Saint Vincent formateur des prêtres

Saint Vincent formateur des prêtres

par Stanisław Wypych, C.M.

Province de Pologne

Introduction

L'exemple de vie et les paroles de saint Vincent ont eu une influence notable sur des personnes bien connues dans l'Eglise et dans la société ainsi que sur divers groupes: sur ses proches collaborateurs, sur les candidats de la Congrégation, et aussi sur les laïcs qui lui avaient demandé la direction spirituelle. Il serait intéressant de voir comment il a eu une influence sur la formation de divers groupes et communautés comme les Charités, les Dames de la Charité, les Filles de la Charité et les Visitandines. Nous sommes du côté de ceux qui sont convaincus que Vincent faisait partie des maîtres de la vie spirituelle et des formateurs bien connus. Le caractère de cet article nous oblige cependant à limiter notre réflexion et à le présenter comme formateur du Clergé. Cette réflexion s'inscrit et doit être comprise dans le contexte de tous les articles présentés dans ce numéro de Vincentiana.

En commençant, il faut rappeler la profonde conviction de Vincent que l'Esprit de notre Seigneur est le premier et le principal formateur des personnes. Il appelle, accorde la grâce et la force, puis il continue à exercer le rôle de directeur spirituel aussi bien des personnes que des communautés. A cet engagement, si noble, que saint Grégoire le Grand appelle ars artium, regimen animarum, la divine Providence, dans son incompréhensible charité, appelle d'indignes missionnaires, qui doivent d'abord se pénétrer de l'Esprit du Christ et se demander continuellement ce que ferait le Christ dans une situation semblable.

1. Formation par l'exemple et par le conseil.

Rappelons-nous ici l'influence de l'exemple de Vincent sur les prêtres catholiques et sur les protestants à Chatillon-les-Dombes: il se levait à cinq heures du matin, une demi-heure de prière, de nombreuses heures au confessionnal, des visites aux fidèles, surtout aux pauvres et aux personnes dans le besoin pour les aider de manière bien organisée. Son attitude réveillait les consciences des prêtres catholiques et était un défi pour les protestants.

Nous voulons mentionner ici une activité très significative: les exercices spirituels dans la maison de Saint-Lazare. Ayant commencé en 1635, les Lazaristes y accueillaient ceux qui désiraient découvrir sérieusement leur vocation et y grandir. Pauvres et riches, jeunes et anciens, étudiants et docteurs, prêtres, bénéficiers du parlement et de la justice, commerçants, artisans, soldats et serviteurs demandaient à y être accueillis. On calcule qu'au cours de la période de 1635 à 1660 environ 20 000 personnes y prirent part. Ces exercices n'étaient pas organisés et dirigés par quelqu'un, mais chaque participant pouvait demander des conseils aux confrères ou aux candidats à l'état sacerdotal. La présence de saint Vincent créait une atmosphère de paix et de confiance. L'un des participants confessa qu'il demeura sous le charme de la personnalité du saint et qu'il n'était pas en mesure d'exprimer avec quel amour Vincent l'accueillit dans la maison. En effet, Vincent recevait de nombreux signes de gratitude aussi bien de la part des prêtres que des laïcs qui avaient fait l'expérience de son hospitalité.

On se rappellera ici la préoccupation de Vincent pour la nomination de personnes dignes des charges de responsabilité dans l'Eglise, à la période où il faisait partie du Conseil de conscience, c'est-à-dire de 1643 à la mort de Louis XIII. Son influence sur le choix des candidats à la nomination épiscopale a beaucoup contribué à la réforme de l'Eglise en France au XVIIe siècle, bien que les relations difficiles avec le cardinal de Richelieu n'aient pas facilité cet engagement.

