La Famille Vincentienne: Vue d'Ensemble

La Famille Vincentienne Vue d'Ensemble

José Ignacio Fernández de Mendoza, C.M.

Vicaire Général

Je veux commencer cet exposé en saluant cordialement chacun des représentants, ici présents, des divers groupes de la Famille Vincentienne:

- la Congrégation de la Mission,

- les Filles de la Charité,

- l'Association Internationale de la Charité,

- la Société de Saint-Vincent de Paul,

- la Jeunesse Mariale Vincentienne,

- les Missionnaires Laïcs Vincentiens (MISEVI),

- l'Association de la Médaille Miraculeuse,

- les Missions Populaires,

- les Religieux de Saint Vincent de Paul,

- les Soeurs de la Charité de Strasbourg,

- Soeurs de Sainte Antide Touret,

- les Soeurs de la Charité de la Fédération Seton.

A vous tous, mes cordiales salutations!

La convocation de l'Assemblée Générale de la Congrégation de la Mission de 1998 est datée du 1er Octobre 1996. Le thème retenu alors pour cette Assemblée était “La Famille Vincentienne dans le monde et les défis de la mission au troisième millénaire”.

En consultant le dictionnaire on trouve cette définition de la famille: un ensemble de personnes et de choses unies entre elles par une note caractéristique ou par une condition communes. En appliquant cette définition à notre cas, il est permis de dire que la famille vincentienne est composée d' un ensemble de personnes et d'institutions unies par une caractéristique commune et fondamentale, qui est le suivre Jésus-Christ serviteur et évangélisateur des pauvres; à la manière de saint Vincent de Paul.

Compte tenu de la définition proposée pour la famille vincentienne, on parvient à une première conclusion qui est que dans une famille de cette nature interviennent deux facteurs complémentaires: d'un coté, une unité d'origine et de projets et de l'autre, un pluralisme de personnes et d'institutions.

Dans une famille cohabitent des hommes et des femmes, des pères et des enfants, des adultes et des jeunes, des descendants en ligne directe et en ligne collatérale. Tous, en gros, viennent d'un passé commun, et en même temps, continuent et participent à des idéaux identiques ou semblables. Ces éléments trouvent, en quelque sorte, leur expression propre dans la famille vincentienne. Tous, individus et institutions, partagent la même origine et le même projet fondamental, qui n'est autre que celui vécu et formulé par saint Vincent de Paul.

Dans cette famille cohabitent et collaborent des gens venant de peuples et de cultures diverses. Dans le volumineux catalogue actuel, dans ce que nous pourrions appeler le livre du personnel de la famille vincentienne, l'on compte grand nombre d'hommes et de femmes, des clercs, des religieux et des laïcs, des riches et des pauvres, des citoyens socialement remarquables, et des gens simples, des anciens adhérents, et des membres tout récemment inscrits.

D'un autre coté, la famille vincentienne, actuellement, ne peut se limiter à un pays, ni même à un continent. Son rayon d'action est, aujourd'hui, presque le monde entier. La famille vincentienne souffre, en rapport avec l'actualité de notre temps, du syndrome de la globalisation, dans le sens plénier du mot.

Appartenance à la Famille Vincentienne.

Au sens large, appartiennent à la famille vincentienne "toutes les institutions qui, d'une manière directe ou indirecte, trouvent leur inspiration en saint Vincent, au moment de fixer leur fin ou de définir leur physionomie spirituelle"(1). Considérée ainsi, la famille vincentienne atteint aujourd'hui de très larges dimensions. Permettez-moi de rappeler quelques chiffres auxquels nous avons fait référence, fréquemment, ces dernières années. Nous les devons à Soeur Betty Ann McNeill, Fille de la Charité. La famille vincentienne est composée de 268 institutions, dont 239 sont des Instituts de Vie Consacrée, et des Sociétés de Vie Apostolique, 21 sont des associations de laïcs, et 8 sont des Congrégations Anglicanes. De toutes ces institutions, 165 vivent encore.

Au sens restreint, la famille vincentienne est composée de "ces congrégations ou associations qui, soit doivent leur naissance à l'initiative directe de saint Vincent lui-même, soit déclarent explicitement leur volonté de se considérer comme ses descendants spirituels"

Dans ce sens, la famille vincentienne comprend la Congrégation de la Mission, la Compagnie des Filles de la Charité, l'Association Internationale de la Charité, la Société de saint Vincent de Paul, la Jeunesse Mariale, ou Jeunesse Mariale vincentienne, et l'Association de la Médaille Miraculeuse. Sans forcer la vérité, peut-être pourrait-on inclure dans cette classification d'autres noms.

