Le rôle du Conseiller Assesseur dans les groupes de la Famille Vincentienne

Le rôle de Conseiller « Assesseur » dans les groupes de la Famille Vincentienne

par José Antonio Ubillús, C.M.

Assistant Général

22.VII.2002

Introduction

J'espère que mon exposé vous donnera certaines pistes sur le portrait, le rôle et les fonctions du Conseiller dans les groupes laïcs de la Famille Vincentienne. Je crains de répéter ce qui a longuement été écrit sur ce sujet durant ces dernières années et qui a été exposé d'une manière magistrale lors des conférences précédentes, mais il ne faut pas oublier que, comme on dit en espagnol « il faut répéter les plaisirs ».

Je ne prétends pas épuiser le thème, en aucune façon, car je ne dispose pas du temps nécessaire pour le faire et vous n'auriez pas une patience à toute épreuve pour m'écouter. J'essaierai de le présenter d'une manière schématique et de donner, en même temps, quelques contenus qui vous inciteront à la réflexion. Merci beaucoup d'avance pour votre attention.

I. Sens profond de la fonction du Conseiller

Il est très important que le Conseiller, avant d'exercer sa mission et pendant qu'il l'exerce, soit au clair sur son sens profond, c'est-à-dire, sur le but ou l'horizon vers lequel il doit cheminer avec le groupe qu'il accompagne. À mon avis ce but a deux dimensions : la suite du Christ et l'expérience spirituelle de Vincent de Paul.

1. La suite du Christ

La fonction du Conseiller, en tant que pédagogue de la foi chrétienne, vise essentiellement à la formation des disciples de Jésus-Christ, des hommes et des femmes adultes dans la foi, des personnes qui façonnent progressivement d'une manière responsable le sens de leurs vies et l'orientation de leur mission selon l'axe structurant de la suite du Christ. En ce sens, la mission du Conseiller est une pédagogie christocentrique : elle cherche à faire de Jésus-Christ le centre de la vie des personnes et des communautés.

Être chrétien consiste à se décider pour Jésus de Nazareth, le reconnaissant comme le Christ et le Seigneur, par qui le Père nous offre le salut d'une manière définitive et ultime. C'est reconnaître que sa façon de vivre et de parler, sa pratique, est « messianique ». Son identité personnelle de Messie et du Christ se révèle en elle, selon la réponse qu'il donna, lui-même, aux disciples envoyés par Jean Baptiste pour lui demander qui il était : « Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu… » (Lc 7, 22). Mais cette reconnaissance comporte une exigence pratique : configurer notre vie avec celle de Jésus. La reconnaissance implique la suite. Croire consiste à s'engager avec Jésus-Christ et à assumer comme sien le sens qu'Il a donné à sa vie. La foi est une décision personnelle de suivre le Christ, une nouvelle façon de comprendre et d'estimer la vie se rapportant à Jésus-Christ comme critère ultime et source originale de sens.

Jésus n'a pas seulement prétendu que les gens s'intéressent à sa doctrine. Il a cherché à former des disciples, hommes et femmes, qui feraient pour Lui une option de vie. Pour cela il en a appelé certains et les a invités à faire avec Lui, en se référant à Lui, une expérience de vie. Il les a définis comme « disciples » et « suite » : « Venez à ma suite » (Mc 1, 17), « Venez et voyez » (Jn 1, 39).

Dans la synagogue de Nazareth, reprenant le prophète Isaïe, Jésus avait proclamé sa mission : « L'esprit du Seigneur … m'a consacré par l'onction à porter la Bonne Nouvelle aux Pauvres, il m'a envoyé à annoncer aux captifs la délivrance et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer en liberté les opprimés, proclamer une année de grâce du Seigneur » (Lc 4, 18-19). Ces paroles, qualifiées par Jean Paul II comme « sa première déclaration messianique », montrent que la Bonne Nouvelle du Royaume n'est pas une simple annonce, mais la mise en action de ce qui est proclamé. Évangéliser les pauvres, donner la vie et libérer constituent, de la même façon, la mission de Jésus. Nous sommes face à deux traits évidents de la mission de Jésus: sa pratique de vie et de libération et le privilège des pauvres, des faibles et des pécheurs.

