violente polémique eut lieu au sujet de la communion fréquente, un problème résolu définitivement seulement au début du 20ème siècle. Un ami de saint Vincent, l'Abbé de Saint-Cyran, tombant sous le charme du Jansénisme, est devenu un des principaux partisans défendant la nécessité d'être dans des dispositions extrêmement pures pour recevoir la communion et par conséquent la nécessité de continuer à la différer. Vincent fut invité à témoigner contre lui en 1639. En 1648 Vincent écrivit une longue lettre à Jean Dehorgny dans laquelle il réfute, avec beaucoup de détails, la doctrine présentée par un autre partisan du Jansénisme, Antoine Arnauld, dans son livre sur la Communion Fréquente, dans lequel ce dernier reprend plusieurs idées de Saint-Cyran. Il est intéressant de noter que saint Vincent, contrairement aux courants de son temps, recommandait la communion fréquente et même quotidienne. Pour être bref, laissez-moi mentionner ici juste trois changements de perspective les plus significatifs qui ont influencé cette question entre les 17ème et 20ème siècles.

1 Études scripturaires modernes.

Depuis le temps de saint Vincent, la méthodologie dans l'interprétation biblique a bien changé. Un certain nombre de facteurs ont contribué à ce changement : la redécouverte d'anciens textes pré-bibliques, bibliques, et post-bibliques ; l'élaboration d'une méthodologie historico-critique ; la recherche archéologique ; et le dialogue œcuménique en ce qui concerne les questions bibliques, en particulier avec les principales églises protestantes. Ces développements ont conduit à une compréhension plus profonde de nombreux textes bibliques, y compris ceux avec un arrière plan hébraïque en ce qui concerne les repas d'action de grâce et les récits eucharistiques dans le Nouveau Testament.

Nous avons retiré les avantages de ces changements surtout dans la dernière partie du 20ème siècle. Dans la tradition catholique, l'encyclique Divino Afflante Spiritu (1943) a ouvert la porte à des études bibliques riches et renouvelées, qui à leur tour ont influencé de manière significative la Constitution Dogmatique de Vatican II sur la Révélation Divine (Dei Verbum), la Constitution sur la Liturgie Sacrée (Sacrosanctum Concilium), et la Constitution Dogmatique sur l'Église (Lumen Gentium). Ces documents ont mis très fortement l'accent sur la parole révélée, sur l'unité entre la parole et le sacrement, sur le rapport entre l'Église et le sacrement, et sur l'Eucharistie en tant que célébration active et qui nous fait participer à la mort et à la résurrection du Seigneur.

2Le mouvement liturgique

Saint Vincent montrait beaucoup d'intérêt à la liturgie. Il avait remarqué que les prêtres de son époque célébraient souvent mal la messe et qu'ils savaient à peine confesser. En ce qui concerne les retraites des ordinands, il demanda qu'ils reçoivent l'instruction nécessaire pour bien célébrer la liturgie. Mais, dans ce contexte, il restait encore bien un homme de son temps. L'insistance de l'époque était sur l'observance exacte des rubriques. L'accent était peu placé sur la liturgie comme « célébration commune ». La liturgie était la plupart du temps un exercice privé; dans des maisons de la communauté, les prêtres célébraient des messes privées chaque jour, peut-être avec un servant. La liturgie était plus souvent considérée comme un élément de la « piété personnelle » du prêtre que de la conduite d'une communauté locale en prière.

Le mouvement liturgique, qui a commencé dans la dernière partie du 19ème siècle, a visé à favoriser la participation pleine et active de tous les membres de l'assemblée chrétienne, chacun selon son rôle. Par des efforts constants, des professeurs et des pasteurs comme Prosper Guéranger, Lambert Beaudoin, Virgil Michel, Joseph Jungmann, Balthasar Fischer, H. A. Reinhold, Martin Hellriegel, Godfrey Diekmann, Frederick McManus Annibale Bugnini, Carlo Braga, et beaucoup d'autres ont progressivement renouvelé l'enseignement liturgique et la pratique liturgique. Les réformes qu'elles ont favorisées ont été adoptées par Vatican II dans la Constitution de la Liturgie Sacrée.

Le mouvement liturgique et la mise en œuvre de la Constitution sur la Liturgie ont considérablement changé considérablement les attitudes et les pratiques. La Constitution sur la Liturgie a proclamé la Liturgie comme le sommet vers lequel l'action de l'Église tend et en même temps source d'où émane toute vertu.L'énergie énorme que l'Église a investie dans la réforme liturgique au cours de la dernière moitié du siècle démontre le rôle extrêmement important qu'elle tient dans la vie de la communauté chrétienne.

Dans la pratique, la dernière partie du 20ème siècle a connu des changements remarquables en ce qui concerne la célébration de l'Eucharistie : le nouveau rite de la messe, la liturgie en langue vernaculaire, la concélébration, la communion sous les deux espèces, une variété de prières Eucharistiques, un choix plus riche de lectures bibliques, et beaucoup d'autres.

