Jean-Gabriel Perboyre, C.M., Martyr et premier saint de Chine

Jean-Gabriel Perboyre, C.M.

Martyr et premier saint de Chine

par Joseph Chow Chihyi, C.M.

La grande nouvelle de la canonisation de Jean-Gabriel Perboyre nous réjouit et nous invite à rendre grâce au Bon Dieu, ainsi qu'à remercier S.S. Jean Paul II auquel le Bon Dieu a inspiré de le canoniser. Chantons le “Te Deum laudamus....” parce que c'est un grand honneur pour la toute Congrégation de la Mission et spécialement pour les Lazaristes Chinois et les Missionnaires de Chine.

I. Le sang de Jean-Gabriel excite notre zèle pour les âmes

Imitons le zèle de Jean-Gabriel qui demanda instamment à être envoyé en Chine pour sauver les infidèles. Après avoir prié avec ferveur, il alla se jeter aux pieds du supérieur général, le père Salhorgne, pour lui demander d'aller en Chine sauver les infidèles. C'est le zèle qui lui fit supporter la faim et la soif pour la plus grande gloire de Dieu, dans son ministère pastoral. C'est le zèle pour les âmes qui a poussé Jean-Gabriel à se tenir toujours prêt, de jour comme de nuit, à courir partout où son ministère l'appelait. Il ne comptait pour rien les fatigues, ni les veilles.

C'est le zèle des âmes qui lui fit répondre au juge: “Jusqu'à la mort je refuserai de renier ma Foi et de fouler aux pieds le Crucifix”. Enfin, c'est en raison de son zèle des âmes que Jean-Gabriel subit plus de 20 interrogatoires, dans les tourments et les cruelles souffrances, à genoux, les jambes nues sur les chaînes de fer. En un mot, Jean-Gabriel souffrit tout sans proférer la moindre plainte.

Son séjour sur la terre ne fut que de 38 ans. Sa vie parmi nous dura très peu de temps, mais il fit beaucoup. Jean-Gabriel, né le 6 janvier 1802, fut martyrisé le 11 septembre 1840. Son séjour passa comme l'éclair. Son Zèle des âmes l'a poussé à aller en Chine pour sauver les Chinois et même le monde; sa charité à l'égard des infidèles et son amour ardent envers le Bon Dieu l'ont conduit au martyre. “Celui qui n'a pas de zèle, n'a pas d'amour”, dit saint Augustin. Et saint Paul: “Malheur à moi, si je n'évangélise pas”. Sommes-nous charitables et zélés pour évangéliser les pauvres comme Jean-Gabriel? sommes-nous dignes d'être ses confrères?

II. Jean-Gabriel Perboyre, modèle d'abnégation.

Parmi les merveilleuses vertus de Jean-Gabriel on trouve l'abnégation qui se manifesta chez lui d'une façon singulière quand ses supérieurs, en Janvier 1821, l'envoyèrent à Paris pour y continuer ses études. A cette occasion, on lui permit d'aller visiter ses parents, mais, malgré sa tendresse pour eux, il renonça à cette satisfaction, pourtant si légitime, et répondit au supérieur qui la lui offrait: “Saint Vincent alla une fois seulement voir sa famille et il s'en repentit, si vous me le permettez, j'offrirait à Dieu ce sacrifice”.

L'abnégation de Jean-Gabriel se manifesta surtout pendant sa vie missionnaire en Chine, où il vécut seul, privé de tout secours humain, sans autre protection que celle de la Providence, dans un pays non-chrétien, entouré d'ennemis. Admirable fut son énergie, non seulement au moment de tomber aux mains de païens, mais aussi pendant les longs mois de sa captivité et lorsque sonna l'heure de l'immolation.

III. La Chine, terre de nombreux martyrs, semence de chrétiens.

La Chine, terre d'apôtres et de martyrs, a été fécondée par le sang des Lazaristes et des Filles de la Charité. D'après Tertulien: “Le sang des martyrs est la semence des chrétiens". C'est pour cette raison que je voudrais citer des martyrs et des victimes Lazaristes de Chine:

- Le Bx François-Régis Clet, c.m., parti pour la Chine le 2 avril 1791. En 1818, la persécution redouble de violence, il est jeté en prison, condamné à mort le 1er janvier 1820 et, le 17 février 1820, il meurt étranglé pour la Foi à Ou-Tch'ang, Houpei. Le 9 juillet 1843 le pape Grégoire XVI le déclare vénérable. Le 27 mai 1900, le pape Léon XIII proclame ce martyr “bienheureux”.

- En 1825, François Cheng, c.m., compagnon de captivité du Bx François-Régis Clet, est condamné à l'exil et massacré.