2. Motifs de l'engagement dans la formation

Venons-en maintenant à la description des manières d'organiser la formation du clergé. Elles ont beaucoup influencé le renouveau de la vie religieuse en France à la période qui nous intéresse. Vincent suivait pas à pas la divine Providence, ne voulant ni retarder ni précéder les étapes indiquées par elle. En voyant l'état de la vie religieuse des paysans il était persuadé que la divine Providence l'appelait à l'évangélisation des pauvres paysans, abandonnés et sans connaissance des vérités fondamentales de la foi nécessaires pour le salut. Bien vite il en arriva à la conviction que pour garder les bons fruits des missions prêchées, il fallait des prêtres bien préparés et pleins de zèle. Il était aussi bien convaincu que le renouveau de la vie religieuse de l'Eglise devait commencer par la réforme du clergé. En attendant, la réforme des prêtres devait commencer par leur formation. Après des années de sa riche expérience, il affirme: “Au commencement, nous ne pensions à rien moins qu'à servir les ecclésiastiques, nous pensions à nous et aux pauvres…Ainsi, au commencement, la Compagnie ne s'occupait que d'elle et des pauvres…Dieu a permis qu'en nous il n'a paru que cela, mais, dans la plénitude des temps, il nous a appelés pour contribuer à faire de bons prêtres, à donner de bons pasteurs aux paroisses et à leur montrer ce qu'ils doivent savoir et pratiquer”(SV XII, 83-84). Pour répondre à ce besoin, trois manières de former le clergé sont mises en place: les exercices spirituels pour les ordinands, les conférences du mardi et les séminaires. Ces activités rentreront bien vite parmi les fins principales de la Congrégation. Vincent a écrit que notre institut a deux fins principales: l'enseignement des pauvres gens de la campagne et la formation du clergé. L'une et l'autre ont une égale importance et nous sommes obligés pour les deux. Donc si quelque confrère affirmait qu'il a été envoyé seulement pour évangéliser les pauvres paysans, dit saint Vincent, et qu'il n'est pas prêt à prendre l'engagement de la formation du clergé, il serait un missionnaire à moitié, puisqu'il est envoyé pour tous les deux.

3. Les exercices spirituels pour les ordinands

A. Poirier, Evêque de Beauvais, demanda à Vincent de prêcher une retraite aux ordinands de son diocèse en septembre 1628. Ayant vu les excellents résultats des exercices, la pratique de les organiser fut introduite à Paris, puis dans d'autres diocèses de France et aussi au-delà des frontières de ce pays, comme à Gênes et à Rome. Dans la bulle Salvatoris nostri ces retraites sont inscrites comme l'une des activités principales de la Congrégation. Vincent était profondément assuré que la divine Providence avait confié cette œuvre à la communauté pour bien préparer les candidats au saint état sacerdotal. Les prêtres bien préparés prêcheront l'Evangile de même que des agents de pastorale, des curés et aussi des Evêques.

Vincent accepta cette œuvre en esprit d'humilité. Il voulait que les confrères prêchent les conférences dans un esprit de simplicité, sans éléments recherchés de rhétorique, convaincu que la simplicité édifie les candidats et que les vérités présentées sous une forme simple sont bien accueillies. Durant les exercices, de 10 à 15 jours, Vincent ne voulait pas donner une synthèse de théologie, étant certain que les candidats étaient déjà plus instruits que nos confrères. “Ils ne se gagnent pas par la science ou les belles choses qu'on leur dit, car ils sont plus savants que nous…Ce qui les touche: les vertus qu'ils voient pratiquer ici”(SV XI, 11). Le but des retraites était donc la préparation immédiate et pratique au sacrement du sacerdoce. Durant les rencontres, les candidats, dans un climat marqué par la prière, le sacrement de pénitence et la discussion, devaient s'assurer de leur vocation à l'état sacerdotal et accéder à ce service avec l'intention pure, ce qui veut dire pour la gloire de Dieu et leur propre salut. Vincent les aidait à approfondir l'esprit de prière, à apprendre la théologie pratique et l'administration des sacrements. Il l'enseignait par des paroles, mais surtout par l'exemple de la prière et la façon parfaite de célébrer la liturgie. Tous les confrères de la communauté, de même que les frères, prenaient part à la formation des candidats.