3.Dialogue œcuménique

Au cours de ces 25 dernières années des avancées notables ont été réalisées dans l'établissement de ponts et dans l'enrichissement mutuel en ce qui concerne les points de vue théologique Catholique, Luthérien et Méthodiste au sujet de l'Eucharistie. La théologie Eucharistique de l'Église orthodoxe, avec son insistance sur la communion (koinonia) a permis de progresser considérablement dans ce dialogue. À partir de cette perspective théologique l'Église célèbre et rend effective, par l'Eucharistie, sa communion avec le Père, dans le Fils, par la puissance de l'Esprit Saint. Par le don de l'amour Eucharistique du Christ, l'Église est libérée du péché et ses membres sont unis entre eux et à Dieu. La communauté, rassemblée par l'Esprit Saint, se réunit à la table de l'Eucharistie pour célébrer un sacrement qui fait mémoire de la mort et de la résurrection salvatrices du Christ.

Grâce au dialogue œcuménique beaucoup de divergences de longue date entre les églises en ce qui concerne la théologie Eucharistique ont déjà été surmontées, et une atmosphère autrefois polémique a été en grande partie dissipée, au moins parmi les Catholiques, les Orthodoxes, et beaucoup d'églises de tradition protestante.

III. Quelques réflexions, dans un contexte Vincentien, sur l'Eucharistie aujourd'hui

Les nouvelles Constitutions de la Congrégation de la Mission et des Filles de la Charité fournissent un recueil succinct, et bien-exprimé de la théologie Eucharistique de Vatican II. Le texte pour la Congrégation de la Mission s'exprime de cette manière :

Que notre vie s'oriente vers la célébration quotidienne de la Cène du Seigneur comme vers son point culminant : car d'elle, en effet, comme d'une source, que provient la puissance de notre activité et de communion fraternelle. Par la célébration de l'Eucharistie, nous reproduisons la mort et la résurrection du Christ, nous devenons hostie vivante dans le Christ, nous signifions et réalisons la communauté du peuple de Dieu .

Les Constitutions des Filles de la Charité disent :

Les Sœurs sont conscientes de l'importance vitale de l'Eucharistie. C'est autour de l'Eucharistie, centre de leur vie et de leur mission, que se fait chaque jour leur rassemblement essentiel. C'est là que les chrétiens « sont formés par la Parole de Dieu, se restaurent à la table de Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu » (Sacrosanctum Concilium, 48). Dans la louange à Dieu, l'écoute de sa Parole, la supplication, elles n'agissent pas seulement en leur nom, mais elles portent les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses de toute l'humanité (Gaudium et Spes, 1). Elles s'offrent elles-mêmes avec Jésus-Christ dans le mystère de son sacrifice Pascal, pour que finalement Dieu soit tout en tous.

En plus de ces textes, je propose ci-dessous quelques réflexions actuelles sur l'Eucharistie pour les membres de notre famille Vincentienne, sous six rubriques :

  1. Rassemblement dans l'Esprit

Il est essentiel que la théologie de l'Eucharistie soit fermement enracinée dans les Écritures, dans les grandes prières eucharistiques, et dans l'accompagnement des actions symboliques que l'Église a célébrées et nous a transmis depuis près de deux millénaires.

En partant de ces sources, nous sommes aujourd'hui très conscients que le Repas du Seigneur est le sacrement de l'Église, rassemblée dans l'Esprit pour proclamer la mort et la résurrection du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne.

Les premières prières Eucharistiques des Églises Orientales et Occidentales ont en commun, avec quelques variations, la même structure de base : souvenir du Seigneur (anamnesis) et invocation de l'Esprit Saint (epiclesis).Le récit de l'institution de l'Eucharistie de Jésus se trouve au centre théologique de toutes les grandes prières eucharistiques : « La nuit où il a fut livré, il prit le pain, le bénit, le rompit… » Ce récit raconte la raison pour laquelle nous nous souvenons (anamnesis) : l'ordre de Jésus « de faire ceci en mémoire de moi» ; il représente également ce que nous nous rappelons : le repas d'adieu de Jésus avec ceux qu'il « a aimés jusqu'au bout ». En lien avec ce récit (parfois avant lui et parfois après lui), la communauté de prière implore (epiclesis) Dieu le Père d'envoyer son Esprit Saint pour sanctifier les dons eucharistiques et tous ceux qui les reçoivent.

Les prières eucharistiques traditionnelles ont également une forme littéraire commune : elles sont adressées au Père comme source de tous les dons. Avec reconnaissance, ceux qui sont rassemblés remercient le Père de tout ce qu'il nous a donné dans le Christ (souvenir - mémorial), tout en l'invitant (invocation) à répandre son Esprit pour sanctifier les dons du pain et du vin, leurs destinataires, et toute l'humanité.

Une des plus récentes Prières Eucharistiques illustre très clairement les éléments structuraux de base trouvés dans les premières Prières (souvenir et invocation), aussi bien que leur forme littéraire commune d'adresse (au Père).

Père tout puissant et miséricordieux, nous te le demandons :

Envoie ton Esprit Saint

pour sanctifier ces dons de pain et de vin,

afin qu'ils deviennent pour nous

le corps et le sang de notre Seigneur, Jésus Christ.

La veille de sa passion et de sa mort,

alors qu'il était à table avec ceux qu'il aimait,

il prit le pain...

