Instruction sur la Stabilité, la Chasteté, la Pauvreté et l'Obéissance dans la CM

INSTRUCTION

sur

la STABILITÉ, la CHASTETÉ,

la PAUVRETÉ et l'OBÉISSANCE

dans la

CONGRÉGATION de la MISSION

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION.

Chapitre I. Jésus-Christ, règle de la Mission

1. Saint Vincent de Paul;

la découverte du Christ dans les pauvres et des pauvres dans le Christ.

2. Jésus-Christ est la règle de la Mission.

3. En fidélité à saint Vincent.

- Quelques textes utiles pour la méditation.

Chapitre II.La Stabilité: fidélité dans l'évangélisation des pauvres

1. Introduction.

2. La situation actuelle.

3. Le voeu de stabilité.

4. La vertu de fidélité.

5. Vivre la stabilité.

- Quelques textes utiles pour la méditation.

Chapitre III.La Chasteté: amour dans le célibat.

1. Introduction.

2. La situation actuelle.

3. Le voeu de chasteté; amour dans le célibat.

4. L'amour dans le célibat.

5. Vivre la chasteté.

- Quelques textes utiles pour la méditation.

Chapitre IV.La Pauvreté: solidarité avec les pauvres

1. Introduction.

2. La situation actuelle.

3. Le voeu de pauvreté.

4. La vertu de pauvreté.

5. Le Statut Fondamental de Pauvreté.

6. Vivre la pauvreté.

- Quelques textes utiles pour la méditation.

Chapitre V.L'Obéissance: discernement pour la mission

1. Introduction.

2. La situation actuelle.

3. Le voeu d'obéissance.

4. La vertu d'obéissance.

5. Vivre l'obéissance.

- Quelques textes utiles pour la méditation.

Chapitre VI.Bref historique des voeux dans la Congrégation de la

Mission

1. L'expérience du fondateur et des premiers missionnaires.

2. Années de recherche et de clarification (1639-1640).

3. Ordonnances de l'archevêque de Paris (1641).

4. L'Assemblée de 1651.

5. "Ex Commissa Nobis" - Approbation Papale des voeux (1655)

6. "Alias Nos" - Le Statut Fondamental de Pauvreté (1659).

7. Questions historiques ultérieures.

Chapitre VII.Aspects canoniques des voeux dans la Congrégation de la Mission

1. Nature des voeux.

2. L'incorporation.

3. L'admission aux voeux.

4. Les conditions d'admission aux voeux.

5. Attestation de l'émission des voeux.

6. La dispense des voeux.

Formules pour l'émission des voeux

Attestation d'émission des voeux.

Bibliographie

Abréviations

C - Constitutions de la Congrégation de la Mission.

CJC - Code de Droit Canonique.

RC - Règles Communes de la Congrégation de la Mission.

PC - Perfectae Caritatis.

S - Statuts de la Congrégation de la Mission.

SV - Suivie d'un nombre en chiffres romains et d'un nombre en chiffres arabes (v.g. SV III, 109), cette abréviation renvoie à l'édition en 14 volumes des oeuvres de saint Vincent, éditée par Pierre Coste (Paris, Gabalda, 1920-25).

Le 25 Janvier 1996.

Aux membres de la Congrégation de la Mission.

Mes chers Confrères,

La grâce de Notre-Seigneur soit toujours avec vous!

Aujourd'hui, je remets entre vos mains la nouvelle Instruction sur la Stabilité, la Chasteté, la Pauvreté et l'Obéissance dans la Congrégation de la Mission. Faisant cela, je me prends à réfléchir sur les paroles que saint Vincent adressa aux membres de la Congrégation juste un an avant sa mort:

“Ceux qui se détachent de l'affection des biens de la terre, de la convoitise des plaisirs et de leur propre volonté deviennent les enfants de Dieu, qui jouissent d'une parfaite liberté; car c'est dans le seul amour de Dieu qu'elle se rencontre. Ce sont ces personnes-là qui sont libres, qui n'ont point de lois, qui volent, qui vont à droite et à gauche, qui volent encore un coup sans pouvoir être arrêtées." (SV XII, 301)

Evidemment, cette Instruction n'est qu'un instrument. Elle ne deviendra efficace que si nous l'employons comme un outil de renouvellement personnel authentique. Comme vous le savez, les voeux ne comportent pas seulement un engagement pris une seule fois au terme d'une période de formation initiale; bien plutôt, ils nous invitent à une fidélité sans cesse approfondie, à un renouveau permanent et à une remise toujours plus totale de notre être entre les mains du Seigneur, comme évangélisateurs et serviteurs des pauvres.

Comme vous vous en souvenez, la trente-huitième Assemblée Générale de la Congrégation (1992), décréta que le Supérieur Général préparerait la présente Instruction. Je suis très reconnaissant envers ceux qui ont participé à cette réalisation: les Pères José Ignacio Fernández de Mendoza, John Prager, Jaime Corera, Léon Lauwerier, Hugh O'Donnell, Miguel Pérez Flores et Benjamín Romo. De même, je veux remercier les Visiteurs et leurs Conseils, ainsi que les membres du Conseil Général; ils ont tous présenté des suggestions qui ont contribué de façon significative à la rédaction du document final.

Vous remarquerez que l'Instruction traite d'abord du voeu de stabilité. Le décret de l'Assemblée Générale avait demandé qu'une attention spéciale fût accordée à ce voeu, en considération du fait que l'engagement définitif est un formidable défi dans notre société contemporaine. saint Vincent aussi avait reconnu la difficulté d'une fidélité s'étendant à toute la vie et c'est précisément pour cette raison qu'il proposa ce voeu aux membres de la Compagnie. Il leur rappela: "Nous ne pouvons mieux assurer notre bonheur éternel qu'en vivant et mourant au service des pauvres, entre les bras de la Providence et dans un actuel renoncement de nous-mêmes, pour suivre Jésus-Christ." (SV III, 392)

Permettez-moi de vous dire quelques mots concernant l'utilisation de ce document.

1. Durant son élaboration, tous ceux d'entre nous qui étaient impliqués dans la préparation de l'Instruction ont constaté la difficulté qu'il y avait à prendre en compte toutes les différences culturelles existant à travers le monde dans la Congrégation. Vous remarquerez, dans le corps de l'Instruction, que, de temps en temps, nous faisons allusion à cette variété des cultures. Mais, comme je suis persuadé que tous le comprendront, il s'est avéré impossible d'envisager explicitement ces différences de façon tout à fait concrète. C'est là un travail que nous devons confier aux Provinces, dans leurs situations culturelles particulières. Je veux encourager tout spécialement ceux qui sont responsables de formation, tant initiale que permanente, à faire usage de ce document comme d'un moyen d'inculturation plus avancée de notre tradition vincentienne, de nos voeux et de notre spiritualité dans nos conditions particulières de vie.

2. Je souhaite vivement que ce document soit utilisé, et non point placé sur une étagère où il sera bientôt oublié. Il a été rédigé en obéissance à un mandat de l'Assemblée Générale, l'autorité la plus haute dans la Congrégation. Aussi, je demande aux Visiteurs:

a. de fournir un exemplaire de cette Instruction à chaque confrère;

b. de proposer son utilisation comme base de réflexion pour les retraites annuelles des confrères durant l'année 1997;

c. de promouvoir aussi son utilisation comme base de travail pour les sessions de formation permanente à l'intérieur des Provinces pendant l'année 1997;

d. de prendre les mesures nécessaires pour son utilisation au Séminaire Interne et dans les scolasticats de la Congrégation, comme aide à nos séminaristes dans leur préparation aux voeux.

3. Je demande à chaque lecteur d'entrer dans l'esprit de ce document. Assurément tout n'a pas été dit de ce qui aurait pu être dit. Que votre histoire personnelle et votre expérience concrète des voeux vous permettent d'entrer dans un dialogue ouvert et fécond avec cette expression actuelle de leur signification. De la sorte, j'espère que chacun d'entre nous pourra être comme le maître de maison qui tire de ses réserves à la fois du nouveau et de l'ancien. (Mt 13, 52)

Il faudra de l'humilité pour s'arrêter et permettre à ce document d'être une “instruction”. Il y a une tendance (je la remarque souvent en moi-même!) à penser que "nous connaissons déjà tout cela". Aussi, je vous encourage à être, comme Marie, la Mère de Jésus, d'humbles auditeurs. Dans l'Evangile de Luc, elle entend ce que Dieu dit à travers les mots et les événements; puis elle le met en pratique avec détermination. Elle sait comment retourner toutes ces choses en son coeur, les méditer et se constituer un trésor de toutes les invitations de Dieu. J'espère que nous pourrons tous faire de même à l'aide de cette Instruction et, en conséquence, que nous approfondirons l'engagement de toute notre vie à suivre le Christ Evangélisateur des Pauvres dans la chasteté, la pauvreté et l'obéissance.

Votre frère en saint Vincent

Robert P. Maloney, C.M.,

Supérieur Général

CHAPITRE I

JÉSUS-CHRIST, RÈGLE DE LA MISSION

"La fin de la Congrégation de la Mission est de suivre le Christ Evangélisateur des Pauvres" (C 1).

Jésus-Christ est le centre de notre vie et de toute notre activité (C 5). Cela est vrai pour tout chrétien, cependant, les manières de suivre Jésus sont diverses selon les dons particuliers que reçoivent les hommes et les femmes et selon leurs vocations respectives. Dans la Congrégation de la Mission, nous nous engageons librement à suivre Jésus comme le fit saint Vincent, en nous efforçant d'incarner son charisme missionnaire, comme évangélisateurs des pauvres.

I.SAINT VINCENT DE PAUL: LA DÉCOUVERTE DU CHRIST DANS LES PAUVRES ET DES PAUVRES DANS LE CHRIST.

Pour saint Vincent de Paul, Jésus-Christ est avant tout le Sauveur, le Fils du Père, envoyé pour évangéliser les pauvres. Le saint réfléchissait assidûment sur les textes évangéliques: "L'Esprit du Seigneur...m'a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres" (Lc 4, 18), et: "Chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces tout petits qui sont mes frères et mes soeurs, c'est à moi que vous l'avez fait" (Mt 25, 40). Animé d'une extrême compassion, notre fondateur s'est laissé interpeller par les souffrances et la misère des pauvres et il a discerné dans leurs besoins un appel à incarner l'Evangile.

Les liens que saint Vincent entretint avec bon nombre des maîtres spirituels de son époque le conduisirent à concentrer ses pensées sur l'Incarnation. Il admirait l'amour infini de Dieu, déversé à flots sur l'humanité dans la vie, la mort et la résurrection du Fils. Le dépouillement de Jésus, qui revêtit la condition humaine pour nous libérer de l'esclavage du péché, influença profondément l'orientation de sa vie.

Ouvrant les yeux sur le monde des pauvres, le saint découvrit tout autour de lui leurs nécessités spirituelles et matérielles. Il découvrit aussi Jésus-Christ qui était à l'oeuvre dans sa vie et dans celle des pauvres. Peu à peu, il prit conscience de sa vocation personnelle et, plus tard, de celle des missionnaires: "Nous sommes en cette vocation fort conformes à Notre-Seigneur Jésus-Christ qui, ce semble, avait fait son principal, en venant au monde, d'assister les pauvres et d'en prendre le soin: Misit me evangelizare pauperibus." (SV XI, 108)

Les pauvres amenèrent saint Vincent à ranimer sa foi et à découvrir le Christ parmi eux. Il "tourna la médaille" (SV XI, 32) et se trouva face à Jésus, le missionnaire du Père, qui l'appelait à s'associer à la mission en faveur des pauvres. Cette façon de voir, réaliste et en même temps chargée de foi, permit également au saint de considérer les pauvres avec le regard du Christ. Il pénétra dans leur monde avec un grand respect pour leurs personnes et une compassion aimante pour leurs souffrances. Cette vision du Christ dans les pauvres et des pauvres dans le Christ fut l'esprit évangélique qu'il partagea avec ceux qui le rejoignirent dans la mission (SV XI 40, 392).

II. JÉSUS-CHRIST EST LA RÈGLE DE LA MISSION (SV XII, 130).

En tant que fils de saint Vincent, notre vie doit vibrer de l'esprit de Jésus, présent dans le mystère des pauvres, esprit auquel notre fondateur nous a invités à participer. Nous sommes appelés à ouvrir nos coeurs et à faire nôtres les attitudes du Seigneur (C 6). Comme saint Vincent nous l'a rappelé: "Le dessein de la Compagnie est d'imiter Notre- Seigneur... Il nous faut tâcher de conformer nos pensées, nos oeuvres et nos intentions aux siennes ... en tâchant d'être des hommes de vertu, non seulement quant à l'intérieur, mais en agissant au-dehors par vertu" (SV, XII 75).

Nous efforçant de faire nôtre l'esprit du Christ, nous espérons pouvoir dire avec saint Paul: "La vie que je mène maintenant n'est plus la mienne: c'est le Christ qui vit en moi" (Gal II, 20). Si nous prétendons participer à la mission de Jésus, l'Evangélisateur des pauvres, il doit être la Règle de la Mission. Vincent disait aux premiers missionnaires: "Que voilà une grande affaire, se revêtir de l'esprit de Jésus-Christ!". Il poursuivait en expliquant que l'esprit du Christ est "le Saint-Esprit répandu dans les coeurs des justes, habitant en eux et créant en eux les mêmes inclinations et dispositions que Jésus-Christ avait sur la terre" (SV XII, 107-108). Les Règles Communes présentent la nécessité de revêtir l'esprit de Jésus comme le premier devoir d'un missionnaire et nos Constitutions actuelles reprennent le même thème, invitant les fils de saint Vincent, individuellement et collectivement, à "s'employer de toutes leurs forces à se revêtir de l'esprit du Christ (RC I, 3), pour acquérir la perfection convenable à leur vocation" (C 1, 1°).

Revêtus de l'esprit du Christ Evangélisateur des pauvres, les missionnaires doivent déborder: “d'amour et de vénération envers le Père, d'amour compatissant et efficace envers les pauvres, et de docilité à la divine Providence” (C 6).

A.AMOUR ET VÉNÉRATION ENVERS LE PÈRE.

Jésus-Christ est venu dans le monde pour faire connaître l'amour du Père. Il est l'Adorateur du Père, le Fils qui fait du Royaume de Dieu le centre de sa vie. Envoyé par le Père, il vit en union intime avec lui par la prière. En toutes choses, il donne la priorité à la recherche de l'accomplissement de la volonté du Père. "Il ne voulait pas dire que sa doctrine fût sa doctrine, mais il la référait à son Père...O mon Sauveur, quel amour n'avez-vous pas porté à votre Père! En pouvait-il avoir un plus grand, mes frères, que de s'anéantir pour le Père ? qu'en mourant par amour de la manière qu'il est mort ?... Je fais toujours la volonté de mon Père; je fais toujours les actions et les oeuvres qui lui sont agréables" (SV XII, 108-109).

En nous appelant à le suivre, Jésus nous presse de prendre à notre compte ce qui fut le double élan de sa vie, comme l'a décrit saint Vincent: "la religion vers son Père et la charité vers les hommes" (SV VI, 393).C'est une invitation pressante à entrer dans le mystère d'une vie centrée sur l'amour du Père. Jésus nous encourage à rechercher d'abord le Royaume de Dieu et sa justice (Mt 6, 33), à honorer Dieu par toute notre vie, en l'aimant de tout notre coeur, de toute notre âme et de tout notre esprit (Mt 23, 37).

B.AMOUR COMPATISSANT ET EFFICACE ENVERS LES PAUVRES.

A mesure qu'il consacrait sa vie à l'évangélisation des pauvres, saint Vincent laisait s'épanouir son coeur dans la charité. Tout son être s'imprégnait d'un amour compatissant du Christ et il s'identifiait avec cet amour. L'amour de Dieu ne suffisait pas. Il devait être uni à l'amour du prochain (SV XII, 261).

Reconnaissant en la personne des pauvres ses frères et soeurs souffrants, Vincent rechercha les moyens pratiques de rendre effectif son amour pour eux. "On ne saurait voir souffrir quelqu'un, qu'on ne souffre avec lui..." (SV XII, 270). En cela, saint Vincent faisait écho à la lettre de Jean: "Celui qui n'aime pas son frère ou sa soeur qu'il voit ne peut pas aimer Dieu qu'il ne voit pas" (1 Jean 4, 20b). L'esprit du Christ est l'esprit de charité, l'amour de Dieu manifesté par des actes.

"La charité du Christ rempli de compassion pour les foules est la source de toute notre activité apostolique; elle nous incite à `rendre effectif l'Evangile' SV XII, 84)" (C 11). Fidèle à saint Vincent, la Congrégation s'efforce de faire sien l'amour compatissant du Christ pour les pauvres.

C.DOCILITÉ A LA DIVINE PROVIDENCE.

Jésus a passé sa vie dans une pleine conformité à la volonté de son Père. Il a prêché la venue du Royaume, qui était l'expression de la volonté salvifique de Dieu. S'abandonnant à l'amour du Père, il demeura fidèle jusqu'à la mort sur la croix. "Père, en tes mains je remets mon esprit", ce fut la prière qui exprima son ultime acte de confiance en la Providence (Lc 23, 46). Sa fidélité ne fut pas vaine, car le Père le ressuscita.

St Vincent de Paul a expérimenté la présence de Dieu comme une libération. Dans les situations les plus difficiles, il plaça sa confiance en l'amour de Dieu qui se fait connaître dans l'action de la Providence. "Le bien que Dieu veut se fait quasi de lui-même, sans qu'on y pense; c'est comme cela que notre Congrégation a pris naissance, que les exercices des missions et des ordinands ont commencé, ... et que toutes les oeuvres dont nous nous trouvons à présent chargés ont été mises au jour" (SV IV, 122-123).

Vivant dans l'esprit de Jésus, Vincent a développé une profonde confiance en la Providence et a souvent parlé de nous remettre entre les mains du Père. Nous devons nous abandonner à la Providence et "elle saura bien ménager ce qu'il nous faut" (SV I, 356). La confiance en la Providence divine engendre la fidélité à la volonté de Dieu, même quand celle-ci est exigeante ou conduit à la croix. "Nous ne pouvons mieux assurer notre bonheur éternel qu'en vivant et mourant au service des pauvres, entre les bras de la Providence et dans un actuel renoncement de nous-mêmes, pour suivre Jésus-Christ" (SV III, 392).

IIIEN FIDÉLITÉ A SAINT VINCENT

A.DE L'INSPIRATION PREMIÈRE DE SAINT VINCENT

A LA FONDATION DE LA CONGRÉGATION DE LA MISSION.

Les premiers membres de la Congrégation de la Mission furent attirés par la vision évangélique dont le saint leur fit part. Ils se joignirent à saint Vincent pour suivre Jésus, l'Evangélisateur des pauvres. Comme le fondateur, ils répondirent à l'appel à mettre toute leur vie au service des nécessiteux. Ensemble, ils se mirent à la recherche des moyens de rendre l'Evangile effectif au milieu des souffrances des plus délaissés.