Au commencement Vincent prépara le projet de la retraite. Puis (dans les années 1634-35), quatre confrères préparèrent un règlement bien élaboré. Un confrère nommé, appelé directeur, organisait la retraite et les autres confrères collaboraient avec lui. Le jour de l'arrivée, les confrères de la communauté accueillaient les candidats, leur montraient les salles et leur expliquaient le programme du jour.

Dans la matinée on exposait les principes fondamentaux de la théologie morale, le Décalogue, le droit ecclésiastique, la sacramentaire et le Symbole des Apôtres. Le programme prévoyait aussi l'explication des célébrations des sacrements, surtout de la célébration de la messe. Puisque entre 70 et 90 participants y prenaient part, après l'explication, ils se répartissaient en groupes de 12 à 15 personnes et - animés par un confrère - ils discutaient des thèmes présentés durant un cours ou une conférence. Le programme prévoyait aussi la célébration en commun de l'office et la prière communautaire. A partir du premier jour, les candidats se préparaient à la confession générale de toute la vie ou bien depuis la dernière confession générale.

Vincent attesta que Dieu bénissait cette œuvre. Les prêtres qui s'étaient préparés à l'ordination de cette façon demeuraient fidèles à la méditation, à la célébration exemplaire de la messe et des autres sacrements, et aussi à la pratique de l'examen de conscience, aux visites des malades dans les hôpitaux et dans les prisons, où ils enseignaient les vérités de la foi, donnaient des conférences et confessaient les prisonniers. Les participants aux exercices vivaient de façon exemplaire et beaucoup d'entre eux prirent des postes de responsabilité remarquables dans l'Eglise.

4. Les conférences du mardi

Ces Conférences furent une bonne continuation de l'expérience positive vécue durant les retraites et un exemple très intéressant de formation permanente. Vincent affirmait qu'il avait connu l'existence de rencontres où les participants faisaient une réflexion sur des thèmes de théologie, surtout de morale, dans d'autres ils discutaient des cas de conscience. Par contre, il ne connaissait pas de rencontres où sont discutés les thèmes comme les vertus de l'état ecclésiastique, la vie exemplaire des prêtres et la réalisation responsable et solide des devoirs sacerdotaux. Dans les rencontres organisées par Vincent, les participants réfléchissaient sur les motifs d'acquérir les vertus liées à l'état ecclésiastique, sur leur essence, leurs manifestations et sur les moyens adéquats pour les pratiquer. Ils réfléchissaient aussi sur les devoirs des clercs envers Dieu et envers le prochain.

Dans le règlement concerné nous lisons: “La Compagnie de messieurs les ecclésiastiques…a pour fin d'honorer la vie de N.S. J.-C., son sacerdoce éternel, sa sainte famille et son amour envers les pauvres. Ainsi chacun d'eux doit tâcher de conformer sa vie à la sienne, de procurer la gloire de Dieu dans l'état ecclésiastique, dans sa famille et parmi les pauvres, même parmi ceux de la campagne, selon l'emploi et les talents que Dieu leur a donnés” (SV XIII, 128). La fin de la Conférence était alors la formation à la participation à l'éternel sacerdoce de Jésus et de la sainte famille, et aussi à son amour des pauvres. Les participants se sensibilisaient aux besoins des pauvres, qu'ils devaient servir; ils se préparaient aussi à prêcher les missions.

