Les Constitutions de la Congrégation de la Mission. Notes historiques

Les Constitutions de la Congrégation de la Mission

Notes historiques

Par Carlo Braga C.M.

Province de Rome

Pour comprendre les Constitutions actuelles de la Congrégation de la Mission, il est très utile de connaître le cheminement historique qui les a précédées. Leur origine, en effet, part du contrat des Gondi avec saint Vincent et de la reconnaissance de la Compagnie par l'Autorité ecclésiastique; cette origine se reflète sur la formation graduelle des normes juridiques demandées pour leur consolidation, ainsi que sur la codification des principes et des lois qui leur donnent forme dans l'Église. Dans ce processus on découvre le projet et la prudence de Monsieur Vincent, mais surtout la conduite de la Providence dans l'histoire de la «Petite Compagnie».

I - LE TRAVAIL LEGISLATIF DE SAINT VINCENT (1625-1659)

Il s'étend sur une période de pratiquement 35 ans: depuis le contrat de fondation avec les Gondi, jusqu'à la mort du saint.

1. La fondation de la Compagnie (1625-1633)

1.1. Le contrat de fondation (17 avril 1625). C'est l'acte notarial, de nature civile, par lequel entre Philippe Emmanuel de Gondi, Marguerite de Silly et Vincent de Paul, il est décidé de fonder une «pieuse association de quelques ecclésiastiques» qui, sous la conduite de Vincent s'appliqueront à l'évangélisation du pauvre peuple de la campagne. On veut rendre durables les fruits de ce qui s'est passé à Gannes-Folleville en 1617. Voici les éléments essentiels de cet acte:

  1. On entend remédier dans une certaine mesure à l'abandon spirituel du pauvre peuple de la campagne, en constituant une «pieuse association de quelques ecclésiastiques de doctrine, piété et capacité connues, qui voulussent renoncer tant aux conditions desdites villes qu'à tous bénéfices, charges et dignités de l'Église, pour, sous le bon plaisir des prélats, chacun en l'étendue de son diocèse, s'appliquer entièrement et purement au salut du pauvre peuple, allant de village en village, aux dépens de leur bourse commune, prêcher, instruire, exhorter et catéchiser ces pauvres gens et les porter à faire tous une bonne confession générale de toute leur vie passée, sans en prendre aucune rétribution en quelque sorte ou manière que ce soit, afin de distribuer gratuitement les dons qu'ils ont reçus de la main libérale de Dieu».

  1. Les Gondi se constituent patrons et «fondateurs dudit œuvre». Dans ce but, ils s'engagent à verser à Vincent de Paul la somme de 45.000 livres à investir «en fonds de terre ou rente constituée» dont le profit et revenu servira à l'entretien de l'association et de ses membres.

  1. Les membres de l'association s'engagent à renoncer expressément à toute charge, bénéfice ou dignité; à vivre en commun sous l'obéissance de Monsieur Vincent ou de son successeur, «sous le nom de Compagnie, Congrégation ou Confrérie des Pères ou Prêtres de la Mission», à donner les missions sur les territoires des Gondi tous les cinq ans et à occuper leur temps libre par des œuvres d'assistance et par l'aide aux curés.

  1. A la mort de Vincent de Paul, supérieur à vie, les membres de l'association choisiront parmi eux son successeur pour un mandat d'une durée de trois ans. Les Gondi renoncent au droit de présentation pour la nomination du successeur (Coste XIII, 197-202).

On se souviendra des notes caractéristiques de la Compagnie et les engagements qu'elle assume, décrits dans cet acte, parce qu'ils seront encore à la base de tous les documents suivants.

1.2. Reconnaissance par l'Archevêque de Paris (24 avril 1626). L'acte de fondation, signé des Gondi et de Monsieur Vincent le 17 avril 1625, fut `reçu, loué et approuvé' par l'archevêque de Paris, Jean-François de Gondi, frère du fondateur de la «pieuse association», le 24 avril 1626. Il reconnaît ecclésiastiquement un organisme fondé civilement, dont les ministères sont de la compétence des autorités ecclésiastiques. Il confirme les clauses du contrat initial, concède aux missionnaires de s'établir à Paris et conditionne à son consentement leur engagement apostolique. Il est curieux que le décret épiscopal, alors qu'il cite les Gondi avec tous leurs titres, n'indique pas le nom de Vincent de Paul, l'autre contractant; il parle seulement d'un contrat «au sujet de quelques ecclésiastiques» (Coste XIII, 202-203).

1.3. Association des trois premiers missionnaires (4 septembre 1626). En un an, Vincent aurait dû réunir une communauté de six ecclésiastiques qui auraient vécu et travaillé avec lui. Avec quelque retard, la clause du contrat trouve sa première et partielle réalisation avec l'acte notarial - encore un acte de caractère civil - d'association des trois premiers missionnaires avec saint Vincent: François du Coudray et Jean de la Salle, prêtres du diocèse d'Amiens, et Antoine Portail, prêtre du diocèse d'Arles. Ils s'engagent à «vivre ensemble à la manière d'une congrégation, compagnie ou confrérie», et à s'appliquer au salut du pauvre peuple de la campagne, selon la dite fondation, avec la promesse d'en respecter la nature et d'observer le règlement qui sera formulé pour elle, et d'obéir à Vincent et à ses successeurs (Coste XIII, 203-205).

1.4. Approbation du roi et du parlement. Le roi approuve la Compagnie en mai 1627, confirmant toutes les clauses du contrat de fondation et de l'approbation de l'archevêque de Paris (Coste XIII, 206-208). Le parlement ratifiera la décision royale trois ans plus tard (4 avril 1631: Coste XIII, 232-233), après avoir surmonté les oppositions du clergé de Paris qui craignait une immixtion, de caractère surtout économique, de la part de la nouvelle compagnie (Coste XIII, 227-232). C'est à ce but que tendent plusieurs clauses qui veulent sauvegarder la paix de l'Église.

