Experience de l'Islam en Mozambique

EXPERIENCE DE L'ISLAM EN MOZAMBIQUE

par Manuel Velo Martinez, C.M.

Province de Salamanque

1. Le Pays

Le Mozambique est un pays de 800.000 km², au sud-est de l'Afrique, face à Madagascar, avec quelques 2.500 km de côtes baignées par l'Océan Indien. Il a pour voisins sur terre six pays, tous de langue anglaise: la Tanzanie, le Malawi, la Zambie, le Zimbabwe, le Swaziland et l'Afrique du Sud. En 1997, il comptait quelques dix-sept millions d'habitants dont 75% n'avaient pas 15 ans. Le portugais, langue officielle, donne cohésion à ce pays formé de seize groupes ethniques, ayant chacun leur propre langue. Le taux approximatif d'analphabétisme est de 78%; seule une minorité de 35% connaît la langue nationale.

Il y a quelques années, le revenu par habitant était de 70 dollars USA. Selon les chiffres officiels, c'était le pays le plus pauvre du monde; mais après sept ans de paix et de démocratie politique, son économie s'améliore. Malgré une grande richesse naturelle, il importe 90% des produits qu'il consomme. En général, les produits naturels ne s'élaborent pas dans le pays mais ils sont exportés en brut, exploités par des pays étrangers, ou sont gaspillés faute de moyens.

La capitale Maputo, proche de la République sud-africaine, reçoit des investissements de capitaux et lutte pour devenir comme n'importe quelle capitale occidentale. Le reste du pays, au nord du Zambèze spécialement, reçoit ce qui excède dans le sud et vit à l'abandon. Les différences scandaleuses entre le nord et le sud provoquent des rivalités ethniques et des sentiments qui peuvent causer le morcellement du pays ou la violence politique organisée.

2. Histoire du pays

Jusque 1500, nous ne savons rien de ses habitants. Il n'y a pas de restes archéologiques. Seules quelques peintures rupestres, découvertes par un missionnaire au Namapa, montrent que le Mozambique fut habité dès l'antiquité par des tribus qui vivaient de la chasse et de la récolte des fruits.

Le Mozambique fut «découvert» en 1498 par Vasco de Gama, qui arriva à l'actuelle Ile de Mozambique au cours de son voyage vers l'Inde. Il y resta plusieurs semaines. L'endroit servira de port de repos et de commerce dans de futures expéditions et, avec le temps, il se transformera en capitale de l'Afrique Orientale. A la fin du 19e siècle, la capitale s'établit au sud, à Lourenço Marques. Dans son commerce avec l'Inde, le Portugal profite de la situation stratégique du pays et domine peu à peu les populations du littoral, puis la vallée du Zambèze, convoitant les gisements d'or du Monomotapa, situés à 1000 km vers l'ouest.

Sur la côte orientale, vivent depuis plus de cinq siècles des commerçants arabes et des métis musulmans. Leur relation avec les tribus de l'intérieur est discontinue. Ils vivent ensemble pacifiquement et indépendamment.

Le Mozambique est formé de multiples tribus bantoues ayant chacune leurs propres coutumes et leurs traditions ancestrales. Ces groupes parcourent les terres avec leurs troupeaux ou se font la guerre pour survivre. Durant les cinq derniers siècles, trois groupes ont cohabité dans une harmonie dynamisante, créant une société multiraciale, tolérante et ouverte: les populations musulmanes, établies près de la mer et livrées au commerce, les tribus noires et les portugais, maîtres du pouvoir politique.

En 1975, après beaucoup d'années de guérilla, le FRELIMO (Front de Libération du Mozambique) obtient l'indépendance et prend le pouvoir. Le peuple vit une euphorie passagère. Le gouvernement marxiste s'éloigne de l'Occident et rompt avec l'histoire et les traditions ancestrales. Les denrées de première nécessité se font rares, la persécution idéologique, l'athéisme forcé et la décadence générale font leurs débuts. Surgit une nouvelle guérilla, la RENAMO (Résistance Nationale du Mozambique) qui ne brigue pas le pouvoir mais veut changer l'attitude du gouvernement. Le pays et toutes les structures qui étaient restées du temps colonial se détruisent rapidement.

