La peine de mort

LA PEINE DE MORT

Quand la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme a été adoptée en 1948, huit pays ont aboli la peine de mort pour tous les crimes. Depuis, plus de la moitié des pays du monde ont suivi cet exemple. Aujourd'hui, les données d'Amnistie Internationale révèlent que :

  • 63 pays ont aboli la peine de mort pour tous les crimes,

  • 16 pays la maintiennent pour des crimes d'exception et pour les crimes de guerre,

  • 24 pays l'ont abolie de fait, mais légalement la maintiennent bien qu'il n'y ait plus eu de condamnations à mort depuis plus de 10 ans. Ils sont en voie de l'abolir complètement.

En Asie, la peine de mort est très répandue, elle est une force de dissuasion contre tous les types de crimes. En réalité, elle est souvent prononcée sur les populations les plus pauvres, et est souvent utilisée comme moyen d'élimination des opposants politiques ou des franges de gradés militaires qui n'exécutent pas les ordres. Les rapports d'Amnistie Internationale publient que, ces dernières années, le nombre d'exécutions est en augmentation et représentent un score élevé (12834 dont 92% en Chine).

L'Afrique, du moins la majorité de ses pays, maintient la peine de mort ; cependant un grand nombre de pays l'ont abolie ou sont en phase d'abandonner ce système de répression. D'ailleurs le nombre d'exécutions, ces dernières années, a considérablement diminué (620 dont plus de 50 % ont eu lieu en Egypte et au Niger).

Les pays à majorité musulmane sont les pays où la peine de mort est la plus répandue. Les pays de l'ancienne U.R.S.S. ont inclus dans leur propre législation la peine de mort pour certains crimes prévus par la loi islamique.

L'Europe, à l'exception de la Bosnie et de la République Fédérale Yougoslave, est le point de départ de l'influence de l'abolition de la peine capitale.

Beaucoup de pays en Amérique du Sud l'ont abolie soit par voie législative soit par voie de fait. L'Amérique Centrale, qui a été le lieu de nombreuses guerres civiles dans un climat de grande violence, se trouve dans une situation complexe où l'abolition est de fait ou tend à l'être.

[ graphique ]Exécutions dans le monde

Source : Amnistie Internationale

Presque tous les Etats des U.S.A. sont détenteurs de la peine de mort. Mais le pourcentage par Etat est très inégal. Le Texas, à lui seul, a exécuté plus de condamnés que les quatre autres Etats qui le suivent par ordre décroissant : Virginie (64), Floride (39), Missouri (29), Louisiane (24).

L'ENSEIGNEMENT DE L'EGLISE CONTEMPORAINE

A l'approche du nouveau millénaire le Pape Jean-Paul II nous appelle à relever le défi de l'enseignement de l'Eglise contemporaine concernant ce thème. Nous sommes encouragés à renouveler nos efforts pour faire arrêter les exécutions dans le monde.

La prise de position de l'Eglise pour la défense de la vie a pour fondement la théologie de la personne humaine qui est à l'image de Dieu, la pensée philosophique de la dignité de chaque être et l'enseignement social de l'Eglise qui insiste sur le fait que l'Etat et la Société sont au service de l'Homme.

Dans le Nouveau Testament Jésus rejette la violence qui ne peut être une solution aux problèmes. L'Evangile révèle l'amour infini de Dieu pour toute créature quelle que soit sa condition ou ses mérites. Il ne veut pas la mort d'un pêcheur mais veut sa conversion. Dans l'Evangile Jésus n'aime pas le péché mais aime le pécheur. Les disciples sont appelés à avoir les mêmes sentiments que le Maître. Le sermon sur la montagne proclame un enseignement très clair : la vengeance est exclue au profit du pardon.

La première édition du Catéchisme de l'Eglise catholique, fidèle à un enseignement traditionnel, n'excluait pas le recours à la peine de mort, quand elle était l'unique possibilité de défendre efficacement la vie humaine des agressions. Toutefois, dans la seconde édition, le Catéchisme, aujourd'hui, affirme qu'il est possible aux Etats de combattre efficacement les crimes en retirant le criminel de la société. Mais de tels actes de condamnation capitale doivent être «très rares ou pour ne pas dire inexistants».

[PHOTO : «Lapidation pour corruption, Mashhad»Iran 18/01/90

Photo : Sud Afrique. Démonstration des exécutions de Moses Jantjes et Wellington Mieles.]

Dans son Encyclique «l'Evangile de la Vie» (Evangelium Vitae, 25 mars 1995) le Pape Jean Paul II lance un appel pour l'abolition de la peine de mort. Il disait en janvier 1999 à Saint Louis : «la peine de mort est cruelle et inutile».