Dans ces quatre étapes initiales nous voyons affirmées les lignes porteuses de la nouvelle fondation: évangélisation des pauvres de la campagne, ministère en dépendance des évêques et des curés, à prêter gratuitement, réalisé avec le soutien d'une règle et d'une vie en commun sous la direction d'un supérieur.

2. L'approbation pontificale (1627-1633)

Avec l'association des premiers compagnons, Vincent avait pratiquement réalisé le projet des Gondi et le sien. La «pieuse association d'ecclésiastiques» avait été approuvée par l'archevêque de Paris et par le roi. C'était une association du diocèse de Paris. Avec l'extension de son œuvre missionnaire, Vincent voyait la nécessité d'obtenir aussi une reconnaissance, qui donnerait à l'association ou congrégation le droit de cité au-delà du territoire parisien. Elle devait venir de Rome.

Nous connaissons trois moments de cette approbation, réalisés en 1627, en 1628 et en 1632, le premier et le troisième furent positifs, le deuxième négatif.

2.1. Approbation d'une `Mission'. En 1627, Vincent s'adresse à la Congrégation `Propaganda Fide'. Conscient de la méfiance de Rome à l'égard de la création de nouveaux instituts religieux, Vincent ne parle pas d'une `Congrégation', mais d'une `Mission', terme technique attribué alors à des groupes de missionnaires engagés dans l'activité apostolique, aussi en pays catholiques, constitués parfois de membres de communautés religieuses, en général pour un temps, qui pour leur activité apostolique dépendaient de Propaganda. La supplique fut examinée par la congrégation des cardinaux le 5 novembre 1627, en présence du Pape. L'œuvre fut définie `d'inspiration divine' (jugement qui sera repris par Urbain VIII dans la bulle d'approbation). La demande est donc approuvée, à la condition que pour l'exercice de leur ministère les missionnaires aient le consentement préalable des évêques. En outre, la `Mission' doit avoir un protecteur, indiqué en la personne de l'archevêque de Paris (Coste XIII, 238).

La reconnaissance par Propaganda fait de la nouvelle fondation un institut non plus de simple droit diocésain, mais de droit pontifical; il peut donc s'étendre au-delà des limites du diocèse d'origine. La décision des cardinaux et du Pape est claire: ils pensent non pas à une congrégation religieuse stable, mais à une `Mission', à un organisme temporaire, selon la signification technique d'alors. Rome approuve une `Mission', pas encore la «Congrégation de la Mission».

Coste n'a pas eu connaissance de la documentation concernant cette approbation pontificale: A. Coppo, Documenti inediti per la storia della C.M. presso l'archivio della S.C. `de Propaganda Fide'. I. La prima approvazione pontificia della Missione nel 1627 in Annali della Missione 79 (1972) 222-255.

2.2. Les échecs de 1628. Les membres de la `mission' se persuadent toujours plus que l'œuvre est de Dieu et qu'elle est destinée au service de l'Église universelle. Donc, un an après la première reconnaissance, Monsieur Vincent se donne du courage et envoie à Propaganda une nouvelle demande d'approbation, cette fois, non pas d'une `Mission', mais d'une vraie `Congrégation': une première fois en juin et une seconde fois (le même texte, mais plus précis dans la formulation du caractère apostolique et des relations avec les évêques) le 1er août 1628 (Coste I, 42-51; 52-57). Dans aucune des deux versions il ne fait allusion à l'approbation comme `Mission' obtenue l'année précédente. Vincent demande l'approbation et la confirmation de l'institut comme Congrégation, avec tous les privilèges en usage dans les instituts religieux, y compris l'exemption des évêques.

La réponse est négative (Coste XIII, 225). Propaganda a bien compris la pensée de Vincent et tient donc compte de deux choses: l'hostilité de la Curie à la création de nouvelles Congrégations religieuses, et les limites de l'approbation donnée l'année précédente, dont elle ne pensait pas devoir s'écarter. Malgré cela, Propaganda concède que «s'institue… la Mission des prêtres en question avec d'amples facultés per totum regnum Galliae de licentia Ordinariorum… qu'elle puisse se développer jusqu'à 20 ou 25 prêtres, sans lui donner la forme de Congrégation ni de confrérie… le Siège apostolique ne juge pas bon d'instituer ni Religions, ni confréries, ni Congrégations de Missions, parce que, outre que la nature des Missions est contraire à ces liens, la perpétuité des Congrégations, religions et confréries est aussi contraire aux missions elles-mêmes, qui s'instituent pour des besoins qui cessent avec la conversion des peuples auxquels elles sont envoyées» (Coste XIII, 224).

Pour quelques documents concernant cette supplique, sa présentation et la demande d'intervention du Nonce, outre ce qui a été publié par Coste (XIII, 218-222), voir: A. COPPO, Documenti inediti per la storia della Congregazione della Missione, presso l'archivio della S.C.  `de Propaganda fide'. II. Le due suppliche del 1628 per l'erezione dell'Istituto in Congregazione di diritto pontificio, non accolte dalla sacra Congregazione, in Annali della Missione 80 (1973) 37-65.

2.3. La supplique de 1632. La réponse négative de Propaganda ne décourage pas Monsieur Vincent qui, en 1631, envoie à Rome le père du Coudray pour lancer et suivre de près de nouvelles tractations pour l'approbation de la Congrégation. Il est aussi convaincu de la nécessité de changer d'interlocuteur. En effet, au commencement de 1632 il adresse au Pape une nouvelle supplique. Cette fois il ne passe plus par Propaganda, mais par la Congrégation pour les Evêques et les Réguliers.

