Les Causes des Saints de la Famille Vincentienne

Les Causes des Saints

de la Famille Vincentienne

Roberto D'Amico, C.M.

Postulateur général

Le 16.01.1995, le Supérieur Général, Robert P. Maloney, avec le consentement de son Conseil, m'a nommé Postulateur Général des causes des saints de la double Famille Vincentienne.

Le 9 mai suivant, la Congrégation pour les causes des saints a accepté et confirmé cette nomination.

Peu de jours après, le 17 mai, se réunissait à Rome la Commission préparatoire pour la canonisation de Jean-Gabriel Perboyre. J'ai donc pu me mettre immédiatement à un travail que, petit à petit, je découvre comme "le ministère le plus beau et le plus élevé de l'Eglise", comme le disait Paul VI à un groupe de postulateurs: en effet, ma tâche est de rendre manifeste la gloire et la sainteté de Dieu à travers la sainteté héroïque de nos Confrères et de nos Soeurs.

La canonisation de Jean-Gabriel Perboyre a touché profondément nos esprits. Avec environ 7 500 personnes, dont 447 Confrères (avec la quasi-totalité des Visiteurs) et 1140 Filles de la Charité, nous avons senti que nous sommes une grande famille, unie par l'amour du Christ et des pauvres.

Le Saint-Père a déclaré le 3 juin dernier lors de l'audience pour les pèlerins de la canonisation à la salle Paul VI: “Prêtres de la Mission et membres de la Famille Vincentienne, je vous encourage vivement à garder l'amour qui animait votre frère Jean-Gabriel à l'égard du peuple chinois, à maintenir intacte en vous la même aspiration à y annoncer la Bonne Nouvelle du Seigneur Jésus... Dans notre monde marqué par tant de pauvretés, de détresses et de désespoirs, la Famille Vincentienne que vous représentez ici se doit de continuer avec générosité l'oeuvre commencée par Monsieur Vincent. Prêtres de la Mission, Filles de la Charité, associations de laïcs qu'il a fondées ou qui sont nées de son esprit, les conditions actuelles vous invitent à coordonner de mieux en mieux les divers services que vous accomplissez. La belle figure de Jean-Gabriel Perboyre demeure une source d'inspiration missionnaire, un appel à avancer toujours plus loin sur les chemins de l'Evangile.”

Une canonisation ne peut être regardée seulement comme un motif de fierté et de renom aux yeux de toute l'Eglise. La canonisation implique la lourde responsabilité de vivre saintement, comme Jean-Gabriel Perboyre, notre frère, qui a vécu si héroïquement sa foi, son espérance et sa charité, devenant ainsi notre intercesseur, notre chef de cordée qui nous entraîne à vivre aujourd'hui en plénitude notre charisme d'évangélisateurs, qui nous porte à la sainteté.

Ce rapport sera divisé en trois parties :

- nos Bienheureux en attente de la canonisation;

- nos Serviteurs de Dieu dont la béatification est en cours;

- ceux dont le procès est en projet ou à peine commencé.

Bienheureux

1.Bx. François-Régis Clet, béatifié le 27 mai 1900.

Jean-Gabriel Perboyre a fait un miracle en faveur de ce Bienheureux, qui l'a inspiré pour sa mission en Chine. Le miracle, c'est la décision que Jean-Paul II a été prié de prendre : de procéder à la canonisation de 120 martyrs de Chine, après celle de Perboyre.

En effet, au cours de l'audience du 5 mars dernier, le président de la conférence épiscopale de Taïwan, s'est plaint au Saint-Père de ce qu'il avait abandonné les Chinois en canonisant un Occidental, alors qu'il ne canonisait pas les martyrs de nationalité chinoise. Il exprimait le désappointement de l'épiscopat de Taïwan et des autorités de la Chine nationaliste face à cette "intrusion" du Vatican.

Il y a eu des jours, où, à entendre quelque monseigneur du Secrétariat d'Etat, la canonisation de Perboyre était remise en cause. Le 20 avril, avec 6 autres postulateurs des martyrs chinois ou morts en Chine, nous avons signé une supplique priant le Pape d'unir toutes leurs causes.

2. Bienheureuses Martyres d'Arras, Marie-Madeleine Fontaine et 3 compagnes, Filles de la Charité, béatifiées le 13 juin 1920

3. Bx. Louis-Joseph François et Jean-Henri Gruyer, béatifiés le 17 octobre 1926.

4. Bx. Pierre-René Rogue, béatifié le 10 mai 1934.

5. Bienheureuses Marie-Anne Vaillot et Odile Baumgarten, béatifiées le 19 février 1984

6 . Bx. Ghébré Michaël, béatifié le 03 octobre 1926.