Tandis que la liturgie et la théologie contemporaines insistent très fortement sur l'Esprit Saint, saint Vincent, qui, comme beaucoup d'autres de son temps, était profondément christologique, se concentre très peu sur la « pneumatologie ». Ses écrits parlent rarement de l'Esprit Saint et, même lorsqu'ils le font, ces références sont faites en passant et ne sont pratiquement pas développées.

Les écrits de sainte Louise, d'autre part, mettent souvent en valeur le rôle de l'Esprit, ce qui est à noter dans le contexte de l'époque. Son expérience de Pentecôte en 1623 fut un tournant dans sa vie et fait partie de l'héritage spirituel qu'elle a transmis aux Filles de la Charité .

La focalisation de Louise sur l'Esprit Saint est si frappante que Calvet écrit : « J'ose risquer le mot `pneumo-centrisme' pour caractériser la spiritualité de Louise de Marillac. Elle est complètement livrée à l'Esprit. C'est une mystique de l'Esprit. Je cite simplement pour le lecteur - ajoute Calvet - ces mots : `L'Esprit nous remplit du pur amour de Dieu - l'Esprit nous rend dociles à Dieu et nous rend capables de vivre la vie divine' ».

Et encore, le « pneumo-centrisme » de Louise n'est pas spécifiquement lié à l'Eucharistie ; il est davantage une facette de sa spiritualité personnelle propre.

2. Rappel des actes de salut de Dieu dans la Parole et le Sacrement.

Nous savons par l'anthropologie que l'identité d'un peuple repose sur son histoire. Les nations racontent les histoires de leurs fondateurs ou d'une lutte révolutionnaire qui leur a apporté la liberté. De telles histoires sont commémorées au cours des jours de fêtes et racontées à la maison et dans les livres scolaires et d'histoire. Souvent, une Constitution raconte les principes directeurs qui ont donné naissance à une nation et qui assureront sa continuité. Pour les religions, des histoires fondatrices sont racontées à plusieurs reprises par des croyants à la maison, dans les églises et les écoles et dans les livres comme la Bible ou le Coran.

L'Église repose sur le récit de la mort et de la résurrection du Seigneur, que l'Eucharistie reproduit. Elle lie à ce récit beaucoup d'autres histoires qui lui sont apparentées : de l'Ancien Testament, de la vie de Jésus, de la première communauté chrétienne, des premières missions des apôtres, d'autres types de textes accompagnent également le récit : littérature de sagesse, paraboles, hymnes de louange et les histoires des grands témoins de la foi.

La célébration de l'Eucharistie rappelle donc, les actions salvatrices de Dieu par la parole et les rites sacramentels. La parole et le sacrement sont intimement liés ; en fait, tous les sacrements emploient des mots pour accompagner et exprimer la signification des signes rituels. Pour cette raison, le rituel de la table de l'Eucharistie est toujours accompagné par de l'histoire et de la prière vocale.

Pour les membres de la famille Vincentienne, il est important de noter l'accent très fort que saint Vincent a mis sur la Parole de Dieu. Il était convaincu que la Parole de Dieu ne fait jamais défaut. C'est comme une « maison construite sur le roc ». Il commence souvent les chapitres des Règles qu'il a écrites, et beaucoup de paragraphes particuliers, par une citation de la Bible. Il demande que les membres de ses communautés lisent un chapitre du Nouveau Testament chaque jour. Dans un passage pittoresque, Abelly, son premier biographe, fait remarquer combien saint Vincent était attaché à écouter la Parole de Dieu : « Il semblait sucer le sens des passages de l'Écriture comme un enfant le lait de sa mère, et en tirait la moelle et la substance pour en sustenter et nourrir son âme; ce qui faisait qu'en toutes ses actions et paroles il paraissait tout rempli de l'esprit de Jésus-Christ ». Dans une conférence sur les « Enseignements de Évangile », donnée aux membres de la Congrégation de la Mission le 14 février 1659, Vincent présente Marie comme auditrice idéale de la Parole de Dieu. « Qui, mieux que nul autre », dit-il, « en a pénétré la substance et montré la pratique ».

Encore une fois, cependant, le contexte de cette focalisation sur la Parole n'est pas précisément l'Eucharistie mais, plutôt la lecture privée de la Bible.

3La grande prière commémorative d'action de grâces et d'intercession.

Fondamentalement, le mot Eucharistique signifie « action de grâces ». Le Nouveau Testament répète le mot souvent et précisément avec cette signification.

En fait, le premier nom trouvé dans le Nouveau Testament désignant l'Eucharistie est le Repas du Seigneur. Un second et plus tardif nom dans le Nouveau Testament est la « Fraction du Pain ». Comme le mot Eucharistie ces noms mettent en évidence également des aspects importants de la spiritualité exprimée par les rites. L'expression « Repas du Seigneur » identifie le symbole fondamental de la Célébration Eucharistique : c'est un repas d'adieu dans lequel le Seigneur lui-même est présent au milieu de son peuple. L'expression « Fraction du Pain » fait ressortir l'Eucharistie en tant qu'acte de partage dans lequel le Seigneur communique sa vie à ses disciples et dans lequel ils sont unis les uns aux autres en lui.