Dans la première partie du document, Vincent fait une brève présentation historique de la fondation et des fruits du travail apostolique accompli par elle. Dans la seconde partie, il demande l'approbation d'une `Congrégation de prêtres séculiers dits missionnaires', `avec les conditions, règles et ordres contenus dans le document ci-joint' et avec toutes les concessions habituelles à faire en de telles circonstances. En particulier, Vincent demande que les missionnaires puissent, sur le mandat des Ordinaires et avec la permission des curés, s'occuper des missions, du catéchisme, de l'instruction des pauvres gens de la campagne; instituer la compagnie de la charité; arranger querelles et discordes; former le clergé à la connaissance de la morale et de la célébration des sacrements; accueillir les prêtres dans leurs maisons pour des exercices spirituels; préparer les ordinands. Tout cela sera mené gratuitement. Sur le plan juridique, il demande que la Congrégation soit composée de clercs, qu'on pourra admettre à l'âge de 17 ou 18 ans et après une année d'essai, de `prêtres séculiers' et de laïcs; que Vincent soit reconnu, de son vivant, supérieur de la maison de Paris et des autres qui seront fondées ainsi que de toute la Congrégation; qu'après sa mort, ses successeurs soient élus pour trois ans, renouvelables une fois; que le supérieur général ait toutes les facultés qu'ont les autres supérieurs généraux, et puisse légiférer pour la Congrégation avec le consentement de l'Ordinaire; que la Congrégation jouisse des privilèges, facultés, immunités, exemptions dont jouissent les autres congrégations.

La demande arrive à la Plenaria de la Congrégation pour les Evêques et les Réguliers le 30 avril 1632. Le relateur en est le cardinal Bentivoglio, qui avait déjà proposé l'acceptation de la demande de 1627 et le refus de la pétition de 1628. Il n'y a pas d'oppositions, mais seulement la demande d'autres informations à solliciter près du Nonce en France et de l'archevêque de Paris. Ceux-ci répondront favorablement. Nous n'avons pas une réponse officielle immédiate et nous ne connaissons pas non plus de documents qui nous informeraient sur le cheminement ultérieur du dossier. Certainement l'œuvre du père du Coudray a pesé d'un grand poids.

Coste n'a pas eu connaissance non plus de la documentation concernant cette nouvelle pétition. La supplique de Monsieur Vincent a été découverte aux archives du Vatican en 1925 : G. MAZZINI, Per l'approvazione della Congregazione della Missione. Un documento dell'anno 1632, in Annali della Missione 32 (1925) 174-187.

2.4. La bulle «Salvatoris nostri» d'Urbain VIII (12 janvier 1633). La réponse à la pétition de 1632 est datée du 12 janvier 1633 avec la Bulle d'approbation de la Congrégation, la Bulle «Salvatoris nostri» d'Urbain VIII (Coste XIII, 257-267). La `pieuse association' fondée le 17 avril 1625, la `Mission' de 1627, devient finalement la «Congrégation de la Mission». Signée du Pape, la Bulle est transmise au Promoteur de la Curie de Paris le 30 octobre 1633. L'archevêque en est nommé exécuteur. La publication en vue de l'exécution a lieu le 14 mars 1634 et elle est rendue exécutoire le 27 novembre suivant. L'approbation du roi arrive seulement le 16 mars 1642 (Coste XIII, 286-287).

Il est utile de rappeler les points essentiels du document pontifical et d'en faire une comparaison avec les clauses du contrat initial avec les Gondi:

1. «La fin principale et le but spécifique de cette congrégation et de ses membres seront, avec l'aide de la grâce divine, de se consacrer, ensemble à leur propre salut, au salut de ceux qui vivent dans les habitations campagnardes, dans les villages, dans les campagnes, dans les petites localités et dans les pays les plus pauvres; dans les habitations citadines, au contraire, et dans les villes… la fin et le but seront d'accueillir les candidats aux ordres sacrés pour les exercices spirituels… et de les préparer adéquatement à recevoir les ordres sacrés». Dans les missions ils devront, après autorisation du curé: enseigner les commandements et les premiers éléments de la doctrine chrétienne, recevoir les confessions générales, administrer l'Eucharistie, faire le catéchisme et les autres instructions pratiques «ad captum populi», fonder la confrérie de la Charité; arranger les querelles et les discordes. Ils pourront s'occuper de la formation des curés par le moyen des exercices spirituels dans leurs maisons ou en réunions mensuelles de zones.

Tous les ministères devront être gratuits.

2. «Les membres de cette Congrégation, bien que assujettis pour la discipline et la direction au supérieur général et aux supérieurs propres, sont aussi assujettis aux Ordinaires des lieux mais seulement pour ce qui regarde les missions, de façon que ces mêmes Ordinaires puissent envoyer aux parties de leurs diocèses qu'il leur semblera opportun les membres désignés par les supérieurs».

3. Les membres de la Congrégation peuvent être des laïcs, des clercs, des prêtres; pour être reçus les clercs doivent avoir au moins 17 ou 18 ans et après un an de formation, s'ils ont l'intention de rester dans la Congrégation pour toute la vie. Leurs devoirs: vénérer de façon spéciale la Très Sainte Trinité, le mystère de l'Incarnation, la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu. Célébrer la messe ou y participer quotidiennement; confession et communion hebdomadaire; une heure de méditation chaque jour; examen de conscience.

4. Vincent sera supérieur général à vie. Après sa mort on élira un nouveau supérieur général. Celui-ci aura pouvoir sur toutes les maisons de la Congrégation, nommera les supérieurs et les divers officiers; il aura les facultés qu'ont les supérieurs généraux dans les autres congrégations.

`Durante munere', il pourra établir, changer ou abolir les normes qu'il estimera utiles pour le bien de la Congrégation; elles seront approuvées par l'archevêque de Paris.

5. La Congrégation, fruit d'inspiration divine, est agréable à Dieu, utile aux hommes, nécessaire. Sa diffusion est donc souhaitable et à favoriser.

