La Province C.M. de Hongrie sous le communisme et aujourd'hui

LA PROVINCE C.M. DE HONGRIE

SOUS LE COMMUNISME ET AUJOURD'HUI

Istvan TÓTH, cm, visiteur de Hongrie

En Hongrie, le régime communiste a commencé la liquidation des Ordres religieux dès le 10 juin 1950. L'Etat a ordonné la confiscation et la nationalisation des maisons religieuses. Et une grande partie des religieux et des religieuses fut systématiquement regroupée et internée. Le 7 septembre 1950, à la suite d'un accord passé avec l'épiscopat hongrois, les Ordres religieux ont été officiellement dissous par le gouvernement. Tel fut donc aussi le sort de la Province hongroise de la Congrégation de la Mission.

Au moment de la dissolution, les effectifs de notre Province étaient les suivants: 43 prêtres, 7 étudiants en théologie et 28 frères. Six confrères se trouvaient à cette époque à l'étranger, en mission. La Province avait donc 84 membres repartis en six maisons.

Pendant les persécutions, durant l'interdit, quatre confrères ont été jetés en prison. Parmi les autres, certains ont pu s'insérer dans la pastorale diocésaine ou ont été employés comme chantres, organistes ou sacristains dans diverses paroisses. D'autres encore travaillaient en usine ou trouvaient un quelconque emploi comme travailleurs manuels pour gagner leur pain quotidien. Mal payés et mal logés, ils étaient en outre exposés à diverses vexations. Telle a été la situation près de quarante années durant.

Pendant tout ce temps, les organismes de l'Etat ne cessaient de surveiller la vie de tous les religieux, contrôlant souvent leurs domiciles, lieux de travail, même leurs fréquentations, cherchant à savoir s'ils ne s'adonnaient pas à des activités subversives touchant à la sécurité de l'État.

Pour chaque religieux il y avait un "référant", un policier politique qui le "prenait en charge", surveillait sa vie et ses activités, le convoquait à l'occasion pour un entretien "amical" pendant lequel il essayait de le contraindre à l'obéissance soit par la ruse, soit par la menace. Tous les historiens modernes sont d'accord pour souligner que dans tous les pays satellites de l'ancienne URSS, c'est en Hongrie que le sort des religieux et des religieuses fut le plus difficile, le plus pénible, la surveillance de la Police politique la plus stricte et l'activité de contrôle du sinistre Bureau des Affaires ecclésiastiques la plus vigilante. Les nerfs des religieux et des religieuses étaient soumis à rude épreuve quotidiennement.

Malgré toutes les surveillances tatillonnes, les confrères n'ont pas rompu entre eux les liens fraternels et à l'occasion de chaque fête de la Congrégation ils se retrouvaient pour une liturgie commune, suivie d'une agape fraternelle et simple. Les Soeurs ont toujours été associées à ces retrouvailles. Cela a permis à tous de se réconforter mutuellement et de se confirmer dans la vocation dans le plus pur esprit de la persévérance. Il n'était évidemment pas possible dans de telles conditions de se préoccuper de promouvoir les nouvelles vocations sous quelque forme que ce soit. Les services de la Sécurité de l'État y veillaient.

Par suite des événements survenus dans la politique internationale et sous la pression de l'opinion publique, il est apparu, en 1989, une certain dégel grâce auquel les autorités de l'Etat ont enfin permis la reprise de certaines activités pour les religieux et religieuses. Mais la qualité de personne juridique ne fut reconnue qu'aux communautés religieuses qui pouvaient prouver qu'elles possédaient réellement au moins une maison.

Nous étions donc obligés d'acheter vite une petite maison pour notre Province à Budapest, capitale du pays, afin de pouvoir nous faire enregistrer légalement. Ce n'est qu'après cela que nous nous trouvions en état de pouvoir réclamer légalement nos anciennes maisons confisquées jadis par l'Etat.

Tout ceci semble clair et bien ordonné sur le papier - en théorie - mais la réalité était toujours tout autre. Sur le moment nous ne pouvions revendiquer que notre maison provinciale du temps passé, pour les autres maisons il fallait encore justifier une fonction, une utilisation de caractère religieux, cultuel ou caritatif. Même en ce cas le procédé de la rétrocession de nos biens peut être étalé sur dix ans.

En 1989, nous avons donc présenté une demande officielle pour récupérer notre ancienne maison provinciale à Budapest, sise à Ménesi ut 26. La première partie du complexe du bâtiment nous fut ainsi restituée sous la condition expresse que nous donnions à la Coopérative, propriétaire du moment des bâtiments, 125 mille US dollars au nom et à la place de l'État. Evidemment nous ne pouvions payer une telle somme d'argent sans l'aide de nos confrères étrangers. Et nous espérons fermement que cette somme nous sera remboursée - sans intérêts - encore cette année, par l'État, suivant les promesses et les dispositions législatives.

En mars 1994, nous avons pu commencer la restauration de l'immeuble en fort mauvais état. Nous avons commencé les travaux de rénovation dans l'Église, utilisée par l'ancien propriétaire, la Coopérative, comme garage... Ces travaux sont en cours encore aujourd'hui.

Nous espérons qu'en juin 1995 la restauration de l'église et la rénovation du premier bâtiment de notre maison provinciale sera terminée. Les toits, le chauffage, les canalisations et les conduites d'eau ont englouti de fortes sommes d'argent parce que l'État, qui a profité des bâtiments pendant quarante ans, n'a pas dépensé un seul forint ni pour l'entretien ni pour la remise en état des bâtiments et que nous ne pouvions compter que sur nos propres ressources.

Entre temps, c'est à dire en 1993, dans le bourg de Szob, nous avons ouvert notre gymnazium. Pourquoi l'avoir fait? Pour une raison évidente, définie par les lois régissant la restitution des biens ecclésiastiques. Nous ne pouvons revendiquer et récupérer notre maison religieuse qu'avec une justification de fonction/affectation précise. Jadis, c'est ici que nous possédions notre maison de formation et d'études théologiques. C'était notre maison la plus précieuse sur les rives du Danube. L'État y a installé un Institut de rééducation pour jeunes filles. Avec l'aide du maire actuel du bourg, dans l'un des bâtiments annexes nous avons donc pu ouvrir deux classes d'enseignement secondaire /gymnazium, en employant un personnel pédagogique laïque. Ce n'est qu'ainsi que nous avons pu faire partir l'Institut d'Etat de rééducation de jeunes filles. Nous avons donc récupéré toute notre ancienne maison. L'État nous l'a rétrocédée officiellement et nous y avons actuellement 112 étudiants, dont 82 en internat. Les élèves sont répartis en 4 classes.

En résumé: notre Province possède actuellement les maisons suivantes:

- Budapest, Ménesi ut 26. Maison provinciale, Scolasticat et Séminaire Interne.

- Budapest, Zsolt fejedelem utja. Deux confrères y sont au service de nos Soeurs.

- Szob, Collège /gymnazium et Internat.

- Oradea, en Roumanie. Paroisse.

L'effectif du personnel actuel de notre Province se présente ainsi: 16 prêtres, 2 frères profès, 3 étudiants en théologie et 4 novices.

Avec l'aide de Dieu, nous espérons que notre Province hongroise refleurira bientôt dans l'esprit de notre Père Saint Vincent.