Après plus de trois siècles, l'inspiration initiale de saint Vincent et de ses premiers disciples continue d'interpeller la Congrégation de la Mission. Jésus, Evangélisateur des pauvres, nous appelle encore à le suivre, alors qu'il chemine avec les délaissés et les exclus. La réponse de la Congrégation de la Mission, enracinée dans l'engagement radical de chacun de ses membres à suivre Jésus en disciple, est une action en commun . Au temps de saint Vincent, les nécessités les plus pressantes des pauvres, la mission apostolique, la vie communautaire, l'appel à être disciples de Jésus et l'exemple de Vincent lui-même créèrent un dynamisme qui donna à la Congrégation de la Mission naissante son identité particulière. Fidèle à cette Tradition, la Congrégation s'efforce de suivre les motions de l'Esprit à travers les événements et les situations de notre époque. Le même dynamisme, suscité par des facteurs analogues, nous lance le défi d'incarner le charisme vincentien dans un contexte nouveau et de répondre aux détresses urgentes des pauvres par des voies nouvelles.

B.L'ORIGINALITÉ ET LE CARACTÈRE DISTINCTIF

DE LA CONGRÉGATION DE LA MISSION.

Notre fidélité aujourd'hui à l'inspiration initiale de saint Vincent dépend d'une connaissance adéquate du caractère particulier de la Congrégation. La communauté de Monsieur Vincent fut, en son temps, une invention toute neuve, créée, non pas à partir de schémas canoniques préexistants, mais plutôt comme une réponse aux événements. Saint Vincent lui-même, qui savait parfaitement bien que d'autres communautés missionnaires existaient, fut pleinement conscient de la nouveauté que représentait la Congrégation de la Mission. Ainsi rappelait-il aux premiers missionnaires que Dieu avait attendu seize cents ans avant de créer une communauté qui fît ce que Jésus avait fait, allant de village en village pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres: "Il ne se trouve en l'Eglise de Dieu", déclarait-il, "aucune Compagnie qui ait pour son partage les pauvres" (SV XII, 79-80).

Dès le début, notre fondateur ressentit le besoin de répondre avec promptitude et inventivité aux exigences de l'apostolat en faveur des pauvres. Aussi, c'est bien intentionnellement qu'il se mit en quête d'un moyen de se libérer des structures traditionnelles de la vie religieuse. Il fonda une communauté apostolique de caractère séculier, qu'il décrivit lui-même comme une vie “dans un état de charité” (SV XI, 43-44; XII, 275).

Vatican II a recommandé que "l'on mette en pleine lumière et que l'on maintienne fidèlement l'esprit des fondateurs et leurs intentions spécifiques de même que les saines traditions, l'ensemble constituant le patrimoine de chaque Institut" (PC 2b). L'intuition originale de saint Vincent a été reconnue et entérinée par l'actuel Code de Droit Canonique. Une nouvelle section, intitulée 'Les Sociétés de Vie Apostolique', définit le caractère spécifique des communautés semblables à la Congrégation de la Mission (canon 731, §1). Le fait d'avoir pour centre l'apostolat exercé en communauté constitue la principale caractéristique des Instituts comme le nôtre. Une claire conscience de notre statut juridique nous aidera à bien vivre à notre tour la créativité et la souplesse au service de la mission qui marquèrent la vie et l'oeuvre de saint Vincent.

C.LES CINQ VERTUS CARACTÉRISTIQUES.

La Congrégation de la Mission fait profession de vivre et de travailler sans cesse conformément aux maximes évangéliques (RC II) qui précisent les aspects essentiels de l'esprit de Jésus. C'est la raison pour laquelle elle est invitée à acquérir les vertus de Jésus, en particulier les cinq vertus caractéristiques qui sont comme "les facultés de l'âme de toute la Congrégation" (RC II, 14).

Ces vertus, qui ont un caractère missionnaire, sont la source des attitudes que Jésus adopta envers le Père et envers les pauvres. Non seulement elles contribuent à la perfection personnelle du missionnaire, mais elles l'aident aussi à devenir un véritable évangélisateur des pauvres.

- La simplicité conduit à la pureté d'intention et à la véracité dans nos paroles et nos actes; elle permet au missionnaire d'être transparent devant Dieu et devant les pauvres.

- L'humilité fait du missionnaire un homme qui dépend de Dieu et se montre ouvert à sa grâce; elle lui permet d'être avec les pauvres et de vivre en solidarité avec les plus humbles, capable de se laisser évangéliser par eux.

- La douceur fait naître la paix intérieure chez le missionnaire; elle lui permet d'être affable et patient avec les autres, particulièrement avec les pauvres.

- La mortification unit le missionnaire au Christ souffrant et le libère de la recherche de lui- même; elle le rend disponible aux pauvres, malgré les difficultés et les obstacles rencontrés dans la mission.

- Le zèle évangélique produit l'énergie nécessaire pour promouvoir le Royaume de Dieu; elle suscite un enthousiasme affectif et effectif pour l'évangélisation des pauvres.

St Vincent reconnaissait qu'il existe une relation dynamique réciproque entre notre activité apostolique et notre façon de vivre les cinq vertus caractéristiques du missionnaire. C'est pour cela qu'il affirma à plusieurs reprises que la vraie religion se trouve parmi les pauvres (SV XI, 200-201; XII, 170-171), qu'ils sont nos Seigneurs et nos Maîtres (SV X, 266, 332; XI, 393; XII, 5) et qu'ils nous évangélisent (SV XI, 200-201). Les Constitutions recommandent "une certaine participation à la condition des pauvres, de façon à ne pas seulement les évangéliser, mais aussi à être évangélisés par eux" (C 12, 3°).

D.LES CONSEILS EVANGÉLIQUES.

Comme tout chrétien, le missionnaire est appelé à la sainteté. Par le baptême il devient enfant de Dieu et il est admis dans la vie de la Trinité. Cela signifie qu'il est invité à entrer dans une relation intime avec le Père, le Fils et l'Esprit. Comme cela a été souvent souligné dans la tradition de l'Eglise, le chemin du missionnaire vers la sainteté comprend les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance vécus au service des pauvres. Comme l'a dit le Pape Jean-Paul II: "L'appel à la voie des conseils évangéliques prend toujours naissance en Dieu: 'Ce n'est pas vous qui m'avez choisi; mais c'est moi qui vous ai choisis et qui vous ai établis pour que vous alliez et portiez du fruit et que votre fruit demeure' (Jn 15, 16). La vocation, dans laquelle l'homme découvre jusqu'en ses profondeurs la loi évangélique du don inscrite dans son humanité, est elle-même un don. C'est un don riche du contenu le plus profond de l'Evangile ..." (Redemptionis donum, 6).

Pour saint Vincent, la pratique de la pauvreté, de la chasteté et de l'obéissance a une portée missionnaire évidente: "Cette petite Congrégation de la Mission, ayant été suscitée en l'Eglise pour s'employer au salut des âmes, principalement du pauvre peuple des champs, elle a pensé qu'elle ne se pouvait servir d'armes meilleures et plus propres que de celles mêmes dont cette Sagesse Eternelle s'est servie si heureusement et si avantageusement. C'est pourquoi, tous et chacun de notre Congrégation garderont fidèlement et perpétuellement cette pauvreté, chasteté et obéissance, selon notre Institut" (RC II, 18).

La route que le missionnaire doit emprunter vers l'amour et la sainteté n'est pas un chemin de supériorité, ni de recherche d'une position sociale, de la richesse ou du plaisir personnel. C'est l'esprit des béatitudes et des conseils évangéliques, l'esprit des pauvres qui, paradoxalement, introduit à la vraie vie et au bonheur. C'est l'esprit qui se trouve au coeur de notre fidélité au service des pauvres dans la chasteté, la pauvreté et l'obéissance. C'est dans cet esprit que la Congrégation de la Mission puise la force et l'énergie qu'il lui faut pour assumer sa mission.

E.LE CARACTÈRE PROPHÉTIQUE DES CONSEILS ÉVANGÉLIQUES.

Nous savons qu'aujourd'hui les conseils évangéliques sont considérés par beaucoup comme pure folie. Mais nous plaçons notre confiance dans le fait qu'ils expriment la "folie" de Dieu (1 Cor. 1, 26-28), et nous croyons, paradoxalement, qu'ils incarnent la sagesse et la puissance de Dieu. Si nous dépassons une analyse purement logique et rationaliste des conseils évangéliques, nous pouvons constater qu'une vie menée selon ces conseils remplit un rôle particulier dans le salut et la libération de l'humanité.

La famille humaine aspire au don de la fidélité, alors que les structures sociales et les coutumes ne sont plus à même de l'assurer. Nous espérons que notre voeu de stabilité, qui est une promesse de fidélité à l'évangélisation des pauvres, puisse être une réponse au désir ardent de fidélité que ressentent dans leur coeur les hommes et les femmes d'aujourd'hui. Nous souhaitons qu'il puisse être un signe de l'engagement dynamique que nous voulons partager avec eux, reconnaissant notre propre faiblesse et nos hésitations dans notre lutte pour la persévérance. Nous souhaitons qu'il puisse être un signe de la puissance et de l'énergie qui jaillissent de l'Esprit-Saint, source nourrissante des conseils évangéliques, qui nous relie à Dieu et à nos frères et soeurs comme à des soutiens dans notre faiblesse.

Nous, qui partageons avec toute l'humanité la profonde aspiration à un amour vrai, nous devrions être disposés à aider les autres à faire l'expérience de l'amour de Dieu et de l'amour fraternel que nous expérimentons dans une vie de chasteté dans le célibat vécue pour les autres. Notre célibat doit être l'expression d'un engagement à partager notre vie avec nos frères et soeurs, même si nous reconnaissons que nous recevons souvent plus que nous ne donnons, particulièrement de la part de ceux qui ont été fidèles à leur mariage et à leur vie de famille.

Puisque nous vivons dans un monde qui peut produire suffisamment pour chacun, ne pourrions-nous pas pourvoir aux besoins de tous si nous modérions notre désir de posséder et de consommer ? Nous espérons que notre pratique de la pauvreté, confirmée par notre voeu, puisse dire quelque chose au monde sur la dépendance par rapport à Dieu, la joie de partager, la solidarité avec les pauvres et les transformations de structures qui résoudraient une grande partie des problèmes de notre monde d'aujourd'hui.

Enfin, dans l'expérience de l'obéissance, nous découvrons que nous pouvons écouter la voix de Dieu, non seulement dans les directives de nos supérieurs, mais aussi dans les événements du monde, dans le dialogue et dans le discernement. Nous espérons que notre obéissance puisse dire quelque chose au monde à propos de l'écoute réciproque, du dialogue, du respect des différences d'opinions et de cultures et de la nécessité de travailler ensemble dans la collaboration.

F.LA LIBERTÉ ET LA JOIE DES CONSEILS ÉVANGÉLIQUES.

La pratique des conseils évangéliques et une vie de charité exigent de la discipline et des sacrifices, ainsi qu'une réelle participation à la Croix du Christ et aux souffrances des pauvres. Mais le fruit que recueille celui qui entre dans le Mystère Pascal est la grâce de la liberté des enfants de Dieu et la joie évangélique (Rm 6, 20-23).

Une fidélité persévérante à cette façon de suivre Jésus nous libère progressivement de l'attachement aux lieux, aux ministères, aux biens matériels et à l'égoïsme personnel. Elle nous rend capables de considérer toutes choses comme des dons de Dieu et de vivre dans l'action de grâce pour ce que nous avons reçu. Elle nous libère, de telle sorte que nous reconnaissons la main généreuse de Dieu dans tout ce qui nous arrive, découvrant son amour en toute personne; elle nous nous rend capable d'aimer d'une façon nouvelle. Si nous nous appliquons vraiment à vivre les conseils évangéliques, nous découvrirons la possibilité de disposer de toutes choses à la lumière de leur relation avec le Royaume de Dieu. Nous serons libres pour nous rendre partout où la mission l'exigera et où l'Esprit appellera.

Cette liberté évangélique comporte une joie profonde: le bonheur de partager la vie des pauvres et la satisfaction de servir ceux et celles que Dieu place sur notre route; la joie d'apprendre à partager d'une manière renouvelée, à partir de notre pauvreté et non de notre richesse. Plus que tout, elle donne naissance au bonheur qui résulte du fait de marcher avec l'Esprit et de faire l'expérience des grâces qu'il dispense: charité, joie, paix, patience persévérante, générosité, douceur et mortification (Gal 5, 22 ss).

G.LES CONSEILS ÉVANGÉLIQUES ET LA VOCATION VINCENTIENNE.

Toutes ces considérations nous amènent à nous interroger: par la pratique des conseils évangéliques, sommes-nous effectivement unis aux aspirations les plus profondes de l'humanité et des pauvres ? Par les conseils évangéliques, menons-nous vraiment, à la suite de Jésus, une vie engagée dans le service et toute donnée à Dieu ?

Tous les membres de la Congrégation de la Mission sont "donnés à Dieu" pour l'évangélisation des pauvres. Notre don personnel comme disciples de saint Vincent ne peut se réaliser pleinement que par une vie pleine et radicale selon les conseils évangéliques. "Animés du désir de poursuivre la mission du Christ, nous nous consacrons entièrement à l'évangélisation des pauvres dans la Congrégation durant toute notre vie. Et, pour réaliser cette vocation, nous optons pour la chasteté, la pauvreté et l'obéissance, dans le cadre de nos Constitutions et Statuts" (C 28). La clé de notre vocation se trouve dans le don de tout notre être à l'évangélisation des pauvres, continuant la mission du Christ qui fut pauvre, chaste et obéissant. Ce don de nous-mêmes trouve sa garantie et sa ratification dans les voeux de la Congrégation de la Mission.

JÉSUS-CHRIST, RÈGLE DE LA MISSION.

- Quelques textes utiles pour la méditation -

1. "Passons maintenant au second article où la Règle dit avec Jésus-Christ: 'Cherchez premièrement le Royaume de Dieu et sa justice, et toutes les choses dont vous avez besoin vous seront données par-dessus' (Mt VI, 33). Notre-Seigneur nous ayant donc recommandé cela, nous devons nous y attacher; il le veut; il est la Règle de la Mission." (SV XII, 130)

2. "Avant toutes choses, un chacun tâchera de se bien établir dans cette vérité, que la doctrine de Jésus-Christ ne peut jamais tromper, au lieu que celle du monde porte toujours à faux: Jésus-Christ nous assurant lui-même que celle-ci est semblable à une maison bâtie sur le sable, et la sienne à un bâtiment fondé sur la pierre ferme; et, partant, la Congrégation fera profession d'agir toujours conformément à la doctrine de Jésus-Christ et jamais selon les maximes du monde; et, pour ce faire, elle accomplira particulièrement ce qui suit." (RC II, 1)

3. "Nous aurons pour maxime inviolable, puisque nous travaillons pour Dieu, de prendre toujours des moyens divins pour les choses divines et de juger des choses suivant le sentiment et le jugement de Jésus-Christ, et jamais suivant celui du monde ni selon le faible raisonnement de notre esprit." (RC II, 5)

4. "Quoique nous devions faire notre possible pour garder toutes les maximes évangéliques déjà mentionnées, comme étant très saintes et utiles, y en ayant toutefois entre elles qui nous sont plus propres que les autres, savoir celles qui recommandent spécialement la simplicité, l'humilité, la douceur, la mortification et le zèle des âmes; la Congrégation s'y étudiera d'une manière plus particulière, en sorte que ces cinq vertus soient comme les facultés de l'âme de toute la Congrégation et que les actions d'un chacun de nous en soient toujours animées." (RC II, 14)

5. "Ressouvenez-vous, Monsieur, que nous vivons en Jésus-Christ par la mort de Jésus-Christ, et que nous devons mourir en Jésus-Christ par la vie de Jésus-Christ, et que notre vie doit être cachée en Jésus-Christ et pleine de Jésus-Christ et que, pour mourir comme Jésus-Christ, il faut vivre comme Jésus-Christ." (SV I, 295)

6. "Notre-Seigneur Jésus-Christ est le vrai modèle et ce grand tableau invisible sur lequel nous devons former toutes nos actions; et les hommes les plus parfaits qui sont ici-bas vivant en terre sont les tableaux visibles et sensibles qui nous servent de modèles pour donner une bonne règle à toutes nos actions et les rendre agréables à Dieu." (SV XI, 212-213)

7. "Une autre chose à laquelle vous devez faire une attention toute particulière, c'est d'avoir une grande dépendance de la conduite du Fils de Dieu; je veux dire que, quand il vous faudra agir, vous fassiez cette réflexion: 'Cela est-il conforme aux maximes du Fils de Dieu ?' Si vous trouvez que cela soit, dites: 'A la bonne heure, faisons'; si au contraire: 'Je n'en ferai rien'. "

De plus, quand il sera question, de faire quelque bonne oeuvre, dites au Fils de Dieu: “Seigneur, si vous étiez en ma place, comment instruiriez-vous ce peuple? Comment consoleriez- vous ce malade d'esprit ou de corps?” (SV XI, 347-348)

8. "Le dessein de la Compagnie est d'imiter Notre-Seigneur, autant que de pauvres et chétives personnes le peuvent faire. Que veut dire cela ? C'est qu'elle s'est proposé de se conformer à lui en ses conduites, ses actions, ses emplois et ses fins. Comment une personne en peut-elle représenter une autre, si elle n'a les mêmes traits, linéaments, proportions, façons, regards ? Cela ne se peut. Il faut donc, si nous nous sommes proposé de nous rendre semblables à ce divin modèle et sentons en nos coeurs ce désir et cette sainte affection, il nous faut, dis-je, tâcher de conformer nos pensées, nos oeuvres et nos intentions aux siennes. Il n'est pas seulement le Deus virtutum, mais il est venu pratiquer toutes les vertus; et, comme ses actions et inactions étaient autant de vertus, nous devons aussi nous conformer à cela en tâchant d'être des hommes de vertu, non seulement quant à l'intérieur, mais en agissant au-dehors par vertu, en sorte que ce que nous faisons et ne faisons pas, ce soit par ce principe." (SV XII, 75)

9. "La Règle dit donc que, pour faire cela, aussi bien que pour tendre à sa perfection, il faut se revêtir de l'esprit de Jésus-Christ. O Sauveur! Messieurs! que voilà une grande affaire, se revêtir de l'esprit de Jésus-Christ… Ceci veut dire que, pour nous perfectionner et assister utilement les peuples, pour bien servir les ecclésiastiques, il nous faut travailler à imiter la perfection de Jésus-Christ et tâcher d'y parvenir. Cela dit aussi que, par nous-mêmes, nous n'y pouvons rien. Il faut se remplir et être animé de cet esprit de Jésus-Christ. Pour bien entendre ceci, il faut savoir que son esprit est répandu dans tous les chrétiens qui vivent selon les règles du christianisme; leurs actions et leurs oeuvres sont parsemées de l'esprit de Dieu, de sorte que Dieu a suscité la Compagnie, et vous le voyez bien, pour agir de même. Elle a toujours eu de l'amour pour les maximes chrétiennes et a désiré se revêtir de l'esprit de l'Evangile, pour vivre et pour opérer ainsi que Notre-Seigneur a vécu et pour faire que son esprit paraisse en toute la Compagnie et en chaque missionnaire, en toutes ses oeuvres en général et en chacune en particulier." (SV XII, 107-108)

10. "Voilà une description de l'esprit de Notre-Seigneur, duquel nous devons être revêtus, qui est, en un mot, d'avoir toujours une grande estime et un grand amour pour Dieu. Il en était si plein qu'il ne faisait rien de par lui-même ni pour se satisfaire: Quae placita sunt ei facio semper; je fais toujours la volonté de mon Père, je fais toujours les actions et les oeuvres qui lui sont agréables. Et comme c'est par la volonté du Père que le Fils éternel méprisait le monde, les biens, les plaisirs et les honneurs, ainsi c'est en les méprisant comme lui que nous entrerons en son esprit." (SV XII, 109)

11. "Il faut poser pour fondement que la doctrine de Jésus-Christ fait ce qu'elle dit et que celle du monde ne donne jamais ce qu'elle promet; que ceux qui font ce que Jésus-Christ enseigne bâtissent sur le roc que l'inondation des eaux ni l'impétuosité des vents ne peuvent ébranler; et que ceux qui ne font pas ce qu'il ordonne sont semblables à celui qui a bâti sa maison sur le sable mouvant, que le premier orage met à bas. Donc qui dit doctrine de Jésus-Christ dit un rocher inébranlable, il dit des vérités éternelles qui sont suivies infailliblement de leurs effets, en sorte que le ciel se renverserait plutôt que la doctrine de Jésus-Christ manquât. C'est pourquoi la Règle conclut qu'il faut que la Compagnie fasse profession d'embrasser toujours et de pratiquer la doctrine de Jésus-Christ, et jamais celle du monde, et qu'en ce faisant elle se remplira et se revêtira de Jésus-Christ." (SV XII, 115-116)

12. "Oh! si Dieu nous fait la grâce d'entrer dans cet usage, de ne juger jamais par le raisonnement humain, parce que jamais il n'atteint la vérité, jamais il n'atteint à Dieu, jamais aux raisons divines, jamais; si, dis-je, nous tenons notre pur raisonnement pour trompeur et agissons selon l'Evangile, bénissons Notre-Seigneur, mes frères, et tâchons de juger comme lui, de faire ce qu'il a recommandé de parole et d'exemple. Et non seulement cela, mais entrons en son esprit pour entrer en ses opérations. Ce n'est pas tout de faire le bien, il le faut bien faire, à l'exemple de Notre-Seigneur, duquel il est dit en l'évangile, qu'il a bien fait tout ce qu'il a fait :'Bene omnia fecit' (Mc VII, 37). Ce n'est pas tout de jeûner, de faire les Règles, de s'occuper pour Dieu; il le faut faire en son esprit, c'est-à-dire avec perfection, avec les fins et circonstances que lui-même les a faites." (SV XII, 178-179)

CHAPITRE II

LA STABILITÉ: FIDÉLITÉ DANS L'ÉVANGÉLISATION DES PAUVRES.