Le groupe des coordinateurs était composé d'un directeur, d'un préfet, de deux assistants et d'un secrétaire. Aux rencontres prenaient part des prêtres, des diacres et des sous-diacres. Avant d'accepter un membre, les responsables demandaient des informations à son sujet. Après avoir été accepté, le candidat faisait la retraite de huit jours et la confession générale. Les membres se réunissaient chaque mardi dans la maison de Saint-Lazare ou au Collège des Bons-Enfants. Tous devaient participer à toutes les rencontres. La récitation du Veni Creator commençait la réunion qui se terminait par une hymne mariale. Le thème de la rencontre, annoncé à la réunion précédente, concernait les prochaines fêtes liturgiques, des événements actuels, des abus et des manques de la société. Les conférences et la discussion se déroulaient selon la petite méthode, animée par la simplicité. Chacun des participants, de façon simple et humble, par écrit ou de vive voix, partageait ses pensées au sujet de la pratique des vertus, de leur nature et des moyens pour l'introduire dans sa vie. La célébration de l'Eucharistie, la méditation quotidienne, l'office des heures, la lecture du Nouveau Testament, l'examen de conscience de midi et du soir constituaient aussi les thèmes de réflexion. Le Jeudi Saint les participants renouvelaient les promesses baptismales et les promesses d'obéissance.

Les membres de la Conférence, comme on l'a dit, s'étaient sensibilisés aux besoins des pauvres. Depuis 1641 ils prêchaient aussi les missions aux galériens, à l'hospice des petites maisons en dehors de Paris. La mission prêchée en 1641 dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés a porté des fruits extraordinaires. Il y eut des conversions, des réconciliations, des restitutions, des réparations de scandale, de surprenants changements de vie. Ici il y a la main de Dieu disaient les protagonistes de cette incroyable aventure. Nous pouvons dire que la main de Dieu conduisait les activités confiantes et humbles de Vincent.

De 1633 jusqu'à la mort de saint Vincent, on a enregistré plus de 250 noms des participants aux Conférences. Beaucoup d'entre eux ont ensuite occupé d'importantes charges dans l'Eglise: 40 docteurs en théologie, 22 évêques, des fondateurs de communautés religieuses, des représentants au parlement, des chapelains de la Cour royale, des chanoines et des curés.

Les Conférences furent fondées au Puy (1636), à Pontoise (1642), Angoulême (1647), Angers, Bordeaux et dans d'autres villes dont les noms ne sont pas connus. Elles furent aussi fondées en Italie et en Irlande.

5. Les séminaires

L'organisation et la direction des séminaires furent une très importante contribution à la réforme de l'Eglise en France au XVIIe siècle. Les Evêques avaient tenté d'organiser les séminaires déjà à la moitié du XVIe siècle: en Italie (Pistoia, Florence, Bologne, Venise, Rome), et en France (Reims, Aix, Chalons, Avignon). Ces essais n'ont pas donné les résultats attendus.

Voyant la nécessité d'une solide préparation au sacerdoce et de l'introduction de la discipline dans le clergé, le 15 juillet 1563, le Concile de Trente avait ordonné de fonder les séminaires. Vincent était convaincu que ce décret provenait de l'Esprit Saint. En France cependant la réforme tridentine fut introduite avec un retard notable. Le parlement français, en effet, n'accepta les ordonnances de ce Concile que le 7 juillet 1615.

Dans l'œuvre de renouveau de l'état ecclésial s'étaient engagés des personnages connus de cette époque, comme: P. de Bérulle, Ch. de Condren, A. Bourdoise, J.J. Olier, A. Duval et Vincent de Paul. Les premières tentatives d'organiser les séminaires n'ont pas réussi, surtout à cause de la différence d'âge des candidats. Il était très difficile de préparer un bon programme répondant à des âges si divers. Vincent divisa les candidats en deux groupes. Pour les plus jeunes il fonda le petit séminaire et pour les autres, qui se préparaient directement au sacerdoce, le grand séminaire.