En 1992, par l'entremise de l'Eglise (Communauté de Saint Egide), le gouvernement et les guérilleros signent la paix. En 1994, le FRELIMO accède au pouvoir après les premières élections démocratiques. On vit des moments d'espérance et d'optimisme et l'on amorce la réconciliation nationale. Mais, dans les cinq dernières années, les espoirs se changent en scepticisme à cause des injustices sociales, du capitalisme sauvage et de la corruption publique. Aujourd'hui, l'Eglise est pour beaucoup l'unique voie de salut.

3. Histoire de l'Eglise

L'évangélisation du Mozambique est unie à la colonisation portugaise. Dès le début, quelques prêtres accompagnaient l'expédition de Vasco de Gama pour prêter leur assistance spirituelle.

L'Islam était la religion de la minorité commerçante établie sur le littoral. Les tribus noires de l'intérieur pratiquaient leurs rites traditionnels et le culte des aïeux. Les portugais désirent vivre leur foi chrétienne et amènent des prêtres pour administrer les sacrements. Dès le début, les prêtres sont conscients qu'ils ne sont pas venus pour évangéliser ni pour convertir les habitants du pays, mais pour soutenir la foi des citoyens portugais.

Durant ces cinq siècles, il y eut diverses tentatives d'évangélisation. Elles ne furent pas le résultat d'un programme réglé et soutenu par les structures religieuses ou politiques, mais elles sont nées de l'audace de personnes charismatiques. Un essai des Jésuites, à la moitié du 17e siècle, fut sur le point d'obtenir la conversion du Monomotapa (Tete), mais finalement il échoua. Au Mozambique, l'évangélisation a souffert de la négligence, de l'abandon, des erreurs de méthode et d'attitudes inadéquates.

En 1940, après le Concordat entre le Saint-Siège et le Portugal, commence l'évangélisation du pays, devenu alors province dépendante. Des congrégations missionnaires arrivent, on ouvre des collèges et des séminaires, des missions, des hôpitaux, des internats et des écoles. Jusqu'aux derniers recoins arrive l'influence de l'Eglise, qui offre à la population des opportunités jusque là méconnues. L'Eglise est un chemin de progrès social.

Avec l'indépendance et l'instauration du marxisme, beaucoup de missionnaires furent expulsés et retournèrent à leurs pays. Les séminaristes furent `nationalisés' et envoyés dans divers pays pour être formés selon l'esprit socialiste et occuper, à l'avenir, des postes importants dans le nouveau gouvernement. 90% des catholiques abandonnèrent leur foi. Les blancs s'enfuirent et les missionnaires restèrent confinés dans les villes, surveillés et limités dans leurs droits.

Dès 1989, l'Eglise récupéra sa voix et son prestige et gagna la confiance du gouvernement. Celui-ci lui confia l'éducation, la santé et la promotion humaine de la population. Il ne le fit guère par sympathie, mais par nécessité. De nouveau, des missionnaires arrivèrent d'Europe, des gens qui n'avaient pas vécu la révolution. C'est ainsi qu'est né un essai de nouvelle évangélisation.

4. La Famille Vincentienne au Mozambique

Actuellement, presque toutes les branches de la Famille Vincentienne sont présentes: C.M., Filles de la Charité, SSVP, AIC, JMV et Association de la Médaille Miraculeuse.

La Congrégation arriva au Mozambique en 1940. Elle y fut appelée par les évêques pour diriger les séminaires et l'école technique de Magude et pour s'occuper des communautés rurales du district. Parmi les activités réalisées, c'est la formation dans les séminaires qui ressort par son importance. De 1940 à 1975, presque tous les séminaristes de Mozambique furent formés par les prêtres de la Mission: à Magude, Namaacha, Lourenço Marques, Nicoadala. La Congrégation s'engagea alors à ne pas accepter des vocations issues du pays, mais à orienter tous les jeunes vers les diocèses. Il y a une exception: le P. Germain Grachane, actuel évêque de Nacala.