- En 1840, le Bx Jean-Gabriel Perboyre est martyrisé à Ou-Tch'ang, Houpei. Le 11 septembre 1840, il est attaché sur un gibet, un poteau en forme de croix. Il est béatifié par le pape Léon XIII à Rome le 10 septembre 1889. Il sera bientôt canonisé par le pape Jean-Paul II.

- En 1857, Fernand Montels est décapité avec 2 chrétiens qui l'accompagnent, parce qu'ils persistaient à se dire prêtre et chrétiens.

- En 1870, Claude-Marie Chevalier et Vincent Ou, tous les deux Lazaristes, sont égorgés à Tientsin.

- Le 21 juin 1870, dix Filles de la Charité sont massacrées à Tientsin

- En 1900 et 1901, pendant la révolution des Boxers, 3 Lazaristes (Maurice Doré, Pascal d'Addosio et Jules Garrigues) sont massacrés et brûlés.

- En 1903, André Tsu, c.m., jeune confrère de 28 ans, est mis à mort par les païens. On lui ouvre la poitrine en forme de croix.

- En 1906, Jean-Marie Lacruche, c.m.,.est massacré dans la ville de Nanch'eng, Kiansi.

- En 1907, Antoine Canduglia, c.m., a la tête tranchée.

- Le 9 septembre 1937, a lieu le massacre de Mgr François-Xavier Schraven, c.m., évêque de Tchengting, avec 8 autres victimes. Le 9 soir, vers 19 heures, après la visite au Saint-Sacrement, à la chapelle de l'évêché de Tchengting, nous étions une quarantaine des prêtres au réfectoire pour souper. A cause de la guerre sino-japonaise nous n'avions pu quitter la cathédrale de Tchengting après la retraite qui avait eu lieu du 19 au 27 août. A peine nous avait-on servi la soupe que 9 européens furent enlevés par les japonais. Seul un vieux Trappiste de Notre-Dame de Liesse, le P. Albéric, qui, à cause de son âge et de ses infirmités, prenait ses repas dans sa chambre, échappa au massacre. Les 9 victimes étaient: Mgr François-Xavier Schraven, c.m., évêque du vicariat de Tchengting, âgé de 65 ans, hollandais; Lucien Charny, c.m., français, âgé de 55 ans; Thomas Ceska, c.m., assistant du supérieur, autrichien, âgé de 65 ans; Eugène Bertrand, c.m. procureur du vicariat, français âgé de 32 ans; Gérard Vouters, c.m., missionnaire hollandais, âgé de 28 ans; Antoine Geerts, frère coadjuteur hollandais, âgé de 62 ans; Vladislas Prinz, c.m., frère coadjuteur polonais, âgé de 28 ans; le P. Emmanuel, Trappiste français de Notre-Dame de Liesse, âgé de 60 ans; M. Biscopich, laïc tchèque, venu à Tchengting pour réparer les orgues de la cathédrale.

- En 1940, à Kao-Cheng, Shing-An, dans le vicariat de Tchengting, l'abbé Laurent Ch'enn, séculier a été enseveli vivant avec son catéchiste par les communistes, à mi-chemin entre Siao-Kuan-Yang et sa résidence de Shing-An, après avoir administré l'Extrême-Onction à un moribond de Siao-Kuan-Yang. Ils ont été tués parce que l'abbé Ch'enn avait réprimandé durant la messe une femme qui avait relations déshonnêtes avec des communistes.

- En 1945, à Tchengting, Louis Uao, séculier, a été jeté en prison, puis condamné aux travaux forcés où il est mort.

- En 1947, à Tchengting, Joseph K'ung, c.m., condisciple de Mgr Job Ch'enn, c.m., a été condamné à mort par un jury dit populaire puis exécuté, sous prétexte qu' il avait eu des rapports avec les japonais pendant la guerre sino-japonaise.

- En 1950, à Che-Kia-Tch'oang, dans le vicariat de Tchengting, Jacques Chao, c.m., et Jacques Ou, séculier, ont été condamnés à mort. Avant l'exécution, on leur a mis les menottes et on les a fait monter dans un camion pour faire une parade des prisonniers dans les rues de la ville de Che-Kia-Tch'oang. Les deux victimes clamaient à haute voix: “Vive l'Eglise Catholique, vive le pape et vive la République de Chine”; ils chantaient en latin l'Ave Maria et criaient “A bas les communistes”. Puis ils ont été exécutés, la tête tranchée.

