Les martyrs d'Espagne - 1. Martyrs de la Congrégation de la Mission

IV. Martyrs d'Espagne 19934-1939)

Introduction

La guerre civile espagnole de 1936-1939 et son prologue de la révolution des Asturies en octobre 1934 sont des événements historiques d'une extrême complexité dans lesquels s'entremêlent des facteurs de tous genres: sociaux, politiques, militaires, économiques et - bien sûr - religieux. Mais, quelque soit le jugement historique que l'on formule en définitive sur cette époque troublée, il n'y a pas de doute qu'il s'y produisit, à la faveur de cette situation belliqueuse et révolutionnaire, une véritable persécution religieuse.

Les agissements des gouvernements républicains de gauche prirent dès le premiers moments une orientation clairement anti-religieuse. La séparation de l'Eglise et de l'Etat proclamée par la Constitution signifiait beaucoup plus qu'une simple laïcité officielle: elle fut interprétée - et appliquée - comme une justification des attaques perpétrées contre les institutions ecclésiastiques et des entraves à ses activités: enseignement, bienfaisance, culte et jusqu'à la simple existence des ordres et congrégations religieuses.

Le pire fut que, par-delà les comportements officiels, plus ou moins respectueux de la loi, il se produisit une activité parallèle de caractère révolutionnaire qui dépassa toutes les limites prévues par la loi. D'abord, les incendies des églises, et, ensuite, les assassinats de prêtres, de religieux et religieuses, et de militants catholiques se produisirent à un rythme accru qui atteint son paroxysme durant le premier semestre de la guerre civile. Ce fut alors que l'Eglise espagnole offrit un impressionnant tribut de sang qui n'a pas d'autres parallèle que dans les persécutions de l'Empire Romain: une multitude de victimes qui méritèrent dès les premiers moments le titre de martyrs que, en des cas nombreux, l'Eglise a ratifié officiellement.

La Congrégation de la Mission connut le même sort que le reste de l'Eglise espagnole. La localisation géographique initiale de la guerre fit que, lorsque eut lieu la mobilisation militaire, où dans les semaines qui suivirent, la majorité des maisons d'Espagne se trouvaient dans la zone appelée alors la zone nationale. Ce fait, joint à la mesure préventive du Visiteur de Madrid de transférer le Séminaire Interne et le Scolasticat dans des lieux plus sûrs, et à la circonstance que le Scolasticat de Barcelone se trouvait à Palma de Mallorque pour célébrer le deuxième centenaire de cette maison, réduisirent le nombre des victimes possibles. Mais pour le reste: douze maisons de la Province de Madrid et cinq de la Province de Barcelone (toutes sauf Palma de Mallorque), étaient situées en zone rouge. C'est parmi celles-ci que l'on compte les martyrs de la Congrégation: les 37 prêtres et les 19 frères immolés en haine de la foi, dont 23 appartenaient à la Maison Centrale de Madrid.

Dans les pages qui suivent le lecteur trouvera la relation détaillée de ces martyres. Mais, comment ne pas mettre dès maintenant en relief en particulier les noms des plus jeunes victimes, les frères coadjuteurs séminaristes Vicente Cecilia et Manuel Trachiner, de la maison d'Hortaleza, assassinés pour porter dans leur pauvre valise, avec laquelle ils avaient l'intention de rentrer dans leur famille, une soutane qui trahissait leur condition de religieux? Et comment oublier le bon et savant P. Benito Paradela, archiviste et bibliothécaire de la Maison Centrale de Madrid, qui, avec patience et en prévision des événements, mit en sécurité à l'approche de la révolution les dossiers des archives et les meilleurs livres de la bibliothèque, mais ne réussit pas à sauver sa propre vie?

Non moins généreux, bien que inférieur en nombres relatifs et absolus, fut le tribut payé par les Filles de la Charité: trente d'entre elles souffrirent héroïquement la mort par fidélité à leur foi et à leur vocation. Vingt-huit étaient de la Province d'Espagne et deux de la Province Hispano-française.

Il convient aussi de souligner le témoignage admirable que donnèrent d'innombrables membres des associations laïques de la Famille Vincentienne qui furent tués pour le motif qu'ils étaient connus comme catholiques engagés. C'est ainsi que l'Association des Enfants de Marie Immaculée eut 11 martyrs, dont 4 prêtres aumôniers et 7 laïcs, l'Association de la Médaille miraculeuse d'Espagne eut 69 martyrs, et la Société de Saint-Vincent de Paul en eut 586, dont les nom figurent sur les murs de l'église Saint Robert Bellarmin à Madrid.

Les uns et les autres appartiennent de droit au martyrologe de l'Eglise au XXème siècle que le Pape tient tant à élaborer. Espérons qu'ils ne se trouverons pas seulement dans les pages d'un catalogue, mais qu'ils seront inscrits au livre des saints canonisés. (José María Román, C.M.)

1. Martyrs de la Congrégation de la mission

a. Alcorisa, au diocèse de Terruel

1.- Père Fortunato Velasco Tobar, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 1er juin 1906 à Tardajos, Burgos (Espagne) et mort le 23 ou le 24 août 1936 à Alcorisa, Terruel.

29 juillet 1936. C'est la fête de sainte Marthe, la patronne des Frères. Pendant qu'on la célébrait, la cloche de l'église paroissiale sonnait, et donnait l'alarme. Une quinzaine de camions de l'armée communiste firent leur entrée à Alcorisa. Le père supérieur cria la fuite : « Sauve qui peut ! » Chacun prit sa route, sauf le serviteur de Dieu et le Frère Aguirre. Ils se demandaient s'ils ne pouvaient pas faire quelque chose pour le bien spirituel du peuple, et pour le bien matériel de la communauté éparpillée, surtout le serviteur de Dieu, car il en était l'économe. Un groupe de communistes fouilla et mit à sac la résidence. Ils arrêtèrent le serviteur de Dieu ainsi que plus de cinquante villageois, connus pour leur foi. On les menaça de mort collective. Le lendemain, le village fut convoqué place de la Mairie, et l'on fit sortir les prisonniers, un par un, au nombre de soixante, sur le balcon de la Mairie, pour être jugés publiquement. Lorsqu'arriva le tour du serviteur de Dieu, le peuple demanda qu'il ne fut pas tué pour la raison qu'il était religieux. Un des fils du Maire dit que ce n'était pas parce qu'il était religieux qu'il allait être condamné. Il fallait voir s'il n'avait pas agi contre la République. Comme personne ne put l'accuser de cela, on le libéra. Il demeura donc en liberté provisoire et surveillée. Il alla se réfugier au domicile du vicaire de la paroisse, son compagnon de prison et de martyr, à partir du 30 juillet 1936, et pendant près d'un mois.