"Nous avons tous apporté à la Compagnie la résolution d'y vivre et d'y mourir; nous y avons porté tout ce que nous sommes, le corps, l'âme, la volonté, la capacité, l'industrie et le reste. Pourquoi cela ? Pour faire ce que Jésus-Christ a fait, pour sauver le monde." (SV XII, 98)

I. INTRODUCTION.

Au milieu de toutes les évolutions qui se succédèrent dans la pensée de saint Vincent au sujet des voeux avant 1641, un élément demeure invariable: la nécessité d'avoir un voeu spécifique, de façon à garantir un engagement pour toute la vie à l'évangélisation des pauvres, un voeu qui signifierait aussi “vivre et mourir dans la (Congrégation de la) Mission” (SV II, 137). Il y eut même un moment où il pensa que le seul voeu indispensable pour l'affermissement de la Mission serait le voeu de stabilité (Vincent lui-même lui donne cette appellation: cf. SV II, 28). En effet, le voeu de stabilité garantirait dans la vie des missionnaires deux éléments essentiels de la Mission comme institution: 1) la permanence à vie dans la Congrégation, et 2) la consécration de la vie tout entière à l'évangélisation des pauvres.

II. LA SITUATION ACTUELLE.

Le monde moderne est marqué par l'aspiration de millions de personnes à se libérer de la domination sociale et politique. Les jeunes nations luttent pour surmonter l'oppression économique et culturelle du passé colonial.

Sur chaque continent on a vu se dresser des groupes ou des individus qui ont pris l'initiative de la solidarité avec les pauvres, de la lutte pour une société plus juste et de la défense des droits de l'homme. A ces efforts, l'Eglise a apporté son soutien par son enseignement social. Elle a assigné du personnel et des ressources à l'option préférentielle pour les pauvres.

Néanmoins, alors que certains secteurs de la société ont pris davantage conscience de la détresse des pauvres, le fossé entre ces derniers et les riches ne cesse de s'approfondir. Pour beaucoup, la mentalité de consommation qui veut avoir davantage et consommer toujours plus est devenue un style de vie acceptable. De nombreuses structures économiques modernes produisent un accroissement de la pauvreté. Souvent, les médias présentent ceux qui ne servent guère à l'économie - les pauvres, les personnes âgées, les malades - comme des ratés, responsables de leur propre souffrance. Dans une telle situation, prendre le parti des marginalisés ou faire un voeu de service des pauvres exige un courage qui va à contre-courant de la culture ambiante.

D'autres difficultés, de nature différente, proviennent de tendances qui se manifestent dans notre société instable. La rapidité des changements et la tendance à privilégier les solutions et les satisfactions à court terme qui caractérisent les dernières décennies du vingtième siècle, remettent en question l'engagement à vie. Une sécularisation à outrance jette le doute sur ce qu'est essentiellement une consécration religieuse.

Dans la Congrégation, des confrères qui ont généreusement donné leur vie au service des plus abandonnés en suivant Jésus, l'Evangélisateur des pauvres, constituent un témoignage éloquent en faveur du charisme vincentien. Chacun fait l'expérience des exigences et des difficultés inhérentes à cette vocation. Pour quelques-uns, la charge est excessive. Dans certaines situations, cela a conduit à des styles de vie dont le caractère vincentien est pour le moins douteux ou à des installations confortables dans des ministères existants, au détriment de notre vocation missionnaire.

III. LE VOEU DE STABILITÉ.

Les trois éléments constitutifs du voeu de stabilité sont clairement exprimés dans les articles 28 et 39 des Constitutions, aussi bien que dans les diverses formules d'émission des voeux (C 58). Ces trois éléments sont les suivants:

1. fidélité et persévérance pour toute la vie,

2. dans la Congrégation de la Mission,

3. en s'engageant à poursuivre sa finalité telle qu'elle est précisée dans les Constitutions: SUIVRE LE CHRIST, ÉVANGÉLISATEUR DES PAUVRES. (C 1)

Concrètement, le voeu nous oblige à réaliser la fin de la Congrégation, "exécutant les travaux que nous aurons prescrits nos Supérieurs, conformément aux Constitutions et Statuts" (C 39). Cette dernière précision exige que tous les membres soient responsables dans la détermination du caractère vincentien de nos oeuvres, mais elle fait reposer une obligation particulière sur les supérieurs locaux et les supérieurs majeurs, puisqu'il ont reçu le mandat de prendre les décisions par rapport à la création ou la suppression de nos oeuvres et ministères.

IV. LA VERTU DE FIDÉLITÉ.

Il se pourrait que le terme "stabilité" ne comporte plus aujourd'hui exactement le sens que saint Vincent avait voulu y mettre. Par conséquent, il vaut mieux dépasser la nuance statique du mot et mettre en évidence la signification dynamique qu'il avait dans l'esprit de saint Vincent dès le commencement. Ce que notre tradition a désigné par le mot "stabilité" pourrait mieux s'exprimer aujourd'hui par le mot "fidélité": fidélité à vie au charisme vincentien dans la Congrégation de la Mission.

Cette fidélité à suivre Jésus, Evangélisateur des pauvres, nous engage à aller au-delà du minimum juridique d'accomplir les travaux qui nous sont adjugés par nos supérieurs, conformément aux Constitutions. La fidélité ne peut pas se réduire à la simple obéissance, surtout si cela comporte des attitudes qui ne sont ni actives ni responsables. L'Evangélisateur des pauvres nous appelle à mener une vie qui soit en cohérence avec toutes les dimensions du charisme vincentien. En conséquence, la fidélité, confirmée par le voeu de stabilité, comporte plusieurs éléments:

- Elle implique une réponse personnelle à Jésus: le voeu souligne notre décision de base d'accepter la vocation à suivre l'Evangélisateur des pauvres.

- Au niveau psychologique, le voeu donne force au missionnaire et le rend capable de surmonter les périodes de crise ou les difficultés.

- Puisque la consécration vincentienne se situe dans et pour la mission, le voeu donne un sens missionnaire aux autres conseils évangéliques (C 28): il fait converger toutes les énergies des confrères vers l'évangélisation des pauvres. Au-delà de nos préoccupations personnelles, il étend notre engagement à la dimension du service des autres.

- Saint Vincent ayant invité les premiers missionnaires à évangéliser les pauvres ensemble (C 19), le voeu exige des membres de la Congrégation un intérêt véritable pour sa mission commune.

- Le voeu remplit une fonction prophétique de deux manières: d'abord, en tant qu'engagement pour la durée de la vie, il est un signe de contradiction qui transcende l'instabilité qui règne dans de nombreux secteurs de la société; ensuite, comme option pour les pauvres, il est un signe de solidarité avec les faibles et ceux qui sont souvent méprisés.

V. VIVRE LA STABILITÉ.

A côté des moyens ordinaires bien connus que sont la prière profonde et assidue, les sacrements, le renouvellement des voeux à certains moments de l'année, les retraites, les rencontres et célébrations communautaires, l'expérience montre que d'autres sources peuvent alimenter la fidélité:

La conviction intime que le Seigneur nous aime comme membres de la Congrégation de la Mission. "Dieu aime les pauvres et, par conséquent, il aime ceux qui aiment les pauvres" (SV XI, 392). De cette certitude découle une solide mais humble détermination à affronter jusqu'à la mort les risques, les souffrances, les sacrifices et les crises qui surviendront.

L'étude et la connaissance de la tradition de la Congrégation de la Mission. Puisqu'il nous est impossible d'aimer ce que nous ne connaissons pas, il est d'une valeur irremplaçable de nous plonger dans l'étude de l'histoire et de la spiritualité de la Congrégation, d'étudier ses Constitutions, ses normes et ses directives, et de connaître la vie de nos grands missionnaires. Nous nous reportons à notre tradition pour saisir comment nos prédécesseurs ont incarné le charisme vincentien de leur temps et dans leur culture. Un intérêt fervent porté aux évolutions actuelles, aussi bien dans les limites qu'au-dehors de nos propres provinces, nous aidera à comprendre comment se vit aujourd'hui l'esprit vincentien.

Le renforcement d'un esprit de dialogue et d'amitié fraternels. Cela nous conduira à faire l'expérience de la Congrégation comme notre famille avec laquelle nous identifions notre vie. Un esprit communautaire dynamique redonne vie à notre mission et établit une ambiance qui nous permet d'exprimer ouvertement à nos frères les difficultés personnelles que nous pourrions rencontrer dans la persévérance en notre vocation.

Le maintien et le renouvellement du caractère vincentien de nos ministères. Nos oeuvres apostoliques doivent répondre fidèlement à la finalité de la Congrégation et aux caractéristiques précisées dans les Constitutions (C 12). Cela servira de base à une loyale évaluation de nos oeuvres actuelles (S 1).

Contact direct avec les pauvres. Tous les membres de la Congrégation de la Mission devraient avoir l'occasion d'expérimenter la joie du contact direct avec les pauvres. Ceux-ci peuvent nous enseigner de nombreuses valeurs évangéliques et nous encourager à persévérer dans notre vocation (C 12, 3¯).

La collaboration avec d'autres personnes engagées dans l'action avec les pauvres. Les Filles de la Charité (C 17), les Mouvements laïcs vincentiens (S 7) ou d'autres groupes qui servent la cause des Droits de l'Homme et travaillent pour plus de justice sociale, peuvent enrichir la manière dont nous vivons notre propre engagement (S 9).

LA STABILITÉ: FIDÉLITÉ DANS L'ÉVANGÉLISATION DES PAUVRES.

- Quelques textes utiles pour la méditation -

1. "Il est vrai que votre demande m'a surpris de prime abord, comme vous l'avez jugé vous-même; et, en effet, Monsieur, comment ne m'aurait-elle pas surpris, voyant le doute que vous avez de votre vocation depuis dix-huit ou vingt ans qu'il y a que vous êtes dans la Compagnie, après l'avoir examinée dans la retraite que vous fîtes en y entrant, après deux ans de séminaire, après avoir fait voeu à Dieu d'y demeurer, ainsi que vous fîtes il y a plusieurs années ? Car, encore que vous ne les ayez pas renouvelés depuis le Bref, ces premiers voeux ne laissent pas d'être des promesses à Dieu, que l'on est obligé de garder en conscience. Après avoir tant travaillé en la Compagnie, en divers emplois et avec bénédiction, après tout cela, dis-je, me mander si vous êtes appelé! Ne dois-je pas être surpris de cette demande ? Je vous y réponds néanmoins, puisque vous le désirez, et vous dis, Monsieur, qu'après tout cela Dieu demande de vous que vous persévériez jusques à la fin. Toutes les pensées qui vous viennent à l'encontre sont des tentations du malin esprit, envieux du bonheur que vous avez de servir à Dieu.

Mais j'y ressens des répugnances; les voeux et les pratiques aussi bien que l'esprit de la Mission ne reviennent pas à mon humeur, quoique j'en fasse estime. - Et où est-ce, Monsieur, que vous n'aurez point de répugnances ? Toutes les conditions de la vie ne sont-elles pas environnées de difficultés ? Et où voyez-vous des personnes qui soient de tous points contentes dans leur état ? Croyez-moi, Monsieur, qu'outre les dangers du salut où l'on est dans le monde, vous y trouveriez bien des croix et des déplaisirs. Et quand même vous sortiriez pour entrer dans une autre communauté, ne pensez pas, Monsieur, qu'elle n'ait aussi ses peines, qu'il n'y faille de l'obéissance, qu'elle n'ait ses pratiques, aussi bien que nous les nôtres, lesquelles ne reviendraient pas peut-être plus à votre humeur. Quand nous considérons un autre état, nous envisageons ce qu'il a d'agréable; mais, quand nous y sommes, nous expérimentons ce qu'il a de fâcheux et de contraire à la nature. Demeurez donc en paix, Monsieur, et continuez votre voyage au ciel dans le même vaisseau

où Dieu vous a mis. C'est ce que j'espère de sa bonté et du désir que vous avez de faire sa volonté." (SV VII, 291-293)

2. "Que puis-je vous répondre, Monsieur, à la demande que vous me faites, sinon ce que Dieu lui-même vous inspire, ce que des personnes de science et de vertu vous ont conseillé et ce que votre propre conscience vous dicte ? Oui, Monsieur, courage! Si vous vous donnez à Dieu de la bonne façon, il se donnera aussi à vous et vous comblera de ses grâces et de ses plus chères bénédictions. Faites, à la bonne heure, ce que vous pouviez et, je dirai même, ce que vous deviez en quelque façon faire il y a longtemps; faites, Monsieur, ce que tant d'autres anciens et nouveaux ont fait, et croyez que vous en aurez consolation. Si vous avez bien demeuré en la Compagnie vingt ans, vous y en demeurerez bien encore vingt et trente autres, puisque les choses n'y seront pas plus difficiles à l'avenir que par le passé; et, vous liant à Dieu, tout à fait comme les autres, outre que vous les édifierez, c'est que Notre-Seigneur se liera à vous plus étroitement que jamais et sera votre force contre vos faiblesses, votre joie contre vos tristesses et votre fermeté contre vos irrésolutions.

Pour ce qui est des sujets de doutes que vous dites avoir, ce ne sont que des tentations de l'ennemi de votre bien et de la gloire de Jésus-Christ; car, pour ce voeu de vaquer toute sa vie au salut des pauvres gens des champs, il ne s'entend que selon les règles de l'obéissance, en sorte que, si le supérieur n'y envoie pas, on n'y est pas obligé. Combien y en a-t-il qui ne peuvent pas y vaquer, qui ne laissent pas d'être vrais missionnaires ? Les procureurs des maisons, les régents et le supérieur général même, qui n'y peut guère souvent aller, sont-ils moins du corps de la Compagnie et n'accomplissent-ils pas leur voeu ? Vous avez bien fait des missions vingt ans; n'en ferez-vous pas bien encore vingt autres ? Et, si Dieu vous a assisté pendant ce temps-là, ne vous étant pas encore si bien donné à lui, ne vous assistera-t-il pas bien à l'avenir quand vous serez tout sien ? Mais, à le prendre à l'extrémité, si le supérieur juge qu'il y a du danger trop manifeste, ne pourra-t-il pas vous dispenser d'y aller ?" (SV VII, 293-295)

3. "Vous souvenez-vous point des lumières que Dieu vous a données tant de fois dans vos oraisons, qui vous ont fait résoudre devant sa divine Majesté et témoigner publiquement à toute la Compagnie que vous mourriez plutôt que d'en sortir ? Et voilà qu'à la moindre occasion, où il ne s'agit ni de mort, ni de sang, ni de menaces, vous vous rendez sans une résistance telle que le mérite une promesse faite à Dieu, qui est un Dieu ferme, jaloux de son honneur et qui veut être servi à son gré. Il vous a appelé en la Compagnie; vous n'en doutez pas; il vous y a même conservé contre les efforts de votre propre père, qui a voulu vous avoir auprès de lui; et vous avez mieux aimé suivre l'Evangile que de le contenter." (SV III, 482-483)

4. "Quant à ce que vous me demandez, de demeurer avec les missionnaires sans être du corps, de vous occuper avec eux et demeurer néanmoins en votre liberté, c'est ce que nous ne ferons pas; et ne l'avons jamais accordé à personne; ce serait donner sujet aux autres de sortir et d'espérer la même chose; car, naturellement, chacun aime la liberté; mais il s'en faut garder comme d'un chemin large qui mène à perdition. Je vous prie donc, Monsieur, de ne pas vous attendre à cela, mais de vous donner à Dieu pour le servir toute votre vie en la manière et en l'état où il vous a mis." (SV V, 106-107)

5. "D'un côté, j'ai reçu consolation de votre lettre, voyant votre sincérité à découvrir ce qui se passe en vous; mais, d'un autre, elle m'a donné la même peine que saint Bernard reçut autrefois d'un sien religieux qui, sous prétexte d'une plus grande régularité, voulait quitter sa vocation pour passer dans un autre Ordre; à quoi ce Père lui dit que c'était tentation et que l'esprit malin ne demandait pas mieux que ce changement, sachant bien que, s'il le pouvait tirer du premier état, il lui serait facile de le faire sortir du second et, ensuite, de le précipiter dans le désordre de la vie, comme il arriva. Ce que je vous puis dire, mon cher Frère, est que, si vous n'êtes pas continent dans la Mission, vous ne le serez point en lieu du monde; et de cela je vous en assure. Aussi devez-vous prendre garde qu'il n'y ait quelque légèreté dans le désir que vous avez de changer; et, en ce cas, le remède, après la prière, qui est nécessaire en tous nos besoins, serait de considérer qu'il n'y a condition sur la terre en laquelle il n'arrive des dégoûts et parfois des envies de passer en d'autres. Et, après cette considération, estimez que Dieu, vous ayant appelé en l'état où vous êtes, y a attaché la grâce de votre salut, laquelle il vous pourrait dénier dans un autre lieu où il ne vous désire pas." (SV IV, 592)

