Les martyrs de Chine - 3. La période communiste (1934 et 1941-1972)

3. La période communiste (1934 et 1941-1972)

Introduction

Par Hugh O'Donnell, C.M.

Peu après l'établissement de la République Populaire de Chine, le 1er octobre 1949, l'hostilité du Parti Communiste à l'égard de la religion et de l'Eglise catholique en particulier devint évidente. Bien que la connaissance de l'Eglise de la part du Parti fut très sommaire, elle associait l'Eglise aux puissances impérialistes occidentales, même si la grande majorité des catholiques étaient chinois et non pas étrangers. Parmi les raisons de l'hostilité des Communistes à l'égard de l'Eglise; il y avait l'idéologie athée du Parti, l'apparence étrangère de l'Eglise, ses relations avec les Nationalistes et sa richesse apparente en terre (“Propriétaires terriens”). Les croyants ont beaucoup souffert de la politique du Parti qui voulait que tous les niveaux de la société et toutes les organisations lui rendent des comptes. Le nouveau gouvernement exigea de l'Eglise qu'elle mette fin à ses liens internationaux, y compris avec le Saint Siège. Les Catholiques ont été divisés sur la manière de répondre à cet ultimatum jusqu'à aujourd'hui. Ceux qui acceptèrent la politique du gouvernement furent provisoirement préservés de la persécution, mais tous souffrirent terriblement durant les années de la Révolution Culturelle (1966-1976).

Durant les années 1949-1952, de nombreux missionnaires étrangers furent accusés d'être des espions et des contre-révolutionnaires et furent accusés publiquement et passés en jugement. Malgré le manque de preuve, le verdict des jugements étaient fait d'avance. Ils furent d'abord emprisonnes puis expulsés.

Lorsque tous les missionnaires étrangers furent éliminés, les évêques et le prêtres chinois furent “promus” au statuts d'ennemis numéro un. Lorsque que les évêques et les prêtres furent emprisonnés, les responsables laïcs catholiques devinrent les ennemis numéro un. C'est ainsi que l'on fit taire systématiquement la voix de l'Eglise.

Beaucoup souffrirent au nom de leur devoir, comme ils le disent, tandis que d'autres souffrirent explicitement pour la foi et sont considérés comme des martyrs. La fidélité de ces hommes et de ces femmes est un témoignage de la profondeur de leur foi et de leur engagement héroïque vis-à-vis du Seigneur et de l'Eglise. Des récits nous sont parvenus sur un certain nombre, tandis que nous ne connaissons rien sur d'autres. Certains furent jugés en public, d'autres furent mis en maison d'arrêt de longue durée; certains furent tués au milieu de la nuit, d'autres furent envoyés en prison ou dans des camps de travail; certains allèrent en rééducation parmi les paysans, d'autres vécurent dans la pauvreté, souffrant en silence pour leur foi. Nous vous présentons maintenant quelques récits qui ont pu être documentés. (Hugh O'Donnell, C.M.)

Martyrs de la Congrégation de la Mission

1.- Père Giacomo Anselmo, C.M. Membre de la Province de Turin, né à Arenzano, près de Gênes (Italie) le 28 novembre 1883 et mort à Lin-kiang en mars 1934.

Le P. Anselmo partit pour la Chine en 1922. On lui confia la chrétienté de Lin-kiang où il construisit plusieurs oeuvres dont un orphelinat féminin auquel il se consacra avec zèle.

Le 24 décembre 1933, les Communistes arrivèrent et, selon les informations données oralement par nos confrères du Vicariat, ceux-ci ayant tenté d'entrer dans l'orphelinat, le P. Anselmo se posta sur la porte pour faire barrage de sa gigantesque corpulence afin de sauver l'innocence de ces petites créatures. Mais les assaillants s'emparèrent de lui par la force et l'emmenèrent avec eux. Pendant une année on n'eut plus de nouvelles de lui.

Après un an, par un soldat de l'armée “blanche” envoyé à déloger les “rouges”, on apprit que le P. Anselmo avait été décapité en mars 1934. Son corps, resté sans sépulture ou enseveli à fleur de terre, fut la proie des bêtes qui en prirent des parties. Ensuite, il fut récupéré par les missionnaires et enseveli au cimetière de Kian.

2.- Père Sylvestre Sou, C.M. Membre de la Province de Chine méridionale, né à Hoang-hoa-kiang (Chine) le 2 novembre 1912 et mort le 9 septembre 1941.

Le P. Sou fut torturé par les communistes pendant de nombreuses années dans sa prison, mais il resta fidèle au Pape et en vrai martyr, il eut une mort héroïque et courageuse. Il fut battu à mort en présence des gens de son village natal.