A cette date, quelques chefs communistes de l'extérieur vinrent se présenter à la population. Les communistes d'Alcorisa se rendirent à la maison vers une heure du matin pour arrêter le P. Fortunato. Ils l'amenèrent aux Écoles Nationales, qui tenaient lieu de prison, où il trouva au moins deux prisonniers de droite du village. La nuit du 23 Août 1936 on le fit sortir de la prison pour le cimetière. C'est là qu'il fut fusillé dans la nuit du 23 au 24 Août 1936. Tous les témoins sont d'accord pour dire qu'il mourût en pardonnant à ceux qui portaient atteinte à sa vie.

2.- Père Leoncio Pérez Nebreda, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 18 mars 1895 à Villarmentero, Burgos (Espagne) et mort le 2 août 1936 aux abords d'Oliete, Teruel.

Le 29 juillet 1936, les communistes firent leur entrée à Alcorisa (Teruel). Alors que les pères étaient en train de célébrer la sainte patronne des frères, le goûter n'était pas encore terminé qu'ils entendirent la grosse cloche de l'église paroissiale qui donnait l'alarme. Quinze camions de l'armée communiste étaient là. Devant l'imminence du danger, le supérieur de la communauté ordonna la dispersion : “Sauve qui peut!”

Le serviteur de Dieu partit vers Saragosse et s'arrêta, ce soir là, au Mas d'Arino (Las Lomas). Le 30 juillet, vers deux heures du matin, en cherchant un refuge plus sûr, il trouva une nouvelle cachette au Mas des Moines. Vers le 31 juillet, il dût prendre asile dans une troisième demeure, “Le Mas de la Mascarada”; Il y resta seulement deux jours. Il changea ses vêtements pour de vieux, et ses chaussures pour des sandales. Le 2 août, très tôt le matin, il se trouvait dans les environs du village d'Obon, de cette même province de Teruel. Il attendit jusqu'à ce que la cloche de l'église paroissiale sonna la messe de l'aube. Il édifia tout le monde par la grande dévotion avec laquelle il participa à la messe. A la fin de la messe, il alla à la sacristie et demanda au curé de le confesser. Puis, il sortit du village par le même quartier par où il était entré. Il arriva au village d'Oliete par la route, et il s'arrêta sur le pont. Il s'assit sur un banc de pierre proche de l'habitation située à hauteur du pont. Il demanda à boire à la maison où il était en train de se reposer. Il parlait sur le pont avec un certain Paulino Martin Pérez, lorsque vint se joindre à eux une personne du village, José Santiago Candeal, de mauvaise renommée, et qui disparut plus tard du territoire national. Soupçonnant que cet homme, habillé de telle façon, était un prêtre déguisé, intentionnellement, il lui mit la main sur la tête et la casquette tomba par terre. Il vit ainsi qu'il portait la tonsure. Ceci suffit à José pour concevoir et exécuter immédiatement son projet inique. Il prétexta qu'il devait partir pour aller à ses affaires. Peu après, il était là avec deux chevaux. Le serviteur de Dieu s'était déjà mis en route vers Oliete. José le rejoignit sur cette même route, et commença à faire connaissance avec lui, apprenant de sa bouche les projets qu'il avait en allant à Saragosse. A trois kilomètres d'Oliete, José, feignant astucieusement une aide personnelle, lui suggéra : “N'allez pas par la route. Venez par ce chemin”. Et il lui fit monter l'un de ses chevaux, tandis qu'il montait l'autre. Il le détourna de la route, et le conduisit par un sentier, à un kilomètre de là, jusqu'à un ravin solitaire et sec, à l'intérieur même du territoire d'Oliete. Parvenus à cet endroit, José dit au Père, de sang froid : je vais descendre du cheval. Et après, faisant descendre aussi le Père, il se mit à le frapper à la tête et à la nuque avec un de ces bâtons que portent les chevaux dans leur bât. Le serviteur de Dieu tomba sans connaissance, et José continua à le frapper jusqu'à le tuer. Puis il jeta le cadavre dans le repli d'un rocher, au bord du ravin, mettant par dessus une grande dalle et quelques pierres.

Quelques habitants d'Oliete virent et reconnurent le cadavre du serviteur de Dieu. Tous les témoins sont d'accord sur le fait que la mort du serviteur de Dieu fut motivée par sa condition de prêtre et religieux.

3.- Frère Luis Aguirre Bilbao, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 19 août 1914 à Monguía, Vizcaya (Espagne) et mort le 29 juillet 1936 à Alcorisa.

Le 21 avril 1936 il écrivait à ses oncles : “Maintenant nous vivons à l'envers, car tous les criminels sont dehors, et les bons, en prison. Quelle fin poursuit-on en brûlant les églises, les couvents..., en jetant par terre les hosties, et faisant tous les sacrilèges qu'ils ont fait en beaucoup d'endroits, sortant les statues des saints dehors pour y mettre le feu...? Des prières et des sacrifices...! Prions beaucoup pour notre chère patrie. Mettons-nous entre les mains de notre Seigneur pour qu'il en soit comme il le voudra..., et préparons-nous à bien mourir, car il faut mourir pour défendre la Foi... C'est par là qu'il faut passer... Il n'y a pas d'autre moyen.”

Le 29 juillet, pendant que l'on célébrait encore la fête de sainte Marthe, patronne des frères, ils reçurent confirmation que les troupes communistes entraient dans Alcorisa. Devant l'imminence du danger, le supérieur de la communauté ordonna la dispersion. Le père Velasco, et le frère Aguirre choisirent de rester à la maison... Ils embrassèrent leurs compagnons qui partaient, et tous deux continuèrent à attendre, à la maison, le développement de ces événements tragiques, réfléchissant à ce qu'ils pourraient faire pour le bien spirituel du village, et pour le bien matériel de la communauté dispersée.