Pour nous qui, aujourd'hui, au niveau de la foi, voulons faire l'expérience du « disciple », il nous faut retourner en Galilée, le voir là et apprendre à le suivre : « C'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit » (Mc 16, 7). Cette expression de saint Paul concernant le disciple : « Vivre dans le Christ » ou l'autre, encore plus audacieuse : « C'est le Christ qui vit en moi » (Gal 2. 20), implique de suivre Jésus et de conformer nos options, nos critères et nos styles de vie avec la parole et la pratique de Jésus.

Donc, la fonction du Conseiller, en tant que pédagogue de la foi et du disciple, devrait consister à se mettre en chemin ensemble vers la Galilée pour y trouver Jésus « enseignant dans leurs synagogues, proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute langueur parmi le peuple » (Mt 4, 23). Suivre Jésus signifie alors assumer le sens de sa vie et prolonger sa mission : proclamer la Bonne Nouvelle du Royaume et guérir ceux qui souffrent parmi le peuple.

2. L'expérience spirituelle de Vincent de Paul, disciple de Jésus-Christ

Mise à part sa correspondance, saint Vincent n'a rien écrit sur sa spiritualité et surtout il n'a pas cherché à la systématiser. C'est pourquoi, pour tirer les lignes de force de ce que l'on appelle la spiritualité vincentienne, il faut s'en tenir, modestement, à ce que Vincent de Paul a vécu, à son expérience spirituelle, telle qu'il l'a décrite lui-même ou telle qu'elle s'exprime ou se révèle dans ses conférences et dans sa correspondance : la façon concrète dont saint Vincent a suivi Jésus-Christ… Jour après jour, au cœur des événements historiques. Il s'agit d'une expérience spirituelle, dont le point de départ a été une rencontre avec les pauvres qui a mené Monsieur Vincent tout au long de sa vie à découvrir, à connaître intimement Jésus-Christ évangélisateur et serviteur des pauvres, des marginalisés et à le suivre comme disciple. Dans une lettre adressée au P. Portail, il écrit : « Ressouvenez-vous, Monsieur, que nous vivons en Jésus-Christ par la mort de Jésus-Christ, et que nous devons mourir en Jésus-Christ par la vie de Jésus-Christ, et que notre vie doit être cachée en Jésus-Christ et pleine de Jésus-Christ, et que, pour mourir comme Jésus-Christ, il faut vivre comme Jésus-Christ ». (SVI, 295). D'après son premier biographe, Abelly, Vincent « s'avisa un jour de prendre une résolution ferme et inviolable pour honorer davantage Jésus-Christ, et pour l'imiter plus parfaitement qu'il n'avait encore fait, qui fut de s'adonner toute sa vie pour son amour au service des pauvres » (L. Abelly, La vie du Vénérable Serviteur de Dieu Vincent de Paul, Livre III, Chapitre XI, p. 118-119).

Le bonheur et la grâce des disciples de saint Vincent consistent à s'inspirer, se nourrir et s'approprier de cette expérience, une expérience qui deviendra la motivation la plus profonde pour le service et l'annonce du Royaume aux pauvres, visages souffrants du Christ. Par conséquent c'est aussi vers ce but que l'assesseur doit orienter le groupe vincentien qu'il accompagne.

II. Portrait du Conseiller vincentien

Généralement, un Conseiller n'est pas préparé à exercer son service sans un entraînement préalable. Et après, il ne serait pas exempt de dangers au moment de le pratiquer. Il lui faut donc une préparation adéquate, une révision habituelle et une mise à jour. Je ne signale que certains aspects qui méritent notre attention :