6. Suit l'approbation proprement dite: on donne mandat à l'archevêque de Paris d'approuver la Congrégation de la Mission, ses règles, son supérieur.

«Ad cautelam», sont énumérés quelques points plus importants: nom de la Congrégation, membres, supérieur général actuel et nomination de ses successeurs, exemption de la juridiction des évêques sauf pour les missions, pouvoir de posséder et d'acquérir, communication des privilèges dont jouissent les autres congrégations. Les règles et autres dispositions devront être approuvées par l'archevêque de Paris.

Suivent les clauses finales de validité universelle et perpétuelle.

La Bulle d'Urbain VIII marque le point d'arrivée logique et décisif du développement naturel et législatif de la Congrégation: elle reconfirme les clauses fondamentales du contrat de fondation, les sollicitations contenues dans la demande d'approbation de 1632 et quelques éléments des demandes de 1628. Ceci indique combien Vincent avait les idées claires sur la manière d'organiser sa Congrégation.

3. Création de l'organisation juridique interne (1642-1655)

L'approbation définitive de la Congrégation obtenue, commence pour Vincent le travail en vue de concrétiser les principes contenus dans le document pontifical, fixant les normes destinées à conduire la vie interne, le travail apostolique et la vie spirituelle de l'Institut. La Bulle pontificale confie au seul Vincent cette œuvre avec deux limites: ne pas aller contre les dispositions du Concile de Trente, et faire approuver les décisions par l'archevêque de Paris. Vincent profite largement de la faculté. Mais à partir de 1642 il commence à penser aux Assemblées comme structures permettant de profiter de la collaboration des autres confrères.

3.1. La première assemblée de la communauté se tient à Saint-Lazare du 13 au 23 octobre 1642. En plus de Vincent, elle est composée de dix missionnaires, cinq supérieurs des maisons plus proches de Paris et cinq appelés pour suppléer les supérieurs plus éloignés. Vincent la voit comme un élément qui vient compléter l'organisation de la Compagnie. Il en explique la valeur et la finalité. Il en préside et dirige les travaux. Le compte rendu des sessions nous informe des sujets traités (Coste XIII, 287-293):

  1. Les règles de la Congrégation: on en traite les 14, 15 et 16 octobre. Les observations et propositions étant nombreuses, pour gagner du temps on nomme une commission qui, avec le supérieur général, s'occupe de fixer le texte.

  2. Les règles du Supérieur Général: élection, pouvoirs disciplinaires et administratifs, possibilité d'être démis, suggestions pour la nomination du successeur.

  1. Division des maisons en provinces: on accepte le principe et, à la fin de l'assemblée on établit 4 provinces.

  1. Système d'élection du Supérieur Général: au Général défunt succède le Vicaire désigné par lui, et à l'Assemblée seront présentés, sans qu'ils soient contraignants, les deux noms suggérés par le défunt comme ses possibles successeurs pour la conduite de la Compagnie.

  1. Assemblées triennales: elles se tiendront soit dans les provinces soit au niveau général.

  1. Seminarium renovationis: doit se faire 6 ou 7 ans après le séminaire interne (décision jamais appliquée dans la Congrégation).

  1. Deux assistants sont élus, `anges gardiens du Supérieur général'.

Les conclusions écrites de l'Assemblée sont les premières pages du droit fondamental de la Congrégation, qui commence à se concrétiser dans un corps de règles précis et sûr. Il sera complété à l'Assemblée de 1651.

3.2. La deuxième assemblée de la communauté se tient à Saint-Lazare du 1 juillet au 23 août 1651. C'est un pas en avant important dans la formulation du droit constitutionnel de la Compagnie. Sous la présidence de Monsieur Vincent, y participent 13 missionnaires, dont 9 supérieurs. Nous en avons un bref sommaire (Coste XIII, 326-332), et une relation très ample, avec des jugements personnels, rédigée de manière privée par le père Lucas (Coste XIII, 333-356). Le thème qui absorbe surtout l'assemblée est celui des vœux. Mais la question des Règles revient aussi. Voici les points traités:

  1. Les vœux de la Compagnie: les conserver ou les abolir? Abolir la clause de leur dispense réservée au Pape et au Supérieur général? Les avis sont très divers; on finit par accepter de les conserver, avec le chaud soutien de Vincent, demandant cependant à Rome une confirmation de l'approbation donnée par l'archevêque de Paris.

  1. Doutes sur l'opportunité que le Supérieur général indique à l'Assemblée générale deux noms pour la nomination de son successeur. Mais on en reste aux règles en vigueur.

  1. Problèmes secondaires concernant la vie de la Compagnie (missions, frères coadjuteurs, absences, etc.…).

  1. Révision des Règles communes de la Communauté. On laisse ensuite à une commission restreinte la rédaction définitive. À la fin des travaux, les participants signent une demande d'approbation des Règles, adressée à l'archevêque de Paris, délégué pontifical ad hoc. On expose la procédure de la préparation et on dit que ces Règles ont été `in praxim a nobis ut plurimum a viginti quinque circiter annis redactas» (Coste XIII, 357-359).

L'archevêque approuve le corpus des Règles et Constitutions le 23 août 1653 (cf. Vincentiana 33 (1991) 404-406 et Coste XIII, 365-366). Le texte semble être celui contenu dans le «Codex de Sarzana», enregistré dans la bibliothèque de la Maison de la Mission de Sarzana (province de Turin) et actuellement aux archives de la Curie Générale à Rome.