Après avoir pris possession du village, les communistes se dirigèrent vers la résidence des PP. Lazaristes. En arrivant, ils frappèrent violemment aux portes de la maison. Après s'être affrontés au P. Velasco, ils l'obligèrent, avec le Fr. Aguirre, à les accompagner dans la fouille de la maison. Ils firent beaucoup de dégâts, et, à l'église, ils tirèrent abondamment sur les statues saintes. L'arrestation et le martyre du serviteur de Dieu eurent lieu immédiatement après cette fouille, car le P. Velasco, dans une lettre autographe écrite au crayon depuis la prison d'Alcorisa, datée du 30 juillet 1936, disait : “Hier après-midi, à l'arrivée des milices, tous ont fui sauf Aguirre et moi. Lorsque les milices arrivèrent à la maison, nous nous sommes rendus. Ils ont fouillé sous nos yeux, faisant mille dégâts. En sortant, il semble qu'ils l'aient tué (Fr. Aguirre), d'après ce que j'ai appris aujourd'hui.”

Les événements se déroulèrent ainsi : Une fois le P. Velasco arrêté, les communistes dévisagèrent le serviteur de Dieu (Fr. Aguirre). Le Frère cria son innocence : il n'avait rien fait qui mérita la mort. Les communistes le firent mettre à genoux devant la façade du Collège - aujourd'hui séminaire diocésain - et à cet endroit précis, ils le fusillèrent.

Avant de tomber sous le feu des fusils, le serviteur de Dieu déclara : “Si je dois mourir, je meurs pour Dieu et pour l'Espagne”. Les communistes lui ordonnèrent de crier : “Vive le communisme!” Mais le martyr cria: “Vive le Christ Roi!” Cet après-midi là, 29 juillet 1936, le martyr mourrait précisément le jour de la patronne des frères (sainte Marthe), devenant ainsi la première victime de la révolution antireligieuse d'Alcorisa. Tous les témoins sont unanimes pour déclarer qu'il fut assassiné en haine de la Foi catholique et à cause de sa condition de religieux.

b.Guadalajara, au diocèse de Sigüenza-Guadalajara (6 décembre 1936)

4.- Père Ireneo Rodríguez González, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 10 février 1897 à Los Balbases, Burgos (Espagne) et mort le 6 décembre 1936 à Guadalajara.

5.- Père Gregorio Cermoño Barcelo, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 9 mai 1874 à Saragosse (Espagne) et mort le 6 décembre 1936 à Guadalajara.

6.- Père Vicente Vilumbrales Fuente, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 5 avril 1909 à Reinoso de Bureba, Burgos (Espagne) et mort le 6 décembre 1936 à Guadalajara.

7.- Frère Narciso Pascual Pascual, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 17 août 1917 à Sarreaus, Orense (Espagne) et mort le 6 décembre 1936 à Guadalajara.

Dès le début de la révolution communiste, les miliciens arrêtèrent les serviteurs de Dieu le 26 juillet 1936, et les enfermèrent dans la prison centrale, rue Amparo, à Guadalajara. Ils mirent dans la même prison quelques 300 personnes de la région, connus pour leur foi catholique, parmi lesquelles l'on comptait 21 prêtres et religieux, enfermés dans une pièce à part des laïcs. Ils eurent à supporter beaucoup de tracas et de privations. La nourriture était très réduite. En octobre, on leur enleva matelas et couvertures qui leur appartenaient en propre. En novembre, on leur pris leurs manteaux personnels, alors que le froid commençait à se faire sentir vraiment.

Les prêtres et les religieux menaient une vie exemplaire. Il ne faisaient que prier, et confesser les prisonniers qui allaient être exécutés.

Le 6 décembre 1936, une foule de communistes de la capitale, à l'instigation d'une brigade de miliciens d'Alicante, donnèrent l'assaut à la prison centrale de Guadalajara, pour tuer tous les prêtres, religieux et laïcs connus pour leur foi catholique. L'assaut commença à seize heures. Les communistes fermèrent d'abord les dortoirs pour que leurs victimes ne puissent pas se défendre. Ensuite, ils y entrèrent et firent sortir tous les prisonniers, un par un, chacun accompagné d'un milicien. Ils les conduisaient près de l'enceinte de la Prison, et là, ils les fusillaient, laissant leurs corps par terre. Les premiers à être tués furent les prêtres et les religieux de la cellule isolée, soit 21 personnes. Parmi eux, il y avait des prêtres Lazaristes et un frère coadjuteur, le Fr. Paul. Il semble que le premier à tomber fut le père Ireneo, et le frère Pascual. La fureur du groupe communiste fut telle que plusieurs miliciens, armés de pistolets, criblèrent de balles tous ceux qui avaient les yeux ouverts, laissant, par contre, les agonisants sans les achever, de telle manière qu'au moment où l'on amenait les victimes dans les camions, pour être enterrées, certaines poussaient des cris d'angoisse. On les enterra dans la fosse commune, et beaucoup de corps ne furent pas enterrés, mais seulement brûlés sur place.

c.Martyrs C.M. d'Oviedo et de Gijon, au diocèse d'Oviedo

8.- Père Tomas Pallares Ibañez, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 6 mars 1890 à La Iglesuela del Cid, Saragosse (Espagne) et mort le 13 octobre 1934 à Oviedo.

Dans l'après-midi du 6 octobre 1934, les communistes entourèrent le Séminaire diocésain, le criblant de balles. Les professeurs et les élèves prirent la fuite. Arrêté par les communistes et amené au commissariat, le P. Tomas fut conduit à une prison improvisée, avec un groupe de séminaristes et de religieux. Trois jours après, on les amena dans une autre prison, où tous les détenus (environ 70) occupaient une seule chambre, assis jour et nuit, surveillés jour et nuit par des miliciens et des miliciennes, armées elles aussi, et sans presque pouvoir parler entre eux. Ils se confessaient en cachette, selon qu'ils étaient assis dans la pièce. Quand ils apprirent que la plupart étaient des prêtres et des religieux, ils essayèrent de les fusiller tous sur place. Mais le chef de la prison les en empêcha. Et pour s'opposer à cette tuerie, il organisa un simulacre de jugement, bien qu'ils sut déjà leurs conditions. On les amena dans une autre prison, où ils furent enfermés jusqu'au jour de leur martyre. Pendant près de trois jours, ils n'eurent à consommer qu'un peu de café qu'on leur donnait le matin du troisième jour. Pour boire, on leur donnait de l'eau stagnante où les communistes s'étaient lavés, boisson qu'on leur enleva même durant la deuxième journée.