- En 1950, à Nan-Tch'ang, Kian-si, ce fut le tour de l'archevêque, Mgr Joseph Chow T'si-Che, c.m., professeur du latin de Joseph Chow Chihyi, c.m., au séminaire de Tchengting. Dès l'occupation de la Chine continentale par les communistes, ceux-ci proposèrent de nommer Mgr Chow “pape de l'Eglise patriotique de la Chine communiste”, dans le but de séparer l'Eglise dite “patriotique” de l'Eglise Catholique de Rome. Un jour, des chefs communistes insidieux se sont adressés à Mgr Chow, lui signifiant le but de leur visite... Mais Mgr Chow leur répondit de manière merveilleuse et même piquante: “Merci pour votre visite. Votre projet est louable. Cependant il m'est impossible d'être le pape de l'Eglise patriotique de Chine Populaire parce que la Chine communiste est trop petite pour un pape. S'il vous était possible de me nommer pape de l'Eglise universelle, je l'accepterai bien volontiers, autrement, il est inutile d'en discuter....”. Alors les communistes partirent furieux... L'archevêque fut ensuite surveillé par les communistes, puis jeté en prison. Il mourut en camp de travaux forcés en 1972, après 22 ans d'emprisonnement.

- En 1951, à Pékin, Pierre Souen, c.m., directeur du séminaire de Pékin, fut jeté en prison. Ses chaînes étaient tellement serrées que ses plaies tournèrent à la gangrène. Il mourut le 16 septembre 1951.

- Miracles. D'après certaines personnes rentrées de Pékin suite à une visite à leurs parents de Chine continentale, certains malades ont prié près de la tombe du P. Pierre Souen afin qu'il intercède auprès du Bon Dieu pour leur guérison que plusieurs ont effectivement obtenue. Dieu soit béni!

- Paul Tchang, c.m., et l'abbé Ignace Ts'i, séculier du diocèse de Pékin, ont été faits prisonniers le même jour que le P. Pierre Souen.

- En 1952, à Tientsin, Jean Chao, c.m., a été condamné aux travaux forcés. Depuis lors on est sans nouvelles de lui.

Enfin, il faut dire que la persécution la plus violente eut lieu de 1965 à 1976, lors de la grande “Révolution Culturelle”. Pendant cette période les prêtres et les catholiques fidèles à Rome n'ont pu échapper à la prison ou ont été envoyés en camp de travaux forcés.

Après avoir mentionné nos martyrs ou victimes Lazaristes, je termine cette histoire glorieuse par le mot de Tertulien: “Le sang des martyrs est la semence des chrétiens”. Que leur sang soit semence de vocations dans les deux familles de saint Vincent de Paul. C'est par le sang de Jean-Gabriel Perboyre, de François-Régis Clet et de tous les martyrs morts pour la Foi que nous avons obtenu des fruits spirituels merveilleux qui ont été rapporté dans "Les Missions Lazaristes de Chine. Quatorzième Année. (1936-1937)" et que je vais évoquer dans les pages qui suivent.

IV. Fruits spirituels.

a) Formation du clergé indigène en Chine par les Lazaristes dans leurs 14 Vicariats.

Le but de ces lignes est de montrer que les Lazaristes n'ont jamais perdu de vue les recommandations que saint Vincent de Paul faisait à ses missionnaires lorsqu'il les envoyait pour évangéliser les pauvres gens des campagnes, ni le double but que leur avait assigné la Sacrée Congrégation de la Propagande en leur confiant la Mission de Chine, à savoir: la conversion des infidèles et la formation du clergé indigène.

Déjà en 1721, le P. Muneller, c.m., avait ouvert un séminaire à Macao. Parmi les 8 séminaristes, trois ont été ordonnés prêtres, dont deux sont devenus Lazaristes. Le P. Muneller lui-même enseignait le latin. Les 2 jeunes Lazaristes ordonnés étaient les PP. Shu et Paul Sou.

Dès 1802, le P. Ghislain, c.m., était nommé supérieur de la Mission Lazariste de Pékin, succédant au P. Raux, c.m. Etant bon physicien, il aurait pu être membre de l'académie de mathématiques, mais, quand on lui offrit cet honneur, il le déclina en faveur d'un autre confrère. En effet, il préférait continuer les missions dans les campagnes et surtout former les prêtres chinois, avec l'aide des PP. Ferreti, c.m. et P. Joseph Han, Lazariste chinois, sous-directeur du noviciat. Les Lazaristes avaient jusqu'alors formé 25 jeunes confrères. De sont vivant, le P. Ghislain vit 18 de ses élèves ordonnés prêtres.

Jusqu'en 1746, il n'y avait que 2 prêtres Lazaristes chinois. En 1852, on en comptait déjà 25 sur les 43 Lazaristes que comptait la Chine. En 1859, il y en avait 29 sur 56 lazaristes. Et en 1873, on atteignait le chiffre de 105 prêtres chinois sur 125 lazaristes en Chine.