3.3. Le premier `codex' de la législation de la Congrégation (Code de Sarzana), le plus ancien texte écrit qui recueille toutes les Règles fixées par les Assemblées de 1642 et de 1651, approuvées par l'archevêque de Paris le 23 août 1653, il contient:

  1. Les Règles communes;

  2. L'Ordinatio et la formule des vœux, une déclaration sur le vœu de pauvreté, l'approbation archiépiscopale des vœux, de 1641;

  3. Les règles du Supérieur Général;

  4. Les règles du Visiteur;

  5. Les règles du Supérieur local;

  6. Normes pour les Assemblées (générales pour l'élection du Général, ordinaires et provinciales);

  7. Approbation de l'archevêque de Paris, de 1653;

  8. Authentifications notariales des documents et authentification du Nonce.

Ce texte est la base des Règles de 1658, qui comporteront aussi des changements significatifs dans la formulation de plusieurs articles et surtout pour ce qui concerne la discipline de la pauvreté.

A.Coppo, La prima stesura delle regole e costituzioni della Congregazione della Missione, in Annali della Missione 64 (1957) 206-254; ID. Antiquissimus codex regularum et constitutionum Congregationis anno 1655 manu scriptis archivo generali dono datus, in Vincentiana 16 (1972) 115-124. Pour le texte intégral voir: Codex Sarzana, trascribed and edited by E. Rybolt, in Vincentiana 33 (1991) 303-406.

4. Les vœux (1641-1659)

Un des problèmes qui pesait le plus profondément sur la vie de la nouvelle Congrégation était celui de la persévérance des membres. Le travail était dur et certainement pas toujours gratifiant: donc, après un certain temps, certains se retirèrent ou eurent la tentation de se retirer. Ils n'étaient liés à la Communauté que par la promesse d'en observer les Règles. Selon Vincent, le problème pouvait trouver sa solution dans un lien plus étroit, tel qu'était celui des vœux. Il restait cependant des difficultés à surmonter: la Congrégation pouvait devenir l'une des si nombreuses congrégations religieuses; les curés n'auraient plus eu la même confiance; ceux qui étaient déjà en communauté y étaient entrés avec d'autres perspectives, etc. Vincent en discuta longtemps avec les confrères, il consulta des experts, fit divers projets concernant le nombre et la nature des vœux de sa Congrégation, pria et enfin demanda l'approbation nécessaire.

4.1. Approbation de l'archevêque de Paris (19 octobre 1641). C'est le premier échelon: l'archevêque de Paris est chargé par la bulle d'Urbain VIII d'approuver les normes de la Congrégation. Le décret établit: les vœux, qui ont pour but d'assurer la persévérance dans la vocation, s'émettent après la deuxième année de séminaire; ils sont simples et seuls le Pape ou le Supérieur général peut en dispenser; les membres déjà admis dans la Congrégation sont libres de les émettre; la Congrégation continue à faire partie du clergé (dans le document manque le mot séculier) (Coste XIII, 283-286). Le décret fait partie du corpus législatif rapporté par le Codex de Sarzana. Ses termes se retrouveront dans l'approbation pontificale.

4.2. Approbation pontificale (22 septembre 1655). L'approbation, même avec une autorité pontificale, faite par l'archevêque de Paris, n'avait pas créé un climat d'acceptation commune et tranquille des vœux dans la Communauté de la Mission. De vives oppositions se manifesteront à l'assemblée de 1651. Celle-ci accepta la position du fondateur, mais demanda un recours à Rome pour une confirmation définitive de la question. Dans ce but Vincent fit préparer une étude vaste et approfondie par quelques docteurs de la Sorbonne et la fit présenter à la Congrégation pour les Evêques et les Réguliers (Coste XIII, 365-370).

Le résultat est le Bref «Ex commissa nobis» d'Alexandre VII (22 septembre 1655), qui approuve les vœux émis dans la Congrégation de la Mission (Coste XIII, 380-382), confirmant les notes et les conditions approuvées par l'archevêque de Paris en 1641 et en 1653:

  1. Reconfirmation de la Congrégation, comme elle avait été approuvée par Urbain VIII.

  1. Reconnaissance des vœux simples de chasteté, pauvreté et obéissance et de stabilité, dans le but de se consacrer pour toute la vie à l'évangélisation du pauvre peuple de la campagne.

  1. Les vœux s'émettront au terme des deux ans de formation au séminaire (Alexandre VII précisera le 7 octobre 1662 que les deux années de séminaire doivent précéder l'émission des vœux), sans que personne ne les accepte ni au nom de la Congrégation, ni au nom du Pape.

  1. On pourra être dispensé des vœux seulement par le Pape et par le Supérieur général in actu dimissionis. (Cette limitation sera confirmée par Clément X, le 23 juin 1670).

  1. Malgré ces vœux, les membres de la Congrégation demeurent membres du clergé séculier et la Congrégation est exempte des Ordinaires, sauf pour les missions.

Ayant reçu le Bref, Vincent convoque les confrères de Saint-Lazare, leur présente le document et fait rédiger un acte notarié d'acceptation de la volonté du Pape de la part de la Congrégation, y faisant souscrire les confrères de la maison. (Coste XIII, 383-385).

4.3. Le `statut fondamental' de pauvreté (12 août 1659). Une fois acceptée la décision d'Alexandre VII sur les vœux de la Compagnie, restait quelque difficulté concernant la pauvreté. La matière du vœu avait été fixée à l'assemblée de 1651 (Coste XIII, 351). Et sa définition était donc passée dans les règles approuvées en 1653. Le vœu se révélait être très sévère, il exigeait le renoncement aux fruits des bénéfices possédés en faveur de la Communauté. Vincent, en 1659, sollicita et obtint une autre intervention d'Alexandre VII, par le bref «Alias nos» (12 août 1659), qui définit les termes du vœu de pauvreté à observer dans la Congrégation. C'est le «statut fondamental» qui, modifiant les `conditions' précédentes, prévoit:

  1. Droit pour les membres de la Congrégation de garder en propriété des biens immeubles et des bénéfices simples.

  2. Usage des biens propres limité par la dépendance du supérieur.

  3. Les fruits de ces biens ne pourront être dépensés à usage personnel sans la permission du supérieur; mais toujours avec la permission du supérieur, ils devront être utilisés pour des bonnes œuvres. Les premiers à être aidés seront les parents ou d'autres proches dans le besoin. (Coste XIII, 406-409).