Le rapport qui suit a été donné par son frère, l'abbé Lucas Sou, un prêtre toujours en vie du diocèse de Tan-Sham, en présence, en tant que témoins, de Mgr Liou et de son Vicaire général.:

“La nuit du 7 au 8 septembre 1941, le P. Sylvestre Sou fut battu sauvagement. Puis ses bourreaux lui demandèrent à plusieurs reprise: `Est-ce que tu crois encore en Dieu?' Il répondit à chaque fois: `Oui, je crois'. Le 9 septembre 1941, durant la nuit, il endura de nombreuses tortures et abus. A la fin il dit à ses persécuteurs: `Je vous donne mon corps, mais je donne mon âme à Dieu.' Il fut enterré vivant par les Communistes.”

3.- Père Jacques Tchao, C.M., de la Province de Chine septentrionale, né le 5 mai 1909 à Tcheng-ting-fou (Chine) et mort le 16 septembre 1950 à Che-kia-tchoang.

En 1947, le P. Jacques Tchao fut jeté en prison. Le 16 Septembre 1950, il fut condamné à mort.

Avant son exécution, on lui mit les menottes, on le força à grimper sur un camion et on le fit défiler dans les rues de la cité de Che-kia-tch'oang. La victime ne cessait de crier : "Vive l'Eglise Catholique, vive le Pape et vive la République de Chine." Il chanta l'Ave Maria en latin et clama: "A bas les communistes." Finalement, notre confrère fut décapité, mourant pour sa foi.

4.- Père Pierre Souen, C.M. Membre de la Province de Chine septentrionale, né à Souen-kia-tchouang (Chine) le 11 novembre 1905 et mort à Pékin le 16 septembre 1951.

En 1951, le P. Pierre Souen, directeur du Séminaire de Pékin, fut jeté en prison. Ses chaînes étaient si serrées que ses blessures tournèrent à la gangrène. Il mourut le 16 septembre 1951.

D'après le récit de personnes rentrées de Pékin, suite à une visite à leurs parents en Chine Continentale, des malades ont prié sur la tombe du P. Souen afin qu'il intercède auprès du Seigneur pour leur guérison, et ils l'ont effectivement obtenue.

5.- Père Gui Tianjue, C.M. (Joseph Pierre Kwei) Membre de la Province des Etats-Unis Occidentaux, né à Ying-tan (Chine) le 31 mai 1902 et mort à Linchwan le 22 mai 1952. (1)

Le P. Gui Tianjue (Joseph Pierre Kwei) fut le premier martyr du diocèse de Yujiang, dans la province du Jiangxi. L'inscription sur sa tombe informe qu'il mourut en mai 1953.

C'était un Lazariste. Apres avoir été ordonné prêtre, il étudia pendant un certain temps aux Etats-Unis. Avant 1950, il travailla dans une église catholique à Fuzhou (toujours dans la province du Jiangxi). Il fonda l'école secondaire «Vraie lumière» qu'il dirigea pendant plus de 10 ans. Le P. Steven Dunker, C.M., américain, était alors l'un de ses compagnons. 1951 vit naître le régime actuel. Tous les prêtres et les chrétiens furent invités à adhérer à l'Association patriotique qui créa le Mouvement de la Triple Indépendance de l'Eglise alors que la police rassemblait des accusations fausses contre le missionnaire américain, S. Dunker. Le P. Gui prit la défense de son compagnon et refusa d'entrer dans le Mouvement. Il fut donc arrêté et mis en prison (où il emporta son bréviaire).

Les chrétiens lui portèrent ce dont il avait besoin. Il n'accepta que les légumes secs. Le temps passant, il fut toujours plus difficile de lui rendre visite. Une fois par mois, les autorités de la prison recevaient les colis apportés par les chrétiens, mais ne les transmettaient jamais au prisonnier. Celui-ci mourut en 1953 et personne n'eut l'autorisation de voir son cadavre. Ce n'est qu'un peu plus tard que deux chrétiens réussirent à le trouver dans une fosse et qu'ils purent l'enterrer dans le cimetière de l'église.

Témoignage de ses élèves. Le P. Gui suivit l'exemple de Jésus. Il vécut pauvrement et aida volontiers les pauvres. Lorsqu'il était professeur au Séminaire, il vivait avec les séminaristes et comme les séminaristes. Lorsqu'il devait aller apporter les sacrements aux chrétiens, il priait durant le voyage. Il trouvait toujours le temps de faire le bien aux autres. Il put connaître un peu la médecine chinoise, ce qui lui permit d'aider les malades pauvres. Il était d'une grande humilité. Et, avec toute sa doctrine, il réalisa son apostolat en tant que simple prêtre.