Mais depuis les premiers temps les chrétiens ont considéré l'Eucharistie comme repas d'action de grâces, en continuité avec les repas et les prières hébraïques semblables. Le célébrant commence chaque prière eucharistique en proclamant :

Célébrant : Rendons grâce au Seigneur notre Dieu

Assemblée : Il est juste de lui rendre grâce et de le louer

Célébrant : Père, Dieu tout puissant et éternel, il est bon de te rendre grâce toujours et partout

Toutes les prières eucharistiques classiques expriment des paroles de gratitude envers Dieu le Père, en mettant l'accent sur les dons de la création et de la rédemption. Elles sont axées sur le don de son Fils, qui a donné sa vie pour tous ceux qu'il aime.

Comme cela a été mentionné dans la première partie de cet article (I, 4), la gratitude est un des thèmes que saint Vincent aborde en parlant ou en écrivant au sujet de l'Eucharistie, mais son insistance ne retombe pas précisément sur la prière eucharistique comme prière d'action de grâces pour l'amour fidèle de Dieu dans toute l'œuvre de la création et de la rédemption. Il encourage plutôt les confrères et les sœurs à remercier Dieu, quand ils participent à l'Eucharistie, pour les dons qu'eux-mêmes et leurs communautés ont reçus. Cependant, l'action de grâces est un thème très important dans la vie et la prière de saint Vincent. Avec beaucoup de force, il dit que l'ingratitude est le « crime des crimes ».

4 .Mémorial de la mort sacrificielle de Jésus.

Dans les Prières Eucharistiques le célébrant proclame les paroles du Seigneur : « Ceci est mon corps qui est livré pour vous » et «ceci est la coupe de mon sang... qui sera versé pour vous et pour la rémission des péchés ».

L'Eucharistie proclame un corps livré, et un sang versé. Elle reproduit le don que le Seigneur nous a fait de lui-même. La Célébration Eucharistique nous entraîne dans le mystère de la foi dans lequel Christ est mort, Christ est ressuscité, et Christ reviendra. Elle proclame la mort du Seigneur jusqu'à ce qu'il vienne, tout en nous entraînant dans l'amour de Jésus qui se donne lui-même.

Dans l'Eucharistie nous croyons que le Seigneur se donne lui-même à nous dans toute sa personne, corps et sang, parce qu'il nous aime. Il partage avec nous l'intimité de l'amitié la plus profonde, nous donnant sa vie, son esprit, son cœur. Il est vraiment et entièrement présent à nous et en nous dans l'amour qui se donne.

Saint Vincent met clairement l'accent sur l'Eucharistie comme sacrifice. Il écrit dans les Règles Communes de la Congrégation de la Mission : « Et d'autant que, pour bien honorer ces mystères, (la Trinité et l'Incarnation) que la dévotion appropriée, et l'utilisation, de la Sainte Eucharistie, sacrement et sacrifice. Elle comprend, comme s'ils y étaient, tous les autres mystères de la foi et d'elle-même conduit ceux qui reçoivent la Communion avec respect ou qui célèbrent la messe correctement, à la sainteté et, finalement, à la gloire éternelle. De cette manière, le plus grand honneur est rendu à Dieu, Un et Trine, et au Verbe Incarné ». Vincent est tellement convaincu de l'impact de ce «sacrement et sacrifice » qui nous conforme au Christ qu'il recommande constamment aux prêtres et aux frères de la Mission ainsi qu'aux Filles de la Charité de participer quotidiennement à la célébration de l'Eucharistie, comme le stipulent les Constitutions des deux groupes.

Comme cela a été noté dans la première section de cet article, Vincent souligne fortement que ce n'est pas simplement le prêtre qui offre le sacrifice à l'Eucharistie, mais tous les participants.

5. Communion au Corps et au Sang du Christ.

Le symbole de base des éléments de l'Eucharistie est nourriture et boisson. Comme le dit l'Évangile de Jean: « Ma chair est la vraie nourriture et mon sang est la vraie boisson. Celui qui mange ma chair et boit mon sang vit en moi et moi en lui ». L'Eucharistie est un repas dans lequel Jésus nous offre la nourriture pour le pèlerinage de la vie. C'est le pain des voyageurs, source de force pour le peuple de Dieu dans notre marche vers le Royaume.

La structure de la célébration et les paroles des prières Eucharistiques traditionnelles mettent en valeur que cette action sacramentelle, un repas commémoratif, aboutit à manger et à boire : « Prenez et mangez », « Prenez et buvez ». Ainsi nous entrons dans une communion plus profonde avec le Seigneur et, par lui les uns avec les autres comme son peuple.

Les écrits de saint Vincent mettent très fortement l'accent sur la communion: communion avec le Seigneur dans l'Eucharistie, communion les uns avec les autres en communauté, et communion avec les pauvres. Contrairement aux Jansénistes, il met en valeur la communion fréquente, déclarant que l'Eucharistie nous rend « comme Jésus Christ » et nous unit les uns avec les autres dans son amour.