Le 13 octobre, Il y eut, dans cette prison improvisée, deux explosions préparées par les communistes. A midi et demi, lorsqu'ils s'aperçurent que les forces gouvernementales avançaient du côté de la gare, ils provoquèrent la première explosion, afin de se donner le temps d'échapper, emportèrent une échelle pour qu'aucun des détenus ne pût s'échapper, et préparèrent la deuxième explosion, afin de volatiliser l'édifice tout entier. Devant l'avancée des troupes, les communistes avaient essayé de fusiller tous les prisonniers, par groupes de six, mais ils abandonnèrent leur projet. Un quart d'heure après eut lieu la première explosion, qui détruisit l'escalier, laissant les détenus sans issue. Trois parois de la salle-prison furent détruites, et l'une tomba sur les détenus, sans les blesser. Les gardes perdirent leur contrôle et ordonnèrent aux prisonniers: “Que chacun sorte comme il le pourra!” Les uns sautèrent sur les toitures voisines, plus basses que le troisième étage de l'édifice; d'autres grimpèrent sur les constructions non terminées d'un nouvel institut, en projet. Beaucoup d'entre eux démolirent le plancher et firent un trou en soulevant les lattes. Avec des couvertures, ils firent des cordes pour descendre, un par un, jusqu'au deuxième étage de la construction. Parvenus là, ils s'accrochaient et descendaient par les nouvelles constructions de l'institut jusqu'à toucher terre. L'édifice et le mur du jardin étaient encerclés par un groupe de communistes qui, fusil en main, attendaient tous ceux qui essayaient de s'échapper, pour les fusiller sur le champ. Alors que le serviteur de Dieu descendait par les cordes faites avec les couvertures, une balle lui atteint la tête. Le père Pallarés lâcha la corde et tomba lourdement sur le second étage, où il mourut à l'instant. Un poteau en fer, qui soutenait les câbles du tramway et qui avait été projeté lors de la deuxième explosion, tomba sur le corps du père Pallarés. Des témoins ont pu reconnaître son cadavre qui disparut par la suite, sans qu'on n'en sut plus rien.

9.- Père Vicente Pastor Vicente, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 19 juillet 1886 à Caudé, Teruel (Espagne) et mort le 7 octobre 1934 à Oviedo.

Au début de la révolution communiste dans les Asturies (les « journées d'octobre »), en 1934 (prélude à la révolution générale communiste espagnole, 1936-1939), le serviteur de Dieu résidait au Séminaire diocésain d'Oviedo, alors confié à la Congrégation.

Le 4 octobre au matin, il sortit du Séminaire, pour aller célébrer la sainte messe, au collège de la Vierge Miraculeuse, des Filles de la Charité. La messe terminée, les sœurs conseillèrent au père de ne pas sortir du collège, à cause de la fusillade que l'on entendait déjà dans les rues. Le père eut une attitude déterminée et courageuse. “Il ne se passe rien”, dit-il, et il rentra au Séminaire. Le 6 octobre, vers trois heures de l'après-midi, les communistes donnèrent l'assaut à Oviedo (“cité martyre”). Aussitôt ils entourèrent le Séminaire diocésain et le criblèrent de balles. Professeurs et élèves se virent obligés à prendre la fuite. Puis, les miliciens détruisirent le Séminaire, en y mettant le feu.

La plus grande partie des séminaristes tomba entre les mains des révolutionnaires. Parmi eux, un groupe accompagné d'un père dominicain se cacha dans un souterrain proche du Séminaire. Un autre groupe de séminaristes, à l'abri dans la cave d'une maison voisine, fut surpris par les communistes, et massacrés à l'angle de la même rue. Ils allèrent à la mort avec courage en criant: “Vive le Christ Roi!”

Lorsque tous les professeurs et les élèves quittèrent le Séminaire, le serviteur de Dieu s'habilla en civil et demeura là jusqu'au lendemain matin (7 octobre). Habillé en civil, il célébra la sainte messe dans la chapelle des pères dominicains, à l'intérieur du Séminaire. Selon les informations d'un témoin oculaire de ces événements, le P. Pastor, avant de quitter le Séminaire, consomma seul les hosties du Tabernacle.

Après la célébration de la messe, le P. Pastor se cacha dans la grange du Séminaire, se dissimulant dans la paille. Il partageait sa cachette avec deux ou trois frères dominicains. Comme la paille l'indisposait, le serviteur de Dieu décida de s'échapper par la porte arrière de la grange, qui donnait sur la route. Là même, près de la porte de la grange, les communistes venaient de fusiller sept grands séminaristes. Les deux frères dominicains dirent au P. Pastor, avec un réalisme teinté d'humour, qu'il valait mieux sentir la paille que sentir la poudre. Ils restèrent cachés dans leur coin. Le père Pastor, à peine sorti sur la route, fut arrêté par les communistes, et conduit à l'ancien “marché de Saint Lazare” ou “ancien abattoir”, dans le quartier de Saint Lazare d'Oviedo. A la tombée de la nuit de ce même 7 octobre 1934, les communistes conduisirent au même endroit l'économe et le chancelier-secrétaire de l'archidiocèse et ils les fusillèrent sur le champ, en même temps que le serviteur de Dieu. Puis, ces mêmes miliciens ramassèrent les corps des trois, et, dans une charrette, ils les transportèrent au cimetière du “Sauveur” d'Oviedo, et les jetèrent dans une fosse commune.

10.- Frère Salustiano González Crespo, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 1er mai 1871 à Tapia de la Rivera Léon (Espagne) et mort le 13 octobre 1934 à Oviedo.

Dans l'après-midi du 6 octobre 1934, les communistes entourèrent le Séminaire diocésain, le criblant de balles. Les professeurs et les élèves prirent la fuite. Arrêté par les communistes et amené au commissariat, le P. Tomas fut conduit à une prison improvisée, avec un groupe de séminaristes et de religieux. Trois jours après, on les amena dans une autre prison, où tous les détenus (environ 70) occupaient une seule chambre, assis jour et nuit, surveillés jour et nuit par des miliciens et des miliciennes, armées elles aussi, et sans presque pouvoir parler entre eux. Ils se confessaient en cachette, selon qu'ils étaient assis dans la pièce. Quand ils apprirent que la plupart étaient des prêtres et des religieux, ils essayèrent de les fusiller tous sur place. Mais le chef de la prison les en empêcha. Et pour s'opposer à cette tuerie, il organisa un simulacre de jugement, bien qu'ils sut déjà leurs conditions. On les amena dans une autre prison, où ils furent enfermés jusqu'au jour de leur martyre. Pendant près de trois jours, ils n'eurent à consommer qu'un peu de café qu'on leur donnait le matin du troisième jour. Pour boire, on leur donnait de l'eau stagnante où les communistes s'étaient lavés, boisson qu'on leur enleva même durant la deuxième journée.