Il y eut trois types de grand séminaire: le séminaire paroissial qui préparait les candidats au service sacerdotal de manière pratique; les séminaires-convicts où logeaient les élèves qui recevaient la formation intellectuelle dans les universités ou les collèges; et enfin les séminaires-collèges pour la formation intellectuelle, spirituelle et liturgique. Les séminaires dirigés par les Lazaristes faisaient partie du troisième groupe, avec l'accent mis sur la préparation pastorale.

Les deux premiers séminaires confiés aux confrères ont été fondés à Annecy et à Alet, puis à Marseille, Périgueux, Montpellier. D'autres évêques demandèrent aussi à saint Vincent d'organiser un séminaire dans leurs diocèses. L'année de la mort de Vincent les confrères dirigeaient en France 16 séminaires. J. M. Román, citant H. Kaman, écrit que l'auteur en arrive à affirmer que l'œuvre la plus importante de Vincent et son apport le plus décisif pour la réforme de la France furent sa contribution à la formation du clergé: changer le peuple chrétien en changeant pour cela ses ministres.

Vincent soulignait souvent l'importance de la formation spirituelle du clergé, il attirait l'attention sur les pratiques de piété quotidiennes: prière, participation à l'Eucharistie, liturgie des heures, méditation et examen de conscience. Il a écrit que la formation consistait… “particulièrement en la vie intérieure et en la pratique de l'oraison et des vertus; car ce n'est pas assez de leur montrer le chant, les cérémonies et un peu de morale; le principal est de les former à la solide piété et dévotion”(SV IV, 597). Le sacrement de Pénitence et l'Eucharistie tenaient la place principale. Saint Vincent rappelait l'exigence des vertus nécessaires à l'état ecclésiastique, particulièrement de l'obéissance et de la chasteté. “Ce que je vous recommande, au nom de N.S., est de porter vos pensionnaires à la vie intérieure. Ils ne manqueront pas de science s'ils ont de la vertu, ni de vertu s'ils s'adonnent à l'oraison, laquelle étant bien et exactement faite, elle les introduira infailliblement en la pratique de la mortification, le détachement des biens, l'amour de l'obéissance, le zèle des âmes et le reste de leurs obligations” (SV VIII, 3). L'intention était d'introduire les élèves à une bonne participation à la liturgie, au chant ecclésiastique et à l'enseignement du catéchisme. Ensuite, prenant en considération leur âge ils devaient étudier diverses matières.

Vincent était convaincu que le but de la formation n'est pas d'abord intellectuel, mais spirituel et pastoral. De là l'accent mis sur l'importance des pratiques pastorales. Saint Vincent voulait éduquer de bons pasteurs qui seront capables de prêcher, de catéchiser, d'administrer les sacrements et de résoudre les cas de conscience. En somme, il voulait former d'excellents pasteurs, pieux, vertueux et zélés.

Par conséquent, Vincent acceptait des paroisses proches du séminaire pour donner aux élèves la possibilité de faire des expériences pastorales: “…mais l'expérience nous a fait connaître que là où il y a un séminaire, il est bon que nous ayons une paroisse pour y exercer les séminaristes qui apprennent mieux les fonctions curiales par la pratique que par la théorie” (SV VII, 253-4). Les élèves prenaient aussi part au déroulement des missions parmi les paysans.