1. Expérience spirituelle, expérience de vie

Ce n'est qu'en vivant une vraie expérience spirituelle dans la rencontre avec Jésus-Christ évangélisateur et serviteur des pauvres, qu'il pourra se mettre en harmonie avec le mouvement de l'Esprit dans le groupe qu'il oriente. Des connaissances en théologie et en spiritualité vincentienne sont indispensables ; mais tout cela est insuffisant si l'assesseur ne tient pas éveillée cette sensibilité spirituelle, symptôme de maturité chrétienne. C'est-à-dire, s'il n'a pas fait sienne, d'une façon ou d'une autre, l'expérience spirituelle de Vincent de Paul. Il ne s'agit pas d'avoir cette expérience de Dieu à un haut degré, mais de vivre la rencontre avec Dieu, compte tenu de ses limites, dans les différentes circonstances de la vie. Cela veut dire qu'il doit avoir une expérience de vie et être en dialogue constant avec le monde qui l'entoure.

2. Expérience pastorale

Il faut également un travail pastoral auprès des pauvres, une connaissance profonde de leurs souffrances et de leurs manques aussi bien spirituels que matériels. Seule une praxis évangélisatrice des pauvres donnera à l'assesseur la sensibilité nécessaire pour orienter les groupes laïcs de la FV qui ne sont pas des producteurs d'une pensée théorique mais des travailleurs auprès des pauvres, oeuvrant dans leur monde de pauvreté.

3. Prière du Conseiller

Le Conseiller doit appuyer sa mission sur la prière. Communion avec Dieu et communion avec le groupe qu'il accompagne sont les deux pôles de cette prière d'intercession : se mettre face à Dieu et face au groupe, prier pour eux et pour lui-même, en s'oubliant totalement (c'est-à-dire ses manières propres de voir et ses intérêts personnels), laisser Dieu transformer progressivement le cœur. De cette façon le Conseiller deviendra de plus en plus transparent, docile à l'action de l'Esprit, de sorte que ce soit Lui qui, par l'intermédiaire de l'assesseur, communique avec le groupe et l'oriente vers la décision de suivre Jésus-Christ évangélisateur et serviteur des pauvres. Une bonne partie des qualités essentielles au dialogue (accueil, respect, équilibre, médiation et amour qui revitalise tout) est enracinée dans ce type d'oraison.

4. Psychologie du Conseiller

L'expérience de l'Esprit n'est pas quelque chose de flottant chez les personnes, elle arrive en elles, telles qu'elles sont, avec leur dimension psychologique. Oublier ceci serait ignorer l'enseignement des meilleurs guides spirituels, y compris Vincent de Paul, experts connaisseurs de la psychologie humaine.

Un Conseiller devra être une personne mûre du point de vue psychologique. La maturité n'est pas la perfection mais l'acceptation de soi-même. Nous parlons alors d'une personne aimable, capable d'établir des relations avec les autres, avec une grande dose de confiance en elle-même venant d'une saine estime de soi. Celle-là provient à son tour d'une bonne connaissance de ses limites, de ses forces, de ses tendances, de ses pièges et surtout du fait de se sentir réconcilié avec eux.

Néanmoins, cela ne suffit pas. La mission de Conseiller d'un groupe demande un minimum de connaissances psychologiques afin de ne pas se perdre parmi les écueils qu'elle renferme. Certaines connaissances pour savoir ce qu'il faut faire et beaucoup de connaissances pour savoir ce qu'il ne faut pas faire. Les images de Dieu, la prière, l'affection, le désir, les souhaits, les impératifs moraux, etc sont des domaines où la sagesse psychologique a beaucoup de choses à dire ; de même en ce qui concerne le dialogue : le transfert, les possibles dépendances entre le Conseiller et le groupe, etc. Aussi, étant donné qu'un Conseiller se trouve parfois face à des personnes qui souffrent d'anomalies ou de pathologies diverses, il doit être préparé et renseigné pour les diriger vers des personnes qui pourront les aider à faire face à leur problème sans entrer lui-même dans le domaine thérapeutique.

D'autre part, le Conseiller, si c'est un homme, doit prendre conscience de la dignité et de la vocation de la femme, de son rôle décisif dans l'église et dans la société actuelle et des apports qu'elle peut offrir à l'intérieur d'un groupe laïc vincentien.