Le 13 octobre, Il y eut, dans cette prison improvisée, deux explosions préparées par les communistes. A midi et demi, lorsqu'ils s'aperçurent que les forces gouvernementales avançaient du côté de la gare, ils provoquèrent la première explosion, afin de se donner le temps d'échapper, emportèrent une échelle pour qu'aucun des détenus ne pût s'échapper, et préparèrent la deuxième explosion, afin de volatiliser l'édifice tout entier. Devant l'avancée des troupes, les communistes avaient essayé de fusiller tous les prisonniers, par groupes de six, mais ils abandonnèrent leur projet. Un quart d'heure après eut lieu la première explosion, qui détruisit l'escalier, laissant les détenus sans issue. Trois parois de la salle-prison furent détruites, et l'une tomba sur les détenus, sans les blesser. Les gardes perdirent leur contrôle et ordonnèrent aux prisonniers: “Que chacun sorte comme il le pourra!” Les uns sautèrent sur les toitures voisines, plus basses que le troisième étage de l'édifice; d'autres grimpèrent sur les constructions non terminées d'un nouvel institut, en projet. Beaucoup d'entre eux démolirent le plancher et firent un trou en soulevant les lattes. Avec des couvertures, ils firent des cordes pour descendre, un par un, jusqu'au deuxième étage de la construction. Parvenus là, ils s'accrochaient et descendaient par les nouvelles constructions de l'institut jusqu'à toucher terre. L'édifice et le mur du jardin étaient encerclés par un groupe de communistes qui, fusil en main, attendaient tous ceux qui essayaient de s'échapper, pour les fusiller sur le champ. Alors que le serviteur de Dieu descendait par les cordes faites avec les couvertures, une balle lui atteint la tête. Le père González lâcha la corde et tomba lourdement sur le second étage, où il mourut à l'instant. Le corps du Fr. Salustiano González disparut sans que personne ne put identifier.

11.- Père Amado García Sánchez, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 29 avril 1903 à Moscardón, Teruel (Espagne) et mort le 24 octobre 1936 à Gijón.

Lorsque la révolution communiste commença en juillet 1936, le serviteur de Dieu demeurait à la résidence qu'avait la Congrégation à Gijon (Asturies), et il y resta caché et à l'abri. Il partageait ce refuge avec le P. Gutierrez et le Fr. Paulino Jimenez. Invité à changer de refuge, il résista par délicatesse, craignant de compromettre la famille qui le recevrait.

Devant les nombreuses insistances d'amis, le P. Amado accepta de chercher une autre cachette, plus sûre, chez Sabine Llado, de cette même ville, où il resta seulement quatre ou cinq jours durant lesquels il célébra la sainte messe, habillé en civil, avec un petit missel de fidèles. Puis, il retourna à la résidence de la Communauté, où il se cacha une deuxième fois, ne voulant pas compromettre une famille qui lui avait témoigné tant de générosité. Le Saint Sacrement fut présent à la chapelle jusqu'au jour de son arrestation. Parfois, très tôt, il allait célébrer la messe et confesser à l'extérieur, notamment au Collège de Pola, où, le 12 Août, il pût confesser jusqu'à 30 personnes. Le 15 Août, il alla pour la dernière fois à ce Collège, où il célébra la sainte messe et y confessa.

Le 22 Octobre, lui et le frère furent arrêtés et présentés devant un pseudo-tribunal populaire. On accusa le serviteur de Dieu d'avoir célébré la messe le 15 Août, d'être curé et, par conséquent, d'être fasciste. On lui fit réciter le Credo et le Notre Père. Puis on les amena tous deux à un cachot “rouge”, où le serviteur de Dieu seulement fut torturé durant trois jours pleins

Le 24 Octobre 1936, la veille de la fête du Christ Roi, les communistes entrèrent de bon matin dans le cachot et, liste en main, le lecteur désigné lut le nom du camarade Amado. Celui-ci embrassa le Fr. Jimenez et lui dit : “Adieu! à l'éternité!”, et il recommanda aux communistes : “Tuez-moi, mais ne faites rien à ce pauvre vieillard, qui n'est qu'un de nos serviteurs”. Le jour n'était pas encore levé que l'on fit monter le P. Amado et ses compagnons de supplice dans une voiture. Ils furent conduits au cimetière municipal de Gijon (cimetière du Suco, Ceares) et sur la petite esplanade devant les portes du cimetière, ils fusillèrent le P. Amado avec trois autres compagnons de prison. Au moment de mourir, le serviteur de Dieu prononça des paroles de pardon à l'égard de ses bourreaux, et de joie de donnant sa vie pour Dieu. Le gardien du cimetière put témoigner de cela, lui qui entendit parfaitement l'arrivée de la voiture de la mort, et qui, de son logement, vit très clairement la fusillade.

12.- Père Pelayo José Granado Prieto, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 30 juillet 1895 à Santa Maria de los Llanos, Cuenca (Espagne) et mort le 27 août 1936 à Soto del Barco.

Un habitant de Soto del Barco (décédé en 1952), apparenté à l'un des dirigeants communistes du lieu, appela un jour au presbytère, demandant grâce pour le père Granado, et s'insurgeant contre le traitement qui lui était infligé. En arrivant à la maison, il entendit les plaintes du père et les rigolades des miliciens et miliciennes qui le tourmentaient. Ils le frappaient et ils le piquaient, en même temps qu'ils l'insultaient. Tandis qu'on lui coupait la chair en morceaux, cet habitant entendit les miliciens proférer des sarcasmes contre le serviteur de Dieu : “Regarde comme ta peau est blanche!” Il fut privé de son intégrité virile...

Les trois derniers jours de sa prison et de ses tourments, il fut enfermé dans les toilettes, sans manger ni boire, ne disposant pas d'un espace suffisant pour s'asseoir. Le père demanda à ses bourreaux, avec angoisse, qu'on lui apporta au moins un peu d'eau, faveur qui lui fit refusée.

A ces derniers tourments, on en ajouta un autre, de nature spirituelle. Le serviteur de Dieu savait qu'il y avait au village un prêtre, et il demandait, comme unique grâce, qu'on le lui amena pour pouvoir se confesser, ce que les communistes refusèrent carrément.

Le 27 août 1936, alors qu'il faisait déjà nuit, les communistes firent sortir du presbytère le serviteur de Dieu, plus mort que vivant, et ils le conduisirent au bord de la rivière Nalon, qui coule près de Soto del Barco. A cet endroit même, ils le poignardèrent dans le dos jusqu'à expiration, puis ils jetèrent son corps à la rivière. On ne le revit jamais plus.

