Les relations entre l'Économe Provincial et le Visiteur et son Conseil (07-11-2002)

Relations entre l'Économe Provincial et le Visiteur et son Conseil

par Jaime Vergara, C.M.

Économe de Puerto Rico

1. Les Constitutions n° 128 indiquent que l'Économe Provincial administre les biens de la Province « sous le contrôle vigilant  du Visiteur et de son Conseil » (cf. aussi C. 153, 2 ; Can. 636). Et le Statut 75 indique, dans cette même ligne, que l'Économe Provincial, « est nommé par le Visiteur avec le consentement de son Conseil ».

L'esprit de nos Normes établit comme présupposé fondamental que le Visiteur (avec son Conseil) est le responsable principal de l'administration des biens de la Province. Cependant, pour l'accomplissement efficace de ce rôle administratif du Visiteur, il doit se faire aider ou se servir de la personne de l'Économe Provincial.

Il faut dire clairement qu'en aucune manière le rôle de l'Économe Provincial n'est une simple tâche de vicaire, mais qu'à teneur du n° 128 de nos Constitutions, le véritable administrateur des biens temporels de la Province, c'est lui, et personne d'autre.

Cela n'empêche pas le Visiteur d'être au courant de la situation économique de sa Province, car c'est lui qui en est le dernier responsable.

2. Par conséquent, la mission de l'Économe Provincial n'a pas de sens si elle est « à coté » du Visiteur et de son Conseil. Et, à l'inverse, nous pouvons affirmer que la tâche d'administration du Visiteur ne peut être exercée sans l'aide indispensable de l'Économe Provincial.

3. Même si cela peut paraître un peu dur, la norme laisse entrevoir le caractère de “subordonné” de l'office de l'Économe Provincial par rapport au Visiteur et à son Conseil. Si nous en restons à ce que dit le statut 75, la relation première et immédiate est avec le Visiteur : c'est lui qui « nomme », et le Conseil « consent » ou donne le « placet » à un tel acte du Visiteur.

Les deux termes qu'utilise la Constitution soulignent particulièrement cette relation : « sous le contrôle vigilant ». C'est-à-dire, il y a un guide externe à l'Économe Provincial. Ce guide - qui sont le Visiteur et son Conseil - devra entre attentif à « veiller » sur l'Économe Provincial dans l'exercice de son office.

Mais qu'elle est la portée réelle de cette « surveillance » ou « tutorat » que le Visiteur et son Conseil doivent observer, par rapport à l'office de l'Économe Provincial ? Ou mieux, quelles sont les « nuances » qui doivent indiquer cette « direction et surveillance » ? La réponse à cette question devra concorder avec l'essence de la tâche de l'Économe Provincial qui exerce son office dans le cadre d'une Province déterminée, partie d'un tout qui est la C.M.. Elle, la C.M., comme la C. 148, 1° le précise,. gère les ressources « pour le service de Dieu et des pauvres ».

Par conséquent, nous pourrions affirmer que l'Économe Provincial est, en quelque sorte, « un délégué» : c'est le Visiteur qui délègue à l'Économe Provincial tout ce qui touche à l'administration des finances de la Province.

4. Dans cette même ligne, le statut 77, 6° indique que l'Économe Provincial « devra rendre compte de son administration au Visiteur et à son Conseil ». La question, ici, devrait être : Quand ? Comment ? La réponse immédiate est : chaque fois que le Visiteur et son Conseil le décideront. Par conséquent, on devra spécifier à l'avance, dans les Normes Provinciales (ou dans le Projet Provincial) la manière et le moment de les mener à bien.

L'essentiel est de souligner que la fonction de l'Économe Provincial n'est aucunement « indépendante », car il doit rendre compte de tout mouvement des finances chaque fois que le Visiteur et son Conseil le lui demanderont. Ceci garantira, en premier lieu, la transparence de son office ou service, et outre une grande discrétion dans l'exercice de son travail.

5. Enfin, peut-être serait-il important de se poser la question sur les aspects possibles de conflits dans ces relations dont nous parlons. Si cela est possible, il est aussi important de visualiser des formes concrètes pour résoudre de tels conflits.

Un élément qui peut être une cause de friction, réside dans la conception de « l'autonomie ». Nous faisons référence ici aux « limites » ou frontières entre l'essence du service confié par la Province, et les demandes ou attributions que « quelqu'un d'autre » pourrait se permettre par rapport à cette tâche. Quand la liberté d'action ou d'opinion est étouffée, la réaction normale est l'autodéfense, accompagnée généralement d'un certain souci ou inquiétude intérieure qui, dans la majorité des cas se traduit par des affrontements. Il faut en avoir conscience. D'autre part, il faut souligner que l'Économe Provincial n'est aucunement un « manœuvre » au service du Visiteur. Sa fonction a un poids spécifique et une quintessence incontournable, si bien qu'elle doit se réaliser sous la conduite du Visiteur et de son Conseil.

Les bases nécessaires à une bonne relation

Le dialogue qui doit exister entre le Visiteur et son Conseil et l'Économe Provincial, est un élément essentiel pour une bonne administration et doit être compris comme un processus normal. Étant donné l'importance et la responsabilité de l'Économe Provincial, il est naturel qu'il soit appelé au Conseil Provincial chaque fois qu'il sera question d'affaires en rapport avec son office. Le véritable conseiller du Visiteur sur le terrain des finances, c'est l'Économe Provincial, bien qu'il ne soit pas membre du Conseil Provincial.