5. Sens ecclésial

Le Conseiller doit aussi se préparer pour remplir son rôle avec un grand sens ecclésial, c'est-à-dire, aider le groupe à vivre sa vocation au service et à l'évangélisation des pauvres en communion avec l'Église Universelle et à comprendre que, dans cette communion, chaque action particulière acquiert une valeur universelle. Il faudra ajouter à cet élément essentiel une connaissance adéquate de la doctrine sociale de l'Église qui, depuis son origine avec Léon XIII, est une expression, déjà centenaire, de l'option générale actuelle de l'Église pour les pauvres ; de la même façon, il sera bon que l'assesseur ait une connaissance des courants théologiques actuels qui privilégient la perspective des pauvres afin d'accomplir sa fonction avec compétence.

6. Connaissance de l'association pour laquelle il travaille

Le Conseiller devra bien connaître l'association pour laquelle il travaille, son histoire et ses caractéristiques propres au sein de la grande FV. Car ces différences existent et il convient de les conserver afin que la famille ait une plus grande richesse et pour éviter l'amalgame de ses différentes manifestations. Mais outre les indispensables connaissances théoriques, le Conseiller devra éprouver un amour véritable pour l'association correspondante et lui consacrer son temps d'une manière sérieuse et conséquente.

III. Le rôle du Conseiller dans les groupes laïcs vincentiens

Nous entrons maintenant au cœur du sujet qui nous occupe. J'espère que ce qui a été dit jusqu'ici vous aidera à comprendre ce qui va être dit par la suite concernant le rôle dans les groupes laïcs vincentiens.

1. Quelques précisions préliminaires

    1. Accompagnement libérateur, non directeur

La personne qui accomplit la tâche du Conseiller ne peut le faire qu'à partir de cette modestie absolue de sentir que l'on permet son entrée, à partir de l'humilité de celui qui sait qu'il est invité à participer, en tant que Conseiller, au chemin que le groupe qu'il accompagne doit parcourir. Avec cette attitude il devra avancer dans un respect profond, comme sur la pointe des pieds, conscient qu'il marche sur une terre sacrée.

    1. « Animés par l'Esprit de Dieu » (Rm 8, 14)

L'esprit est le principe de vie, le seul guide d'une chrétienne ou d'un chrétien. C'est lui qui montre le chemin, qui conduit, qui donne des forces pour la journée… Personne ne peut le supplanter.

    1. « Ne vous faites pas appeler « Rabbi »… N'appelez personne votre « Père » sur la terre… ne vous faites pas non plus appeler « Directeurs » … » (Mt 23, 8-10)

Le Conseiller n'est pas exempt du danger de domination ou d'appropriation de consciences et des intimités. Il n'y a qu'un Père, le Père céleste, et il n'y a qu'un Maître et Directeur, le Christ. Le Père et le Christ nous donnent l'Esprit.

    1. « Il faut que lui grandisse et que moi je décroisse » (Jn 3, 30)

À fur et à mesure que l'accompagnement progresse, il diminue en intensité et par conséquent, l'assesseur tend à disparaître. Car l'objectif de l'accompagnement consiste à ce que le Christ évangélisateur et serviteur grandisse, « soit formé » (cf. Gal 4, 19) chez les personnes qui constituent le groupe. Ainsi, la participation de la personne du Conseiller à la tâche de cette croissance, diminue peu à peu.

    1. Un groupe de laïcs vincentiens est destiné à la mission

Un groupe de laïcs vincentiens est un lieu où les membres se préparent pour réaliser une mission, c'est-à-dire, à servir et évangéliser les pauvres. Par conséquent, ce n'est pas exactement un groupe biblique ou de réflexion théologique, ni un groupe de prière, et non plus un groupe pour échanger des idées.

