La formation des nôtres selon Saint Vincent. Eléments de spiritualité

La formation des nôtres

selon Saint Vincent

Éléments de spiritualité

Luigi Nuovo C.M.

Saint Vincent voulait se faire passer pour un pauvre écolier de quatrième, alors que sa formation théologique, spirituelle et canonique était solide: aux questions posées, il répondait avec compétence.

Certes, il n'est pas homme à désirer la science pour la science, la science purement académique. Il met en garde contre cette science. Il estime la science à la lumière du service de l'Église, de la pastorale et des fins de la Congrégation, c'est-à-dire par rapport à la formation de bons prêtres et l'évangélisation des pauvres.

Il est poussé avant tout par une forte sensibilité et préoccupation apostoliques. Ses conseils et avertissements pour la formation de bons prêtres et surtout d'un futur Prêtre de la Mission peuvent se ramener à trois critères principaux :

1. Chercher à pratiquer les vertus chrétiennes, surtout celles "propres à notre état", comme le Christ qui "commença premièrement à faire, et puis à enseigner" (RC de la C.M.). Le missionnaire est appelé à se modeler sur le Christ, à adhérer à lui, à se conformer à lui. De manière prioritaire, il doit viser à la sainteté de la vie.

2. S'efforcer d'acquérir une solide et sérieuse formation théologique, morale et spirituelle -comme l'Église l'exige à la lumière du Concile de Trente- pour être bon prédicateur, enseignant, catéchiste et confesseur (cf. SV XI, 126-128).

3. Un bon Prêtre de la Mission doit savoir allier dans sa vie la culture théologique et les vertus solides : "Il ajouta de plus que ceux qui étaient savants et humbles étaient le trésor de la Compagnie, comme les bons et pieux docteurs étaient le trésor de l'Église" (SV XI, 126-127).

Pour Saint Vincent, l'étude de la théologie doit conduire au Seigneur. Il nous dit : "Si, à chaque fois que nous éclairons notre entendement, nous tâchons aussi d'échauffer notre volonté, assurons-nous que 1'étude nous servira de moyen pour aller à Dieu, et tenons pour une maxime indubitable qu'à proportion que nous travaillerons à la perfection de notre intérieur, nous nous rendrons plus capables de produire du fruit envers le prochain" (SV XI, 28-29). Il faut donc "étudier pour servir les âmes".


L'idéal pour saint Vincent, c'est "un homme bien savant et bien humble" (SV XI, 128). De là vient son estime pour André Duval, "un bon docteur, fort savant et tout ensemble si humble et si simple" (ib., 128), ou pour le Cardinal Pierre de Bérulle qui unissait culture et sainteté de vie, et plus encore François de Sales, qui proclamait l'Évangile dans ses écrits.

L'humilité et la sainteté de vie doivent appartenir tout particulièrement à ceux qui sont appelés à la formation du clergé : "S'il plaisait à Dieu nous rendre bien intérieurs et recueillis, nous pourrions espérer que Dieu se servirait de nous, tout chétifs que nous sommes, pour faire quelque bien, non seulement à l'égard du peuple, mais encore et principalement à 1'égard des ecclésiastiques." (SV XII, 16)

Dans cette ligne, il exhorte ceux qui se préparent au sacerdoce à être conscients du fait que, pour un prêtre, tout ce qu'il est et tout ce qu'il possède, appartient à Dieu : "estimez que, si vous avez quelque chose en vous qui vous rende tant soit peu recommandable, vous le tenez de Dieu, que c'est Dieu qui vous l'a donné. Vivez, mes frères, dans cet esprit-là; tâchez, mes frères, de le conserver, si vous l'avez déjà; et si vous ne l'avez pas, demandez-le instamment à Notre-Seigneur." (SV XII, 61-62) Il ajoute : "Qu'en même temps que vous étudierez la science et philosophie d'Aristote et que vous apprendrez toutes ses divisions, vous appreniez celle de Notre Seigneur et ses maximes et les mettiez en pratique ..." (ib. 63-64)

La formation doit être la plus complète possible. En plus de la théologie dogmatique, il faut de 1'exercice pour bien prêcher et bien faire le catéchisme; il faut connaître la théologie morale et savoir résoudre les cas de conscience.

La formation porte essentiellement sur trois éléments étroitement unis entre eux :

a) la formation spirituelle,

b) la formation intellectuelle,

c) la formation liturgique et pastorale (ce qui distinguait le plus le séminaire "vincentien").

a) La formation spirituelle tient le plus au cœur de saint Vincent : de manière décidée, elle doit conduire les séminaristes à la vie intérieure, à l'oraison, au recueillement et à l'union à Dieu.