Signes d'appartenance et liens d'union entre les membres

et les institutions de la Famille Vincentienne

Une institution appartiendra, de quelque façon, à la famille vincentienne si elle est marquée par l'un ou l'autre des traits énumérés comme suit:

- Devoir sa fondation à saint Vincent lui-même.

- Avoir adopté intégralement ou adaptée les Règles Communes provenant de saint Vincent.

- Honorer saint Vincent comme son patron, ou sa source principale d'inspiration.

- Assumer des aspects remarquables du charisme vincentien.

- Professer le même esprit que celui de la Congrégation de la Mission ou de la Compagnie des Filles de la Charité.

- Participer à ce qu'il y a de plus essentiel dans la vocation de saint Vincent de Paul, à savoir, suivre le Christ évangélisateur des pauvres.

- Assumer, comme lui étant propre, l'esprit de simplicité, d'humilité, et de charité.

- Devoir sa fondation à des missionnaires de la Congrégation de la Mission, ou à des membres laïcs de la famille vincentienne.

- Avoir été affiliés à la Congrégation de la Mission ou à la Compagnie des Filles de la Charité.

Nous ne disposons pas de données statistiques sûres concernant le nombre de personnes appartenant à la famille vincentienne, considérée au sens large.

Désormais je ferai référence surtout à la famille vincentienne au sens restreint.

Brève description des diverses branches de la Famille Vincentienne

L'Association Internationale des Charité

Cette association a été fondée par saint Vincent de Paul lui-même, à Châtillon, le 6 décembre 1617. Depuis les débuts, cette institution a été caractérisée par certains traits particuliers: c'est une association de laïcs, ecclésiale, préoccupée du bien-être matériel et spirituel des pauvres, avec un sens net de la charité organisée, ayant le souci de formation de ses adhérents, gardant une étroite relation avec la Congrégation de la Mission.

Les membres de cette association de laïcs sont, actuellement, 250.000, répartis en 42 associations nationales. Vers les années soixante, on commença un louable effort de renouvellement des bases théologiques et spirituelles, ainsi que dans la manière d'agir. Je me borne à énumérer quelques données. L'AIC s'est dotée d'un nouveau Statut et d'un Règlement. On l'appelle `Association Internationale des Charités'. La participation des adhérents passe surtout par les assemblées locales, nationales, et internationales. A la tête de l'AIC l'on trouve la Présidente internationale et le Comité exécutif.

En 1971, le Supérieur Général de la Congrégation de la Mission abandonna son rôle de direction de cette association. Il en fut de même pour les directeurs nationaux et locaux, conseillers spirituels. Soit dit en passant, malgré cette mutation juridique introduite, en ce qui concerne le rapport de l'AIC avec la Congrégation de la Mission, les relations mutuelles entre les deux entités, non seulement ne se sont jamais estompées, mais elles sont au contraire devenues toujours plus explicites et plus cordiales à tous les niveaux.

En 1980, a été approuvé le Document Base "Contre la pauvreté, agir ensemble", qui eut une large répercussion sur l'évolution de ce mouvement laïc. D'un autre côté, dans les Assemblées d'Assise, en 1990, et de Guatemala, en 1994, on définit, plus précisément les lignes d'action de cette association vincentienne. L'AIC est membre de nombreux organismes internationaux. En résumé, ce mouvement laïc, toujours dans une grande fidélité à l'esprit vincentien, a su réinterpréter son être propre et son agir à l'intérieur de l'Église, de la société civile, et de la famille vincentienne.

La Congrégation de la Mission

La fondation proprement dite de la Congrégation de la Mission eut lieu le 17 avril 1625, par le contrat signé par saint Vincent et Monsieur et Madame de Gondi.

Les dernières statistiques disponibles révèlent que la Congrégation de la Mission est composée de 4 128 confrères, dont 29 sont évêques. Il y a 46 Provinces et 4 Vice-Provinces.

A partir du Concile Vatican II, la C.M. assuma avec détermination le défi de son propre renouvellement. Pour le mener à bien, on prit en compte trois critères: le retour aux sources, les orientations de Vatican II et les changements profonds que traverse le monde actuel. Les efforts en faveur du renouvellement se réalisèrent dans les assemblées domestiques, provinciales et générales. Les documents successifs des Supérieurs Généraux, les sessions d'étude vincentienne et les nombreuses publications en assurèrent la répercussion. Comme résultat de cette volonté commune, la C.M. dispose aujourd'hui de nouvelles Constitutions et Statuts.

A tout moment, la C.M. continue à se reconnaître comme membre de la famille vincentienne, ouverte à une collaboration franche et déterminée avec les autres composantes de celle-ci.