Pour atteindre le but de former le clergé chinois, chaque vicariat apostolique C.M. avait, dès avant l'année 1900, son petit séminaire et son grand séminaire. C'est ainsi qu'il y avait:

- Un grand séminaire régional dans le vicariat de Ninpo jusqu'à 1937, avec 15 séminaristes.

- Un grand séminaire C. M. fondé en 1902 à Kianshin, Tchekiang, avec 45 séminaristes.

- Un grand séminaire C.M. fondé en 1909 à Chala, Pékin, qui devint séminaire régional à partir de 1920, avec 90 grands séminaristes.

D'après les statistiques des “Missions Lazaristes de Chine, (1936-1937)”, dans les 14 vicariats apostoliques C.M., on comptait 260 grands séminaristes, 875 petits séminaristes et 637 prêtres formés par les Lazaristes en Chine, dont 450 sont devenus Lazaristes

Le 24 juin 1926, S.S. le Pape Pie XI nomma 6 évêques chinois, parmi lesquels il y avait deux Lazaristes et un séculier formé par Lazaristes: Mgr Joseph Hu, c.m., évêque de Taichow, Tchekiang; Mgr Melchior Souen, c.m., évêque de Ankou, Hopei; et Mgr Philippe Chao, séculier, évêque de Suan-Hoa.

14 Prêtres formés par les Lazaristes ont été élevés à l'épiscopat, parmi lesquels le vicariat de Tchengting a donné 3 archevêques et 3 évêques.

b) Récapitulation des Chrétiens dans les 14 Vicariats C.M. en Chine

Selon les données présentées dans "Missions Lazaristes de Chine (1936-1937)", nous obtenons les statistiques suivantes:

a) Dans la Province de Hopei, comprenant 7 vicariats (Pékin, Tchengting, Yongping, Paoting, Tientsin, Ankuo et Shungtei) on comptait 226 prêtres séculiers, 174 prêtres religieux, 607 petits séminaristes, 83 grands séminaristes, 21 666 baptêmes d'adultes, 12 209 baptêmes d'enfants et 542 874 chrétiens.

b) Dans la Province de Tchekian, comprenant 3 vicariats (Ningpo, Hangchow et Taichow), on comptait 80 prêtres séculiers, 74 prêtres religieux, 81 petit séminaristes, 25 grands séminaristes, 3 144 baptêmes d'adultes, 4 095 baptêmes d'enfants et 100 236 chrétiens.

c) Dans la Province de Kiangsi, comprenant 4 vicariats (Nanch'ang, Kiang, Yukiang et Kanchow), on comptait 55 prêtres séculiers, 93 prêtres religieux, 185 petits séminaristes, 16 grands séminaristes, 2 760 Baptêmes d'adultes, 3 583 baptêmes d'enfants et 98 826 chrétiens.

c) Lazaristes à Taiwan R.O.C.

Quatre districts de mission ont été confiés aux Lazaristes à Taïwan, depuis 1952. C'est ainsi que les Hollandais sont arrivés dés 1952 au diocèse de Taïpei, où ils travaillent dans 6 paroisses. Puis, ce sont des Américains qui sont arrivés en 1953 au diocèse de Taïnan, où ils ont 5 paroisses. Ce sont ensuite, en 1953, d'autres Américains qui sont arrivés au diocèse de Kao-Shung où ils ont 5 paroisses. Enfin, ce sont des confrères chinois qui sont arrivés à Sze-Hu, au diocèse de Kiayi, où ils ont 4 paroisses.

En 1963, le P. William Slattery, supérieur général, a envoyé comme délégué le P. Joseph Chow Chihyi, visiteur de la province de Chine du Nord, pour faire la visite auprès des confrères chinois.

En 1965, dans le but de recruter des vocations, on a construit l'école Saint Vincent à Sze-hu et, en 1987, un Séminaire Interne a été ouvert.

On compte dans nos 4 districts de Taïwan 16 248 chrétiens, 32 prêtres Lazaristes, dont ??? chinois et un frère.

V. Conclusion

A l'occasion de la canonisation de Jean Gabriel Perboyre j'ai voulu présenter les fruits spirituels des missions dans nos 14 vicariats en Chine continentale et à Taïwan pour demander les prières des lecteurs et remercier le Bon Dieu des grâces obtenues par le sang des martyrs et victimes C.M.

Enfin, on souhaite que la Province C.M. de Chine organise un pèlerinage à Rome pour assister aux cérémonies de la canonisation de Jean-Gabriel Perboyre, auquel pourraient participer des Lazaristes et des délégués des paroisses qui leur sont confiées, ou des prêtres volontaires de Taïwan, si c'est possible.

Concluons en chantant: “Haec dies quam fecit Dominus, exsultemus et laetemur in ea”, parce que nous avons un confrère qui est le premier Saint Martyr de Chine.