La confiance et le support que le Visiteur doit témoigner à son Économe, non seulement en écoutant son opinion, mais encore, en étudiant, en Conseil, les propositions faites par l'Économe, et en cherchant ensemble une solution appropriée. Il est nécessaire que le Visiteur et l'Économe parviennent à un consensus, au moment de nommer les membres qui feront partie de l'Équipe Économique [cf. Ordonnance du Supérieur Général sur le Conseil Provincial pour les Affaires Économiques ” (Rome, le 1er juillet 2001), en Vincentiana 45 (2001) 459-465].

Le discernement mutuel au moment de prendre des décisions. Il est bon, à moins que le Visiteur le juge autrement, que les décisions économiques soient prises en présence de l'Économe Provincial pour qu'il entende l'opinion de tout le Conseil et puisse ainsi éclairer et clarifier la décision finale. La planification à court et à long terme des finances provinciales, doit être faite en comptant avec la consultation de l'Économe : investissements, fermeture ou ouverture d'œuvres, formation des missionnaires, assurance-maladie et retraite, attention aux malades et aux aînés, contrats spécifiques de missionnaires pour d'autres Provinces, aides et demandes pour d'autres besoins… L'Économe fera attention à ne pas essayer d'imposer son point de vue en raison d'une administration correcte.

La transparence dans toutes les gestions réalisées, et dans toute information présentée à la table du Conseil par les deux parties. Cette même transparence, toujours d'un mutuel accord, doit exister dans les informations que l'Économe présente aux Assemblées et aux diverses communautés de la Province. Voir le Visiteur et l'Économe présenter des informations ensemble, visiter ensemble les communautés, chercher un conseil ensemble…donnent beaucoup de confiance aux membres de la Province.

La relation proche et saine avec les conseillers professionnels, tant par le Visiteur que par l'Économe. Il est bon de maintenir « une certaine distance » de part et d'autre avec les conseillers. Qu'en aucun moment ils ne puissent trouver d'autres critères entre le Visiteur et le Conseil d'une part, et l'Économe d'autre part. Le « copinage » n'inspire pas la confiance, et encore moins, l'introduction de parents.

La non-ingérence dans la fonction de l'autre suppose le respect des responsabilités de chacun. En réalité, aujourd'hui, le Visiteur est le responsable des biens, mais pas l'administrateur direct. L'Économe Provincial devra être très respectueux des orientations financières fixées par le Visiteur et son Conseil, toujours en concordance avec les orientations des Assemblées Générales et Provinciales.

L'efficacité et la fidélité à mettre en pratique les décisions financières prises par le Visiteur et son Conseil. L'Économe, tout autant que les Conseillers, doivent assurer avec grand intérêt les missions déléguées par le Visiteur pour une administration provinciale correcte et efficace. L'Économe devra compter avec un vote de confiance pour pouvoir réaliser sa tache, sans être continuellement en train de consulter.

Tous ces éléments soutiennent le développement d'un cadre positivement actif, dans cette responsabilité commune du maniement correct du patrimoine des pauvres.

En définitive, je propose à votre attention, la nécessité ou l'utilité primordiale de préparer et de publier un « Guide pratique de l'Économe Provincial », de la même manière que le Visiteur en a déjà un pour l'exercice de son ministère.

Quelques textes inspirateurs :

[...] Il appartient au Supérieur de pourvoir non seulement aux choses spirituelles, mais qu'il doit aussi étendre ses soins aux choses temporelles ; car, comme ceux qu'il a à conduire sont composés de corps et d'âme, il faut aussi qu'il pourvoie aux besoins de l'un et de l'autre, [...]. (SV XI, 350)

[...] l'on ne doit pas seulement s'appliquer à ce qui est relevé, comme sont les fonctions qui regardent les choses spirituelles, mais qu'il faut encore qu'un supérieur, qui représente en quelque façon l'étendue de la puissance de Dieu, s'applique à avoir le soin des moindres choses temporelles [...]. (SV XI, 350)

Dans chaque Province, il doit y avoir un Économe pour en administrer les biens, sous le contrôle vigilant du Visiteur et de son Conseil, conformément au can. 636, § 1 et à notre Droit particulier. (C. 128)

L'Économe est nommé par le Visiteur avec le consentement de son Conseil, ou suivant d'autres modalités qui auraient été prévues dans les Normes Provinciales. (S. 75)

Dans chaque Province de la Congrégation de la Mission un Conseil pour les Affaires Économiques sera créé. Il sera présidé par le Visiteur ou son Délégué. Il sera composé de l'Économe Provincial et au moins trois autres membres, dont certains pourront être des laïques, compétents en matière économique et en droit civil correspondant. Il sera un organe de consultation proposant des recommandations au Visiteur et aux membres de son Conseil. Les membres du Conseil pour les Affaires Économiques seront désignés par le Visiteur pour un mandat de trois ans, renouvelable. (Ordonnance du Supérieur Général pour le Conseil Provincial des Affaires Économiques”, Rome, le 1er juillet 2001 ; en Vincentiana 45 N° 6 (2001)p. 459.

Autres documents à consulter :

1. Constitutions et Statuts de la C.M.

2. Quelques données sur la Rencontre du P. Patrick J. Griffin, C.M. avec les Économes Provinciaux (Paris, été 1995)

3. Guide Pratique du Visiteur (N° 240-247 et 309).

4. Réunion des Visiteurs de la Congrégation de la Mission, Salamanque, 1996: “Le visiteur comme administrateur. Le point de vue d'un économe », par Patrick J. Griffin, in Vincentiana 40 (1996) 266-274.

5. Ordonnance du Supérieur Général pour le Conseil Provincial pour les Affaires Économiques” (Rome, le 1er juillet 2001), en Vincentiana 45 (2001) 459-465.

(Traduction : BERNARD GARCÍA, C.M.)

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