Les premiers miracles après sa mort. Au cours des dix années qui suivirent sa mort, nombreux furent ceux qui vinrent prier sur sa tombe et cueillir les herbes qui y poussaient. La première personne à avoir obtenu un bénéfice fut le chrétien Gong De. Il avait participé à la pieuse cérémonie de l'enterrement du P. Gui. Depuis des années, il avait une maladie à l'estomac. Il but la tisane faite avec les herbes cueillies sur la tombe du père et il guérit.

Mais le cas le plus éblouissant de guérison fut celui d'un enfant d'une famille païenne. Il était fiévreux et criait jour et nuit. Désespérée, la mère vint prier sur la tombe du P. Gui et, presque immédiatement, l'enfant cessa de crier et la fièvre tomba

Le P. Zeng aussi, vicaire du diocèse de Yujiang, fut guéri d'un cancer après avoir bu la tisane des herbes cueillies sur la tombe du P. Gui. C'était au printemps 1992. Mais le fait le plus significatif est que, pendant plus de 40 ans, la tombe du P. Gui constitua un lieu de rencontre pour les célébrations liturgiques des chrétiens du diocèse de Yujiang. Afin de mettre fin à cette dévotion populaire, l'hiver 1992, le gouvernement fit démolir la tombe du prêtre.

De nombreux chrétiens qui furent témoins de la profanation sentirent un parfum délicieux. Dans la tombe ouverte, seuls furent trouvés quelques boutons de coquillages, tels qu'on les utilisait largement dans les années 50.

On sait bien peu de la vie du P. Gui. Il fut défini par l'évêque: le «martyr de la charité».

(1) In "Omnis Terra", Revue de l'Union Pontificale Missionniare, n_41, octobre-décembre 1994.

6.- Père Paul Tchang, C.M. Membre de la Province de Chine septentrionale, né à Pang-kuin (Chine) le 11 octobre 1886 et mort à Pékin le 25 juin 1954.

Le P. Paul Tchang fut emprisonné avec l'abbé Ignatius Ts'in, prêtre du diocèse de Pékin, le même jour que le P. Pierre Souen, le 25 juillet 1951. Le P. Tchang mourut le 26 juin 1954 à Pékin le jour où il fut libéré de prison.

7.- Mgr Joseph chow Tsi-Che, C.M. Membre de la Province de Chine septentrionale, né dans le vicariat de Tcheng-ting (Chine) le 8 novembre 1891 et mort à Nan-chang en 1972.

En 1950, à Nan-Chang, Kian-Si, ce fut le tour de Mgr Joseph Chow Tsi-Che. Au moment de l'occupation communiste en Chine, les communistes lui proposèrent de le nommer "Pape de l'Eglise Patriotique de la Chine communiste" dans le but de le séparer de l'Eglise Catholique Romaine. Un jour, d'insidieux dirigeants communistes se présentèrent à Mgr Joseph Chow Tsi-Che, lui exposant le but de leur visite. Mais Mgr Chow leur fit cette réponse merveilleuse et pleine de piquant: "Je vous remercie de votre visite. Votre projet est louable. Cependant, il m'est impossible d'être le pape de l'église patriotique de la Chine Populaire parce que la Chine communiste est trop petite pour un pape. S'il vous était possible de me nommer pape de l'Eglise universelle, j'accepterais volontiers; autrement il est inutile d'en discuter." Alors les communistes partirent furieux. Dès lors, Mgr Joseph Chow Tsi-Che fut mis sous surveillance par les communistes et ensuite jeté en prison. L'Archevêque mourut, ou plutôt, agonisant dans un dur camp de travail, il fut transporté dans une maison de chrétiens de la cité de Nan-Chang (parce que l'évêché était occupé par les communistes), où il mourut en 1972, après 22 ans d'emprisonnement.

Mgr. Chow Tsi-Che avait été professeur par deux fois: d'abord au petit séminaire de Tchengting (Tcheng-ting), puis, comme professeur de philosophie, au grand séminaire de Chala, à Pékin. Il avait été nommé Evêque de Gratia et Vicaire Apostolique de Paoting, dans le Hopeih, par décret du 26 Mars 1931, ayant été consacré le 2 août à Paoting par Mgr Montagne. En 1946, nommé archevêque, il s'était installé à Nanchang, siège de l'archidiocèse de Nanchang, au Kian-Si.