Vincent était conscient de la grande importance des œuvres qui nous sont confiées par la Divine Providence. Il disait que les candidats au sacerdoce constituent le plus précieux trésor de l'Eglise, et que leur formation est le plus noble engagement mais aussi le plus difficile. Un jour il disait aux confrères: “O mon Sauveur! combien doivent les pauvres missionnaires se donner à vous pour contribuer à former de bons ecclésiastiques, puisque c'est l'ouvrage le plus difficile, le plus relevé, et le plus important pour le salut des âmes et pour l'avancement du christianisme!” (SV XI, 7-8). Par conséquent, il destinait à cette œuvre les confrères les meilleurs et les mieux préparés. Il pensait que nous devions acquérir des valeurs et ensuite les partager avec les autres. “Et pour cela, Monsieur, nous en devons être les premiers remplis, car il serait presque inutile de leur en donner l'instruction, et non pas l'exemple. Nous devons être des bassins remplis pour faire écouler nos eaux sans nous épuiser, et nous devons posséder cet esprit dont nous voulons qu'ils soient animés; car nul ne peut donner ce qu'il n'a pas. Demandons-le donc bien à Notre-Seigneur, et donnons-nous à lui pour nous étudier à conformer notre conduite et nos actions aux siennes… Nous apprendrons de Notre-Seigneur comme la nôtre doit être toujours accompagnée d'humilité et de grâce, pour lui attirer les cœurs et n'en dégoûter aucun” (SV IV, 597). Il écrit aussi “Je ne puis m'empêcher de vous conjurer, de la part de N.S., qui veut qu'ils soient tous bons et parfaits ecclésiastiques, de faire tout ce que vous pourrez pour les rendre tels, n'y épargnant ni les prières, ni les semonces, ni les exercices, ni les bons exemples. Voyez-vous, Monsieur, c'est là le trésor de l'Eglise que Dieu vous a confié, et le champ où vous devez savoir faire valoir les grâces qu'il a mises en vous” (SV VII, 30). Cela doit être un engagement persévérant, sérieux, humble et animé d'un profond esprit de foi.

Conclusion

Beaucoup de moyens et de formes utilisés par Vincent conservent toujours leur actualité et leur valeur. Nous voulons en mentionner quelques uns ici: la distinction entre grand et petit séminaire, la formation par l'exemple et la parole, l'implication de toute la communauté, le travail en groupes, l'accent mis sur la formation spirituelle, pastorale, communautaire et intellectuelle, les retraites avant l'ordination, les pratiques pastorales, la bonne préparation à une digne célébration des sacrements, la bonne préparation pour enseigner le catéchisme. Mais il faut souligner de façon particulière la nécessité de la formation permanente des prêtres et des membres des Instituts de vie consacrée, durant toute la vie, telle que mise en relief avec force dans les documents du Pape et des dicastères romains.

L'un des domaines où se réalise la fin de la Congrégation, souligné dans nos Constitutions actuelles, est justement la formation du clergé. “La fin de la Congrégation de la Mission est de suivre le Christ Evangélisateur des pauvres. Cette fin se réalise lorsque, fidèles à saint Vincent, Confrères et Communautés…aident à la formation des clercs et des laïcs, les amenant à prendre une part plus grande dans l'évangélisation des pauvres” (n. 1). Nous sommes alors invités à aider le clergé et les laïcs dans la formation et à les amener à participer à l'évangélisation des pauvres. Dans le chapitre sur l'activité apostolique nous lisons: “L'œuvre de la formation des clercs dans les séminaires, qui figurait déjà au nombre de nos activités dès les débuts de la Congrégation, sera opportunément et efficacement rénovée. Les confrères fourniront également aux prêtres une aide spirituelle, soit dans la progression de leur formation continue soit dans le soutien de leur zèle pastoral, et ils exciteront en eux le désir de réaliser l'option de l'Eglise en faveur des pauvres” (n. 15).

Dans l'histoire de la Congrégation de nombreuses provinces ont écrit une belle page de la formation du clergé. Maintenant, nous devons dire que le nombre de confrères engagés dans ce service n'est pas suffisant et qu'il est malheureusement en diminution. Le Supérieur Général nous informe qu'il y a des Evêques, surtout dans les pays de mission, qui demandent des confrères pour enseigner et diriger les séminaires. Ces demandes ne viennent pas des pays des autres continents. Mais je suis convaincu que les Evêques nous demanderont toujours des directeurs spirituels capables et bien préparés, pour les séminaires et les doyennés, des confesseurs pour les prêtres et les séminaristes, des prédicateurs de retraites spirituelles et de conférences de formation permanente.