13.- Père Ricardo Atanes Castro, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 5 août 1875 à Cualedro, Orense (Espagne) et mort le 14 août 1936 près de Gijon.

Le 14 Août, à seize heures, les communistes firent sortir tous les prisonniers du cachot installé dans l'église de Saint Joseph, pour les fusiller... Le visage souriant, le serviteur de Dieu fut jeté dans l'un des camions de la mort, en même temps que 300 autres compagnons, en comptant les prêtres et les laïcs connus pour leur foi.

On arrêta les camions dans une pinède, située sur l'une des belles collines qui entourent Gijon, non loin des réserves d'eau, à l'endroit communément appelé “Llantones”. Immédiatement, on disposa les prisonniers en rang, et un piquet de miliciens les criblèrent de balles avec plusieurs mitrailleuses. C'était le 14 Août 1936.

14.- Père Andrés Avelino Gutierrez, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 12 novembre 1886 à Salazar de Amaya, Burgos (Espagne) et mort le 3 août 1936 près de Villaviciosa.

Le 3 Août 1936, vers trois heures de l'après-midi, trois ou quatre miliciens communistes firent sortir de la prison le serviteur de Dieu dans une voiture, et ils l'amenèrent au village de Saint Juste (Asturies).

Ils lui firent grimper la montagne. Avec beaucoup de fatigue, le père s'ouvrait un passage parmi les ronces ou broussailles, alors que ses bourreaux le poussaient. La montée vers ce nouveau calvaire de sa mort fut très pénible. Il parlait tout seul (d'après un témoin), c'est-à-dire qu'il priait. Il parvint enfin, avec ses bourreaux, à hauteur de quelques soixante mètres, et là, ils le fusillèrent.

Une fois que les communistes se furent éloignés en voiture, beaucoup d'habitants de Saint Juste montèrent et rendirent les premiers honneurs au martyr du Christ. Depuis différents endroits, ils avaient entendu les tirs. Grâce à tous ces témoins oculaires, et à la renommée de martyr qui s'en suivit et qui continue parmi les habitants, on a pu connaître un bon nombre de détails le concernant. Le missionnaire était sur le dos, avec l'orifice de la balle sur la tempe gauche, gisant sur une flaque de sang qui dégoulinait sur le sentier comme un ruisseau... Le béret, aussi, plein de sang, se trouvait près des épaules..., et près du béret, quelques morceaux du crâne. Son front était marqué d'une croix en sang, large de deux doigts approximativement. Il avait eu le geste courageux et généreux de signer son martyr de son propre sang, les doigts de la main trempés dans son propre sang. Il avait signé son front peu avant que le Juge Suprême eut signé son âme avec le sceau éternel des hérauts de l'amour.

Les habitants de Saint Juste, témoins de l'événement (ils virent arriver l'auto des communistes avec la victime et entendirent parfaitement les coups des tirs de la fusillade), montèrent immédiatement en grand nombre sur la montagne. Ils virent le serviteur de Dieu fusillé, et furent témoins de son agonie. Le lendemain, son corps fut recueilli sur une de ces échelles utilisées dans la région des Asturies (“posera”) pour monter au grenier à foin ou pour ramasser les pommes. Là, comme sur un brancard, il fut descendu de la montagne et placé dans un camion qui l'amena au Dépôt Judiciaire de Villaviciosa dont dépend le village de Saint Juste. Le 14 février 1940, les restes du serviteur de Dieu furent transportés au cimetière municipal de Gijon (Suco, Ceares) où ils reposent aujourd'hui.

d.Rialp, au diocèse d'Urgel (17 août 1936)

15.- Père Antonio Camaniu Mercader, C.M., membre de la Province de Barcelone, né le 17 avril 1860 à Rialp, Lérida (Espagne) et mort le 17 août 1936 près de Llavorsi, Lérida.

Lorsque la révolution communiste commença, en Juillet 1936, le serviteur de Dieu résidait à la Maison Centrale de Barcelone, 212 rue Provenza. Dans l'après-midi du 19 juin, de même que les autres prêtres et frères, il quitta la Maison Centrale, cherchant à se réfugier dans la ville. Mais en partant, comme d'autres prêtres l'avaient fait, il emporta avec lui une petite boîte pleine d'hosties consacrées qu'il avait prises au tabernacle, évitant ainsi une profanation certaine des deux mille hosties récemment consacrées. Il trouva refuge dans deux maisons de Barcelone, mais il pensa être plus à l'abri en allant dans son village, évitant ainsi des dangers aux familles qui l'accueillaient. Avant de partir, il fit acte de présence devant le Supérieur de la Maison Centrale, caché dans une maison de Barcelone. Il lui demanda l'autorisation de partir et sa bénédiction, les permissions en matière de sainte pauvreté, etc.

Grâce à un sauf-conduit que lui procura le Commandant de la Garde Civile de Barcelone, le P. Camaniu arriva à Rialp à la fin du mois de Juillet, pour se cacher dans la maison qui le vit naître. Il fut appelé un beau jour par le “Comité Rouge” de Rialp pour quelques déclarations, ce qui signifiait, pour préparer la sentence de mort. Ils le laissèrent en liberté, mais en lui interdisant de quitter le village. Une nuit, entre onze heures et minuit, il s'échappa du village natal. On le chercha rapidement, du côté de la rivière et de la montagne, sans rien trouver. De cachette en cachette, il parvint à Estaron (Lerida) où il passa quelques heures chez un de ses lointains parents. Le serviteur de Dieu, accompagné de quelqu'un de la famille, se mit en route dans la montagne, en direction de la frontière de France, pour se réfugier dans l'une des maisons de la Congrégation. Il fut arrêté par les miliciens, qui lui demandèrent le sauf-conduit. Il fut emprisonné chez le “Comité Rouge” du village de Estaron, où il demeura le soir du 16 août et une partie du 17. Il fut torturé dans les locaux de l'école, étant frappé à la tête avec une crosse de fusil, tandis qu'on proférait à son adresse les plus grossières injures. Ils firent sortir le P. Carmaniu de l'école, et le conduisirent en divers endroits. En un de ces endroits, il parvint à rassembler près de lui, tous les membres de sa famille. Il les avertit de ne pas se laisser tromper par les enseignements communistes et les exhorta à ne pas avoir peur de mourir pour la foi. En un autre endroit, ils lui lièrent les pieds et les mains, voulant l'obliger avec brutalité à boire du vin dans un calice (ils avaient dépouillé une église de tous les calices, ciboires, ornements sacrés, soutanes, barrettes qu'ils avaient pu trouver), mais il refusa.

