La Cause de Canonisation de Jean-Gabriel Perboyre

La Cause de Canonisation

de Jean-Gabriel Perboyre

par Thomas Davitt, C.M.

Jean-Gabriel Perboyre fut exécuté en Chine le 11 septembre 1840. Le 9 juillet 1843 un décret du Pape Grégoire XVI autorisa l'introduction des causes de béatification de 43 martyrs, y compris François-Régis Clet et Jean-Gabriel. La cause de Jean-Gabriel fut séparée des autres à cause de l'abondance de la documentation, des dépositions de témoins et des grâces reçues. Le 10 novembre 1889, le Pape Léon XIII le béatifia. Sa commémoration liturgique fut tout d'abord célébrée le 7 novembre, mais, lors de la dernière révision du calendrier, elle fut fixée au 11 septembre, jour anniversaire de sa mort.

En 1891, un décret sortit autorisant la reprise de la cause en vue de la canonisation. A cette époque, deux miracles attribués à l'intercession de la personne béatifiée étaient exigés. Dans le cas de Jean-Gabriel, les deux guérisons présumées concernaient l'une et l'autre des Filles de la Charité, Soeur Gabrielle Isoré et Soeur Joseph Destailleur. Des experts médicaux étudièrent les guérisons et donnèrent leur opinion en 1897. Il y eut des commentaires complémentaires, des questions et des réponses de 1900 à 1902, et alors l'opinion révisée des médecins fut soumise en 1902.

Dans la correspondance entre le Postulateur Général et le Supérieur Général il était presque tenu pour certain qu'elle serait acceptée sans aucune difficulté. Dans le vieux St Joseph, rue du Temple, à Blackrock, dans la ville de Dublin, un vitrail représentant "St Jean Gabriel Perboyre" fut installé. Cependant, il est intéressant de noter que, dans les lettres circulaires de Nouvel An du Supérieur Général, il n'y a aucune indication d'une telle attente. Dans la lettre de 1900, il est dit que la cause subit un temps d'arrêt, mais qu'il n'y a aucun motif de s'inquiéter. Dans celle de l'année suivante on annonça que la cause avançait. Dans les Annales de la Mission, à peu près à cette époque-là, il n'y avait aucune référence à la canonisation de Jean-Gabriel dans un avenir immédiat.

La nouvelle Positio fut discutée dans une Commission Préparatoire, le 28 avril 1903, et des objections s'élevèrent. Il y eut 21 membres votants et, sur la guérison présumée miraculeuse de Soeur Gabrielle Isoré, la seule intéressante maintenant (voir plus bas), 9 votèrent affirmativement, 4 négativement, 6 s'abstinrent et 2 s'abstinrent dans l'attente du résultat d'une nouvelle expertise médicale.

La raison des votes négatifs et des abstentions était due à la difficulté de déterminer si les maladies des deux soeurs étaient organiques ou fonctionnelles; "fonctionnelles" signifierait que la maladie avait une base hystérique et donc que la guérison apparemment instantanée pourrait être naturelle et non miraculeuse.

Le résultat du vote fut présenté à Léon XIII par le Cardinal Préfet de la Congrégation des Rites, le Cardinal Serafino Cretoni. Le Pape décida que deux experts supplémentaires seraient nommés pour entreprendre des recherches plus approfondies.

Il semble que, pendant plusieurs années après cette déception, aucune démarche ne fut entreprise par la Congrégation de la Mission. Une fois encore, il est intéressant de noter que ni la lettre de Nouvel An de 1904 du Père Général, ni les Annales de cette année-là ne font la moindre référence à ce désappointement.

En 1943, de nouvelles normes furent promulguées pour la présentation des miracles présumés, mais, à cette époque-là, la guerre sévissait encore.

En 1959, les promoteurs de la cause contactèrent le nouveau le Promoteur Général de la Foi pour relancer la cause. Ils demandèrent au professeur Vincenzo Lo Bianco de réexaminer la déposition. La conclusion du professeur fut, qu'avec le long laps de temps écoulé depuis le premier diagnostic, il ne pouvait, à partir des documents, émettre un "diagnostic sûr".

En 1969 et 1983 il y eut de nouvelles Constitutions sur les canonisations. La deuxième décréta qu'un seul miracle était maintenant nécessaire pour canoniser une personne béatifiée.

En 1993, le P. Giuseppe Guerra, CM, Postulateur Général, décida que, des deux miracles présumés proposés en 1903, celui de la guérison de Soeur Gabrielle Isoré avait la meilleure chance de succès car il était le mieux documenté. Toute la documentation le concernant fut remise par la Congrégation des Saints à deux experts médicaux, le professeur Franco De Rosa et le professeur Cristoforo Morocutti, pour un nouvel examen. La décision du premier fut que le cas de la guérison instantanée de Soeur Gabrielle méritait d'être rediscuté au cours d'une réunion de la Commission Médicale, cependant que celle du second fut que la guérison était inexplicable. La Commission Médicale en discuta lors de sa réunion du 17 novembre 1994 et l'opinion unanime fut que la guérison était inexplicable selon les connaissances médicales actuelles. La cause fut alors soumise aux théologiens et une fois encore la décision fut positive. Finalement, le 6 avril 1995, le décret pour la canonisation de Jean-Gabriel, en même temps que ceux pour d'autres béatifications et canonisations, furent lus en présence du Pape ; et maintenant (juillet 1995), il reste à déterminer une date pour la cérémonie de la canonisation, qui devrait avoir lieu vraisemblablement fin 1996.