Récemment le Saint Père, par trois fois, est intervenu au sujet de la peine de mort : dans son message de Noël de 1998 Urbi et Orbi, ensuite dans une des ses allocutions durant son voyage au Mexique et tout dernièrement au cours de sa visite pastorale à Saint Louis en Missouri.

Les autorités publiques devraient, elles aussi, remédier à la violation des droits personnels et sociaux. Elles devraient imposer une punition appropriée au crime commis. Dans cette voie, les autorités devraient aussi faire le maximum pour assurer d'une part l'ordre public et la sécurité des personnes et d'autre part offrir au délinquant une possibilité d'aide lui permettant de changer son comportement et d'être réhabilité.

La Conférence Catholique des Etats Unis. perçoit la peine de mort comme un engrenage à la montée de la violence et comme un sentiment de vengeance dans leur culture américaine. Aussi il dit dans :«confronting a Culture of Violence» : «nous ne pouvons pas enseigner que tuer est mauvais alors que nous-mêmes nous tuons». La Conférence s'oppose à la peine capitale non seulement parce qu'elle est une violation des droits du condamné mais aussi parce qu'elle fait du tort à la société tout entière. Personne ne peut supprimer le crime par l'exécution des criminels ; de même nous ne pouvons pas rendre la vie aux innocents en enlevant la vie aux coupables. La peine de mort donne l'illusion que nous pouvons défendre la vie en la supprimant.

[Photo exécution dans une cellule au Centre de Détention de Osaka. Sont visibles la corde, le nœud coulant et la trappe.]

ANALYSE

Beaucoup de groupes sont opposés à la peine de mort qu'ils considèrent comme une violation des droits de l'Homme. Pour une société imposer la peine de mort aux criminels est une punition inhumaine et dégradante. La cruauté de la peine de mort est non seulement évidente au cours de l'exécution mais aussi durant le temps qui s'écoule entre le jugement et l'exécution de la peine.

Malheureusement, beaucoup de peuples, dont beaucoup de catholiques, à travers le monde sont favorables à la peine de mort. La sagesse conventionnelle est persuadée que la peine capitale est nécessaire pour décourager les personnes à commettre des crimes. Quand le gouverneur George Pataki a signé la loi qui rétablissait la peine de mort à New-York en 1995, il déclara : «cela permettra de sauver des vies».

Malgré tout, la plupart des sociologues estiment que la peine capitale n'est pas un moyen de dissuasion. Une étude menée en 1995 par Richard Dieter, où 386 policiers et commissaires pris au hasard ont été interrogés, a démontré que seulement 1 % de ces personnes considèrent la peine de mort comme facteur de régression des crimes de violence. La manière la plus efficace serait, selon eux, «la réduction de l'abus des stupéfiants» et «une meilleure politique économique et davantage d'emplois».

Dans d'autres études 87% des criminologues et 57% des responsables de la Police trouvent sécurisant de dire : «les débats sur la peine de mort servent de diversion au Congrès et au Parlement et évitent de se focaliser sur les réelles solutions à mettre en œuvre contre la criminalité».

Aux Etats Unis le coût d'une exécution s'élève à environ 2 millions de dollars soit trois fois le coût d'une personne incarcérée pendant 40 ans. Ce coût correspond environ aux salaires de 48 officiers de police. l'Etat ferait mieux d'investir ces dépenses dans des programmes de prévention contre les crimes : resocialisation des drogués et maintien d'une force de police mieux adaptée disposant de plus moyens.

Certaines études, dans différents lieux, démontrent que l'opinion publique serait favorable à la prison à vie sans liberté conditionnelle comme alternative à la peine de mort à condition que le condamné demeure effectivement à vie en prison. Pour que certaines punitions soient des moyens de dissuasion, il faut les prononcer rapidement dans un délai raisonnable. La longueur des procédures de condamnation à mort suscite chez les familles des victimes des tortures qui remuent la plaie pendant les longues années d'investigations et jugements. Les procédures expéditives des condamnations à perpétuité pour les crimes les plus graves sont souhaités aussi bien par les criminels que par les familles des victimes.

Partout où la peine de mort est appliquée on risque de condamner des personnes innocentes. Il a été démontré que, très souvent, des personnes ont été inculpées de crimes qu'elles n'avaient pas commis. L'exécution d'un homme innocent Timoty Evans, est venue confirmer la thèse de l'abolition de la peine de mort en Grande Bretagne. En 1975 le Gouvernement de Floride a gracié deux Noirs-Américains condamnés à mort. Ils attendaient depuis 12 ans leur exécution pour des crimes commis par d'autres. En février 1994 les autorités russes ont exécuté un récidiviste accusé d'avoir tué 52 personnes. Ces mêmes autorités ont reconnu avoir exécuté injustement une personne accusée d'avoir tué un de ces 52 homicides et ce antérieurement à cette exécution. Entre temps, un autre innocent suspecté être l'auteur de ces meurtres s'est suicidé.