Pour les changements qui se sont succédés dans les normes concernant la pauvreté: A.COPPO, L'évolution du vœu de pauvreté des prêtres de la Mission jusqu'en 1659, in Vincentiana 16 (1972) 256-272.

II. LE TRAVAIL DES ASSEMBLEES GENERALES (1668-1963)

2.1. Les Assemblées Générales après la mort de saint Vincent (1661 et 1668)

a) L'Assemblée Générale de 1661 (15-20 janvier) élit le Père Antoine Almeras comme premier successeur de Vincent, selon les normes de 1642. C'est la première Assemblée Générale proprement dite, et elle est appelée à ratifier ce qui a déjà été expérimenté du vivant du fondateur, et à pourvoir au complément de son organisation.

b) Les `Constitutiones maiores'. Huit ans plus tard, la deuxième Assemblée Générale (15 juillet-1 septembre 1668) examine à nouveau les Constitutions et travaille à leur révision attentive et minutieuse (cf. Collectio completa decretorum conventuum generalium CM, Paris 1892, pp. 27-39). Le texte est approuvé par l'archevêque de Paris, Harduin de Péréfixe, le 24 octobre 1668.

L'ensemble forme les `Constitutiones maiores' ou `Constitutiones quae Superiorem generalem totiusque Congregationis gubernationem spectant'; elles guideront la vie de la Compagnie jusqu'en 1954, quand leur contenu sera absorbé par les Constitutions approuvées par Pie XII. Voici la liste des chapitres:

  1. De qualitate, potestate ac officio Superioris Generalis;

  2. De cura, auctoritate et potestate Congregationis erga Superiorem Generalem;

  3. De Superioris Generalis schedis ad nominationem Vicarii Generalis et electionem Superioris Generalis spectantibus;

  4. De officio Vicarii Generalis in convocatione Conventus Generalis ad electionem Superioris Generalis in locum demortui et in gubernatione universae Congregationis;

  5. De Conventibus Provincialibus, mittendi causa ad Conventum Generalem pro eligendo Superiore Generali;

  6. De agendis in Conventu Generali ante diem electionis Superioris Generalis;

  7. De iis quae ipso die electionis sunt observanda;

  8. De iis quae post electionem fieri debent;

  9. De electione Assistentium et Admonitoris Superioris Generalis;

  10. De Conventu Provinciali cogendo ad negotia tractanda;

  11. De Conventu Deputatorum ad deliberandum de cogendo vel non cogendo Conventu Generali;

  12. De Conventu Generali cogendo ad tractanda negotia.

Le texte, important pour toute la vie de la Congrégation, a toujours été couvert d'un grand secret. En 1668, l'Assemblée décida de le réserver aux Visiteurs. Dans l'édition de 1847 on concède aux Visiteurs de le faire connaître aux supérieurs et à quelques confrères prudents, mais avec interdiction, sub poena inoboedientiae, d'en transcrire le texte.

c) Les `Constitutiones selectae'. À la fin du travail de révision des Constitutions laissées par saint Vincent, l'Assemblée de 1668 décide de faire un choix des parties les plus importantes des Constitutions et de les faire approuver par le Saint-Siège, de façon à rendre plus stable le droit particulier de la Congrégation. On craignait que l'autorité si vaste du Supérieur Général, `in suo officio perpetuus', puisse en arriver à des changements substantiels dans le droit particulier.

L'approbation est donnée par Clément X, dans le Bref `Ex iniuncto nobis', du 2 juin 1670 (cf. Acta apostolica…in gratiam Congregationis Missionis, Paris 1876, p. 33-38).

Le document pontifical, en 20 articles, définit les fonctions et les limites de pouvoir du Supérieur Général, définissant qu'il est `in officio perpetuus'; il précise ses rapports avec l'Assemblée Générale et toute la Congrégation, ses pouvoirs par rapport aux provinces et aux maisons et pour ce qui concerne les biens de la Congrégation. Malgré la supériorité déclarée de l'Assemblée sur le Supérieur Général, celui-ci peut arriver à en conditionner les travaux, parce qu'il est prévu que l'Assemblée ne puisse traiter que de ce qui est admis par le Supérieur lui-même ou par la `Commissio magna', composée de deux Assistants et de quatre membres de l'Assemblée (n. 15). Cette commission sera abolie en 1963.

Avec l'Assemblée générale de 1668 et l'approbation des `Constitutiones selectae', la Congrégation a un corpus de lois constitutionnelles complet, qui précise et définit le cadre de la Bulle d'Urbain VII:

  1. Sur le plan spirituel, inspirateur et, en partie, juridique, elle possède les `Regulae seu Constitutiones communes', qui contiennent la pensée ainsi que l'inquiétude spirituelle et apostolique de saint Vincent. Elles sont son testament spirituel, le fruit d'une de ses préoccupations pendant plus de 30 ans, le programme de perfection à la lumière du Christ évangélisateur.

  1. Sur le plan plus strictement juridique, elle possède:

  1. Les `Constitutiones selectae', qui contiennent les normes juridiques les plus importantes, qui sont comme l'ossature du corps de la Compagnie: sa constitution et son gouvernement. Elles ont l'approbation du Saint-Siège et elles assurent, comme l'avait voulu l'Assemblée de 1668, la stabilité de la structure, à l'abri des changements que pourraient accomplir une Assemblée Générale ou un Supérieur général.

  1. Les `Constitutiones maiores', fixées par l'Assemblée de 1668, achevant un long chemin déjà commencé par saint Vincent en 1642. Elles ont l'approbation de l'Assemblée et la confirmation de l'archevêque de Paris en sa qualité de délégué pontifical pour l'approbation des lois de la Congrégation.