Les pratiques recommandées par saint Vincent, comme les visites au Saint Sacrement et l'adoration du Saint Sacrement exposé (dont on voit une image en tête de la première édition des Règles Communes de la Congrégation en 1658, accompagnée des mots « O Salutaris Hostia »), sont des manières de mettre l'accent sur la communion avec le Seigneur à d'autres moments de la journée, en plus de la célébration de l'Eucharistie. Les constitutions actuelles de la Congrégation de la Mission les recommandent et/ou d'autres formes de « dévotion eucharistique » comme prolongements de la piété eucharistique.

6Une communauté envoyée particulièrement aux pauvres.

Si les symboles sont nourriture et boisson dans le contexte d'un repas sacrificiel qui rappelle la mort de Jésus jusqu'à son retour, alors le but c'est l'unité dans la vie du Seigneur et l'unité dans sa mission. Paul écrit aux Corinthiens: « Nous sommes plusieurs, mais nous devenons un seul corps car il n'y a qu'un seul pain et tous, nous participons du même pain ». La Didache, écrite autour de 107, dit: « Juste comme ce pain que nous rompons, autrefois dispersé par les collines, a été rassemblé pour ne faire qu'un, ainsi que votre Église soit rassemblée des extrémités de la terre dans le Royaume ».

La vie du Seigneur nous pousse à la mission, particulièrement envers les plus pauvres des pauvres. La préface n°I des nouvelles Prières Eucharistiques l'exprime d'une manière tout à fait éloquente :

Père miséricordieux, Dieu fidèle

Il est bon de te louer.

Tu as envoyé ton fils Jésus Christ parmi nous

comme Rédempteur et Seigneur.

Il fut pris de compassion

pour les pauvres et les petits,

pour les malades et les pécheurs ;

il s'est rendu proche des opprimés.

Par ses paroles et par ses actions il a proclamé au monde

que tu prends soin de nous comme un père prend soin de ses enfants.

Il est très important de ne pas séparer le récit de l'Eucharistie des autres discours du Nouveau Testament au sujet de la Table Chrétienne. Les Évangiles de Luc et le livre des Actes nous aident à situer l'Eucharistie dans le contexte d'une réunion au cours de laquelle la Parole, la prière, la nourriture, et les biens étaient partagés. Luc nous dit dans son Évangile : « Lorsque tu prépares un déjeuner ou un dîner... invite les mendiants les estropiés, les boiteux et les aveugles. Heureux seras-tu s'ils n'ont pas les moyens de te le rendre, car on te le rendra à la résurrection des justes » Dans le livre des Actes, il écrit : « Ils étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la vie commune, à la fraction du pain et aux prières... Tous les croyants étaient rassemblés et mettaient tout en commun ; ils vendaient leurs propriétés et ce qu'ils possédaient et les partageaient entre eux tous selon les besoins de chacun. Chaque jour ils étaient assidus à se rassembler dans le temple et à la fraction du pain dans leurs maisons. Ils mangeaient leurs repas dans la joie et la simplicité du cœur, louant Dieu et tout le peuple leur était favorable .

Saint Jean Chrysostome met l'accent sur le rapport entre l'Eucharistie et les pauvres avec des paroles provocantes :

Souhaitez-vous honorer le corps du Christ ? Alors ne le méprisez pas quand vous le voyez nu parmi les pauvres ; vous ne devriez pas l'honorer ici, dans le temple, avec des offrandes de fantaisie, si quand vous partez vous le laissez au froid et nu parce que celui qui a dit, « Ceci est mon corps » et qui réalise tout ce qu'il a dit, a affirmé également : « J'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger, » et plus tard, « ce que vous n'avez pas fait à l'un de ces petits, c'est à moi que vous ne l'avez pas fait.

Aujourd'hui alors que l'Église met l'accent d'une manière renouvelée sur son option préférentielle pour les pauvres, l'Eucharistie devrait renouveler nos liens avec les pauvres de notre propre communauté aussi bien qu'avec ceux qui sont loin. Paul, ayant été envoyé en mission par le Concile de Jérusalem pour prêcher l'Évangile aux païens, déclare : « Nous devions seulement ne pas oublier leurs pauvres, et cela, j'en ai toujours eu le souci ».

Comme il est mentionné dans la première partie de cet article (I, 7), Vincent a vu l'Eucharistie comme source d'évangélisation efficace. En d'autres termes, l'Eucharistie, dans son esprit, est reliée à la vie et à la mission. C'est la source de l'énergie du missionnaire et des vertus du missionnaire que ses disciples doivent apporter au service des pauvres.

Il est clair que la perspective théologique de saint Vincent sur l'Eucharistie était, comme on pouvait s'y attendre, influencée par son époque, néanmoins, elle a des tonalités qui sonnent tout à fait bien aux oreilles d'un professeur ou d'un prédicateur des temps modernes. Il insiste sur la nécessité pour tous d'y participer activement. Il met en valeur non seulement la mort du Seigneur mais également sa résurrection. Il souligne l'importance de la louange et de l'action de grâces dans l'Eucharistie. Il voit l'Eucharistie comme nourriture et remède pour notre voyage comme pèlerins. Il pousse à communier fréquemment, insistant sur le fait que la réception du Corps et du Sang du Seigneur est source d'union avec lui et entre nous, et source de notre mission, particulièrement envers les pauvres.