La Congrégation est présente à travers trois groupes autonomes: la Vice-Province de Mozambique(19 confrères de six nationalités différentes), une communauté de la Province de Salamanque à Nacala (2 confrères) et une autre de la Province du Mexique à Chongoene (4 confrères). Elle collabore dans tout le pays avec les Filles de la Charité et les laïcs vincentiens.

Les Filles de la Charité arrivèrent en 1946 pour servir les pauvres des faubourgs de la capitale, s'occuper des écoles et travailler dans les services de santé. Aujourd'hui elles forment une Province de 60 Soeurs -dont 20 sont du Mozambique- et elles comptent dix communautés. Elles travaillent en 4 diocèses (Maputo, Xai-Xai, Tete et Nacala) et se consacrent à l'éducation des enfants, à la santé, à la formation de la jeunesse, à la promotion de la femme, à l'évangélisation et à la catéchèse. Jusqu'à présent, les Filles de la Charité se sont établies uniquement dans les lieux où se trouve la Congrégation de la Mission.

5. Contact avec l'Islam

Au sud, les musulmans sont une minorité qui n'attire pas encore l'attention de l'Eglise. Leurs attitudes sont inquiétantes, mais ils n'ont pas de poids démographique. Au contraire, au nord du littoral, depuis des siècles, presque tous les habitants appartiennent par tradition à l'Islam. Bien qu'ils ne pratiquent pas leur religion, ils sont nés dans une tradition islamique et ils se considèrent musulmans.

IL y a sept ans, il y avait à Nacala une relation quotidienne de collaboration pacifique entre les chrétiens et les musulmans. Il n'y avait pas de critiques réciproques: chaque communauté vivait sa foi sans troubler l'autre et toutes les deux s'unissaient pour se défendre des attaques antireligieuses.

La guerre terminée, la Africa Muslim Agency commença une intense campagne d'expansion: propagande islamique parmi les croyants des autres confessions, renforcement de l'engagement religieux des musulmans, scolarisation des enfants chez «maman gâteau», formation des siens à l'Ecole Islamique de Nacala, oeuvres sous influence idéologique, prolifération des mosquées, puits dans les localités musulmanes, cadeaux aux gens convertis, critiques contre l'Eglise catholique, attitudes d'intolérance. Plusieurs missionnaires musulmans soutiennent et dirigent cette action d'islamisation et le font avec compétence et succès.

Dans les sept dernières années, les signes islamiques ont augmenté énormément au Mozambique: mosquées, vêtements de style arabe, moyens de communication sociale, assiduité à la prière, nouvel éclat du vendredi, fêtes de l'Islam. L'intolérance est née et elle se diffuse rapidement. Il y a des années, dans les agglomérations, quelques musulmans participaient toujours à nos Eucharisties; aujourd'hui ils sont rares.

Cependant, au milieu de cette ambiance atténuée, les musulmans se sentent interpellés par l'exemple de la charité de nos communautés, sans distinction de credo, par l'éducation qu'offre l'Eglise catholique, par l'usage de la langue nationale (macua et portugais) et par les cantiques liturgiques, par l'attention portée aux jeunes et leur animation. Guidés par l'action du Saint-Esprit, ceux-ci montrent de l'intérêt pour le christianisme.

A leur tour, les chrétiens -étant une minorité de 10% à Nacala- sont en admiration devant certaines vertus qui se conservent dans l'Islam: le jeûne rigoureux, la prière assidue, la valeur de la tradition, le respect pour le Livre sacré. Cette admiration entraîne une certaine assimilation qui pourrait se convertir en syncrétisme s'il manquait une formation continue organisée au niveau paroissial et diocésain. Aujourd'hui, ce sont les laïcs chrétiens eux-mêmes qui découvrent le chemin que doit suivre l'Eglise au milieu du Peuple du Livre.

(Traduction: JULES VILBAS, C.M.)

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