Dans les causes des Bienheureux, la tâche de la Postulation générale auprès de la Congrégation des saints, est de suivre la procédure au sujet du miracle nécessaire pour leur canonisation. Obtenir ces miracles ne dépend pas de la seule Postulation !

Tous les dévots des Bienheureux ont à les faire connaître et invoquer, à informer la Postulation des faveurs obtenues, afin de recueillir la documentation nécessaire à leur sujet. L'information sur les grâces reçues peut contribuer à répandre la dévotion. Juridiquement nous avons besoin d'un vrai miracle, c'est-à-dire, (en cas de guérison): a) d'un phénomène dépassant les lois de la nature, b) instantané, c) sans restes de séquelles et sans rechutes.

Pour ce motif, il est nécessaire d'entretenir la dévotion à nos Bienheureux, en faisant connaître adéquatement leur martyre, leur vie, les grâces ou les miracles obtenus de Dieu par eux.

Les Vénérables

  1. Frédéric Ozanam, (1813-1853)

Principal fondateur des Conférences de Saint Vincent de Paul.

L'héroïcité des vertus a été reconnue par décret du 6 juillet 1993. Après la publication de ce décret la Postulation a présenté à la Congrégation pour les causes des saints une guérison attribuée à l'intercession du Vénérable, pour en faire reconnaître le caractère miraculeux en vue de la béatification. Il s'agit d'un enfant brésilien de dix-huit mois, Fernand Benoît Ottoni, atteint d'une "forme grave de diphtérie compromettant l'état général", guéri au début de février 1926 à Nova Friburgo, Brésil. Le miraculé est encore en vie.

A leur conseil du 22 juin 1995, les médecins ont été unanimes à déclarer que la guérison ne se laisse expliquer ni par la nature ni par la science. À leur tour, unanimes, les consulteurs théologiens, à leur congrès ordinaire du 24 novembre 1995, ont reconnu le caractère miraculeux de la guérison et son attribution à Ozanam.

Le 21 mai 1996, à leur assemblée ordinaire, les évêques et les cardinaux se sont prononcés à l'unanimité sur la fiabilité et la solidité des preuves présentées sur le miracle attribué au Vénérable Ozanam. Le 9 juin le Pro-Préfet a présenté au Saint-Père le vote de la réunion des Cardinaux.

Serviteurs de Dieu

1. Marc-Antoine Durando C.M., né à Mondovi 1801 et mort à Turin 1880

Il est co-fondateur des Soeurs de Jésus de Nazareth.

(La cause de la fondatrice, Louise BORGIOTTI (1803-1877), est confiée à notre Postulation).

La cause de M. Durando était déjà fort avancée. Soutenue par une Positio massive, elle est arrivée à la Réunion des Cardinaux, à l'ultime assemblée avant que le Pape se prononce sur l'héroïcité des vertus. Cela était exigé par les cardinaux, pour éclairer les relations de M. Durando avec Mère Verna, dont le procès de béatification est également en cours.

Les Procès au sujet des Miracles sont examinés seulement après la proclamation de l'héroïcité des vertus. C'est une bonne chose pour M. Durando que deux procès diocésains (Turin 1936 et Sanremo 1946) aient déjà été remis à la Congrégation des Saints.

2. Soeur Joséphine Nicoli, Fille de la Charité. née à Casatisma (Pavie), décédée à Cagliari (Sardaigne) le 31 décembre 1924.

Le Summarium est imprimé; le texte de la Positio super virtutibus est prêt à l'impression.

Pour Soeur Nicoli nous disposons aussi de deux miracles dont les procès ont eu lieu à Milan en 1936 et à Turin en 1942.

3. Jean-Baptiste Manzella C.M., né à Soncino (Cremona) en 1855, décédé à Sassari (Sardaigne) en 1937.

En novembre dernier, je me suis rendu à Sassari pour le 58e anniversaire de sa mort. L'église était archicomble; l'Évêque y présidait une concélébration avec 20 prêtres.

Hélas ! la cause reste bloquée par une intervention de l'ex-Saint-Office, comme MM. Alberto Piras et Giuseppe Guerra, mes prédécesseurs, l'ont expliqué aux Assemblées de 1986 et 1992.