Avec sa clarté de vision pratique habituelle, Vincent a reconnu et répété à plusieurs reprises que les bonnes dispositions sont cruciales pour ceux qui participent à l'Eucharistie. Ceux qui participent mal ne gagnent rien ; ceux qui participent bien sont transformés.

Parlant avec éloquence au cours d'une conférence donnée le 18 août 1647, saint Vincent s'exclame en réponse à un commentaire d'une Fille de la Charité :

Oh ! la grande remarque, que la personne qui a bien communié fait tout bien ! Si Élie, avec son double esprit, faisait tant de merveilles, que ne fera point la personne qui a Dieu en soi, qui est remplie de Dieu ! Elle ne fera pas ses actions, elle fera les actions de Jésus-Christ, elle servira les malades avec la charité de Jésus-Christ, elle aura dans sa conversation la douceur de Jésus-Christ, elle aura dans ses contradictions la patience de Jésus-Christ; elle aura l'obéissance de Jésus-Christ. Bref, mes filles, toutes ses actions ne seront point les actions d'une pure créature, ce seront les actions de Jésus-Christ.

16 Janvier 2003

(Traduction : Noël Kieken, C.M.)

SV XI, 146

SV XI 146

Il est assez surprenant de noter que la biographie sur saint Vincent et l'Eucharistie n'est pas très fournie. J'ai trouvé les travaux suivants qui peuvent être utiles : Rafaël Sáinz, « Eucaristía » dans Diccionario de Espiritualidad Vicenciana (Salamanca : CEME, 1995) 227-232 ; Jean-Pierre Renouard, « l'Eucharistie à la lumière de la spiritualité de saint Vincent » dans Bulletin des Lazaristes de France (N°178 ; Juillet 2001) 16-29 ; Etienne Diebold « `Notre Héritage Eucharistique' selon saint Vincent » dans Bulletin des Lazaristes de France (N°79 ; Avril 1981) 1-10 ; Il y a quelques autres brèves études sur ce sujet dans des biographies de St Vincent et d'autres livres sur sa spiritualité.

SV XIII, 32.

SV IX, 5.

SV VI, 393.

Raymond Deville, l'École française de spiritualité (Paris : Desclée 1987) 103 - 104.

SV XIII, 32.

SV IX, 5.

André Dodin, François de Salle - Vincent de Paul, les deux amis (Paris O.E.I.L., 1984) 18.

On trouve une même insistance sur le mot « dévotion » dans les écrits de Jean Eudes. Cf. Bérulle et l'École Française, textes choisis, édités avec une introduction de William M. Thompson (New York : Paulist Press,1089) 39 ;

SV XIII, 34.

1 Co 11, 27-29.

Cf. Robert P. Maloney, Il entend le cri des pauvres (Hyde Park, New York : New City Press, 1995) 30-51.

SV XIII, 34.

SV IX, 5

Ibid.

Ibid.

SV XIII, 37.

SV XI, 165.

SV III, 371

SV IX, 339

SV XIII, 34

SV III, 371 ; XIII, 32

SV XIII, 34.

SV III, 371.

Ibid.

SV IX, 298.

Ibid.

SV IX, 333.

SV IX, 237.

SV IX 101.

SV IX, 237

SV IX, 237

SV IX, 239 ; cf. aussi IX, 339

SV III, 298.

SV IX, 333.

Abelly, livre III, chapitre VIII, 77

SV IX, 239

SV XIII, 31

SV XI, 93.

SV IX, 298-299

SV XI, 93.

Ibid.

SV IX, 5.

SV XIII, 86 et svts

SV III, 362

Les travaux les plus importants sur les Fondations Scripturaires de la Théologie Eucharistique sont : [Author ID1: at Wed Mar 5 10:11:00 2003 ]Xavier Léon Dufour, Partage du Pain Eucharistique : Le témoin du Nouveau Testament, traduction Matthew O'Connel (New-York : Paulist Press, 1987) ; Jean Delorme : L'Eucharistie dans le Nouveau Testament A Symposium, traduction E. M. Stewart (Baltimore : Helicon, 1964) : Joachim Jeremias, les Paroles eucharistiques de Jésus, traduction Norman Perrin (Philadelphia : Fortress Press, 1978) ; Edward J. Kilmartin, L'Eucharistie dans l'Église Primitive (Englewood Cliffs, New Jersey : Prentice Hall, 1965) ; Edward Schweizer, Le repas du Seigneur dans le Nouveau Testament, traduction : James Davis (Philadelphia : Fortress Press, 1968).

Pour un exposé très complet et détaillé de l'étape pré-Vatican II du mouvement liturgique ainsi que des étapes conciliaires et post-conciliaires, cf. Annibale Bugnini, La Réforme Liturgique (Rome CLV - Éditions Liturgiques, 1983).

Sacrosanctum Concilium 10

On peut facilement trouver les nombreux documents officiels sur ce sujet dans : Carlo Braga et Annibale Bignini, Documenta ad Instaurationem Liturgicam Spectantia Spectantia 1903-1963 (Rome : CLV - Edizioni Liturgiche, 2000).