La Compagnie des Filles de la Charité

Elles furet fondées en 1633. D'après les données fournies durant leur Assemblée Générale en 1997, elles sont actuellement au nombre de 26 120 Soeurs, auxquelles il faut ajouter 385 séminaristes.

Le renouvellement commencé à partir de Vatican trouve son expression surtout dans les nouvelles Constitutions et Statuts, ainsi que dans les documents successifs produits par trois dernières Assemblées Générales. La Compagnie des Filles de la Charité, se servit des mêmes critères que les membres de la C.M. Une nouvelle lecture des fondateurs, une acceptation des orientations de Vatican II et l'analyse des changements du monde actuel leur ont permis de définir à nouveau leur être propre et de s'élancer en tant que communauté vers le futur. Elles ont assumé avec détermination des nouvelles formes de participation en ce qui concerne l'organisation interne et ont élargi les horizons de leur propre action missionnaire.

La Compagnie des Filles de la Charité se reconnaît à tout moment comme partie intégrante de la famille vincentienne. Le document "Un feu nouveau”, provenant de l'Assemblée Générale de 1997, dit dans le troisième engagement: nous nous engageons "à collaborer également avec les laïcs, surtout ceux de la famille vincentienne". Le Père Général, le 8 mars 1997, à l'occasion de l'ouverture de la dite Assemblée, demanda aux Filles de la Charité de "se souvenir toujours qu'elles font partie d'une grande famille qui s'identifie dans un charisme et partage un patrimoine commun”.

La Société de Saint-Vincent de Paul

Sa fondation, due à un petit groupe de laïcs, sous la conduite par le bienheureux Frédéric Ozanam, date du 23 avril 1833. Cette année-là, la Conférence comptait 7 membres. Depuis, sa croissance a été constante. Aujourd'hui, plus de 900 000 hommes et femmes, de 131 pays, répartis en 47 200 Conférences, font partie de la Société de Saint-Vincent de Paul.

Il s'agit d'un mouvement de laïcs, de dimension universelle, ayant pour but d'un apostolat caritatif et social. La Société a le souci de la formation de ses membres en vue de leur propre sanctification à laquelle on parvient avant tout par le service des pauvres. Une composante décisive de la SSVP est la spiritualité vincentienne. Ils ont saint Vincent pour patron. C'est sur saint Vincent que ce mouvement fixa les yeux en définissant son esprit et ses fins. Depuis les débuts, la SSVP accepta et cultiva les vertus évangéliques et vincentiennes, comme la proximité des pauvres et la charité efficace, la discrétion et la douceur, l'humilité de groupe et le zèle pour le salut du prochain.

A partir de Vatican II, la SSVP entreprit une série de réformes. Le nouveau Règlement fut approuvé en 1975, faisant de la Société un mouvement mixte, plus participant, ouvert aux non-catholiques, et même, aux non-chrétiens. La SSVP a élargi le champ de ses oeuvres caritatives et sociales, s'efforçant d'apporter un soulagement, dans la mesure du possible, à toutes les misères, et recherchant aussi les causes de la pauvreté.

La Jeunesse Mariale Vincentienne

Ce mouvement laïc date des apparitions de la Vierge à sainte Catherine Labouré, en 1830. La voyante reçut l'ordre de fonder une association d'Enfants de Marie. Le Pape Pie IX, à deux reprises, le 20 juin 1847, et le 19 juillet 1850, approuva cette association.

Le Supérieur Général de la C.M. remplit l'office de Directeur Général. Il s'agit d'un mouvement laïc vincentien, en rapport étroit, depuis ses débuts et après, avec la Congrégation de la Mission et la Compagnie des Filles de la Charité. Sa fin, ayant consisté, au début, dans la formation d'enfants et adolescents pauvres, fut, en son temps, et continue à l'être aujourd'hui, avec les changements qui s'imposent, un objectif vincentien.

200 000 adhérents appartiennent à ce mouvement laïc. Son renouvellement commença aussitôt après le Concile, touchant son nom, son idéal, ses fins, la formulation de sa propre spiritualité, la formation de ses membres, son projet pastoral, ainsi que son insertion dans les diocèses et même ses relations avec les autres composantes de la famille vincentienne. Aujourd'hui ce mouvement tend à se définir comme ecclésial, marial, vincentien et apostolique. En particulier, dernièrement, il a créé sa propre composante caritative et missionnaire.

Le 14 février 1988, le Père Richard McCullen approuvait les nouveaux Statuts Internationaux. A partir de cette date, et parfois, avant même, furent approuvés les statuts de l'association en divers pays.