  1. Des documents plus spécifiques, qui règlent la discipline des vœux, et en particulier de la pauvreté, découlant des interventions pontificales d'Alexandre VII (1655 et 1659).

Dans l'ensemble de ce corpus juridique, la Congrégation a de nombreuses normes (comme tous les autres Instituts de vie consacrée), mais aussi un code de vie spirituelle qui guide son chemin. Sur ces normes spirituelles et juridiques la Congrégation a toujours fondé sa vie et son service de l'Église et des pauvres. Les interventions normales des Assemblées Générales successives et des Supérieurs généraux la soutiendront encore. Cette sécurité a peut-être aussi contribué à créer une certaine institutionnalisation, et à confondre l'authentique `esprit primitif' avec la sclérose des normes et de la vie.

2.2. L'Assemblée générale de 1947. Cette sécurité aurait dû être mise en discussion par la publication du Code de Droit Canonique en 1917. La Communauté se trouva face à l'exigence de s'interroger sur quelques points fondamentaux, de sa structure et de sa vie, et de se définir dans la ligne juridique nouvelle, tracée comme ligne-cadre par le nouveau Code. Par exemple: comment devaient être lues la nature de sa `sécularité', la nature de ses vœux simples, privés mais privilégiés, certaines structures de son organisation? Sa `sécularité' la mettait-elle à l'abri d'être insérée parmi les Instituts religieux à proprement parler? Ou lui permettait-il de se ranger parmi les sociétés sans vœux?

La série d'ajournements pour prendre en considération les nouveaux problèmes fait penser qu'il manquait une véritable volonté politique et un esprit large et homogène pour se mettre au travail avec détermination, malgré les pressions répétées de la part du Saint-Siège. La guerre contribua à bloquer les timides tentatives engagées. C'est seulement au début de 1947 que le Père Robert, convoquant pour l'été suivant l'Assemblée Générale, annonça qu'elle examinerait un schéma de nouvelles Constitutions préparé par le P. Guido Cocchi. C'est un projet qui cherche à préserver le droit traditionnel de la Congrégation et de lui trouver une place dans le nouveau droit ecclésiastique du Code. L'Assemblée Générale l'approuva. Suivirent les confrontations et les révisions entre le Saint-Siège et le Conseil Général (la Curie avait reçu un ensemble de 130-140 observations du Saint-Siège) et finalement, le 19 juillet 1953, Pie XII signe le bref `Evangelium ad pauperes' pour l'approbation des nouvelles Constitutions. Le P. Slattery les promulguera le 25 janvier 1954.

2.3. Les Constitutions de Pie XII (1954). C'est la première fois que la Congrégation possède un texte unitaire et organique de son droit particulier (Constitutiones ac Regulae Congregationis Missionis, Parisiis, In domo primaria C.M., 1954). Il se présente avec une forme et un esprit très juridique et un schéma de `vie religieuse' auquel la Congrégation se voit contrainte en raison de la mentalité des organismes romains, qui tendent à un nivellement souvent indu y prévaut.

1. Il faut souligner l'énoncé de la fin. Conservant les termes des Règles communes, les nouvelles Constitutions distinguent entre une `fin générale' (travailler à la perfection personnelle) et une `fin spéciale', c'est-à-dire l'évangélisation des pauvres, la formation du clergé et, elles ajoutent comme élément nouveau, «s'adonner à des œuvres de charité et d'éducation».

2. La nature de la Congrégation est «une Société de clercs, exempte, dont les membres, quoique n'étant pas Religieux proprement dits, imitent cependant la manière de vivre des Religieux, vivant en commun sous le gouvernement de Supérieurs selon leurs Constitutions propres, avec des vœux, non publics, mais privilégiés».

3. Sur le plan plus structurel, les nouvelles Constitutions introduisent du Code les vœux temporaires triennaux, avant la profession perpétuelle. Des vœux de la Congrégation on dit: «Bien que n'étant pas publics, ils sont cependant privilégiés, dans la catégorie des vœux simples et perpétuels». Leur dispense reste réservée au Pape et au Supérieur Général in actu dimissionis, après cependant que le clerc dans les ordres sacrés eut trouvé un évêque pour l'accueillir.

4. Quant au gouvernement, les limites de l'autorité du Supérieur Général et du Visiteur par rapport à leurs conseils se définissent mieux en indiquant à quel moment leur intervention est consultative ou nécessaire. On établit à huit ans la cadence de l'Assemblée Générale. On fixe le nombre des Assistants et la durée de leur office; on fixe le temps des offices de gouvernement, etc.… Quelques dispositions des Règles communes passent aussi dans les Constitutions.

Quel aurait pu être l'impact des nouvelles Constitutions sur la vie de la Congrégation, il est difficile de le dire. La période durant laquelle elles sont restées en vigueur a été trop brève (1954-1968): les changements peuvent se réaliser rapidement sur le plan disciplinaire, mais les effets profonds des mutations elles-mêmes se révèlent à des échéances beaucoup plus longues.

2.4. L'Assemblée générale de 1963. Les Assemblées de 1955 (la dernière à Paris) et de 1963 (la première à Rome) se sont déroulées avec les Constitutions de 1954. Leur style a été celui des Assemblées précédentes. On n'a pas traité d'un thème organique pour indiquer des lignes programmatiques à long terme pour la Congrégation. On a traité des postulats présentés par les provinces ou par des confrères. Des sujets d'une certaine importance furent le transfert de la Curie généralice à Rome, la durée du mandat du Supérieur Général, les compétences de la `magna commissio' qui avait la charge d'examiner les postulats et aussi le pouvoir de ne pas les faire arriver dans l'aula, si elle les avait jugés contre les Constitutions, etc…. La conclusion la plus importante fut le décret par lequel on donnait mandat au Supérieur Général de prévoir, une fois le Concile fini, une Assemblée extraordinaire pour l'aggiornamento de la Congrégation. C'était la petite graine, destinée à devenir le grand arbre du renouveau de la Congrégation.