6. "C'est pourquoi, Monsieur, je vous supplie très humblement d'en user de la sorte et de ne pas vous arrêter pour cela, non plus qu'à la proposition qu'on vous fait de travailler à la version de la Bible syriaque en latin. Je sais bien que la version servirait à la curiosité de quelques prédicateurs, mais non, comme je pense, au gain des âmes du pauvre peuple, auquel la Providence de Dieu vous a prédestiné de toute l'éternité. Il vous doit suffire, Monsieur, que, par la grâce de Dieu, vous avez employé trois ou quatre ans pour apprendre l'hébreu et que vous en savez assez pour soutenir la cause du Fils de Dieu en sa langue originaire et confondre ses ennemis en ce royaume. Représentez-vous donc, Monsieur, qu'il y a des millions d'âmes qui vous tendent les mains et vous disent ainsi: Hélas, Monsieur du Coudray, qui avez été choisi, de toute l'éternité, par la Providence de Dieu pour être notre second rédempteur, ayez pitié de nous, qui croupissons dans l'ignorance des choses nécessaires à notre salut et dans les péchés que nous n'avons jamais osé confesser, et qui, faute de votre secours, serons infailliblement damnés. Représentez-vous de plus, Monsieur, que la Compagnie vous dit qu'il y a trois ou quatre ans qu'elle est privée de votre présence, qu'elle commence à s'en ennuyer et que vous êtes des premiers de la Compagnie, qu'en cette qualité elle a besoin de vos conseils et de vos exemples." (SV I, 251-252)

7. "Je vous dis ces difficultés, mes frères, avant qu'elles arrivent, parce qu'il se pourra faire qu'elles arriveront. Je ne puis pas la faire longue; je m'en irai bientôt; mon âge, mes infirmités et les abominations de ma vie ne permettent pas que Dieu me souffre davantage sur la terre. Il pourra donc arriver après ma mort des esprits de contradiction et des personnes lâches qui diront :'A quel propos s'embarrasser du soin de ces hôpitaux ? Quel moyen d'assister tant de gens ruinés par les guerres et de les aller trouver chez eux ? A quoi bon se charger de tant d'affaires et de tant de pauvres ? Pourquoi diriger les filles qui servent les malades, et pourquoi perdre notre temps auprès des insensés ?' Il y en aura qui contrediront ces oeuvres, n'en doutez pas; et d'autres diront que c'est trop entreprendre d'envoyer aux pays éloignés, aux Indes, en Barbarie. Mais, mon Dieu, mais, mon Seigneur, n'avez-vous pas envoyé saint Thomas aux Indes et les autres apôtres par toute la terre ? Ne les avez-vous point chargés du soin et de la conduite de tous les peuples en général et de beaucoup de personnes et de familles en particulier ? N'importe; notre vocation est :'Evangelizare pauperibus'." (SV XII, 89-90)

CHAPITRE III

LA CHASTETÉ: L'AMOUR DANS LE CÉLIBAT

"Le Sauveur du monde a bien montré qu'il avait extrêmement à coeur la chasteté et combien il désirait la répandre dans les coeurs des hommes, en ce qu'il a voulu passer par-dessus l'ordre qu'il avait établi en la nature, pour naître, par l'opération du Saint-Esprit, d'une Vierge immaculée." (RC IV 1)

I. INTRODUCTION.

La Charité est le coeur de l'Evangile: amour de Dieu et amour du prochain. Par suite, l'amour affectif et effectif est le centre de la vocation missionnaire vincentienne: "Dieu a suscité cette petite Compagnie, comme toutes les autres, pour son amour et son bon plaisir. Toutes tendent à l'aimer, mais elles l'aiment diversement ... Nous autres, mes frères, si nous avons de l'amour, nous le devons montrer en portant les peuples à aimer Dieu et le prochain, à aimer le prochain pour Dieu et Dieu pour le prochain. Nous sommes choisis de Dieu comme instruments de son immense et paternelle charité" (SV XII, 262). La vie de chasteté, confirmée par notre voeu, doit être entendue, dans le contexte de l'amour, comme un appel de la part de Dieu à aimer davantage, à aimer mieux, à aimer universellement.

II. LA SITUATION ACTUELLE.

La Chasteté est une chance et un défi. Nous la vivons dans le contexte de nos réalités personnelles et culturelles. La maturité humaine et l'épanouissement personnel dans la chasteté impliquent l'équilibre et la capacité d'intégrer les diverses dimensions de nos vies. Le travail, le repos et la détente, les responsabilités communautaires et sociales, l'amitié, la sexualité, le besoin d'aimer et d'être aimé sont tous des éléments qui doivent être incorporés dans un modèle de vie cohérent.

A côté de nos talents et de nos énergies, nous devons également tenir compte de notre faiblesse personnelle qui se manifeste dans la tendance à l'égoïsme, un coeur divisé, le manque de consistance dans la vie, la recherche du confort, les manifestations égocentriques ou immatures de la sexualité.

Les diverses situations dans lesquelles la Congrégation cherche à inculturer l'évangile et le charisme de la communauté soulèvent de nouvelles questions délicates au sujet de l'engagement au célibat. Toutefois, ces questions nous incitent à établir un dialogue entre la culture et l'évangile, en vue de découvrir de nouvelles ressources dans le don de la chasteté.

Dans la société actuelle, il y a des signes positifs susceptibles d'apporter leur soutien à notre vie dans le célibat: l'engagement de laïcs célibataires vivant la chasteté; le témoignage de couples dont les maisons sont des centres où se vivent intensément les valeurs chrétiennes et l'évangile; les nouvelles communautés qui partagent la Parole et s'efforcent de la mettre en pratique. Toutes ces personnes nous encouragent à rechercher le sens profondément évangélique de la consécration totale au Seigneur et à son Royaume dans une vie de chaste célibat.

La vie de célibat est aussi influencée par des réalités sociales qui ne sont pas toujours positives: les fausses images de l'amour; la société de consommation qui, pour des motifs de profit, nous pousse à la sensualité; la tendance à dissocier sexualité et amour; l'affaiblissement des institutions qui favorisaient la fidélité dans l'amour; une attention exagérée au corps. Toutes ces influences rendent malaisé l'engagement au célibat.

III. LE VOEU DE CHASTETÉ: l'AMOUR DANS LE CÉLIBAT.

Par le voeu de chasteté nous optons pour une vie d'amour dans le célibat à la suite de Jésus, l'Evangélisateur des pauvres. Sous-jacent à ce choix, il y a la conviction que cette vocation promet la liberté, la joie et l'auto-réalisation dans le service des autres.

"Nous nous engageons, en vertu d'un voeu, à la chasteté parfaite dans le célibat à cause du Royaume des cieux" (C 29, §1). La chasteté implique la continence intérieure et extérieure, selon l'état de vie de chacun, de telle sorte que l'affectivité et la sexualité de la personne soient vécues avec un profond respect envers les autres et envers soi-même; le célibat présuppose la renonciation au mariage et aux manifestations de la sexualité qui lui sont réservées. Pour le missionnaire, ces deux éléments du voeu - chasteté et célibat - sont des manifestations extérieures de la consécration totale de sa vie. Ils doivent être perçus comme l'engagement à une responsabilité particulière: le service des pauvres, et non pas comme un rejet des responsabilités familiales. Les exigences que comporte une suite radicale de Jésus conduisent le missionnaire à s'offrir sans restriction pour la cause du Royaume.

IV. L'AMOUR DANS LE CÉLIBAT.

L'amour dans le célibat commence par l'humble reconnaissance que c'est un don de Dieu; c'est un projet assumé en fidélité à un appel. Cette initiative implique la personne tout entière dans un engagement à vivre et à aimer en vue du Royaume.

Le modèle et la motivation de notre chasteté résident en Jésus-Christ. Tout ce que le Seigneur a fait était orienté vers l'annonce et l'établissement du Règne de Dieu. De même, les missionnaires, par leur célibat et leur chasteté, veulent souligner l'orientation radicale de leur vie vers la proclamation de la Bonne Nouvelle aux pauvres. La source de l'amour dans le célibat réside dans le Dieu de Jésus-Christ, qui nous a appelés à consacrer toute notre vie à l'évangélisation des pauvres. Seule sa grâce peut nous rendre capables de vivre le don de la chasteté dans le célibat. Nous accueillons et développons ce don avec humilité, car nous nous rendons bien compte de notre faiblesse et de notre vulnérabilité.

Dans le célibat, le missionnaire renonce à partager sa vie avec une seule personne, de façon à se consacrer totalement à la mission: "De la sorte, nous ouvrons plus généreusement notre coeur à Dieu et au prochain" (C 29, §2). Nous ne sommes pas simplement libres des responsabilités familiales, mais nous sommes libres pour répondre aux exigences de l'évangélisation des pauvres. L'engagement à la chasteté consiste à faire usage de cette liberté pour participer pleinement à la poursuite de la finalité de la Congrégation, canalisant toutes nos énergies physiques, spirituelles et affectives vers une proclamation effective de l'évangile et une relation personnelle étroite avec les pauvres.

Comme toute autre personne, le célibataire est appelé à réaliser l'intégration des diverses dimensions de sa vie. Il n'a pas renoncé au besoin d'aimer et d'être aimé, ni à son affectivité ou sa sexualité. Personne ne peut renoncer à la fécondité et au besoin de créer. Le voeu exclut certaines manières d'exprimer ces exigences humaines fondamentales; mais, à cause de cela précisément, il requiert aussi d'autres expressions. L'amitié et la communauté sont deux domaines privilégiés où on peut découvrir des façons saines d'exprimer et d'accueillir l'amour et intégrer la sexualité et l'affectivité, de manière adulte, dans un projet de vie harmonieux. Le ministère et le service sont des domaines particulièrement appropriés à l'expression du besoin de créer et d'être fécond.

L'amour est toujours exigeant. Il importe que nous reconnaissions les exigences distinctives de l'amour dans le célibat. Le missionnaire doit être décidé à payer le prix d'un grand sacrifice pour suivre résolument Jésus et mieux servir ses frères et soeurs, les pauvres. Le Mystère Pascal est sans cesse présent dans la marche à la suite de Jésus. Comme le Christ Seigneur, le missionnaire ne recherche pas la souffrance ni la douleur, mais il accepte la croix pour aimer fidèlement et pour accéder à une vie plus féconde (Mc 8, 34; Jn 12, 24). Au-delà de cette dimension personnelle, la participation du missionnaire à la mort et à la résurrection du Seigneur remplit aussi une fonction prophétique: elle met en évidence la valeur relative de toutes choses par rapport au Royaume de Dieu qui est déjà présent et pas encore totalement révélé. Sur un autre plan, parce que la chasteté vincentienne est orientée vers le service des pauvres, elle attire l'attention sur la dignité de ceux que la société considère comme peu importants.

L'expérience pénible de la solitude fait inévitablement partie de la vie d'un célibataire. La grâce de Dieu, accueillie en pleine confiance, aide à transformer cette solitude en une énergie créatrice pour servir les pauvres et aimer nos frères dans la communauté.

V. VIVRE LA CHASTETÉ.

Une relation d'intimité avec le Christ. Suivre Jésus concentre l'attention sur sa personne et non pas sur une idée. Aussi la vie entière du missionnaire doit s'enraciner dans l'intimité avec le Christ. Le missionnaire chaste et célibataire sait qu'il ne peut avancer seul, sans la présence du Christ. C'est le Christ qui nous donne la force de vivre dans la chasteté pour le Royaume. C'est lui qui rend possible l'amour dans le célibat, au milieu des difficultés personnelles et des défis du monde. La prière et l'Eucharistie sont deux chemins privilégiés de rencontre du Christ, qui sont essentiels pour vivre l'amour dans le célibat.

Fécondité apostolique. Notre voeu de chasteté sert aussi à soutenir notre mission d'évangélisation des pauvres. Un don généreux de nous-même aux autres dans l'apostolat confère une signification positive à l'amour dans le célibat et favorise la chasteté fidèle. Mission et service sont deux des plus importantes expressions de la fécondité et de la créativité. La promotion humaine, exprimée dans la solidarité avec ceux dont la vie est ravagée par la pauvreté et la souffrance, entraîne l'amour dans le célibat, par-delà les limites de préoccupations purement personnelles, sur le terrain des préoccupations d'ordre social.

Vie en communauté. Suivre Jésus ne peut être envisagé et vécu que dans l'amitié et les relations fraternelles. La véritable communion fraternelle (C 30) soutient le missionnaire dans sa réponse au don du célibat qu'il a reçu. La vie communautaire doit être un lieu privilégié pour exprimer l'affectivité qui fait partie de la vie de chacun.

Amitié et prudence. Saint Vincent fut un homme d'une riche affectivité. Sa vie a fourni de nombreux exemples de la façon dont il développa de sincères et profondes amitiés, tout en menant une vie authentiquement chaste. Aujourd'hui, le missionnaire a besoin, lui aussi, de faire une semblable expérience d'aimer et d'être aimé. Une saine amitié, qui conduit au zèle apostolique et favorise la liberté et l'entraide mutuelle, est une manière de vivre joyeusement l'amour dans le célibat. Le missionnaire se trouve au milieu d'un monde complexe, plein de grâce et de péché. Il est crucial pour lui de savoir discerner quelles situations, quelles actions et quelles personnes le mènent à la liberté du Christ et lesquelles ne l'y conduisent pas. Ces jugements doivent toujours tenir compte de l'engagement radical, qui a été pris, de suivre Jésus.

Humilité et mortification. La décision de suivre le Christ dans le célibat offre de nouvelles possibilités d'amour vrai; mais, tout à la fois, elle comporte la renonciation aux manifestations génitales de l'amour qui sont légitimes dans le mariage. Le missionnaire doit être sincère avec lui-même et avec le Seigneur, et il doit savoir déterminer quelles situations et quelles relations ne le conduisent pas à l'amour dans le célibat. Il doit prendre en compte ses propres faiblesses, sans se décourager. Le missionnaire ne doit pas présumer de ses propres forces (RC IV, 2), mais il lui faut compter sur la présence du Christ dans sa vie. Il y a des moments où fidélité au Christ veut dire sacrifice. Saint Vincent recommande de vivre une stricte mortification des sens intérieurs et extérieurs et de savoir comment éviter les expressions de l'affectivité et de la sexualité qui ne favorisent pas une vie dans le célibat (RC IV, 2-5; SV XI, 70-71).

Loyauté. Le missionnaire vit la chasteté dans le cadre de son humanité, avec toutes ses forces et ses faiblesses. Des réalités, comme la solitude ou l'intégration de la sexualité et de l'affectivité, ne doivent pas être ignorées si on souhaite les assumer avec succès dans une personnalité mûre. Nous devons en parler en toute sincérité avec Dieu et avec d'autres personnes susceptibles de nous aider. La franchise avec un directeur spirituel et un confesseur est indispensable pour orienter notre vie de célibat.

LA CHASTETÉ: AMOUR DU CÉLIBAT.

- Quelques textes utiles pour la méditation -

1. "Le Sauveur du monde a bien montré qu'il avait extrêmement à coeur la chasteté et combien il désirait la répandre dans les coeurs des hommes, en ce qu'il a voulu passer par-dessus l'ordre qu'il avait établi en la nature, pour naître, par l'opération du Saint-Esprit, d'une Vierge immaculée; et il a eu si grande horreur du vice contraire que, quoiqu'il ait permis qu'on lui ait imputé faussement les crimes les plus énormes, pour être rempli d'opprobres selon le désir qu'il en avait, on ne lit point, néanmoins, que personne, non pas même ses plus grands ennemis, l'aient jamais accusé ni même soupçonné de ce vice. Et, partant, il importe beaucoup que la Congrégation ait un singulier et très ardent désir de cette vertu et fasse en tout temps et en tout lieu profession particulière de la pratiquer très parfaitement. Ce que nous devons avoir d'autant plus à coeur que nos emplois de la Mission nous obligent plus étroitement à converser presque continuellement avec les séculiers de l'un et de l'autre sexe: c'est pourquoi chacun apportera de son côté tout le soin, la diligence et la précaution possible pour conserver entièrement cette chasteté, tant à l'égard du corps qu'à l'égard de l'âme." (RC IV, 1)

2. "Qui mérite davantage, ou celui qui aime Dieu et néglige le prochain, ou un autre qui aime le prochain pour l'amour de Dieu ? ... 'Aller, dit saint Thomas, dans le coeur de Dieu et borner là tout son amour, ce n'est pas le plus parfait, parce que la perfection de la loi consiste à aimer Dieu et le prochain.' Donnez-moi un homme qui aime Dieu seulement, une âme élevée en contemplation qui ne réfléchit point sur ses frères, oh! cette personne, trouvant goût très agréable dans cette manière d'aimer Dieu, qui lui paraît uniquement aimable, s'arrête à savourer cette source infinie de douceur. Et en voilà un autre qui aime le prochain, pour grossier et pour rude qu'il soit, mais qui l'aime pour l'amour de Dieu. Quel est, je vous prie, de ces amours le plus pur et le moins intéressé ? Sans doute que c'est le second, et ainsi il accomplit la loi plus parfaitement. Il aime Dieu et le prochain; que peut-il faire davantage ? Le premier n'aime que Dieu, mais l'autre aime tous les deux. Nous devons bien nous donner à Dieu pour imprimer ces vérités en nos âmes, pour diriger notre vie selon cet esprit et pour faire les oeuvres de cet amour. Il n'y a gens au monde plus obligés à cela que nous sommes, ni de communauté qui doive être plus appliquée à l'exercice extérieur d'une charité cordiale.

Et pourquoi ? C'est que Dieu a suscité cette petite Compagnie, comme toutes les autres, pour son amour et son bon plaisir. Toutes tendent à l'aimer, mais elles l'aiment diversement: les Chartreux par la solitude, les Capucins par la pauvreté, d'autres par le chant de ses louanges; et nous autres, mes frères, si nous avons de l'amour, nous le devons montrer en portant les peuples à aimer Dieu et le prochain, à aimer le prochain pour Dieu et Dieu pour le prochain." (SV XII, 261-262)

3. "Notre vocation est donc d'aller, non en une paroisse, ni seulement en un évêché, mais par toute la terre; et quoi faire ? Embraser les coeurs des hommes, faire ce que le Fils de Dieu a fait, lui qui est venu mettre le feu au monde afin de l'enflammer de son amour. Qu'avons-nous à vouloir sinon qu'il brûle et qu'il consume tout ? Mes chers frères, faisons réflexion à cela, s'il vous plaît. Il est donc vrai que je suis envoyé, non seulement pour aimer Dieu mais pour le faire aimer. Il ne me suffit pas d'aimer Dieu, si mon prochain ne l'aime. Je dois aimer mon prochain comme l'image de Dieu et l'objet de son amour et faire en sorte que, réciproquement, les hommes aiment leur Créateur, qui les connaît et les reconnaît ses frères, qui les a sauvés; et que, d'une charité mutuelle, ils s'entr'aiment pour l'amour de Dieu qui les a tant aimés que de livrer pour eux son propre Fils à la mort. C'est donc là mon obligation." (SV XII, 262-263)

4. "Il y a pureté du corps et pureté de l'esprit. Celui qui a la pureté du corps n'a pas pour cela la chasteté; c'est la pureté de l'esprit qui informe cette vertu et lui donne la perfection et même l'essence; elle chasse de la pensée, de l'esprit, de la mémoire, de la fantaisie toutes les pensées mauvaises. C'est en cela que consiste tout notre exercice: arracher du coeur, etc., si nous voulons avoir la chasteté que la Règle demande de nous, nous souvenant que Notre-Seigneur venant au monde en a fait tant de cas qu'il a voulu changer la nature des choses et naître d'une vierge. C'est à cause de cette vertu qu'il est dit que les vierges accompagneront partout l'Agneau et chanteront des cantiques nouveaux. Oh! que la Compagnie en général et chacun d'icelle en particulier doit faire état de cette vertu et faire tout son possible pour l'avoir et s'y perfectionner de plus en plus!