Tout particulièrement, les étudiants doivent compléter la formation reçue au Séminaire Interne; ils doivent en conserver l'esprit et le faire mûrir, en essayant d'obtenir par leurs études, l'union entre la foi et la culture, entre la science et la piété. Il insiste là-dessus dans deux lettres à Firmin Get, au séminaire de Montpellier : "Vous devez avoir pour but principal, en l'éducation des ecclésiastiques, de les dresser à la vie intérieure, à 1'oraison, au recueillement et à l'union avec Dieu ... Ce n'est pas l'ouvrage d'un jour, mais de plusieurs années . .." (SV VII, 593). "Ce que je vous recommande, au nom de N.-S., est de porter vos pensionnaires à la vie intérieure. Ils ne manqueront pas de science s'ils ont de la vertu, ni de vertu s'ils s'adonnent à l'oraison, laquelle étant bien et exactement faite, elle les introduira infailliblement en la pratique de la mortification, le détachement des biens, l'amour de l'obéissance, le zèle des âmes et le reste de leurs obligations" (SV VIII, 3). A un autre supérieur de séminaire il écrit : "Vous n'en manquerez pas (de séminaristes) si vous prenez la peine de les élever dans le véritable esprit de leur condition, qui consiste particulièrement en la vie intérieure et en la pratique de l'oraison et des vertus; car ce n est pas assez de leur montrer le chant, les cérémonies et un peu de morale; le principal est de les former à la solide piété et dévotion" (SV IV, 597).

La prière personnelle, l'oraison mentale "selon la méthode de notre Bienheureux Père François de Sales", la célébration et l'adoration de l'Eucharistie, la pratique du sacrement de pénitence, la lecture du Nouveau Testament, de l'Imitation de Jésus-Christ et d'autres textes, forment l'ossature de l'édifice spirituel.

b) La formation intellectuelle est réglée par des principes et des normes auxquels le supérieur de la maison, les enseignants et les élèves doivent prêter grande attention. Les étudiants reçoivent une série de précieux conseils :

En tout premier lieu, ils doivent prier la Sagesse divine de les instruire; ils doivent lire des livres judicieusement choisis et surtout réfléchir sur leurs lectures. L'étude doit être méthodique ils doivent prévoir la leçon à recevoir en classe et s'y préparer. A l'exercice de la mémoire ils doivent joindre le jugement critique.

Telles sont les dispositions à apporter à l'étude, afin d'en tirer le plus grand profit et savoir la traduire en style de vie.

c) La formation liturgique et pastorale, qui forme un ensemble, est pour saint Vincent un point important. Ses prêtres, destinés aux missions ou à l'enseignement dans les séminaires, doivent recevoir en ce domaine une formation aussi complète que possible. Tous les points sont à soigner : les cérémonies, les rubriques, le chant, la prédication, le catéchisme, la célébration des sacrements, les exercices et les pratiques de dévotion.

Saint Vincent veut remédier aux abus et aux graves négligences dont il a été si souvent témoin et qu'il évoque encore dans la conférence du 23 mai 1659 : "Oh ! Si vous aviez vu, je ne veux pas dire la laideur, mais la diversité des cérémonies de la messe, il y a quarante ans, elles vous auraient fait honte; il me semble qu'il n'y avait rien de plus laid au monde, que les diverses manières dont on la célébrait : aucuns commençaient la messe par le Pater noster; d'autres prenaient la chasuble entre leurs mains et disaient l' Introibo, et puis ils mettaient sur eux cette chasuble. J 'étais une fois à Saint-Germain-en-Laye, ou je remarquai sept ou huit prêtres qui dirent tous la messe différemment; l'un faisait d'une façon, l'autre d'une autre; c'était une variété digne de larmes." (SV XII, 258-259)


Pour le même motif il veut que les séminaires préparent des prêtres sachant entretenir des lieux de culte respirant dignité et noble beauté. A ce propos, le 1er mars 1652, il écrit à Lambert aux Couteaux, en Pologne : "J'ai rougi de confusion, comme vous, voyant ce que l'on vous a dit de la saleté et désordre des églises de France et des irrévérences qu'on y fait; je ne doute pas que, voyant le contraire en celles de Pologne, ceci ne vous paraisse tout autre à présent, qu'il ne faisait étant de deçà... J'ai fait résolution d'y travailler, à commencer par nous-mêmes céans, et par recommander cela à toutes nos maisons, à continuer par les ordinands, exercitants et en nos assemblées avec les ecclésiastiques externes, bref en toutes les manières que je le pourrai." (SV IV, 326-327)

Tous ces divers aspects doivent se soutenir mutuellement, de manière à ce que la vie spirituelle, la culture théologique, la pratique liturgique et pastorale façonnent un prêtre complet, mûr et équilibré, riche de charité pastorale authentique et profonde à l'égard de tous, mais de façon spéciale envers les pauvres. Ils doivent donner un homme de Dieu à la charité brûlante et contagieuse.

(Traduction : Paul Henzmann, C.M.)