La guérison de Soeur Gabrielle Isoré, FdlC

Céline Isoré, selon la documentation de la cause, naquit à "Quaid-Ypres, dans le Nord de la France, en 1851. En 1871, elle entra chez les Filles de la Charité et prit le nom de Soeur Gabrielle. Elle occupa un premier poste à l'hôpital de Nivelles, puis alla à Gand, en Belgique, pour soigner les malades à domicile, et ensuite à Héverlé, près de Liévin, pour enseigner dans une école de filles. Pendant tout ce temps, elle jouit d'une bonne santé. Après quatorze années passées à Héverlé, elle commença à être malade, en février - mars 1889. Elle commença à ressentir des douleurs dans les pieds, puis dans le dos, de façon intermittente d'abord et ensuite continue. Ses mouvements se réduisirent petit à petit et en définitive son état la contraignit à garder le lit. Les Soeurs estimèrent qu'elle était atteinte de rhumatismes et la soignèrent en conséquence. Mais, son état empira et le docteur Joseph Boine fut appelé pour la première fois en juillet. Il fut le seul médecin à la voir pendant le temps de sa maladie. Elle souffrait aussi d'insomnie et de problèmes urinaires et respiratoires. A partir de septembre, ses membres inférieurs devinrent en partie paralysés.

Le 2 novembre, sa Soeur Servante organisa avec un prêtre des Pères du Sacré-Coeur (Pères de Picpus) une neuvaine de prières et de messes pour la guérison de soeur Gabrielle par l'intercession de Jean-Gabriel Perboyre, qui devait se terminer le 10 novembre, jour où il devait être béatifié. Le 9, le docteur la vit comme d'habitude, il dira plus tard qu'il avait abandonné tout espoir de la voir guérir et qu'il s'attendait à ce qu'elle meure dans peu de temps.

Le 9 à 23 h 30, elle s'endormit sans aucun médicament et dormit jusqu'à 4 h 30 le matin suivant, ce qui n'était jamais arrivé auparavant. Quand elle se réveilla, elle ne ressentait plus aucune douleur, pouvait bouger normalement et fut capable de se lever, de s'habiller seule et de descendre à la chapelle. A la chapelle, elle cria "ou bien j'ai perdu la tête ou alors je suis complètement guérie". Elle assista à la messe avec les autres, puis alla au réfectoire et mangea son petit déjeuner normalement.

Diagnostic

Le diagnostic du Dr Boine, qu'il mit par écrit pour la Soeur Servante, était que Soeur Gabrielle souffrait d'une forme sévère de myélite. Lorsque les experts médicaux examinèrent le cas en 1891-92 en vue de l'introduction de la cause de canonisation, ils arrivèrent à la conclusion qu'elle souffrait d'une forme légère de leptoméningite spinale ascendante. Cependant, deux autres experts tendaient à admettre un fonds hystérique à son état. (Elle était encore en vie à ce moment-là ; elle mourut en 1906). Au moment du vote sur sa guérison en 1903, les huit membres qui s'abstinrent le firent parce qu'ils n'étaient pas complètement convaincus que sa maladie avait été organique ; ils pensaient qu'il pouvait y avoir eu un élément hystérique. S'ils avaient raison, alors, la guérison instantanée aurait été simplement naturelle et non inexplicable.

En 1959, le professeur Lo Bianco estima qu'après un tel laps de temps il ne pouvait pas donner un avis sûr à partir des documents mis à sa disposition.

En 1993, la documentation fut une fois de plus soumise aux experts médicaux, les professeurs Franco De Rosa et Cristoforo Morocutti. Le premier dit que le cas valait la peine d'être discuté par une commission médicale, spécialement la nature instantanée de la guérison, le second donna un avis positif sur la nature inexplicable de la guérison.

Le professeur Morocutti étudia en premier lieu la possibilité d'une maladie hystérique. Il affirma qu'à partir de ce que l'on connaissait de la Soeur avant sa maladie, un fondement hystérique était improbable. De plus, il serait peu commun de voir se développer pour la première fois un tel état d'hystérie chez une personne de 38 ans.

Il ne fut pas d'accord avec le Dr Boine sur son diagnostic de myélite parce que beaucoup des symptômes associés à cette maladie n'étaient pas mentionnés dans le rapport comme étant présents.

Il pensa que le diagnostic de leptoméningite spinale, émis en 1891-92, était plus probable. Mais, là encore, il remarqua qu'il n'y avait aucune preuve dans les documents de la présence de symptômes qu'il aurait dû trouver si le diagnostic avait été correct. En plus de cela, il nota la référence à la présence d'indices qui n'auraient pas dû s'y trouver si le diagnostic avait été correct.

Il émit alors comme conclusion finale que le diagnostic correct le plus probable de la maladie de soeur Gabrielle Isoré serait une polynévrite ascendante, le syndrome Guillain-Barré (SGB), plus récemment appelé polyradiculopathie idiopatique aiguë.

Ce rapport a été daté du 9 juin 1994. Il a été accepté par la Commission Médicale le 5 décembre 1994.

(Traduction: Mme Monique Amyot d'Inville)