Mais qui nous aidera à cela ? C'est la garde des sens; la Règle le dit. La garde de la vue. O vue dangereuse! laisser aller ses yeux çà et là sur toutes sortes d'objets, oh! que cela est mal! David, ce saint homme, pour avoir vu une femme, tombe dans le péché contraire à la chasteté et fait encore pire, car, à celui-là, à ce péché-là, il en ajoute un autre, savoir l'homicide; vous en savez l'histoire.

L'ouïe, la garde de l'ouïe. Vous qui avez confessé aux champs et même à la ville, vous savez que plusieurs personnes apprennent ce qu'est l'impureté en voyant et entendant ces saltimbanques, ces farceurs qui représentent des actions déshonnêtes et tiennent de mauvais discours. Oh! oui, que cela est dangereux!

Ainsi donc la garde des sens: de la vue, de la vue, dis-je, oui, de la vue, de l'ouïe, et ainsi des autres sens extérieurs, du tact; se rendre maître de ses sens autant qu'on le peut. La vue, l'ouïe, le tact." (SV XII, 418-419)

5. "Au nom de Dieu, tenez bon, ne rendez point les armes; (il y va de la) gloire de Dieu, du salut peut-être d'un million (d'âmes) et de la sanctification de la vôtre. Ressouvenez-vous, Monsieur, que vous avez Dieu avec vous, qu'il combat avec vous et qu'infailliblement vous vaincrez. Le démon peut aboyer, mais non pas mordre; il vous peut faire peur, mais non pas du mal; et de cela je vous en assure devant Dieu, en la présence duquel je vous parle; autrement je douterais fort de votre salut ou, pour le moins, que vous vous rendissiez indigne de la couronne que Notre-Seigneur vous va façonnant, tandis que vous travaillez si heureusement pour lui. La confiance en Dieu et l'humilité vous obtiendront la grâce qu'il vous faut pour cela." (SV III, 128)

CHAPITRE IV

LA PAUVRETÉ: SOLIDARITÉ AVEC LES PAUVRES

"Jésus-Christ, vrai Seigneur de tous les biens du monde, a embrassé la pauvreté d'une manière si particulière, qu'il n'avait pas où reposer sa tête et a mis ceux qui l'ont suivi en sa mission, à savoir ses apôtres et ses disciples, dans un semblable état de pauvreté, jusqu'au point de n'avoir rien en propre." (RC III, 1)

I. INTRODUCTION.

Le terme “pauvreté” n'est pas compris de la même façon par les théologiens, les sociologues ou ceux qui étudient les conseils évangéliques. Les réalités socio-économiques, qui diffèrent d'un continent à l'autre, donnent une teinte particulière au mot “pauvreté” dans chaque région. Néanmoins, tout en admettant des différences légitimes dans l'acception du mot et la pratique de la pauvreté, il subsiste un certain noyau commun de signification. Comme les autres conseils évangéliques, la pauvreté vincentienne trouve sa signification en référence à la mission, de telle sorte que la pauvreté de la Congrégation de la Mission est une pauvreté qui imite le Christ, Evangélisateur des pauvres, et qui est inspirée par la Mission et orientée vers celle-ci. Ce critère de base est la pierre de touche à l'aide de laquelle le missionnaire, par sa pauvreté personnelle, et la Congrégation, par sa pauvreté collective, découvrent une voie vincentienne authentique, lorsqu'ils sont confrontés aux différentes façons de comprendre et de pratiquer la pauvreté évangélique.

II. LA SITUATION ACTUELLE.

La pauvreté matérielle est la condition involontaire de la plus grande partie de l'humanité. Pour d'importantes tranches de la population dans tous les pays, la réalité quotidienne se ramène à la lutte pour obtenir les produits de première nécessité. L'analphabétisme, le chômage, la faim et la maladie continuent d'exister malgré toutes les récentes avancées technologiques. La souffrance de millions de personnes n'est pas un problème occasionnel provoqué par des individus isolés. Des sociétés et des économies ont institutionnalisé l'oppression, ouvertement ou secrètement. Selon ce que disait Paul VI: "Il y a certainement des situations dont l'injustice crie vers ciel" (Populorum progressio, 30). Pour les pauvres, la pauvreté est un mal auquel il faut chercher à échapper.

Alors que l'appauvrissement caractérise la vie d'un grand nombre, l'abondance existe pour quelques-uns. La société ressasse une constante invitation à posséder plus et à consommer davantage. L'accumulation et l'usage des biens sont parfois transformés en une valeur absolue sans aucune référence aux autres valeurs humaines ni aux besoins. L'usage de la richesse revêt un caractère purement privé, n'admettant aucune responsabilité sociale.

Les deux extrêmes de la richesse et de la pauvreté créent une tension pour les membres de la Congrégation. La misère de tant de nos frères et soeurs peut susciter en nous un ardent désir de vivre une forme de pauvreté que nous ne pouvons jamais espérer pouvoir réaliser pleinement. Alors que les pauvres font l'expérience de la vraie pauvreté, nos maisons et nos travaux établissent une distance entre leur vie et la nôtre. Cette situation tourmente la conscience de quelques membres de la communauté. Pour d'autres, cela engendre de l'indifférence à l'égard de la question du style de vie.

Les médias nous incitent constamment à adopter les valeurs que la majorité approuve. Vivre à l'aise est une possibilité attrayante qui devient facilement une fin en soi. L'idéologie d'une indépendance économique excessive, que saint Vincent chercha à écarter, n'est pas inconnue dans la Congrégation.

III. LE VOEU DE PAUVRETÉ.

Le voeu vincentien de pauvreté ne peut bien se comprendre qu'à la lumière de la décision de suivre Jésus, l'Evangélisateur des pauvres. Sous-jacente à toute réflexion sur ce voeu, nous retrouvons l'option fondamentale de donner sa vie en vue du Royaume. Sinon, la formule concrète du voeu de pauvreté, qui expose le minimum juridique que nous devons accomplir, tendrait à obscurcir le sens de notre consécration radicale pour la mission. Même si cela est envisageable au seul point de vue juridique, chercher à en faire le moins possible pour se tenir dans les strictes limites du voeu est une façon très discutable de vivre notre don personnel.

Historiquement, saint Vincent dut affronter le problème de créer une communauté, possédant des biens en commun, disponibles pour la mission, sans que cette communauté fût considérée comme “religieuse”. Le problème juridique de ne pas être assimilé à la vie religieuse et le problème pratique de ne pas diviser la communauté sur des critères économiques ont été résolus dans la formulation du voeu, expliquée dans le Statut Fondamental de Pauvreté.

La formulation traditionnelle du voeu déclare simplement: "Pour l'usage et la disposition des biens, il faut, en vertu de notre voeu, avoir l'autorisation du supérieur, selon nos Constitutions et Statuts" (C 34). La dépendance à l'égard du supérieur est la forme visible de la pratique de la pauvreté dans la Congrégation. Le vrai sens de la permission de pauvreté, outre le fait qu'elle constitue une aide pour le supérieur dans l'animation et le bon ordre de la vie commune, offre au missionnaire un moyen de discernement. "Mais, comme il ne suffirait pas, pour cultiver l'esprit de pauvreté, d'obtenir seulement l'autorisation du supérieur, il faut aussi que chacun examine attentivement ce qui est plus adapté et s'accorde davantage à notre vie et à notre ministère, dans le sens de l'esprit de notre Fondateur tel qu'il est exposé dans les Règles Communes" (C 34). Les besoins des pauvres, les engagements personnels et communautaires, les responsabilités pastorales, la tradition vincentienne et le Statut Fondamental de Pauvreté sont des critères, parmi d'autres, susceptibles d'éclairer la façon de prendre les décisions en matière de pauvreté.

IV. LA VERTU DE PAUVRETÉ.

Vivre la pauvreté vincentienne suppose que l'on modèle son existence sur l'exemple du Christ pauvre, qui évangélisa les plus abandonnés. Pour saint Vincent, la pauvreté missionnaire était le fruit de la contemplation de Jésus qui "se fit pauvre bien que riche, afin de nous enrichir par sa pauvreté" (2 Cor 8, 9 b). En pratiquant la pauvreté, les membres de la Congrégation "donneront l'évidence de leur entière dépendance de Dieu, et l'évangélisation des pauvres s'en trouvera elle-même fortifiée" (C 31).

Saint Vincent, fidèle à une longue tradition de l'Eglise, distingue la pauvreté intérieure de la pauvreté extérieure. Toutes deux sont nécessaires, aussi bien la pauvreté comme manière d'être que la pauvreté comme manière d'avoir. Sans une manifestation extérieure, la pauvreté spirituelle n'est pas crédible. Sans motivation spirituelle, la pauvreté matérielle peut souvent être funeste. "C'est ne rien faire, c'est se moquer et retenir le meilleur de renoncer extérieurement aux biens, retenant le désir d'en avoir" (SV XI, 247).

La libre décision d'accueillir le Royaume de Dieu relativise toutes les autres valeurs. Saint Vincent signale une motivation fondamentale de la pauvreté volontaire lorsqu'il nous rappelle qu'elle est "un renoncement, un délaissement, un abandon, une abnégation" (SV XI, 246). L'objectif de la pauvreté, son noyau intime, est de suivre Jésus librement et de participer à sa mission d'évangélisation des pauvres. Tous les usages, règlements et décisions pratiques concernant la pauvreté vincentienne en découlent. Le voeu ne nous engage pas seulement au minimum juridique de demandes de permissions; il nous stimule aussi à découvrir les moyens d'utiliser nos biens en vue d'accomplir notre vocation missionnaire.

La mission vincentienne nous situe dans le monde des pauvres. La solidarité avec nos frères et soeurs nous invite à un style de vie simple (C 33). "Personne ne recherchera les choses superflues ni les curieuses. Et, pour ce qui est des nécessaires, chacun réglera si bien ses inclinations en cela que son vivre, sa chambre et son lit soient accommodés en la manière qui convient à un pauvre" (RC III, 7). En écrivant cela, Vincent nous rappelait qu'il existe un lien étroit entre notre style de vie et notre ministère. La volonté d'abandonner le confort matériel et la sécurité, au moins dans une certaine mesure, rend le service des pauvres possible et crédible. C'est pourquoi saint Vincent a appelé la pauvreté le "fort imprenable" de la Congrégation (RC III, 1). D'un côté, un style de vie simple fait connaître aux marginalisés notre désir de les accompagner dans la solidarité. D'autre part, il interpelle une société qui marginalise les pauvres et les abandonne à leur sort.

La pauvreté vincentienne favorise une communauté de service. La dimension communautaire de notre vocation va au-delà d'une simple mise en commun de nos biens matériels. En effet, nos biens communs sont destinés à promouvoir l'union fraternelle, de sorte qu'il soit pourvu aux nécessités de chaque membre, que l'assistance mutuelle soit une réalité concrète et que disparaissent les inégalités et les divisions d'ordre économique (C 32, 35). Nous partageons nos biens de façon à être unis dans le service des pauvres.

Nos objectifs apostoliques communs exigent que la Congrégation de la Mission possède et utilise des biens matériels en vue de l'évangélisation des pauvres. Dans ce contexte, la pauvreté implique une sage administration des biens. Reconnaissant que "nous vivons du patrimoine de Jésus-Christ, de la sueur des pauvres gens" (SV XI, 201), la Congrégation cherche à utiliser ses biens avec générosité en leur faveur (C 33). En même temps, tous les confrères sont responsables de la sauvegarde et du bon entretien des biens qui leur sont confiés.

Notre proximité avec les pauvres nous demande d'assumer, autant que possible, une certaine part de leur condition. "Nous devrions toujours penser, quand nous allons au réfectoire :'Ai-je gagné la nourriture que je vais prendre ?' " (SV XI, 201). Tout comme les pauvres doivent travailler pour gagner de quoi vivre, de même les missionnaires sont tenus par la loi universelle du travail, en accord avec la finalité de la Congrégation et avec le Projet communautaire (C 32, §1).

V. LE STATUT FONDAMENTAL DE PAUVRETÉ.

Dès les débuts de l'histoire de la petite Compagnie, saint Vincent songea à formuler des directives concernant la pauvreté. La prudence lui suggéra qu'il était judicieux de distinguer entre les biens personnels d'un confrère et ceux de la communauté. L'expérience révéla le besoin de clarifier la nature de la pauvreté vincentienne en termes juridiques. Après plusieurs tentatives, Vincent obtint du Pape Alexandre VII, en 1659, le Bref "Alias Nos". Ce statut garde encore sa valeur normative, conformément à nos Constitutions (C 35).

Etant donné que les membres de la Congrégation peuvent posséder des biens, la préoccupation de saint Vincent fut d'éliminer la possibilité de distinctions d'ordre économique dans la communauté et de favoriser la liberté pour le service. Le Statut Fondamental y contribua. L'Assemblée Générale de 1980, prenant acte des transformations économiques survenues depuis le dix-septième siècle, a donné une interprétation de ce Statut. Cette interprétation ne change rien au Statut; elle en a au contraire rendu les obligations plus explicites.

Le Statut Fondamental fait mention des biens immobiliers. Cette notion remonte à une époque où la terre, véritable propriété, était la principale source de revenus. Le terme biens immobiliers signifie littéralement des "avoirs qui ne peuvent être déplacés" (une bâtiment ou un champ, par ex.) ou des choses qui, matériellement, peuvent être déplacées, mais que la loi considère comme fixes (une porte ou une fenêtre, par ex.). Les biens meubles sont des avoirs personnels qui peuvent être déplacés (mobilier, livres, argent, etc.).

Le Statut vise les biens qui produisent des revenus. Il déclare que les missionnaires gardent la propriété de leurs biens immobiliers. Cependant, ils n'en ont pas le libre usage et il leur faut la permission du supérieur pour en disposer. Le Bref "Alias Nos" n'a fait aucune allusion aux biens meubles. Mais au dix-septième siècle, des institutions comme les comptes en banque, les valeurs, les bons et obligations et autres marchés monétaires n'étaient pas connus par la population en général comme des sources d'enrichissement. Aussi, dans son explication du Statut, l'Assemblée Générale de 1980 a considéré certains biens meubles comme sources de revenus ou comme l'équivalent de biens immobiliers. Autrement dit, l'Assemblée a interprété le Statut pour déclarer ceci: les confrères gardent la propriété de leurs biens productifs, meubles ou immobiliers, mais ils doivent obtenir la permission du supérieur pour en disposer.

Les membres de la Congrégation de la Mission n'ont pas de permission à demander pour l'entretien de leurs biens personnels (réparations, etc.) et ils peuvent en disposer, comme ils le veulent, par testament. Cependant, d'après le Statut, un missionnaire ne peut employer le produit de ces biens (intérêts, rentes, dividendes, ...) pour son usage personnel qu'avec la permission du supérieur. C'est une norme permissive, "il s'agit là d'une simple concession et nullement d'une orientation positive recommandée" (Interprétation, A 4). En réalité, saint Vincent, commentant le Statut, déclara: "L'usage de ces biens n'est point au particulier, il n'en a point besoin, la Compagnie lui fournit ses nécessités" (SV XII, 383).

Les membres de la Congrégation qui possèdent des biens personnels doivent en dépenser le produit ou les revenus en oeuvres pies (oeuvres de charité ou de bienfaisance sociale, etc.) et, surtout, en faveur de parents ou d'autres membres de leur famille dans le besoin (“Alias Nos”). Les Constitutions ajoutent que nos biens personnels doivent également être utilisés pour les autres membres de la communauté, "évitant toute différence entre nous" (C 35). Ces normes positives viennent compléter les règles négatives formulées par le Statut, non seulement en nous recommandant d'éviter d'amasser des richesses mais en nous encourageant à utiliser nos biens en faveur des autres.

L'explication du Statut Fondamental (B 4) rappelle que nos Constitutions mettent en lumière la dimension communautaire de la pauvreté vincentienne (C 32, §2). Les fruits du travail de chacun (honoraires, salaires, droits d'auteur, ...) appartiennent à la Congrégation. De plus, les avantages attribués à un confrère après son incorporation, comme les pensions, les assurances ou la sécurité sociale, deviennent propriété de la communauté. Cela est une conséquence de notre engagement à former une communauté de biens et à contribuer au bien-être des autres confrères.

Le Statut Fondamental de Pauvreté (“Alias Nos”) et son explication par l'Assemblée Générale de 1980 offrent des directives pratiques pour vivre la pauvreté. Mais ce ne sont pas les seuls points de référence pour notre pratique de la pauvreté (B 4). Pour comprendre l'esprit et la visée du Statut, nous devons aussi prendre en compte:

- notre engagement à l'évangélisation des pauvres;

- l'esprit de pauvreté (cf. SV XII, 377-386; RC III, 4, 7);

- la communauté de biens (RC III, 3, 4, 5, 6);

- la conformité de notre vie avec celle des pauvres (cf. RC, III 7);

- la loi universelle du travail (cf. SV XI 201 ss.);

- le fait que les fruits de notre travail sont des biens de la communauté;

- le fait, enfin, que les biens de la communauté sont à considérer comme le patrimoine des pauvres et qu'il ne nous est pas permis, individuellement ou collectivement, de laisser des biens improductifs ou sans les placer, avec pour conséquence de n'être d'aucun profit pour les pauvres.

VI. VIVRE LA PAUVRETÉ.

Eviter l'accumulation des biens. Le but de notre pauvreté est de nous rendre libres pour la mission. Saint Vincent savait que l'attachement aux biens matériels est un danger:"... alors on pourra dire adieu à tous les exercices de la Mission et à la Mission même ..." (SV XI, 79). Un style de vie simple est un moyen pratique d'échapper à la tentation de dépenser nos forces à l'édification de notre fortune personnelle ou au maintien d'une vie confortable. Nous devons vouloir ressentir "la morsure de la pauvreté", même lorsqu'il existe d'autres possibilités.

Utiliser nos biens pour les autres. Notre voeu nous permet de garder la propriété de nos biens personnels. Les circonstances concrètes de notre vie apostolique exigent que la communauté dispose de ressources matérielles. Puisque nous ne renonçons pas totalement aux biens matériels, la pratique de la pauvreté dépend de la façon dont nous faisons usage de ce que nous avons. Le grand danger serait que nos propriétés personnelles et les biens de la communauté ne se trouvent orientés que vers la satisfaction de nos besoins et de nos exigences personnels. La générosité dans la disposition de nos biens (et aussi de notre temps et de nos compétences) favorise l'esprit de détachement et la liberté.