Cf. « L'Eucharistie : Rapport Final de la Commission Commune Catholiques Luthériens, 1978, dans « -->Avancé[Author ID1: at Wed Mar 5 10:49:00 2003 ]e--> dans l'accord[Author ID1: at Wed Mar 5 10:49:00 2003 ] -->190-214[Author ID1: at Wed Mar 5 10:49:00 2003 ] ; Commission d'Étude Internationale Commune Luthérien-Catholique, « Église et Justification : Comprendre l'Église dans la Lumière de la Doctrine de la Justification, » n°3, 3, -->Service d'Information du Secrétariat pour la Promotion de l'Unité Chrétienne[Author ID1: at Wed Mar 5 10:55:00 2003 ] 86 (1994) 128-81, à 142-43.-->[Author ID1: at Wed Mar 5 10:55:00 2003 ]

CF Commission Internationale Commune pour Le Dialogue Théologique Catholique/Orthodoxe, « L'Église, l'Eucharistie et la Trinité » dans -->Origins[Author ID1: at Wed Mar 5 10:59:00 2003 ] 12 (1982) : 157-160.-->[Author ID1: at Wed Mar 5 10:59:00 2003 ]

-->Constitutions de la Congrégation de la Mission[Author ID1: at Wed Mar 5 11:03:00 2003 ] 45 § 1.

Constitutions des Filles de la Charité 2. 12.

Le lecteur pourra trouver utiles les travaux suivants au sujet de la théologie contemporaine de l`Eucharistie : Louis Bouyer, L'Eucharistie : la Théologie et la Spiritualité de la Prière Eucharistique, traduction Charles Underhill Quinn (Notre Dame, Indiana : Université de Notre Dame Press, 1968) ; Xavier Léon-Dufour, -->Le partage du pain Eucharistique : Le Témoin du Nouveau Testament[Author ID1: at Wed Mar 5 11:30:00 2003 ] Matthew O'Connell (New York : Paulist Press,1987); Enrico Mazza, -->Les Prières Eucharistiques dans le Rite Romain[Author ID1: at Wed Mar 5 11:33:00 2003 ] Traduction Mathew O'Connell ( New York : Pueblo Publishing Co.,1986); Nathan Mitchell, -->Culte et Contr[Author ID1: at Wed Mar 5 11:36:00 2003 ]o-->verse : L'adoration de l'Eucharistie en dehors de la Messe[Author ID1: at Wed Mar 5 11:36:00 2003 ] -->(New York[Author ID1: at Wed Mar 5 11:37:00 2003 ] Pueblo Publishing Co.,1982); David N. Power, Le Sacrifice que nous offrons : Le dogme du Concile de Trente et sa ré-interprétation (Edinburgh : T. et T Clark ; New York : Crossroad, 1987) ; Willy Rordorf: -->L'Eucharistie des Premiers Chrétiens[Author ID1: at Wed Mar 5 11:44:00 2003 ] Traduction Mathew O'Connell (New York : Pueblo Publishing Co., 1978); Edward Schillebeeckx, -->L'Eucharistie[Author ID1: at Wed Mar 5 11:47:00 2003 ] (New York : Sheed and Ward, 1968) ; Kevin Seasoltz, ed, -->Pain Vivant, Coupe du Salut : textes sur l'Eucharistie[Author ID1: at Wed Mar 5 11:50:00 2003 ], rev. Ed. (New York : Pueblo Publishing Co., 1987) . Beaucoup de bibliographies complètes sur la théologie de l'Eucharistie sont disponibles sur l'Internet Cf. : http://camellia.shc.edu/theology/TheologyEucharist.htm -->[Author ID1: at Wed Mar 5 11:50:00 2003 ]

David N. Power, « L'Eucharistie » dans -->Théologie Systématique, Perspectives Catholiques[Author ID1: at Wed Mar 5 11:58:00 2003 ] éd. par Francis Schüssler Fiorenza et John P. Galvin Mineapolis : Fortress, 1991) II, 261 et suiv. -->[Author ID1: at Wed Mar 5 11:59:00 2003 ]

Cf. Étude intéressante chez John H. Mc Kenna, L'Eucharistie et l'Esprit Saint (London: Alcuin Club) Collections N° 57, 19075) 46-47).

Jn 13, 1.

Edward Kilmartin, « Théologie Catholique de l'Eucharistie », dans Études Théologiques, Vol. 55, N° 3 Septembre 1994, 444.

Prière Eucharistique IV pour des Besoins et Circonstances variées : Jésus la compassion de Dieu

Article intéressant sur ce sujet, cf. Benito Martinez, « L'Esprit Saint dans le Dictionnaire de Spiritualité Vincentienne (Salamanque : CEME, 1995) 213-219.