    1. Rôle et fonctions du Conseiller

Après avoir donné les précisions nécessaires, je veux parler de ce en quoi consiste, selon mon avis, le rôle du Conseiller dans un groupe de laïcs vincentiens. Celui-ci est accompli à travers les quatre fonctions suivantes :

2.1. Spirituelle

A. Le Conseiller doit être, par-dessus tout, une personne qui sait transmettre au groupe son expérience de foi en Jésus-Christ ; il doit animer ses membres à devenir, comme Vincent de Paul, des disciples qui suivent Jésus-Christ pour réaliser auprès de Lui la mission d'évangéliser et de servir les pauvres.

B. Il doit veiller pour que le groupe vive l'esprit vincentien et se laisse guider par lui et non par des courants de spiritualité, traditionnels ou modernes, qui ne sont pas compatibles avec le vrai esprit vincentien : une façon presque radicalement nouvelle de vivre l'ancien esprit évangélique (cf. Jaime Corera, o.c. p. 87). Cela n'exclut pas, bien entendu, la possibilité d'enrichir cet esprit, comme l'a fait saint Vincent, avec des spiritualités analogues et proches de lui.

C. Le fait qu'un groupe de laïcs vincentiens ne soit pas proprement un groupe de prière ne veut dire, d'aucune façon, que le Conseiller n'ait pas la possibilité de promouvoir parmi ses membres une vie de prière et de célébration de l'eucharistie qui nourrisse leur foi et soit une motivation pour continuer l'évangélisation et le service des pauvres, visages réels du Christ. Pour un vincentien, oraison et eucharistie ne sont qu'une halte sur le chemin sur lequel on suit Jésus-Christ afin de se fortifier spirituellement et de continuer la mission.

2.2. Humaine

La fonction humaine du Conseiller consiste à aider les personnes à grandir à travers des quatre attitudes que je considère fondamentales :

A. La première est l'attitude profonde d'accueil, bien sûr, au-delà de l'éducation, la bonhomie ou la sympathie initiale. Accueillir c'est recevoir et traiter avec affection et délicatesse l'expérience et la vie de l'autre personne ; savoir se mettre en harmonie avec le cœur, loin des paroles dites ou écoutées, sans forcer les silences ; n'ayant pas peur d'écouter ou de recevoir tout ce que l'autre pourra dire ; traiter l'autre avec une grande miséricorde, sans paternalisme, mais de pécheur à pécheur.

B. La deuxième attitude est l'humilité, la vraie humilité. Nous devons, profondément, avoir conscience que nous ne sommes pas les acteurs principaux, mais des instruments limités, de l'action de Dieu ; il s'agit de ne pas chercher à donner des leçons mais d'être capables d'apprendre, jour après jour, les leçons que nous donnent les membres du groupe, car, d'entrée, nous ne savons pas tout ou plutôt, nous ne savons presque rien.

C. La troisième attitude est la patience. Savoir écouter sans hâte et sans frein. Ne pas mesurer, ni épargner, ni donner à regret le temps dont on dispose. Être conscient qu'avant de pouvoir dire à l'autre une parole significative, il faut beaucoup écouter et beaucoup taire ; et lorsqu'il sera nécessaire de corriger ou de réprimander, il faudra le faire non seulement d'une manière respectueuse mais aussi avec la certitude qu'on le fait pour aider vraiment l'autre.

D. Finalement, l'abnégation. L'accompagnement est un service, c'est pourquoi le Conseiller se met aux pieds de l'autre. Nous ne pouvons pas devenir le centre d'attraction. Il faut être très sensible à ne créer aucune sorte de dépendances ni avoir plus d'exigences que celles que demandent la suite de Jésus et le service des pauvres. Donner totalement sans tenir compte de l'affection, la reconnaissance, l'estime et l'appréciation reçues.

    1. Formation

Bien qu'un bon accompagnement du groupe constitue déjà un moyen excellent de formation, cependant le Conseiller doit se soucier de chercher les moyens nécessaires pour que ceux qui forment le groupe aient, parmi d'autres aspects, une préparation biblique, spirituelle, vincentienne, pastorale, sociale, qui au moment de servir et d'évangéliser les pauvres, leur permettra d'agir non seulement avec le cœur et la bonne volonté, mais aussi avec intelligence.