III - LE RENOUVEAU POST-CONCILIAIRE (1967-1984)

La période post-conciliaire, durant laquelle la Congrégation a travaillé à son renouveau juridique, spirituel et apostolique a été une période de grâce par la sensibilité qu'elle a produit dans toute la Congrégation et par le degré d'intérêt que, aux différents niveaux de son organisation, la Congrégation a porté dans la préparation et dans l'accompagnement des travaux des Assemblées qui se sont déroulées. Les Schemata Constitutionum et Statutorum C.M. (1968), qui cependant furent tout de suite repoussés par l'Assemblée, en sont la preuve. L'histoire de cette Assemblée est connue. On peut la relire dans les années de Vincentiana ou dans celles des revues provinciales. Il n'est pas nécessaire de la réécrire.

Je rappelle très rapidement: l'Assemblée extraordinaire de 1968-1969 s'est préoccupée d'une première rédaction du texte des nouvelles Constitutions. Le travail a été marqué par les difficultés provenant des positions opposées des participants, surtout pour ce qui concerne la définition de la fin, avec les implications qui en découlaient (Constitutiones et Statuta Congregationis Missionis, in Vincentiana 13 (1969) 85-126).

L'Assemblée de 1974 a été un préalable. Elle n'a pas revu le texte de l'Assemblée précédente, mais elle a formulé des Déclarations qui se proposaient de méditer à nouveau sur le cheminement de saint Vincent pour pouvoir le réactualiser (Conventus generalis XXXV, Declarationis, in Vincentiana 18 (1974) 286-302).

L'Assemblée de 1980, où un grand nombre de délégués étaient nouveaux, a accompli la tâche de réécrire tout le texte des Constitutions, avec un esprit plus ouvert (Constitutiones et Statuta Congregationis Missionis, in Vincentiana 24 (1980) 193-268). Les nouvelles Constitutions, une fois passé l'examen du Saint-Siège, ont été approuvées le 29 juin 1984, publiées le 27 septembre suivant et sont entrées en vigueur le 25 janvier 1985 (Constitutiones Congregationis Missionis - Statuta Congregationis Missionis, Curia generalis C.M. Romae 1984).

Quel jugement d'ensemble peut-on porter sur les Constitutions actuelles?

  1. Elles conservent fidèlement les données de la tradition authentique de la Compagnie. Elles sont nées de la collaboration de toute la Congrégation. Le travail s'est prolongé pendant 12 ans. Ce n'est donc pas un texte qui est né de la pensée d'un petit groupe de personnes qui a fait un travail de bureau, mais qui tire son origine de la réflexion et des suggestions et désirs de toute la Compagnie.

  1. Elles proposent un texte équilibré et serein. Dans sa préparation les tensions n'ont pas manqué, mais à la fin elles expriment un réel consensus de l'ensemble. C'est un texte de pleine harmonie, qui préserve l'unité dans les choses essentielles et nécessaires, et assure le pluralisme découlant des cultures et des situations diverses.

  1. Elles présentent un texte juridiquement bien précis sur des points qui qualifient la Congrégation: fin, nature de la Compagnie, vœux qui ne font pas de nous des religieux, vie communautaire qui n'est pas une fin en elle-même mais qui inspire le travail commun et y oriente, insertion dans l'Église locale. Surtout, la définition de la Congrégation est claire: Société de vie apostolique: définition qui doit inspirer toute l'organisation juridique, apostolique et spirituelle de la Compagnie.

  1. Elles sont riches d'éléments doctrinaux tirés de l'Evangile, du Magistère de l'Église et de la doctrine de saint Vincent, spécialement des Règles Communes. L'étude des Constitutions devrait mettre en relief surtout la reprise de la spiritualité vincentienne.

  1. Elles proposent un texte simple, clair dans la rédaction, exempt d'inutiles expressions recherchées. Leur rédaction en langue vulgaire leur aurait certainement donné une plus grande souplesse et spontanéité: le latin, moins familier, limite la forme et l'inspiration.

  1. C'est un document qui a besoin d'être étudié, approfondi et prié. Le P. Mc Cullen l'a souligné: Nous devons lire souvent les Constitutions. «Il faut une lecture priée et réfléchie de nos Constitutions» (Lettre de promulgation). Les commentaires devront étudier les sources, les liens avec la tradition, la spiritualité, etc…. Cela donne aussi au droit une force dynamique: «Il est impossible d'acquérir l'esprit de la Mission sans l'observance des Règles, dans lesquelles il est contenu et enchâssé» (Coste XI, 80).

BIBLIOGRAPHIE

Les indications données ici ne sont pas exhaustives sur le sujet. Elles offrent quelques références de textes facilement accessibles.

COSTE P., Saint Vincent de Paul. Correspondance, entretiens, documents, vol. XIII Documents. Paris 1925.

MEZZADRI L., Dalla «Missione»alla «Congregazione della Missione», in Annali della Missione 84 (1977) 183-189.

PÉREZ FLORES M., Del equipo misionero a la Congregación de la Misión, in Vincentiana 28 (1984) 679-716.

_ Desde el contrato de fundación de la C.M. hasta la Bula `Salvatoris nostri' (1625-1633) in Vincentiana 31 (1987) 667-683.

_ La bolla `Salvatoris nostri' e la Congregazione della Missione, in Annali della Missione 90 (1983) 261-303 (Trad. de Anales de Madrid, 1983, p. 393-424)

_ La legislación vicenciana y la evangelización de los pobres (1633-1660), in Vincentiana 31 (1987) 706-724.

_ Des Constitutions de 1954 à celles de 1980, in Vincentiana 28 (1984), p. 751-784.

_ Des Constitutions de 1980 à celles de 1984, in Vincentiana 29 (1985), p. 84-146.

(Traduction: JEAN LANDOUSIES, C.M.)

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