Nous pouvons aussi chercher d'autres moyens pour aider le clergé dans sa formation, par exemple: organiser des centres de formation permanente, dans nos maisons créer la possibilité de faire une retraite annuelle (même avec nous) ou des journées de récollection, donner la possibilité de se confesser, recevoir les prêtres dans nos maisons, s'intéresser aux prêtres âgés, enseigner dans les séminaires, collaborer de façon exemplaire avec le clergé diocésain en prenant part aux diverses initiatives. La valeur de l'exemple de vie demeure toujours valide. Nous pouvons aussi écrire des articles et des livres sur la spiritualité sacerdotale et enfin prier pour l'apostolat et la sainteté des prêtres. Ici aussi peut se réaliser la fameuse expression de saint Vincent: “L'amour est inventif jusqu'à l'infini” (SV XI, 146).

(Traduction: JEAN LANDOUSIES, C.M.)

Cf. J. Corera, San Vincente de Paul, Formador, Vincentiana 28, (1984) pp. 667-678; La formation, in Au temps de saint Vincent de Paul…et aujourd'hui, Cahier 38, Bordeaux, 1986; L. Mezzadri, La sete e la sorgente, Roma 1992, I, p. 69-71.

Cf. SV I, 26; II, 356; VII, 613.

Cf. SV XI, 348.

Cf. J. M. Román, S. Vincenzo de Paoli. Biografia (trad. italienne) Milan 1986, p. 108.

Cf. SV XIII, 134.

Pour une description plus détaillée, cf. J.M. Roman, S. Vincenzo de Paoli…p. 310-315.

Cf. SV I, 68.

Sur ce thème on a assez écrit, par exemple: M.A. Roche, saint Vincent de Paul and the formation of clercs, Fribourg 1964; J. M. Román, La formation du clergé dans la tradition vincentienne, Vincentiana 27 (1983) p. 136-153; C. Sens, La formation du clergé, Vincentiana 31 (1987) p. 751-762; J. M. Román, S. Vincenzo de Paoli…, p. 317-336; R. Mc Cullen, Ministry to priests and the vincentian charism of service to clergy, yesterday and today, Vincentiana 34 (1990), p. 220-229.

Cf. SV III, 273.

Cf. SV V, 489.

Cf. SV VII, 561.

Cf. SV II, 339.

Cf. SV XIII, 141-142.

Cf. J. M. Román, S. Vincenzo de Paoli…, p. 320-322.

Cf. SV I, 204.

Abelly, I, 2° partie, chap. 3, p. 261-264; cité par J. M. Román, S. Vincenzo de Paoli, p. 335.

Cf. J. M. Román, S. Vincenzo de Paoli p. 331.

Cf. SV I, 537; II, 491.

Cf. SV II, 459

Cf. L. Nuovo, Seminarios, in Diccionario del Espiritualidad vincenciana, Salamanca 1995, II, 563-565 (avec une bibliographie choisie); voir aussi L. Mezzadri, La chiesa di Francia nel XVIIe secolo, Vincentiana 31 (1987) p. 438-456); J. Dukala, Organizacja studiow i przygotowanie do kaplanstwa alumnow w Seminariach Diecezjalnych pod zarzadem Zgromadzenia Ksiezy Misjonarzy w Polsce w latach 1675-1864 (thèse de doctorat) Cracovie 1975; L. Mezzadri, J. M. Román, Historia Zgromadzenia Misji (traduction polonaise) Cracovie 1995, I, 245-288.

S. Vincenzo de Paoli, p. 331.

Cf. Pastores dabo vobis (exhortation apostolique de Jean-Paul II), 1992; et le document du Saint-Siège: La formation dans les instituts religieux `potissimum institutioni', 1990.

A. Zakreta cite ces documents, les analyse et présente les formes de cette formation in: La formazione permanente dei religiosi. Studio giuridico-teologico (thèse de doctorat), Rome 1998.