Contact personnel avec les pauvres et sensibilité à leur égard. Même si notre mission auprès des pauvres n'existe pas d'abord pour que nous en tirions un profit personnel, l'insertion dans leur monde nous aide à transformer notre regard et notre vie. Les pauvres ne manquent pas seulement du superflu; souvent ils manquent même des nécessités matérielles de base. Ils sont victimes de l'injustice institutionnalisée, de l'oppression et des inégalités économiques scandaleuses. Le contact personnel nous rend sensibles à leur souffrance, à leurs espoirs et à leurs désirs. Il nous met en mesure d'être enseignés par leurs exemples de générosité au milieu de leurs privations et de leur détresse. Les pauvres peuvent nous évangéliser en faisant passer notre charité d'un exercice privé de compassion à une solidarité concrètement vécue.

Rester dépendant de la communauté. Selon les Constitutions, "les administrateurs pourvoiront volontiers aux besoins des confrères en tout ce qui concerne leur vie, leur office particulier et leur activité apostolique" (C 154 § 2). La dépendance à l'égard de la communauté, vécue en adultes, stimule un esprit fraternel d'intérêt les uns pour les autres et de partage de la vie. La dépendance se vit aussi dans le recours aux permissions nécessaires. Pratiquement, cela implique que chaque province précise clairement le genre de dépenses pour lesquelles il faut demander la permission du supérieur. Quand, par exemple, des provinces remettent une allocation mensuelle aux confrères, il doit y avoir des règles claires pour déterminer le montant de cette allocation et les usages qui peuvent en être faits. Il doit exister aussi des normes concrètes relatives aux permissions nécessaires pour les dépenses faites avec l'argent personnel, car cet argent doit être utilisé en conformité avec le Statut Fondamental de Pauvreté, tel qu'il a été expliqué par l'Assemblée Générale de 1980.

Soutenir la communauté. La pauvreté communautaire ne consiste pas seulement à recevoir de la part de la communauté. Le souci du bien-être de ses autres membres constitue, pour chacun, le revers de la pièce. Les honoraires, indemnités et autres rémunérations pour le travail apostolique fait au nom de la communauté, ne sont pas des émoluments reçus pour des travaux personnels. Ils doivent être remis pour le bien de tous les membres de la communauté, comme une expression de notre sollicitude et de notre esprit fraternel à l'égard des autres membres de la Congrégation.

Procéder à de fréquentes évaluations. Suivre le Christ pauvre en tant que missionnaires implique une continuelle conversion. La pratique de la pauvreté étant une "condition de renouvellement et un signe du cheminement de notre vocation à la fois dans l'Eglise et dans le monde" (S 18), de fréquentes évaluations de notre pratique personnelle et communautaire de la pauvreté seront un moyen de nous acheminer vers une transformation permanente. Les rencontres destinées à l'établissement du projet communautaire et à l'examen du budget sont deux moments propices à la révision de notre façon d'utiliser les biens matériels à la lumière des Constitutions, des normes provinciales et des besoins des pauvres.

LA PAUVRETÉ: SOLIDARITÉ AVEC LES PAUVRES

- Quelques textes utiles pour la méditation -

1. "Je vous ferai envoyer les images et les livres que vous désirez; mais je pense vous devoir dire, Monsieur, que nous sommes en un temps auquel il ne faut faire de dépense qui ne soit nécessaire. La misère publique nous environne de tous côtés. Il est à craindre qu'elle vienne jusqu'à nous; et, quand elle n'y viendrait pas, la compassion y doit entrer pour ceux qui la souffrent. Peut-être serez-vous d'avis, après que vous aurez fait vos provisions et pris connaissance de tous les besoins voisins et domestiques, de ménager le peu de fonds que vous avez trouvés." (SV IV 277-278)

2. "Tout ce que Dieu fait, il le fait pour le mieux; et, partant, nous devons espérer que cette perte (de la ferme d'Orsigny) nous sera profitable, puisqu'elle vient de Dieu. Toutes choses tournent en bien aux hommes justes; et nous sommes assurés que, recevant les adversités de la main de Dieu, elles se convertissent en joie et en bénédiction. Je vous prie donc, Messieurs et mes Frères, de remercier Dieu de l'événement de cette affaire, de la privation de ce bien et de la disposition dont il nous a prévenus pour agréer cette perte pour son amour. Elle est grande; mais sa Sagesse adorable saura bien la faire tourner à notre profit par des manières qui nous sont inconnues à présent, mais que vous verrez un jour. Oui, vous le verrez, et j'espère que la bonne façon avec laquelle vous vous êtes tous comportés en cet accident si peu attendu servira de fondement à la grâce, que Dieu vous fera à l'avenir, de faire un parfait usage de toutes les afflictions qu'il lui plaira vous envoyer." (SV VII 251-252)

3. "Nous ferions un grand scandale, après un arrêt si solennel, de plaider pour le détruire. On nous blâmerait de trop d'attache au bien, qui est le reproche qu'on fait aux ecclésiastiques, et, nous faisant tympaniser (= décrier hautement) dans le palais, nous ferions tort aux autres communautés et serions cause que nos amis seraient scandalisés en nous.

Nous avons sujet d'espérer, Monsieur, que, si nous cherchons le Royaume de Dieu, comme dit l'Evangile, rien ne nous manquera et que, si le monde nous ôte d'un côté, Dieu nous donnera de l'autre, ainsi que nous l'avons même éprouvé depuis que la grande chambre nous a ôté cette terre; car Dieu a permis qu'un conseiller de la même chambre, étant venu à mourir, nous a laissé quasi autant que ce bien-là vaut." (SV VII 406)

4. "Or donc, la pauvreté est un renoncement volontaire à tous les biens de la terre, pour l'amour de Dieu, et ce afin de le mieux servir et songer à son salut; c'est un renoncement, un délaissement, un abandon, une abnégation. Ce renoncement est extérieur et intérieur, non pas seulement extérieur. Il ne faut pas renoncer seulement à l'extérieur à tous ses biens; il faut que ce renoncement soit intérieur; il faut qu'il parte du coeur. Avec les biens il faut encore quitter l'attachement et l'affection envers les biens, n'avoir point du tout d'amour pour les biens périssables de ce monde. C'est ne rien faire, c'est se moquer et retenir le meilleur de renoncer extérieurement aux biens, retenant le désir d'en avoir. Dieu demande principalement le coeur, le coeur, et c'est le principal." (SV VI 246-247)

5. "Si nous avons des biens, nous n'en avons pas l'usage, et c'est en cela que nous sommes semblables à Jésus-Christ qui, ayant tout, n'avait rien; il était le maître et le seigneur de tout le monde, il a fait les biens qui y sont; cependant, il a voulu, pour l'amour de nous, se priver de l'usage; bien qu'il fût le seigneur de tout le monde, il s'est fait le plus pauvre de tous les hommes, il en a eu même moins que les moindres animaux:'Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel des nids; mais le Fils de l'homme n'a pas de pierre où reposer sa tête' (Mt VIII 20). O Sauveur! O Sauveur! que deviendrons-nous si nous nous attachons aux biens de la terre ? Que deviendrons-nous après l'exemple de la pauvreté du Fils de Dieu ? Ah! que ceux qui ont des biens n'en désirent pas l'usage, s'ils y ont renoncé; et que ceux qui n'en ont point n'en veuillent point avoir!" (SV XI, 224-225)

6. "Voilà donc, Messieurs, les deux raisons qui nous doivent faire observer le voeu de la sainte pauvreté: parce que nous en avons donné parole au supérieur et à Dieu. La troisième qui m'est venue en pensée, c'est que sans cette vertu il est impossible de vivre en repos dans une communauté comme la nôtre; et non seulement il est impossible d'y bien vivre, mais même d'y persévérer longtemps, cela est impossible. Je dis donc, Messieurs, en troisième lieu, qu'il est extrêmement difficile, voire impossible, qu'une personne qui a en tête le désir d'en avoir puisse s'acquitter entre nous de son devoir et vivre selon les règlements qu'il a embrassés et suivre le train ordinaire de la Compagnie. Et comment est-ce qu'un homme qui ne songe qu'à ses plaisirs, qu'à se donner au coeur joie, qu'à faire bonne chère, qu'à passer joyeusement le temps (car voilà ce que prétendent ceux qui ont ce désir insatiable du bien), comment est-ce qu'une telle personne pourrait exactement faire les fonctions de la Mission ? Cela ne se peut." (SV XI 237)

O Sauveur! Est-ce là être missionnaire ? C'est un diable, non pas un missionnaire. Son esprit est l'esprit du monde. Il est déjà dans le monde de coeur et d'affection, et la carcasse est dans la Mission. Chercher ses aises, prendre ses plaisirs, vivre à gogo, se faire estimer, voilà l'esprit du monde, et voilà ce qu'il demande; c'est là son esprit." (SV XI 240-241)

7. "Tantôt je songeais en moi-même s'il était vrai que la pauvreté fût si belle et quelle devait être la beauté d'une telle vertu que saint François de Sales appelait sa dame. Combien elle est ravissante! Il m'a semblé qu'elle était douée de tant d'excellence que, si nous pouvions avoir le bien de la voir tant soit peu, nous serions d'abord épris de son amour, et jamais nous ne voudrions nous en séparer, nous ne la quitterions jamais et nous la chéririons par-dessus tous les biens du monde. Oh! si Dieu nous faisait la grâce de tirer le rideau qui nous empêche de voir une telle beauté; oh! s'il levait, par sa grâce, tous les voiles que le monde et notre amour-propre nous jettent devant les yeux, hélas! Messieurs, nous serions tout d'abord ravis des charmes de cette vertu, qui a ravi le coeur et les affections du Fils de Dieu. Cela a été la vertu du Fils; il a voulu l'avoir en propre; il a été le premier qui l'a enseignée; il a voulu en être le maître. Devant lui on ne savait ce que c'était que la pauvreté; elle était inconnue. Dieu n'a pas voulu nous l'apprendre par les prophètes; il se l'est réservée, et lui-même il est venu nous l'enseigner. En la loi ancienne, on ne la connaissait point; les richesses étaient seules estimées; on ne faisait aucun cas de la pauvreté, ne connaissant pas son mérite." (SV XI 245)

8. "L'état des missionnaires est un état apostolique qui consiste, comme les apôtres, à tout quitter et abandonner pour suivre Jésus-Christ et se rendre vrais chrétiens; et c'est ce qu'ont fait plusieurs de la Compagnie, qui ont quitté leur cure pour venir ici vivre en pauvreté, et par conséquent chrétiennement; et, comme me disait un jour une certaine personne, il n'y a que le diable qui puisse trouver à redire à la Mission; s'en aller, par exemple, de village en village pour aider le pauvre peuple à se sauver et à aller en paradis, comme vous voyez que l'on fait. Voilà, par exemple, le bon Monsieur Tholard qui y est à présent, M. l'abbé de Chandenier aussi, et où même il faut qu'ils couchent sur la paille." (SV XI 163)

9. "Nous désirons tous être disciples de Notre-Seigneur. Or, avez-vous senti, dès votre vocation à son service, cet amour et cette affection vers la sainte pauvreté ? Pour cela, nous nous sommes donnés à Dieu pour être ses disciples, et on ne le peut être sans cela, sans embrasser la pauvreté; si on ne l'a pas fait, on ne peut être aussi disciple de Notre-Seigneur que si on l'a fait; mais aussi, si nous ne l'avions pas fait assez purement, assez parfaitement, faisons-le maintenant et donnons-nous à Dieu pour embrasser le plus parfaitement que nous pourrons cet état de pauvreté." (SV XII 389)

10. Dans un entretien à sa communauté, Monsieur Vincent dit que les missionnaires seraient bien heureux s'ils devenaient pauvres pour avoir exercé la charité envers les autres, mais qu'ils n'avaient pas à craindre de le devenir par cette voie, à moins de se défier de la bonté de Notre-Seigneur et de la vérité de sa parole.

Si néanmoins Dieu permettait qu'ils fussent réduits à la nécessité d'aller servir de vicaires dans les villages pour trouver de quoi vivre, ou bien même que quelques-uns d'entre eux fussent obligés d'aller mendier leur pain, ou de coucher au coin d'une haie, tout déchirés et tout transis de froid, et qu'en cet état l'on vînt à demander à l'un d'eux :"Pauvre prêtre de la Mission, qui t'a réduit à cette extrémité ?", quel bonheur, Messieurs, de pouvoir répondre :"C'est la charité"! Oh! que ce pauvre prêtre serait estimé devant Dieu et devant les anges! (SV XI 76-77)

CHAPITRE V

L'OBÉISSANCE: DISCERNEMENT POUR LA MISSION

"Il y a quelque chose de grand et de divin en cette vertu, puisque Notre-Seigneur l'a tant aimée depuis sa naissance jusqu'à sa mort, puisqu'il a fait toutes les actions de sa vie par obéissance." (SV XII 426)

I. INTRODUCTION.

Saint Vincent souhaitait que ses missionnaires fussent obéissants comme Jésus qui fit toujours la volonté de son Père. Aussi, notre obéissance est une recherche incessante pour parvenir à des décisions par rapport à nos objectifs personnels et aux projets communautaires, à la lumière du plan de salut de Dieu. Comme membres d'une communauté qui fait profession de se donner à Dieu pour évangéliser les pauvres, nous devons faire du discernement de la volonté de Dieu l'une des caractéristiques essentielles de nos vies. Cette recherche marque profondément notre relation à Dieu et elle nous établit aussi dans un rapport très proche avec les autres, puisque nous nous efforçons d'écouter ensemble la voix du Seigneur.

II. LA SITUATION ACTUELLE.

La complexité de la vie moderne offre un contexte nouveau pour vivre l'obéissance évangélique. Il y a une prise de conscience grandissante de la valeur de la personne humaine et des droits des individus. Nous sommes de plus en plus conscients de l'importance de la libre expression et de la nécessité d'être partie prenante dans les décisions qui affectent nos vies. Partout, les gens réclament le respect de la diversité des opinions, idées, cultures et façons de faire, et ils revendiquent le droit de questionner ou de critiquer l'autorité. Le principe de subsidiarité, qui reconnaît l'autonomie légitime des personnes et des institutions, a revêtu une nouvelle importance alors que les méthodes autocratiques cèdent la place, dans la société, à des styles démocratiques de gouvernement. Même si ces idées sont fréquemment mieux accueillies dans les discours que dans les faits, elles n'en constituent pas moins le fondement de la façon de penser contemporaine.

Cette réalité a cependant un côté négatif. Un sens déformé de la liberté personnelle, qui souligne les droits et minimise les responsabilités, favorise l'égoïsme et crée une ambiance d'individualisme outré. Les abus de pouvoir, qui se manifestent sous forme de trahison de la confiance publique ou de manque de respect des droits de l'homme, ou même l'oppression directe, ont conduit certains à regarder l'autorité avec méfiance et d'autres à faire preuve, face au pouvoir, d'une passivité inerte.

La Congrégation n'est pas restée insensible aux évolutions contemporaines de la société. Des pas importants ont été faits pour promouvoir le dialogue et la participation aux décisions communautaires. Nos Constitutions nous invitent explicitement à un esprit de responsabilité mutuelle (C 96, 97). Mais il arrive parfois que des problèmes surgissent dans la façon de la vivre. Certaines communautés locales rencontrent encore des difficultés dans la recherche des moyens susceptibles de favoriser la communication. Une liberté personnelle plus grande a, parfois, conduit certains confrères à assurer leur sécurité personnelle et à se choisir des ministères correspondant davantage à leurs préférences personnelles qu'à l'appel communautaire à la mission.

A la suite de l'expansion de la Congrégation dans des régions du monde où il y a des cultures très différentes (par exemple, en Asie et dans des pays de l'hémisphère sud), nous nous sommes trouvés confrontés à d'autres conceptions de l'autorité. Cela a créé une certaine discordance entre les notions occidentales de l'obéissance et les façons dont d'autres traditions culturelles procèdent dans la prise des décisions. Il faudra beaucoup de délicatesse pour découvrir la meilleure façon de comprendre la signification essentielle de l'obéissance dans ces situations nouvelles.

III. LE VOEU D'OBÉISSANCE.

Dans la Congrégation, nous nous consacrons à la mission évangélisatrice de Jésus. Cette intuition centrale est le fondement de notre voeu d'obéissance. Suivre le Christ, Evangélisateur des pauvres, entraîne l'engagement "d'obéir avec empressement à la volonté du Père qui se manifeste à nous de multiples façons" (C 36). Plutôt que d'ajouter quelque chose de facultatif, le voeu rend explicite un élément essentiel de notre vocation.

Nos nouvelles Constitutions mettent en évidence l'orientation communautaire de l'obéissance vincentienne et sa finalité missionnaire. "La participation à ce mystère de l'obéissance du Christ exige que nous recherchions tous, communautairement, la volonté du Père" (C 37 §1). L'obéissance comporte une recherche consciente du sens de notre mission ainsi que des moyens spécifiques de nous en acquitter. Ce genre de discernement est de la responsabilité de chaque membre de la Congrégation (C 96).

Puisque l'Esprit de Dieu s'exprime à travers tous, l'autorité dans la Congrégation, qui est une fonction de recherche et d'action selon la volonté de Dieu, s'exerce dans un esprit de dialogue et de concertation (C 97). Les supérieurs ont la tâche délicate de favoriser le discernement de la volonté de Dieu et la responsabilité ultime dans les prises de décision. "Ils engageront le dialogue", mais ils gardent "leur propre pouvoir de décider et de prescrire ce qu'il y a lieu de faire" (C 97, §2). "En vertu du voeu d'obéissance, nous sommes tenus à obéir au Souverain Pontife, au Supérieur Général, au Visiteur, au Supérieur de la maison et à ses suppléants, qui nous donnent des ordres conformes à nos Constitutions et Statuts" (C 38, §1). Cela signifie que les membres de la Congrégation "s'efforceront, dans la mesure de leurs moyens, d'obéir aux Supérieurs promptement, gaiement, avec persévérance" (C 37, §2).

IV. LA VERTU D'OBÉISSANCE.

Au coeur de la mission rédemptrice de Jésus se situe son obéissance inconditionnelle au Père. Cette obéissance filiale est la conséquence immédiate d'une vie entièrement consacrée au Royaume de Dieu. L'obéissance du Christ est passive en ce sens qu'il se soumet à la condition humaine et accepte la souffrance et la mort. Mais elle est surtout active parce qu'il s'offre sans cesse pour faire la volonté de son Père.

En la personne de Jésus, saint Vincent a vu non seulement un modèle à admirer, mais également un exemple à suivre. Se mettre à la suite du Christ signifie entrer dans le mystère de sa vie et accepter sa mission. Placé face à l'exemple du Maître, le missionnaire est appelé à identifier totalement sa vie au Règne de Dieu. Convaincu que le Royaume est une oeuvre et un don de Dieu, saint Vincent recommandait de ne jamais devancer la Providence (SV I, 68, 69). Mais il voulait aussi que la Congrégation fût prête à coopérer activement avec la volonté du Père dans les situations historiques :"Quand il sera question de faire quelque bonne oeuvre, dites au Fils de Dieu :'Seigneur, si vous étiez en ma place, comment feriez-vous en cette occasion ?'" (SV XI, 348)

L'obéissance missionnaire est le don de soi-même, dans une pleine disponibilité, pour l'évangélisation des pauvres. Cette option fait du Règne de Dieu et de son irruption dans la vie des pauvres le premier point de référence pour notre vie. L'obéissance entraîne le missionnaire à moins s'arrêter à ses propres désirs et elle le libère de telle sorte qu'il se préoccupe davantage de la volonté libératrice de Dieu à l'égard des pauvres. La liberté qui résulte de notre pleine identification aux points de vue de Dieu rend l'obéissance prophétique. Lorsque la fidélité à Dieu devient notre principale motivation, toutes nos autres motivations et nos autres projets deviennent secondaires. L'obéissance est un défi non seulement pour nos désirs et nos objectifs personnels, mais également pour ceux de la société en général.