    1. Pastorale

Du point de vue pastoral, le Conseiller doit savoir motiver et diriger le groupe vers la mission. Pour un groupe vincentien ce sera toujours l'évangélisation et le service des pauvres comme nous l'avons déjà mentionné. Cette mission demande :

A. Que le Conseiller ait conscience des problèmes sociaux, économiques et politiques du monde d'aujourd'hui qui touchent tout particulièrement les pauvres et sont une négation du Royaume de Dieu, afin d'aider le groupe à les connaître, à les analyser à la lumière de la doctrine sociale de l'Église et à en tenir compte au moment de réaliser la mission.

B. Que le Conseiller aide aussi le groupe à considérer que la Bonne Nouvelle apportée par le Christ a une destinée universelle et qu'elle n'est pas liée nécessairement à une culture concrète ; que l'évangile doit s'inculturer, c'est-à-dire, qu'il doit assumer les valeurs présentes dans les différentes cultures et, comme le levain dans la pâte, transformer les contre-valeurs existantes en elles. Bien entendu, cela est valable pour l'expérience spirituelle et le charisme vincentien.

C. Enfin, que le Conseiller connaisse suffisamment la situation et les défis les plus urgents de son Église particulière (diocèse, pays). Cela est un point clé. Les groupes locaux trouvent leur sens ultime, comme je viens de le souligner, dans la mission et le service. On ne peut pas procurer une bonne formation ni la croissance dans la vocation du laïc s'il n'y a pas une solide référence au contexte où l'on doit réaliser la mission.

IV. Pédagogie de Jésus en tant qu' « Conseiller » des douze

Pour terminer, je voudrais, comme conclusion, partager avec vous une brève réflexion sur la pédagogie de Jésus en tant que Conseiller des douze apôtres.

Au commencement de sa vie publique, Jésus a appellé quelques personnes pour le suivre et être ses disciples. Il a partagé sa vie avec eux et il a eu envers eux une attention toute particulière, surtout après ce que l'on appelle la « crise de Galilée ». Il leur expliquait, dans l'intimité, d'une manière claire, ce qu'il proposait à la multitude en paraboles. « Il ne leur parlait pas sans parabole, mais en particulier, il expliquait tout à ses disciples » (Mc 4, 34). Les disciples avaient aussi l'occasion de demander à Jésus quels étaient le sens et l'importance de ses actions. À propos de la guérison du possédé épileptique, après que les disciples n'avaient pas réussi à expulser l'esprit mauvais, « Quand il fut rentré à la maison, ses disciples lui demandaient dans le privé : `Pourquoi n'avons-nous pu l'expulser ? (Mc 9, 28) ».

Il dialogue avec eux continuellement, les instruit, les conseille, en conjuguant la critique dure et exigeante : « Il ne doit pas en être ainsi parmi vous… » (Mc 10, 43) avec la sollicitude réconfortante : « Soyez en garde : je vous ai prévenus de tout… Soyez sur vos gardes, veillez… » (Mc 13, 23, 33).

Mais ce fut, sans aucun doute, l'expérience quotidienne partagée « Venez et voyez » (Jn 1, 39), qui a constitué la base fondamentale de la pédagogie de Jésus : sa vie et ses actions, observées attentivement par ses disciples deviendront la norme de leur pratique future. « Il suffit pour le disciple qu'il devienne comme son maître » (Mt 10, 25), leur avait-il signalé une fois.

La façon d'agir de Jésus, sa manière d'approcher les personnes et de réagir face à leurs besoins ont été regardées avec attention et adoptées par les disciples en tant que paradigme de comportement évangélique.

Suivre Jésus, aujourd'hui et hier, consiste à prolonger sa mission d'évangélisation et de service des pauvres, des marginaux dans des contextes historiques nouveaux, en essayant en même temps de discerner ses attitudes, ses options et ses actions pour une véritable conversion. Dans cette tâche, le rôle du Conseiller d'un groupe destiné à la mission est fondamental.

Bibliographie consultée

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(Traduction : CENTRE DE TRADUCTION - FILLES DE LA CHARITÉ, Paris)

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