[photo : La chaise électrique avec son bras mortel en Louisiane en 1986]

Autre horrible constat où la peine de mort a été utilisée arbitrairement. Les lois de certains pays (dont la Chine et l'Irak) prévoient la peine de mort pour des faits politiques, des groupements ou pour des faits économiques et politiques non violents, (l'ancienne U.R.S.S.) en cas de spéculation financière, corruption, vols, contrefaçons, ou pour mœurs (adultère en Iran, homosexualité au Yémen), ou actions contraires à la religion d'Etat (Apostasie au Soudan, en Arabie Souadite, et en Iran, et blasphème au Pakistan). Les origines ethniques et les conditions économiques jouent un rôle déterminant dans l'application de la peine de mort. L'ethnie de la victime et du meurtrier conditionne la procédure judiciaire. L'appartenance à une classe sociale de bas niveau révèle une défense moindre selon que l'avocat est désigné d'office ou est rémunéré. Ce qui signifie que souvent la peine est disproportionnée au crime imputé aux plus démunis qui n'ont pas la possibilité de se défendre eux-mêmes. En Arabie Saoudite, les procès de Cour d'Assises ne respectent pas les règles internationales car souvent le droit à une défense légale ou l'assistance d'un avocat, est refusé aux prévenus.

CONCLUSION

Dans l'esprit de l'approche du Jubilé nous nous unissons au Saint Père pour réclamer l'abolition de la peine de mort. Tous ensemble unissons nos forces pour dénoncer la fin de la peine capitale. Il est important de recommander aux pasteurs de prêcher et aux professeurs d'enseigner le respect du droit à la vie pour tous. A travers l'éducation et la prière nous nous engageons à travailler avec persévérance à la suppression de la peine de mort et de lutter contre la culture de mort.

Pendant que le rejet de la peine de mort trouve son soutien dans les différents groupes religieux, certains non croyants émettent de solides raisons pour son abolition : la condamnation à mort inflige une sanction qui est une violation au droit à la vie, elle a un caractère irréversible et est en contradiction avec le principe du rachat du coupable. Un Etat qui tue rend légitime toute forme de crime dans la société.

«Non à la peine de mort» est le titre de la Campagne Internationale pour le moratoire 2000 lancée par la Communauté de Sant' Egidio. Elle s'adresse à tous ceux qui se préparent à vivre intensément l'Année Sainte, et à tous ceux qui rêvent d'un nouveau monde de paix.

Cette campagne affirme la nécessité d'abolir la peine de mort et propose de suspendre les exécutions dans l'attente d'atteindre cet objectif.

Elle s'adresse directement aux partisans de cette cause pour que leurs actions ne soient pas isolées mais aussi à tous ceux qui n'ont pas les mêmes convictions leur demandant de se joindre au groupe de pression par le moratoire de la peine de mort qui devrait commencer en l'an 2000. En d'autres mots, elle appelle à un «cessez-le-feu» et au lancement d'un débat reconnaissant que des personnes, bien que convaincues de la nécessité de la peine de mort, n'admettent pas qu'elle soit utilisée à la légère. Des centaines de milliers de signatures ont déjà été obtenues dans tous les continents. Le but est d'en recueillir des millions pour avoir plus de poids lors du projet de loi universelle de l'abolition de la peine de mort déjà présenté par des Instances les plus représentatives en commençant par les Nations Unies.

L'objectif est ambitieux mais réalisable. La Communauté de Sant' Egidio travaille en collaboration avec Amnistie Internationale et d'importantes organisations laïques et religieuses. Cette initiative a trouvé un écho chez un nombre considérable de citoyens ayant la volonté de s'y engager activement.

Pour plus d'informations sur ce sujet on peut contacter :

Communnauté de San Egidio, Piazza S.Egidio 3/a

00153 Rome (Italie).

Tel (39) 06 58 56 61; Fax(39) 06 58 00 197;

e-mail : m2000@sanegidio.org

Internet:

San Egidio: http:/www.santegidio.org/

Amnesty International : http://www.amnesty.org/

QUESTIONS POUR DISCUSSION ENTRE CONFRERES :

  • Quelles sont vos réactions personnelles concernant l'Enseignement de l'Eglise contemporaine sur la peine de mort traitée dans les écrits du Pape Jean-Paul II, le Catéchisme de l'Eglise Catholique, ainsi que les documents des différentes Commissions Episcopales ?

2Allez-vous prêcher ou enseigner sur ce sujet ? Si oui que direz-vous ? Quelle méthode allez-vous utiliser ? Si non que pensez -vous faire ?

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