Puisque nous connaissons ordinairement la volonté de Dieu à travers les médiations humaines, l'obéissance exige une démarche de discernement. Le missionnaire doit écouter la voix de Dieu non seulement dans son coeur; en même temps, il doit prêter attention à la façon dont Dieu parle à travers les besoins des pauvres, les signes des temps, l'Eglise, la communauté et les autorités légitimes. L'écoute attentive est un projet de nature communautaire qui nous enjoint de dialoguer en toute sincérité, comme des frères, et de rechercher ensemble la volonté de Dieu. L'obéissance exige encore que, après le dialogue, nous mettions à exécution, dans des projets et des actions concrets, ce que nous percevons comme étant la volonté de Dieu.

Au titre de la dimension communautaire de notre obéissance, des charges d'autorité sont confiées à certains membres de la Congrégation, en vue de promouvoir le bon accomplissement de notre mission. L'exercice responsable de cette autorité oblige les supérieurs à rechercher toujours la volonté de Dieu de concert avec les autres confrères. Ni les supérieurs ni les autres membres n'ont le droit d'identifier leur volonté personnelle avec la volonté de Dieu, ni de préférer des projets personnels à la mission de la communauté. Lorsqu'ils prennent des décisions personnelles, tous les missionnaires doivent tenir compte de la communauté et de ses avis. Lorsque nous cherchons à établir un consensus sur des décisions concernant notre vie et notre ministère, il arrive que, pour diverses raisons, ce ne soit pas toujours possible. Même si nous ne sommes pas pleinement d'accord, notre obéissance signifie la volonté d'accepter et soutenir les décisions prises par la communauté ou par ceux qui sont en charge de l'autorité. Cela implique aussi que nous assumions notre responsabilité par rapport aux engagements et décisions adoptés communautairement.

V. VIVRE L'OBÉISSANCE.

Lien avec Jésus. Jésus, toujours obéissant au Père, est la source d'inspiration de notre obéissance. Une union intime avec le Christ, par la prière et l'attention à sa Parole, joue un rôle clef dans l'obéissance à la volonté de Dieu. Il nous appelle à suivre, avec docilité, les impulsions de l'Esprit. Nous devons constamment remettre en question nos idées, nos opinions et notre action en fonction des valeurs du Royaume.

Attention aux Signes des Temps. Puisque la présence de Dieu se manifeste dans les situations concrètes de la vie, il faut absolument que nous comprenions le monde et, particulièrement, la situation des pauvres. Un contact étroit avec les pauvres nous met en mesure d'écouter avec eux Dieu qui est présent au coeur de leur souffrance. L'étude et l'analyse de la société sont des moyens indispensables pour découvrir les signes des temps.

Dialogue simple. Puisque la volonté de Dieu est rarement évidente par elle-même, le dialogue est nécessaire pour vivre l'obéissance. Une communication franche entre tous les membres de la communauté, surtout avec les supérieurs, rend possible un vrai discernement. Les membres de la Congrégation doivent tirer parti des structures déjà existantes, telles que les projets provinciaux et locaux, les rencontres, les consultations, les visites, etc. De plus, d'autres moyens susceptibles d'améliorer la communication et le discernement devraient être mis en place.

Initiative Responsable. L'inventivité et l'initiative font partie d'une réponse créative aux appels de Dieu dans l'histoire. Dès le temps de la formation initiale, même, il faut développer l'esprit de responsabilité personnelle et le respect des différences légitimes. Tout à la fois, le missionnaire obéissant doit savoir comment soumettre sa créativité et ses initiatives aux nécessités des pauvres, au bien de la communauté et aux décisions des supérieurs. La responsabilité mutuelle à l'égard du projet communautaire local sera un témoignage de notre solidarité et de notre obéissance.

Humilité. L'obéissance est fille de l'humilité. Seuls ceux qui sont humbles, comme le sont les pauvres, peuvent mettre de côté leurs opinions personnelles pour écouter la sagesse des autres. Seule l'humilité empêche la prophétie de tomber dans l'auto-justification. L'humilité nous remet en mémoire que la quête de la volonté de Dieu est une entreprise permanente dans laquelle personne ne peut prétendre avoir toujours la réponse pertinente.

Mortification. Obéir à la volonté de Dieu exige parfois du renoncement. Il arrive que Dieu dérange nos projets et nous demande d'abandonner nos priorités personnelles, en vue du Royaume. La volonté de sacrifier ses propres désirs au bien de la mission et aux besoins des pauvres rend l'obéissance à la fois difficile et lourde de signification. Curieusement, l'une des situations où il peut être très difficile de faire preuve d'obéissance est lorsque l'on doit accepter d'assumer une fonction de responsabilité.

Formation à l'Autorité. Puisque les supérieurs ont la responsabilité particulière de promouvoir le discernement et non pas seulement le bon ordre, ils doivent se préparer au ministère de l'autorité. Les Provinces doivent prévoir les moyens nécessaires à la préparation des supérieurs locaux pour le service des confrères.

L'OBÉISSANCE: DISCERNEMENT POUR LA MISSION

- Quelques textes utiles pour la méditation -

1. "Notre-Seigneur Jésus-Christ nous a enseigné l'obéissance de parole et d'exemple, l'ayant bien voulu exercer sur la terre à l'égard de la très Sainte Vierge, de saint Joseph et des autres personnes constituées en dignité, soit bonnes, soit mauvaises; nous obéirons exactement à nos supérieurs et à chacun d'eux, les regardant en Notre-Seigneur et Notre-Seigneur en eux; principalement à Notre Saint Père le Pape, auquel nous obéirons avec tout le respect, la fidélité et la sincérité possibles. Nous rendrons aussi humblement et fidèlement obéissance, selon notre Institut, à Nosseigneurs les Illustrissimes et Révérendissimes Evêques dans les diocèses desquels nous sommes établis. De plus, nous n'entreprendrons rien dans les églises paroissiales, sans le consentement de Messieurs les Pasteurs." (RC V, 1)

2. "Comment faire donc pour ne pas perdre notre temps et nos peines ? C'est de n'agir jamais par mouvement de notre propre intérêt ou fantaisie, mais nous accoutumer à faire la volonté de Dieu en tout, voyez-vous, en tout, et non pas en partie. C'est cette grâce sanctifiante qui rend l'action et la personne agréables à Dieu. Quelle consolation de penser, quand je garde mes règles, que je m'acquitte de mes emplois, que j'obéis aux supérieurs et que je m'élève à Dieu pour lui offrir toutes ces choses, que c'est ainsi que je me rends incessamment agréable à Dieu! C'est donc la grâce sanctifiante qu'il faut demander, posséder, et mettre en usage; autrement, tout est perdu.

"Plusieurs me diront, disait Jésus-Christ, et je vous en parlais dernièrement :'Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé, chassé les démons et fait plusieurs vertus en votre nom ?' "- Jamais je ne vous ai connus, leur répondra-t-il: allez, vous qui faites iniquité." - "Mais, Seigneur, appelez-vous oeuvres iniques les prophéties et les miracles que nous avons faits en votre nom ?" - "Départez-vous de moi, méchants, je ne vous connais point." - "Et qui seront donc ceux qui entreront au Royaume des Cieux ?" - "Ce seront ceux qui feront la volonté de mon Père qui est aux Cieux." (Mt VIII, 21-23)

Jamais donc notre Seigneur ne dira à une personne qui se sera étudiée à suivre toujours son bon plaisir: "Je ne vous connais point." Au contraire, c'est celui-là qu'il fera entrer en sa gloire. O Sauveur, faites-nous la grâce de nous remplir de cette affection, pour ne porter aucun fruit sauvage, mais que toutes nos productions se fassent pour vous et par vous, pour être agréables aux yeux de votre Père; faites-nous entrer, s'il vous plaît, dans cette fidélité et actuer toujours nos oeuvres selon votre volonté.

Donnons-nous à Dieu, mes frères, pour faire attention et demeurer fermes en cela; car, en ce cas, quel sujet n'aurons-nous pas de louer Dieu ? De quel oeil ne regardera-t-il pas la Compagnie en général et chacun en particulier ? Oh bien! in nomine Domini. En voilà bien assez pour les motifs qui nous obligent à nous rendre familière la pratique de faire la volonté de Dieu en toutes choses et pour nous faire résoudre à suivre cette maxime de notre Seigneur: Cibus meus est ut faciam voluntatem ejus qui misit me. (Jn 4, 34)" (SV XII, 156-157)

3. "Nous devons nous donner à lui sans remise et sans réserve tout à cette heure, à ce qu'il ait agréable de nous disposer à cette vie des élus, qu'il éloigne de nous tant de propres volontés et de recherche de nos propres satisfactions qui empêchent que Dieu réside paisiblement et absolument en nous. A quoi tient-il que nous ne fassions présentement tous ensemble cet acte d'abandon à sa divine bonté ? Disons-lui donc: "O le roi de nos coeurs et de nos âmes, nous voici humblement prosternés à vos pieds, tout dédiés à votre obéissance et à votre amour; nous nous consacrons de nouveau et entièrement et pour toujours à la gloire de votre Majesté; et nous vous supplions de toutes nos forces d'établir votre règne sur la Compagnie et de lui faire la grâce qu'elle vous réfère le gouvernement d'elle-même et que nul ne s'en écarte, pour être ainsi tous conduits selon les conduites de votre Fils et de vos sujets." (SV XII, 134)

4. "Prions le Seigneur, mes frères, qu'il nous fasse la grâce de nous mettre en cet état-là, pour être toujours sous la conduite de Dieu, qu'il nous mène par la main et qu'il nous conduise devant sa Majesté. O mon Sauveur, faites que nous n'ayons aucune attache, non plus qu'une bête de charge, qui n'affecte de porter une chose plutôt qu'une autre et d'être à un maître riche plutôt qu'à un pauvre, ni plus dans ce pays-ci que dans celui-là; tout lui est bon; elle attend, elle va, elle souffre, elle travaille et de nuit et de jour; rien ne la surprend.

Mon Dieu, je trouve cela beau; j'ai bien envie de faire de même, mais je vois bien que me voilà captif; j'ai de la peine de me détacher des choses que j'affectionne, de ne pas prêcher, de ne pas être employé, de n'être pas accommodé, de n'être pas en bonne réputation; j'aurais grandes difficultés à m'assujettir à toutes sortes de personnes; toutefois, avec votre grâce, mon Dieu, je pourrai tout. Je ne vous demande point d'être un ange ni comme un apôtre; je le suis déjà en quelque manière; ce que je désire, ô mon Dieu, c'est seulement la disposition souple que vous donnez aux bêtes, le courage de souffrir que vous donnez aux gens de guerre et la fermeté qu'ils ont pour l'ordre militaire. O mes frères, confusion sur nos visages de nous voir surmontés par de chétifs soldats et de pauvres bêtes en des choses tant agréables à Dieu que son propre Fils a voulu les exécuter en sa propre personne! Confusion, Messieurs! N'écoutez pas ce misérable qui vous parle; c'est le plus indigne de tous les hommes d'aspirer à cet état bienheureux, à cause de l'abus que j'ai fait de ma liberté et des grâces de Dieu, ayant aimé autre chose que lui. Donnons-nous à sa bonté infinie, Messieurs, dans la confiance qu'il nous purifiera de cette affection terrestre où nous avons croupi. Il s'agit de travailler à l'indifférence en nous détachant de notre jugement, de notre volonté, de nos inclinations et de tout ce qui n'est pas Dieu; c'est une vertu active et, si elle n'agit, elle n'est pas vertu. Il y faut travailler, mes frères, il faut s'étudier et souvent et toujours et demain à l'oraison; pourquoi non ? " (SV XII, 236-237)

5. "Oh! mais, dira-t-on, je suis vieillard. - Vous êtes vieillard! eh bien! en devez-vous pour cela être moins indifférent, moins vertueux ? Oh! mais je suis savant. - Voyez un peu, il est savant! et parce qu'il est savant, il ne doit pas être indifférent ni prêt et disposé à faire ce que le supérieur ou un officier désirera de lui. Voyez si cette objection est raisonnable et si elle doit sortir de la bouche d'une personne qui fait profession de servir Dieu.

Oh! mais, Monsieur, c'est un saint homme. - Je le veux bien qu'il soit un saint homme; quoi! est-ce une raison qui le doive exempter de faire ce qu'on désirera de lui, ce qu'on lui ordonnera, d'obéir à ce supérieur qui est, si vous voulez, moins parfait que lui, moins savant et, si vous voulez encore, en qui même il paraît des défauts ? Est-ce là, encore un coup, un valable sujet ? Assurément point du tout. Et cela ne le doit point exempter de l'indifférence aux emplois; aller aux champs, si on l'y envoie; demeurer à la maison, si on le désire; conduire un séminaire ou aller en mission; demeurer en cette maison-là ou en cette autre; aller aux pays éloignés ou non; obéir à ce supérieur ou à cet autre, puisque Dieu le veut et qu'il a été trouvé propre pour la conduite et le gouvernement." (SV XII, 48-49)

6. “La science n'est pas absolument nécessaire pour bien gouverner; mais, quand la science et l'esprit de conduite et un bon jugement se trouvent ensemble dans un même sujet, Dieu! quel trésor! La vieillesse n'est pas toujours à considérer pour la conduite puisque l'on voit plusieurs jeunes hommes qui ont plus l'esprit de conduite que plusieurs vieillards et anciens. Nous avons un exemple de cela en David, lequel fut choisi de Dieu pour conduire son peuple, quoiqu'il fût le plus jeune de tous ses frères. Voyez-vous, un homme qui a un grand jugement et une grande humilité est capable de bien gouverner, et j'ai l'expérience que ceux qui ont l'esprit contraire à cela et tendent aux charges n'ont jamais rien fait qui vaille. J'ai aussi l'expérience que celui qui a eu charge et garde cet esprit et désir de conduire n'a jamais été bon inférieur ni bon supérieur." (SV XII, 49-50)

CHAPITRE VI

BREF HISTORIQUE DES VOEUX

DANS LA CONGRÉGATION DE LA MISSION

“Nous avons résolu de poursuivre incessamment l'approbation de nos voeux par Sa Sainteté.” (SV XIII, 327)

I. L'EXPÉRIENCE DU FONDATEUR ET DES PREMIERS MISSIONNAIRES.

Nos voeux tirent leur origine de l'expérience de saint Vincent et des premiers confrères. D'après saint Vincent lui-même, dès 1627 ou 1628, quelques-uns des premiers membres de la Compagnie décidèrent librement de prononcer des voeux. En partie à cause de l'appréciation positive qu'il accorda à cette expérience et en partie parce qu'il était préoccupé du départ de bons missionnaires, saint Vincent commença à proposer l'idée d'introduire des voeux dans la Congrégation, comme norme pour tous les membres (SV V, 457).

Dès le début, ce projet souleva un problème juridique: comment introduire des voeux dans une Congrégation “séculière” telle que la nôtre, sans qu'elle devienne un nouvel ordre religieux au sens strict du mot ? Résoudre cette question devait exiger quelque "sainte invention" (SV III, 246), à savoir un moyen d'associer le caractère séculier de la Congrégation de la Mission avec quelques-unes des valeurs de la vie religieuse, comme les conseils évangéliques, sans sacrifier, dans l'affaire, notre nature apostolique.

II. ANNÉES DE RECHERCHE ET DE CLARIFICATION (1639-1640).

Les lettres datant de ces années montrent à l'évidence combien saint Vincent était catégorique au sujet de la nécessité des voeux, mais aussi comme il était indécis sur leur nature et sur leur nombre. En novembre 1639, il écrivait à M. Lebreton, à qui il avait confié la tâche d'obtenir l'approbation des voeux à Rome: "Nous avons pensé qu'il sera expédient de demander qu'on ne fasse les voeux solennels et que ceux qui auront fait leurs deux années du séminaire feront les quatre voeux simples, et que ceux qui auront fait leur première année du séminaire feront un bon propos de vivre et de mourir en la Compagnie dans la pauvreté, la chasteté et l'obéissance, aux Evêques pour ce qui concerne les missions et au Supérieur Général circa disciplinam et directionem societatis" (SV I, 600).

Trois mois plus tard, le 28 février 1640, saint Vincent écrivait de nouveau à son représentant à Rome: "Je me trouve en perplexité sur les doutes qui me viennent et la résolution à prendre sur la dernière manière que je vous ai proposée: ou bien s'il suffira de faire un voeu de stabilité et, pour l'observance de la pauvreté et de l'obéissance, fulminer l'excommunication un certain jour de l'an solennellement au chapitre (où chacun sera obligé de se rendre et de remettre ce qu'il a entre les mains du supérieur), et cela contre ceux qui auront de l'argent à part eux, ni ailleurs, ainsi que font les Chartreux, et l'on pourrait faire de même contre les désobéissants; ou bien si, au lieu de l'excommunication, l'on faisait faire serment solennel tous les ans d'observer la règle de la pauvreté, de chasteté et d'obéissance." Saint Vincent continue en demandant à M. Lebreton de s'informer auprès des experts pour savoir si le seul voeu de stabilité conférerait à la Congrégation le statut d'ordre religieux (SV II, 28).

Vers la fin de la même année, il avait de nouveau modifié sa façon de voir. Le 14 novembre 1640, il écrivait à M. Lebreton: "Je pense que nous nous arrêterons à faire le bon propos de vivre et de mourir dans la Mission, la première année du séminaire; au voeu simple de stabilité à la seconde année dudit séminaire et à le faire solennel dans huit ou dix ans, selon que le Supérieur Général trouvera bon " (SV II, 137-138).

Au moins cinq ou six autres opinions différentes furent envoyées à Rome durant ces années, alors que Vincent s'efforçait de découvrir les dispositions les plus convenables pour les voeux dans la Congrégation de la Mission.

III. LES ORDONNANCES DE L'ARCHEVÊQUE DE PARIS (1641).

Finalement, après de nombreux changements d'orientation, saint Vincent présenta à l'archevêque de Paris une requête pour l'approbation des voeux. Selon la bulle de fondation "Salvatoris Nostri", l'archevêque de Paris avait été délégué pour approuver, en faveur de la Congrégation, les normes que le Supérieur Général pourrait considérer comme nécessaires. Après un temps de délai, le 19 octobre 1641, Paris approuva les normes relatives aux voeux. Le document établissait que:

_au terme de la première année de séminaire interne, seraient prononcés les bons propos de vivre et mourir dans la Congrégation et d'observer la pauvreté, la chasteté et l'obéissance;

_ au terme de la seconde année de séminaire, seraient prononcés les voeux simples de pauvreté, chasteté, obéissance et stabilité;

_les voeux seraient simples et la dispense ne pourrait en être accordée que par le Pape ou le Supérieur Général;

_ les voeux seraient émis durant la messe, en présence du supérieur, sans que personne ne les "reçoive" au nom de l'Eglise;

_la Congrégation ne serait pas considérée comme un ordre religieux en raison de ces voeux, mais elle continuerait à faire partie du clergé séculier (SV XIII, 285).