Les communistes descendirent à Ribera de Cardos, dans la plaine, et s'acheminèrent vers l'auberge du village. Ils mirent devant lui un chaudron plein de vin en lui disant : “Bois, c'est le dernier jour”. Et ils reprirent leurs injures verbales relatives aux femmes, aux religieuses et aux confessions. A Ribera de Cardos, ils remirent le serviteur de Dieu à leurs camarades communistes qui venaient de la F.A.I. de Tremp (Lerida). Ceux-ci le firent monter avec eux dans une camionnette et le conduisirent au village tout proche de Llavorsi (Lerida). A deux ou trois kilomètres de Llavorsi, ils le firent descendre. C'était le 17 août 1936, vers dix ou onze heures du soir. Les miliciens firent asseoir le père sur la digue, et ils l'éclairèrent bien avec les phares de la camionnette. Ils lui demandèrent de leur tourner le dos pour se mettre face au courant de la rivière, ce qu'il ne voulut pas faire, leur disant qu'il mourrait de face, et ajoutant : “Vive le Christ Roi, maintenant vous pouvez tirer”. En entendant cela, les miliciens tirèrent, tandis qu'il criait : “Vive le Christ Roi!”... Ils jetèrent sur le corps quelques pelletées de sable et de gravillons. Dès sa mort, sa renommée de sainteté et de martyre parmi ceux qui le connaissaient se confirma. Il est mort “martyr du Christ et de la Foi, et cette renommée, générale et spontanée, va en grandissant.”

e.Diocèse de Madrid

- La “Casita” (29 octobre 1936)

16.- Père Maurilio Tobar González, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 14 septembre 1869 à Tardajos, Burgos (Espagne) et mort le 29 octobre 1936 à Madrid.

17.- Père Ponciano Nieto Asensio, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 9 mars 1875 à Valverde del Campo, Valladolid (Espagne) et mort le 29 octobre 1936 à Madrid.

Dans la maison appelée la “Casita” résidaient les aumôniers chargés de la Maison Centrale des Filles de la Charité et du séminaire des soeurs, c'est-à-dire de près de 70 soeurs à voeux et de plus de 200 soeurs en formation. Dès le 23 juillet, les deux pères ci-dessus se réfugièrent dans la maison d'une cousine du supérieur. Mais c'est là qu'on vint les arrêter tous les trois. Ils furent probablement fusillés ensemble le 29 septembre 1936.

- Vallecas (23 octobre 1936)

18.- Père José María Fernández Sánchez, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 15 janvier 1875 à Oviedo (Espagne) et mort le 23 octobre 1936 à Vallecas-Madrid.

19.- Père Roque Guillén Garcés, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 21 mai 1879 à Sarrión, Teruel (Espagne) et mort le 23 octobre 1936 à Vallecas, Madrid.

20.- Père Benito Paradela Novoa, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 22 octobre 1887 à Amoeiró, Orense (Espagne) et mort le 23 octobre 1936 à Vallecas-Madrid.

21.- Frère Cristóbal González Carcedo, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 21 août 1913 à Lodoso, Burgos (Espagne) et mort le 23 octobre 1936 à Vallecas, Madrid.

22.- Frère Cesáre Elexgaray Otazua, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 25 février 1904 à Anteiglesia, Guípúzcoa (Espagne) et mort le 23 octobre 1936 à Vallecas, Madrid.

23.- Frère Juan Nuñez Orcajo, C.M., né le 14 septembre 1882 à Fontloso, Burgos (Espagne) et mort le 23 octobre 1936 à Vellacas, Madrid.

Vallecas est un faubourg de Madrid dans le cimetière duquel huit de nos confrères, trois prêtres et cinq frères, venant de trois maisons différentes, furent fusillés et enterrés le 23 octobre 1936. Il y avait des confrères de notre Maison Centrale et de la “Casita”, et deux d'Hortaleza dont nous parlerons plus tard. Les miliciens, en particulier voulaient leur faire avouer des “richesses” cachées par les soeurs. Ils connurent d'abord la prison avec les privations, les souffrances et la brutalité des interrogatoires. Puis, le 23 ou le 24 octobre, après une période d'internement plus douce, ils furent livrés aux miliciens de la Tchéca de Fomento, plus fanatiques et plus cruels que les autres qui, probablement, les massacrèrent le jour même.

- Hortaleza

24.- Père Eleuterio Castillo Gómez, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 18 Octobre 1903 à Marmellar de Arriba, Burgos (Espagne) et mort le 3 octobre 1936 à Madrid.

25.- Frère Saturnino Tobar González, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 24 décembre 1858 à Tardajos, Burgos (Espagne) et mort le 28 septembre 1936 à Vallecas, Madrid

26.- Frère Agustin Nogal Tobar, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 5 mai 1885 à Tardajos, Burgos (Espagne) et mort le 23 octobre 1936 à Vallecas, Madrid.

27.- Frère Bartolomé Gelabert Pericás, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 4 mai 1872 à Consey, Mallorca (Espagne) et mort le 27 novembre 1936 à Canillas, Madrid.

28.- Frère Pedro Armendáriz Zabaleta, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 29 avril 1877 à Tracheta, Navarra (Espagne ) et mort le 27 novembre 1936 à Madrid.

29.- Frère Manuel Trachiner Montaña, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 21 septembre 1915 à Puzol, Valencia (Espagne) et mort le 20 juillet 1936 à Hortaleza, Madrid.

30.- Frère Vicente Cecilia Gallardo, C.M., novice de la Province de Madrid, né le 10 septembre 1914 à Cabra, Córdoba (Espagne), et mort le 19 juillet 1936 à Hortaleza, Madrid.

31.- Frère Roque Catalán Domingo, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 24 janvier 1874 à Aldehuela, Teruel (Espagne) et mort le 22 juillet 1936 à Hortaleza, Madrid.

32.- Frère José García Pérez, novice de la Province de Madrid, né le 6 janvier 1915 à Lavadores-Tuy, Poteveora (Espagne) et mort le 28 juillet 1936 à Paracuellos, Madrid.