4. Soeur Rosalie Rendu, Fille de la Charité (1756-1856), qui a orienté et aidé Frédéric Ozanam dans ses oeuvres de charité.

La Positio super virtutibus a été présentée à la Congrégation des saints en décembre 1992. Le 31.05.1994, les consulteurs historiens unanimes ont donné un avis favorable, du point de vue de l'enquête historique.

Il faut maintenant attendre notre tour ... à la commission des théologiens. Ces temps-ci, jouissent d'une priorité les Serviteurs de Dieu qui viennent de derrière le Rideau ou qui ont été mariés.

5. Salvatore Micalizzi C.M. (1856-1937) né et mort à Naples.

Le procès informatif diocésain (à Naples) a été conclu en 1960. L'approbation des écrits a été donnée le 2 mars 1974. Le Summarium est imprimé. Très lentement, se prépare la Positio pour obtenir la déclaration de l'héroïcité des vertus.

6. Nos Martyrs de la Révolution espagnole (1936-1939)

1) VELASCO TOBAR FortunatoTERUEL

2) PÉREZ NEBREDA Leoncio

3) AGUIRRE BILBAO Luis

4) RODRIGUEZ GONZALEZ Ireneo SIGUENZA-GUADALAJARA

5) CERMENO BARCELO Gregorio

6) VILUMBRALES FUENTE Vicente

7) PASCUAL PASCUAL Narciso

8) GRANADO PRIETO Pelayo-José VIEDO

9) GARCIA SANCHEZ Amado

10) ATANES CASTRO Ricardo

11) GUTIÉRREZ MORAL Andrés-Avelino

12) PALLARÉS IBANEZ Tomas

13) PASTOR VICENTE Vicente

14) GONZALEZ CRESPO Salustiano

15) CARMANIU Y MERCADER Antonio URGEL

Le Summarium est imprimé. On travaille à la rédaction de la Positio. Pour la béatification des martyrs, un miracle n'est pas nécessaire. Il n'y a pas à prouver l'héroïcité des vertus; il suffit d'établir nettement le martyre in odium fidei, la mort subie par fidélité à la foi.

7. Jean-François Gnidovec C.M. (1873-1939), évêque de Skopje, en ex-Yougoslavie.

Le Summarium des dépositions de témoins et des documents est imprimé. On prépare l'Informatio, dont la présentation à la Congrégation des saints est prévue pour cet automne.

8. Antoine Ferreira Vicoso C.M.(1844-1875), Portugais, évêque de Mariana, Brésil.

Le diocèse de Mariana assume le rôle de demandeur pour cette cause. On travaille enfin avec sérieux et compétence à la Positio; il y a espoir de la soumettre aux consulteurs historiens avant la fin de cette année. Les historiens auront à se prononcer sur la qualité et l'étendue suffisante de la documentation. Leur jugement doit garantir aux théologiens qu'ils disposent d'une base historique solide pour se prononcer sur la qualité de la cause.

9. Mère Justa Dominguez de Vidaurrete, Fille de la Charité, née à Tafalla (Navarre) le 2 novembre 1875, décédée à Madrid le 18 décembre 1958. Elle a été Visitatrice de la Province de Madrid Saint Vincent du 24 juillet 1932 à sa mort.

Le procès a été ouvert à Madrid le 12 novembre 1991 à la chapelle de la maison provinciale (Saint-Vincent), conclu le 2 décembre 1993.

Déjà au mois d'avril dernier a été imprimé le Summarium des témoignages et des documents. La préparation de la Positio est commencée.

A San Juan, Porto Rico, a eu lieu un procès pour un miracle opéré en 1972 en faveur de Soeur Prudencia Zuazo, Fille de la Charité.

10. Filles de la Charité, martyres de la Révolution espagnole.

Nos Soeurs ont demandé et obtenu d'engager pour leurs martyres le procès diocésain.

Soeur Josefa MARTINEZ PÉREZ et 12 Compagnes

La première session du procès a eu lieu à l'archevêché de Valencia le 25 novembre 1994. L'enquête diocésaine a été conclue le 22 mai 1996. La phase romaine a commencé le 3 juin 1996.

Enquête diocésaine en cours

1. Soeur Clémence (Francisca Benicia) Oliveira, Fille de la Charité, née à Redenç_o le 23 août 1896, morte à Baturite le 2 juillet 1966.