Si saint Vincent pensait que l'approbation de l'archevêque réglerait la question des voeux et rendrait ceux-ci obligatoires pour toute la communauté, il fut surpris par les réactions que provoquèrent les Ordonnances. Beaucoup de confrères s'opposèrent à l'introduction des voeux comme une exigence pour tous. Certains pensèrent que l'action de l'archevêque changeait la nature de la Congrégation. D'autres estimèrent qu'il n'avait pas l'autorité nécessaire pour agir en la matière. Quelques-uns considérèrent les voeux prononcés en vertu des Ordonnances comme nuls puisque le Saint-Siège avait refusé d'approuver ces voeux. D'autres encore trouvèrent que la réservation de la dispense au Pape et au Supérieur Général n'avait aucune base canonique. Quelles que fussent les raisons avancées, de nombreux confrères décidèrent de ne pas émettre les voeux dans le cadre des Ordonnances de 1641.

IV. L'ASSEMBLÉE DE 1651.

L'expérience positive de l'assemblée de 1642 sur les Règles Communes, incita saint Vincent à en convoquer une autre pour résoudre le problème des voeux qui avait provoqué une certaine division dans la communauté. En juillet 1651, il fit venir à Paris huit supérieurs et quelques confrères anciens pour débattre de la question. Il leur demanda de s'interroger sur l'opportunité de maintenir la pratique d'émettre des voeux et les chargea de résoudre les difficultés qui étaient survenues.

Durant les diverses sessions, les membres de l'Assemblée s'exprimèrent avec grande franchise. Finalement, l'Assemblée décida qu'il était bon de conserver les voeux, mais que leur approbation par le Saint-Siège était nécessaire. Les Actes de l'assemblée disent: "Le premier sujet a été touchant la difficulté qui se rencontre dans l'usage de nos voeux, que toute l'Assemblée a été d'avis de conserver. Et, afin de le rendre plus authentique, l'on a résolu d'en poursuivre incessamment l'approbation de Sa Sainteté" (SV XIII, 326-327).

V. "EX COMMISSA NOBIS" - L'APPROBATION DES VOEUX PAR LE PAPE (1655).

Il ne fut pas facile d'obtenir du Saint-Siège ce que l'Assemblée avait décidé. Des difficultés surgirent qui mirent à l'épreuve la ténacité de saint Vincent et de ses représentants à Rome. Enfin, le 22 septembre 1655, le Pape Alexandre VII approuva les voeux de la Congrégation de la Mission par le Bref "Ex Commissa Nobis" (SV XIII, 380-382).

Les voeux approuvés par le Bref étaient en substance ceux que les membres de la Compagnie avaient émis et qui avaient été approuvés par les Ordonnances de l'archevêque de Paris; voeux simples de pauvreté, chasteté, obéissance et stabilité dont la dispense ne pouvait être accordée que par le Pape ou le Supérieur Général, dans l'acte de renvoi. Ces voeux ne modifiaient en rien le caractère séculier de la Congrégation.

La publication de ce Bref mit un terme au débat instauré sur la pratique d'émettre des voeux et celle-ci devint, dès lors, la norme pour toute la Compagnie.

VI. "ALIAS NOS" - LE STATUT FONDAMENTAL DE PAUVRETÉ (1659).

Jusqu'aux approches de la fin la vie de saint Vincent, la signification de notre voeu de pauvreté demeura un sujet de discussions. Puisque, d'après "Ex Commissa Nobis", les membres de la Congrégation de la Mission n'étaient pas religieux et ne prononçaient pas de voeux solennels de renoncement à tous biens, ils pouvaient garder des avoirs personnels. Cette subtilité portait en elle de quoi diviser la communauté. Pour protéger la vie commune et notre mission, Vincent soumit au Saint-Siège un statut de pauvreté. Alexandre VII, par le Bref "Alias Nos", approuva le Statut Fondamental de Pauvreté, qui reconnaissait aux missionnaires le droit de posséder des biens, mais limitait la manière dont ils pourraient les utiliser.

VII. QUESTIONS HISTORIQUES ULTÉRIEURES.

A la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème, la réservation de la dispense des voeux au Pape et au Supérieur Général fut remise en question. Certains membres de la Congrégation quittèrent celle-ci, prétendant que leurs confesseurs leur avaient accordé une dispense. Tout un éventail d'autres raisons fut présenté pour justifier des départs volontaires. En 1670, par le Bref "Alias Felicis Recordationis", Clément X déclara qu'aucun confesseur ne pouvait accorder dispense des voeux de la Congrégation de la Mission. En 1742, la bulle "Quo Magis Uberes" de Benoît XIV réaffirma le statut réservé de nos voeux.

Au XXème siècle, la Congrégation eut à trouver une nouvelle façon de formuler les voeux pour les harmoniser avec les développements du Droit Canonique. Les Constitutions de 1954, cherchant à aligner notre propre législation sur le code de Droit Canonique de 1917, décrivent nos voeux comme privilégiés, non publics, simples et perpétuels (§161, §1). Les conséquences morales des voeux furent exposées en détail, ainsi que les conditions de validité (§161, 162 et ch. 3-4). Se rangeant à la tendance qu'avaient, en ces années-là, le Code de Droit Canonique et la Curie Romaine à assimiler toutes les communautés à des religieux, les constitutions de 1954 ont également ajouté la nouvelle pratique de l'émission des voeux temporaires.

L'Assemblée Générale de 1968-1969 entreprit d'adapter nos normes, ainsi que la vie de la Congrégation, aux directives du Concile Vatican II et des documents ecclésiaux ultérieurs. Le travail fut mené à terme par l'Assemblée Générale de 1980. La Sacrée Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers, compte tenu du nouveau Code de Droit Canonique, approuva nos nouvelles Constitutions le 29 juin 1984.

Les Constitutions actuelles définissent nos voeux comme "perpétuels, non religieux, réservés, de telle manière que seuls le Souverain Pontife et le Supérieur Général peuvent en dispenser" (C 55, §1). Cette nouvelle formulation abandonne la classification de nos voeux comme non publics, privilégiés et simples pour un nouveau terme: non religieux. Bien que cette formule soit négative, elle distingue nettement nos voeux de ceux des Religieux.

CHAPITRE VII

ASPECTS CANONIQUES DES VOEUX

DANS LA CONGRÉGATION DE LA MISSION.

I. NATURE DES VOEUX.

La signification la plus profonde des voeux dans la Congrégation résulte de leur relation avec la mission. Leur raison d'être est de faciliter l'évangélisation des pauvres. Les aspects canoniques des voeux veulent exprimer cette intuition fondamentale de saint Vincent en termes juridiques.

La législation de l'Eglise permet aux Sociétés de Vie Apostolique de choisir la nature du lien par lequel elles assument la pratique des conseils évangéliques (Canon 731, §2); la Congrégation de la Mission a opté pour les voeux (C 3, §3). Les Constitutions actuelles décrivent nos voeux comme "perpétuels, non religieux et réservés, de telle manière que seuls le Souverain Pontife et le Supérieur Général peuvent en dispenser" (C 55, §1).

L'adjectif perpétuel n'a besoin d'aucune explication, mais le second qualificatif: non religieux a besoin de quelque interprétation. Le Code de Droit Canonique définit un Institut Religieux comme "une Société dans laquelle les membres prononcent, selon le droit propre, des voeux publics ..." (Can. 607, §2). Le voeu public est ainsi défini au canon 1192, §1 :"Un voeu est public s'il est reçu au nom de l'Eglise par le supérieur légitime." Dans la profession religieuse, un candidat s'offre à une communauté approuvée comme Institut Religieux et prononce des voeux publics. Le supérieur reçoit la personne comme un religieux et accepte ses voeux au nom de l'Eglise. Cela signifie que ces voeux sont émis dans une congrégation religieuse, approuvée comme telle par l'Eglise. La nature et les effets de ces voeux sont précisés par le droit commun de l'Eglise.

Les voeux de la Congrégation de la Mission ne sont pas publics, ce qui signifie que personne ne les reçoit au nom de l'Eglise. Le problème juridique est ici de bien distinguer un Institut de Vie Apostolique des Instituts Religieux. La nature non-publique du voeu ne dépend pas du nombre de personnes présentes lorsqu'un missionnaire prononce ses voeux; et cela ne signifie pas non plus que les voeux sont une affaire purement privée. Les expressions employées veulent faire la distinction entre nos voeux et les voeux religieux. En ce qui nous concerne, l'Eglise reconnaît que les effets et la signification des voeux sont déterminés par notre droit propre et non point par le droit universel (public) de l'Eglise.

Le fait que personne n'accepte nos voeux au nom de l'Eglise ne veut pas dire que l'Eglise n'approuve pas nos voeux ni qu'elle ne reconnaît pas la Congrégation. L'Eglise a donné son approbation officielle à la Congrégation dans “Salvatoris Nostri” et à ses voeux dans Ex Commissa Nobis”. Plus précisément, cela signifie que l'Eglise ne les approuve pas comme voeux religieux dans un Institut Religieux. Ils sont approuvés comme une autre sorte de voeux, comme définis dans Ex Commissa Nobis” et dans les Constitutions.

Il manquerait quelque chose si nos voeux n'étaient déterminés qu'en termes négatifs, par rapport aux Instituts Religieux. Les Constitutions recommandent que les voeux soient interprétés conformément à l'intention de saint Vincent, approuvée par Alexandre VII dans “Ex Commissa Nobis” et “Alias Nos” (C 55, §2). Dès lors, les sources d'une explication positive de nos voeux sont l'intention du fondateur et les deux textes ci-dessus mentionnés.

Chaque fois qu'il parlait des voeux, saint Vincent prenait bien soin de préciser qu'il ne s'agissait pas de voeux religieux émis dans un ordre religieux. Il faut dire que les congrégations apostoliques venaient tout juste de faire leur apparition, au cours du XVIIème siècle. La pratique et le langage canoniques ne s'étaient pas encore développés au point d'inclure cette nouvelle forme de vie apostolique. Aussi, saint Vincent insistait sur le fait que les voeux étaient émis dans une Congrégation “séculière”, consacrée à la mission. Il avait la préoccupation d'éviter que certains éléments de la vie religieuse ne vinssent entraver l'évangélisation des pauvres. Mais il souhaitait aussi exprimer dans le langage de son temps l'orientation fondamentale de la vocation vincentienne comme une mission et un appel à la sainteté dans et pour le monde. Le terme “séculier”, utilisé dans notre tradition depuis le temps de notre fondation, ne signifie pas que nous sommes des prêtres diocésains vivant en communauté; il veut exprimer que nous sommes des prêtres et des frères vivant ensemble en communauté, tout en gardant un contact vital avec les besoins du monde et, particulièrement, avec ceux des pauvres.

Les nouveaux canons relatifs aux Sociétés de Vie Apostolique (CIC 731-746) fournissent des notions qui constituent un cadre plus clair et plus positif pour la compréhension de la nature de la Congrégation de la Mission et de ses voeux. La nouvelle législation met l'accent sur la mission de ces sociétés et offre de larges possibilités pour développer des structures favorables à l'accomplissement de la mission. Les voeux émis dans la Congrégation de la Mission, qui est une Société de Vie Apostolique (C 3 §1), sont des voeux pour la mission.

II. L'INCORPORATION.

Par leur incorporation, les membres admis acquièrent tous les droits et obligations énoncés dans les Constitutions, les Statuts et les Normes Provinciales (C 59, §2). La pleine appartenance à la Congrégation établit une relation mutuelle définitive entre le confrère qui a été incorporé et la communauté. Le candidat s'offre à la Congrégation en vue de participer pleinement à sa vie et à sa mission. La Congrégation, de son côté, incorpore le nouveau membre et prend l'engagement de subvenir à ses besoins.

L'incorporation se réalise lorsque, après une demande formulée par un membre, un supérieur majeur donne à celui-ci l'autorisation de prononcer les voeux et que les voeux sont émis (C 57, §1). Les voeux et l'incorporation se produisent simultanément, mais ils sont distincts. A proprement parler, c'est l'autorisation donnée par le supérieur de prononcer les voeux qui entraîne l'incorporation. Néanmoins, l'incorporation ne prend effet qu'au moment où les voeux sont émis.

Les membres incorporés acquièrent le droit à la voix active (c'est-à-dire le droit de vote) dans la Congrégation (C 60). Pour bénéficier de la voix passive (c'est-à-dire l'éligibilité aux différents offices et charges), un membre doit avoir été incorporé depuis trois ans et être âgé d'au moins 25 ans (C 61).

III. L'ADMISSION AUX VOEUX.

Le droit d'admettre un candidat aux voeux appartient;

1."au Supérieur Général, avec le consentement de son Conseil et l'avis des formateurs du candidat, pour toute la Congrégation" (C 56, §1);

2."au Visiteur, avec le consentement de son Conseil et l'avis des formateurs, pour sa Province" (C 56, §2).

IV. LES CONDITIONS D'ADMISSION AUX VOEUX.

Le canon 735, §1 énonce le principe général: "L'admission, la probation, l'incorporation et la formation des membres sont déterminées par le droit propre de chaque Société." Le droit universel ne dit rien concernant les conditions d'incorporation ou d'admission aux voeux pour les Société de Vie Apostolique comme la Congrégation de la Mission. Bien que certaines ne soient pas expressément énoncées, les conditions suivantes doivent être prises en considération:

-une demande émise en dehors de toute violence, crainte grave ou dol (Can. 656, 4°);

-l'accomplissement valide du séminaire interne;

-un minimum de deux ans et un maximum de neuf ans après l'admission, avoir émis les Bons Propos une année après l'entrée au séminaire interne (C 54 §1-2);

-avoir reçu du supérieur compétent la permission d'émettre les voeux (C 56);

-émettre les voeux en présence du supérieur ou d'un confrère désigné par lui (C 58, §1);

-utiliser l'une des formules prévues à l'article 58 des Constitutions ou une autre formule approuvée, conformément au Statut 24.

Rien n'est mentionné dans notre droit propre, concernant le moment précis où les voeux doivent être prononcés. Traditionnellement, l'engagement des voeux se prend durant la célébration de l'Eucharistie (SV XIII, 285).

V. ATTESTATION D'EMISSION DES VOEUX.

Les voeux et l'incorporation dans la Congrégation ne sont pas de simples questions personnelles. L'incorporation, qui intervient au moment de l'émission des voeux, concerne toute la Congrégation et instaure un contrat entre le confrère et la communauté. Pour cette raison, l'article 58, §2 des Constitutions déclare que la demande des voeux doit se faire par écrit et que l'émission des voeux doit être suivie d'une attestation écrite. Le même article demande que toute émission des voeux soit portée à la connaissance du Supérieur Général.

VI. LA DISPENSE DES VOEUX.

Les voeux de la Congrégation de la Mission sont réservés, de telle sorte que seuls le Pape et le Supérieur Général peuvent en dispenser. Le Supérieur Général peut, pour une raison grave et avec le consentement de son Conseil, accorder un indult de sortie à un membre incorporé. En même temps que l'indult de sortie, il peut donner une dispense des voeux (C 71). Si le membre qui demande la dispense est prêtre ou diacre, le Supérieur Général ne peut la concéder que dans le cadre du canon 693, après que le clerc ait trouvé “un évêque pour l'incardiner dans son diocèse”.

Les Constitutions ne précisent pas quelles causes graves justifieraient la sortie de la communauté et la dispense des voeux; de même, le droit canonique ne contient aucune norme qui s'applique directement aux Sociétés de Vie Apostolique. Toutefois, le canon 691, §1 donne une orientation de base: "Un profès de voeux perpétuels ne demandera un indult de sortie que pour de très graves raisons, à peser devant le Seigneur...."

Dans les cas de renvoi de la communauté, qu'il s'agisse de renvois ipso facto, comme ceux mentionnés en C 73, ou que ce soit l'un des cas cités en C 74, la dispense explicite des voeux n'est pas requise, puisque les voeux cessent avec le renvoi légitime. Tout décret de renvoi a besoin d'être confirmé par le Saint-Siège, conformément à l'article 75 des Constitutions, sauf les cas indiqués dans l'article 73 de celles-ci. Quand le décret de renvoi a été confirmé, il doit être immédiatement communiqué au membre qui doit avoir la possibilité d'en appeler au Saint-Siège (C 75).

Avec la sortie légitime et la dispense des voeux, tous les droits et obligations juridiques mutuels entre le membre et la Congrégation cessent. Bien que ceux qui ont quitté la Congrégation n'aient aucun droit à réclamer des compensations pour le travail qu'ils y ont accompli lorsqu'ils en étaient membres, la communauté devra pratiquer l'équité et la charité évangélique à l'égard de ceux qui l'auront quittée.

FORMULES POUR L'EMISSION DES VOEUX.

1. Formule directe.

“Seigneur, mon Dieu, moi, N ..., en présence de la Bienheureuse Vierge Marie, fais le voeu de me consacrer fidèlement à l'évangélisation des pauvres, toute ma vie durant, dans la Congrégation de la Mission, à la suite du Christ Evangélisateur. C'est pourquoi, je fais voeu de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, selon les Constitutions et les Statuts de notre Compagnie, avec l'aide de ta grâce”.

2. Formule déclaratoire.

“Moi, N ..., en présence de la Bienheureuse Vierge Marie, fais à Dieu le voeu de me consacrer fidèlement à l'évangélisation des pauvres, toute ma vie durant, dans la Congrégation de la Mission, à la suite du Christ Evangélisateur. C'est pourquoi, je fais à Dieu les voeux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance, selon les Constitutions et les Statuts de notre Compagnie, la grâce de Dieu aidant.”

3. Formule traditionnelle.

“Moi, N ..., indigne (prêtre, clerc, frère coadjuteur) de la Congrégation de la Mission, en présence de la Bienheureuse Vierge Marie et de toute la cour céleste, fais à Dieu les voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance à notre Supérieur et à ses successeurs, selon les Règles ou Constitutions de notre Compagnie; je fais en outre le voeu de m'occuper du salut des pauvres gens des champs, toute ma vie durant, dans ladite Congrégation, avec l'aide de la grâce du Dieu tout-puissant que j'invoque humblement à cet effet”.

4. Dans des circonstances particulières, une assemblée provinciale peut soumettre à l'approbation du Supérieur Général, avec le consentement de son Conseil, une formule particulière pour l'émission du Bon Propos comme pour celle des voeux, à condition de sauvegarder les éléments essentiels des formules établies (S 24).

ATTESTATION D'EMISSION DES VOEUX

“Moi,.........................................................., indigne............................................de la

Congrégation de la Mission, né à ....................................................................., diocèse

de .........................................................., le ....... du mois de ...............................de l'année ........., fils de ....................................... et de ...................................................

reçu au Séminaire Interne de ...................................................... le ..................du mois

de .......................................... de l'année .................................., ai fait les voeux de la

même Congrégation d'après ses Constitutions, convenablement comprises par moi,

à ......................................................, le ................... du mois de ..............................

de l'année .............................., en présence de Monsieur ..........................................

membre de la même Congrégation”.

(Signature de celui qui a fait les Voeux)

( Signature du confrère présent) BIBLIOGRAPHIE SUR LES VŒUX

DANS LA CONGRÉGATION DE LA MISSION

SOURCES

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