La maison d'Hortaleza, grande et belle, avec une vaste propriété comprenant plusieurs fermes, était le lieu de notre Séminaire Interne et d'un centre de formation professionnelle pour nos frères. Les miliciens, animés par la haine de la religion et la recherche de l'argent des communautés, voulaient en particulier faire avouer aux confrères les richesses que pouvaient recéler leurs maisons. Sous la pression de violents interrogatoires et des tortures ils obtinrent des aveux sur les lieux où étaient cachés les calices et d'autres objets précieux de la communauté. Certains, qui avaient cherché à s'enfuir avec des vêtements civils furent reconnus comme religieux, et pour ce seul motif furent fusillés. Un autre, devant une foule haineuse, alors qu'il tenait son chapelet en main, fut abattu d'une balle dans la tête. En tout, il y eut un prêtre et huit frères de cette maison qui furent massacrés.

- Valdemoro

33.- Père Benito Quintano Diaz, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 3 Avril 1861 à Lodoso, Burgos (Espagne) et mort le 12 décembre 1936 à Madrid.

34.- Père Teodoro Gómez Cervero, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 7 décembre 1877 à Deza, Soria (Espagne) et mort le 22 octobre 1936 à Madrid.

35.- Frère Isidro Alonso Peña, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 15 mai 1859 à Zumel, Burgos (Espagne) et mort le 14 décembre 1936 à Madrid.

Alors que les confrères pensaient être plus en sécurité dans ce petit village tranquille à 27 kilomètres de Madrid, ils furent délogés de là. Ils furent enfermés à Madrid dans les sous-sols de la Direction Générale de la Sécurité qui servaient de prison, en compagnie de nombreux autres religieux. C'est là qu'ils trouveront la mort.

- Paracuellos de Jarama

36.- Père Laureano Pérez Carrascal, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 4 juin 1876 à Valladolid (Espagne) et mort le 8 novembre 1936 à Madrid.

37.- Père Francisco Morquillas Fernández, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 16 Junio 1889 à Sarracín, Burgos (Espagne) et mort le 30 novembre 1936 à Barajas, Madrid.

38.- Père Victoriano Reguero Velasco, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 13 janvier 1902 à Valladolid (Espagne) et mort le 7 novembre 1936 à Madrid.

39.- Père Pedro Pascual García Martin, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 6 juin 1892 à Monteagudo, Teruel (Espagne) et mort le 4 décembre 1936 à Madrid.

Après un temps d'incarcération, ils furent exécutés sommairement en ce village appelé par la suite “Paracuellos des Martyrs”, en compagnie de nombreuses autres personnes connues pour leurs sentiments religieux ou leur opposition à la révolution.

- Maison Centrale de Madrid

40.- Père José Ibañez Mayandia, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 26 août 1877 à Puebla de Hijar, Teruel (Espagne) et mort le 27 juillet 1936 à Madrid.

41.- Père Hilario Barriocanal Quintana, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 14 janvier 1869 à Quintanavides, Burgos (Espagne) et mort le 20 août 1936 à Boadilla del Monte, Madrid.

42.- Père José Santos Ortega, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 18 septembre 1882 à Rabé de las Calzadas, Burgos,(Espagne) et mort le 23 septembre 1936 à Madrid.

43.- Père Benjamin Ortega Aranguren, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 30 mars 1885 à Villalta, Burgos (Espagne) et mort le 19 octobre 1936 à Madrid.

44.- Frère Estanislao Páramo Marcos, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 7 mai 1885 à Pedrosa del Rio Urbel, Burgos, (Espagne) et mort le 28 juillet 1936 à Madrid.

45.- Frère Gil Belascoain Ilagorri, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 1er septembre 1883 à Legarda, Navarra (Espagne) et mort le 7 novembre 1936 à Madrid.

46.- Frère Joaquin Zubillaga Echarri, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 31 janvier 1899 à Echeverri, Navarra (Espagne) et mort le 7 novembre 1936 à Madrid.

47.- Frère Perfecto Del Rio Páramo, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 18 avril 1882 à Pedroda del Rio Urbel, Burgos (Espagne) et mort le 12 août 1936 à Madrid.

Dans la nuit du 24 au 25 juillet 1936, des miliciens firent irruption dans la Maison Centrale, inspectant partout pour chercher des armes, mais ils n'en trouvèrent pas. Le 25 au matin le supérieur dispersa sa communauté qui alla se réfugier chez des parents ou des amis. Les pères et frères ci-dessus furent arrêtés et massacrés dans des circonstances différentes.

- Maison de la rue Fernández de la Hoz

48.- Père Manuel Requejo Pérez, C.M., membre de la Province d'Aquitaine (France), né 10 novembre 1872 à Aranda de Duero, Burgos (Espagne) et mort le 30 septembre 1936 à Madrid.

49.- Père José Acosta Aleman, C.M., membre de la Province d'Aquitaine (France), né le 27 mai 1880 à Cartagéne et mort à Totana, Murcia le 31 janvier 1937

f.Diocèse Saint-Sébastien (17 août 1936)

50.- José Modesto Churruca Muñoz, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 15 juin 1873 à Motrico, Guipúzcoa (Espagne) et mort le 17 août 1936 à Saint Sébastien.

A Saint-Sébastian, la révolution éclata le 19 juillet 1936. Le 20, le P. Churruca Muñoz fut blessé au visage par des éclats de verre d'un carreau brisé par une balle perdue. Puis, injustement dénoncé comme faisant de l'espionnage, il fut emprisonné, puis fusillé le 17 août 1936.

g.Diocèse de Barcelone

51.- Père Luís Berenger Moratones, C.M., membre de la Province de Barcelone, né le 4 juillet 1889 à Santa María de Horta, Barcelona (Espagne) et mort le 29 mai 1937 à Barcelone.

52.- Père Manuel Benimelis Cabré, C.M., membre de la Province de Barcelone, né le 31 janvier 1892 à Reus, Tarragona (Espagne) et mort le 12 septembre 1936 à Barcelone.

53.- Père Vicente Queralt Llotry, C.M., membre de la Province de Barcelone, né le 16 novembre 1894 à García, Barcelona (Espagne) et mort le 30 novembre 1936 à Barcelone.

h.Diocèse de Valence

54.- Père Rafael Vinagre Torres Muñoz, C.M., membre de la Province de Madrid, né le 24 Octobre 1867 à Feria, Badajoz (Espagne) et mort le 11 septembre 1936 à Valence.

55.- Père Agapito Alcalde Garrido, C.M., né le 24 Marzo 1867 à Rubena, Burgos (Espagne) et mort le 30 juillet 1936 à Valence.

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i.Diocèse de Gerona

56.- Père Juan Puig Serra, C.M., membre de la Province de Barcelone, né le 21 juillet 1879 à Los Balbases, Burgos (Espagne) et mort le 13 octobre 1936 à Figueras, Gerona.