Le jour de la Pentecôte, oyant la Sainte Messe ou faisant l'oraison à l'église, tout en un instant, mon esprit fut éclairci de ses doutes. Et (je) fus avertie que je devais demeurer avec mon mari, et qu'un temps devait venir que je serais en état de faire vœu de pauvreté chasteté et obéissance, et que je serais en une petite communauté où quelques-unes feraient le semblable. J'entendais lors être en un lieu pour servir le prochain, mais je ne pouvais entendre comme cela se pourrait faire à cause qu'il y devait avoir allant et venant. Je fus encore assurée que je devais demeurer en repos sur mon directeur et que Dieu m'en donnerait un qu'il me fit voir, ce me semble, et sentis répugnance d'accepter, néanmoins j'acquiesçai et me semblait que c'était pour ne pas encore devoir exécuter ce changement. (Ecrits Spirituels, 3 [A. 2])

Jean Calvet, Sainte Louise de Marillac par elle-même (Paris : Aubier,1958) 204-205.

RC II,1.

Abelly, Livre III, 72-73.

SV XII, 129.

Cf. 1 Cor 11, 24 ; Mc 8, 6 ; 14, 23 ; Mt 15, 36 ; 26, 27 ; Lc 22, 17 ; 24, 30 ; Jn 6, 11 ; Mc 6, 41 ; 14, 22 ; Mt 14, 19 ; 26, 26 ; Lc 9,15 ; 22, 19.

1 Co 11, 20.

Lc 24, 35 ; Actes 2, 42.

SV. III, 37.

RC X, 3.

RC X, 6 ; cf.SV IX, 5.

-->Constitutions de la Congrégation de la Mission[Author ID1: at Wed Mar 5 16:13:00 2003 ] 45 § 1 ; -->Constitutions des Filles de la Charité[Author ID1: at Wed Mar 5 16:14:00 2003 ] 2. 12.

Jn 6, 55-56. Alors que des savants débattent des origines ; et parfois du sens d'un certain nombre de versets chez Jean 6, 22-59, il y a peu de doute que la version finale de l'Évangile de Jean ait des références eucharistiques claires, surtout Jean 6, 51c-58. Cf Francis J. Moloney, « Théologie Johannique » dans -->Le Nouveau Commentaire Biblique Jérôme[Author ID1: at Wed Mar 5 16:26:00 2003 ] -->édité par Raymond E. Brown, Joseph A Fitzmeyer[Author ID1: at Wed Mar 5 16:27:00 2003 ], et Roland E. Murphy ( Englewood Cliffs, New Jersey : Prentice Hall, 1990) 1426.-->[Author ID1: at Wed Mar 5 16:27:00 2003 ]

SV IX, 238.

RC X, 3.

S 19.

1 Cor 10, 17

Didaché 9,4.

Il y a beaucoup de littérature intéressante sur la relation entre l'Eucharistie et la mission de l'Église envers les pauvres : Tissa Balasuriya, L'Eucharistie et la Libération humaine (Maryknoll, New York : Orbis Book, 1977) ; William T. Cavanaugh, La Torture et l'Eucharistie : La Théologie, la Politique et le Corps du Christ, Défis dans la Théologie Contemporaine (New York: Blackwell, 1998); James Dallen, “Liturgie et Justice pour Tous” dans Worship -->(Adoration)[Author ID1: at Thu Mar 6 10:44:00 2003 ]65 (1991) 290-306; James L. Empereur and Christopher G. Kiesling, La liturgie qui fait Justice, Theology and Life Series 33 (Collegeville, Minnesota: La Presse Liturgique [A Michael Glazier Book], 1990); Peter E. Fink, “The Challenge of God's Koinonia” in Worship 59 (1985) 386-404; John C. Haughey, ed., La Foi qui Fait Justice: Etude des Sources Chrétiennes pour un Changement Social (New York: Paulist Press, 1977); Monika K. Hellwig, L' Eucharistie et la faim dans le Monde (New York: Paulist Press, 1976); David N. Power, “Adoration après l'Holocauste” in Worship 49 (1985) 447-455; Gail Ramshaw, “La place de la lamentation dans la louange : thèses pour discussion” in Worship 61 (1987) 317-322; Herman Schmidt et David Power, édit., Politique et Liturgie, Concilium : La religion dans les années soixante-dix (New York: Herder and Herder, 1974) ; Catherine Vincie, “Le cri pour la justice et l'Eucharistie” in Worship 68 (1994) 194-210; Goeffrey Wainwright, “Eucharistie et/comme éthique” in Worship 62 (1988) 123-138; Nicholas Wolterstorff, “Liturgie, Justice et Larmes” in ibid. 386-403.

Cf. Jérôme Murphy-O'Connor, “Eucharistie et Communauté dans la première aux Corinthiens,” in Worship 50 (1976) : 370-385 ; 51 (1977) 56-69 ; Gerd Theissen, « Intégration sociale et Activité sacramentelle : Une Analyse de 1 Co.11, 17-34, » dans son Le cadre social du christianisme paulinien: Essais sur Corinthe, traduction : J. H. Schutz (Philadelphia : Fortress Press, 1982), 145-174.

Lc 14, 12-13

Actes 2, 42-47 ; cf. aussi Actes 4, 32.

J. Chrysostome, dans ses homélies, fait souvent remarquer le rapport étroit entre le partage dans l'Eucharistie et le soin des pauvres. Cf. Homélies sur l'Évangile de St Matthieu, XLIX.

Gal. 2, 10.

SV IX, 331.

SV IX, 332-333

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