Les Filles de la Charité de la Province de Fortaleza sont demanderesses de la cause. Le 6 juin 95 j'ai assisté, à Baturite, diocèse de Fortaleza, à l'ouverture de l'enquête diocésaine, pour préparer la documentation et procéder aux nominations : en effet, le cardinal-archevêque Aloisio Lorscheider ayant changé de siège, le Vicaire Apostolique n'était pas encore impliqué dans l'affaire.

Enquêtes prochaines

1. Mgr Emile-François LISSON-CHAVES C.M. (1872-1961), archevêque de Lima 1918- 1931. Le 24 juillet 1991, ses restes mortels ont été rapatriés d'Espagne à la cathédrale de Lima. Cf. Vincentiana XXXIII (1991) pp. 261-267. L'archevêque de Lima s'est porté demandeur et nous a demandé d'assurer la postulation. La cause s'annonce très complexe : il y a de nombreuses affaires à explorer et tirer au clair.

2. Soeur Anne CANTALUPO, Fille de la Charité

Née à Naples le 3 septembre 1888, décédée à Catane 17 mars 1983.

La renommée de sa sainteté est vive surtout à Catane, ou elle a passé toute sa vie, au centre des activités caritatives. Nous espérons commencer bientôt l'enquête diocésaine.

3. William M. Slattery C.M.,

Né à Baltimore le 7 mai 1895, mort à Philadelphie 10 août 1982, Supérieur Général du 5 juillet 1947 au 1er octobre 1968.

La mort de M. Joseph Dirvin C.M., qui écrivait sa biographie, a mis fin à son précieux travail. Parmi les confrères de sa Province se répand l'opinion que la sainteté de M. Slattery n'est plus tout à fait de notre époque, qu'il ne peut plus être présenté comme modèle pour notre temps.... A mon avis, la sainteté comporte des valeurs éternelles, valables bien au-delà de la période d'une vie.

Je rappelle que la première condition exigée par l'Eglise, c'est qu'il y ait cette "renommée de sainteté". Le rayonnement spirituel après la mort doit être prouvé pour au moins un groupe, un diocèse ou une congrégation. Il ne suffit pas "de ne pas avoir de difficulté",ou "de ne pas y être opposé". Il faut un intérêt et un engagement positifs et constructifs.

Engagement et collaboration.

Je crois que la tradition de vouloir réserver les honneurs des autels au seul saint Vincent est bien éteinte, pour des motifs surtout théologiques. La canonisation rend gloire au Père de toute sainteté, qui manifeste sa sainteté à travers celle de ses enfants, qui, mis sur le candélabre, illuminent l'Eglise, lieu de toute sainteté, et aussi la Communauté vincentienne, une famille appelée à la sainteté.

Notre Postulation générale s'engage à étudier et à promouvoir nos causes. Elle ne peut se substituer à l'irremplaçable intérêt de la Communauté.

Une des exigences fondamentales et essentielles des causes, c'est la fama sanctitatis, c'est-à- dire un intérêt attentif, un terrain accueillant, une collaboration dévouée.

Il y en a qui se demandent si, une fois canonisés, ces serviteurs de Dieu susciteront l'intérêt et seront pris comme modèles. Quant à elle, l'Eglise n'a pas l'intention de canoniser des personnages qui n'assurent pas déjà la fonction de modèle et de point de référence.

Il dépend donc de nous que les vertus pratiquées à un degré héroïque par nos Confrères ne restent pas des lumières cachées sous le boisseau, mais resplendissent, afin que les hommes et nous-mêmes puissions voir ce que nous devons faire et que soit glorifié le Père qui est aux cieux.

Pour qu'un tel intérêt se répande dans notre Communauté, je suggère quelques initiatives pratiques :

1. Il est nécessaire, au moins dans les Provinces ou s'ouvrent les enquêtes diocésaines, qu'il y ait un vice-postulateur qui, avec le Postulateur général , anime les Confrères en ce domaine.

2. Il importe, au moins dans la Province ou il y a un Serviteur de Dieu, que l'on prie pour que Dieu soit glorifié par la mise en evidence de la sainteté de son Serviteur, et que soit commémoré le jour anniversaire de sa sainte mort, par des célébrations ou des conférences.

3 Pour 1'entretien de la fama sanctitatis, du rayonnement spirituel, on peut recourir aux media : images, dépliants, feuillets d'information, diapositives, vidéo-cassettes, etc. ...

Tout cela, en faisant mieux connaitre nos Confreres passés à la mission du ciel, raffermira notre foi et nous fera vivre selon l'esprit de sainteté présent dans notre Communaute.