Du 12 au 24 août 1997, des représentants de 45 pays ont participé à la Rencontre Internationale de ce mouvement, à Paris. A travers cet événement mémorable, on a constaté la dimension internationale atteinte par ce mouvement vincentien. Dans un proche avenir, on publiera les nouveaux statuts internationaux et, probablement, on créera aussi un secrétariat international.

L'Association de la Médaille Miraculeuse

Cette association émane aussi des manifestations de la Vierge de la Médaille Miraculeuse, en 1830. Comme telle, cette association fut approuvée par Pie IX, le 20 juin 1847, pour la Maison de Saint Lazare, et par Pie X, le 8 juillet 1909, pour l'Église toute entière, confiant sa direction au Supérieur Général de la Congrégation de la Mission. Le 8 septembre 1990, le Saint-Siège modifia les anciens statuts. Le 11 février 1998, la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique, par un décret, approuva les Statuts maintenant en vigueur.

Les fins spécifiques de cette association sont, d'après les nouveaux Statuts, la dévotion à la Vierge de la Médaille Miraculeuse, la sanctification des adhérents, et l'action apostolique et caritative.

Cette association fait partie de la famille vincentienne, du fait de son origine, de sa relation historique avec la Congrégation de la Mission et la Compagnie des Filles de la Charité, et de son action caritative, mise en valeur surtout à partir de Vatican II.

Du 15 au 20 décembre 1997, à l'invitation du Supérieur Général, six confrères de la C.M., venant de divers pays, se sont rencontrés à Rome, pour un échange d'idées sur le renouvellement et la mise à jour de l'Association de la Médaille Miraculeuse. On voudrait, entre autres, équiper ce mouvement vincentien d'un Secrétariat International. Le nombre de ceux qui sont des adhérents, d'une manière ou d'une autre, de ce mouvement vincentien est difficile à préciser. En tout cas, il nous est possible d'affirmer qu'il grandit visiblement dans beaucoup de pays du monde.

Pour des raisons de place et de temps, il ne m'est pas possible de faire allusion à d'autres réalités de la famille vincentienne représentées dans cette Assemblée Générale. Cela ne signifie pas qu'elles ne jouissent de notre affection et de la considération de tous ceux qui sont ici présents.

Capacité de rénovation

Les différentes branches qui composent la famille vincentienne durant déjà sa longue histoire ont connu des moments de croissance et, à certaines moments, des reculs évidents, imposés par des circonstances défavorables. Les époques de plus forte croissance se situent après la fondation, et plus tard, après la Révolution française. Dans des contextes locaux plus réduits, des avancées et des reculs ont aussi affecté l'évolution de la famille vincentienne. A travers ces avatars, la famille vincentienne a montré, en diverses occasions qu'elle pouvait compter avec une extraordinaire capacité de réaction et de renouvellement

Quelle est-elle aujourd'hui la situation de la Famille Vincentienne en tant que telle ? Le renouvellement conciliaire a marqué toute l'Église. La famille vincentienne n'a pas fait exception. En peu de temps, les divers groupes qui la composent, ont modifié leurs structures, leurs pratiques et leurs orientations pastorales, dépassant, par moments, les ankyloses qui nous affectaient, et certaines distances qui nous séparaient du monde réel. En même temps, la famille vincentienne s'est engagée sur un nouveau chemin, assumant des programmes ambitieux par rapport au futur. De cette façon, la famille vincentienne a manifesté une double fidélité par rapport à la vocation vincentienne et par rapport à la nécessité de se renouveler constamment afin de mieux servir les pauvres de notre temps. En un mot, nous nous sommes situés en tant que famille vincentienne aux portes mêmes du troisième millénaire avec une nouvelle adaptation. Parce qu'elle l'a ainsi compris, la famille vincentienne vit aujourd'hui un moment plein d'espérance.

Signes de cohésion

Permettez-moi de formuler encore quelques questions. Quelle est la situation de la famille vincentienne en tant que telle? Sommes-nous en train d'avancer de manière significative, pour enrichir le concept et la réalité de la famille vincentienne? A mon avis, la réponse ne peut être que positive. Les diverses branches qui composent la famille vincentienne désiraient depuis longtemps et avaient besoin d'une reconnaissance et proximité réciproques plus grandes, ainsi que d'une cohésion interne plus palpable.

Les récentes rencontres des responsables des divers groupes ont permis d'atteindre ces objectifs. La première de ces rencontres a eu lieu à Rome, le 3 juin 1995. Les participants en ont été des représentants de la Congrégation de la Mission, de la Compagnie des Filles de la Charité, de l'Association Internationale des Charités et de la Société de Saint-Vincent de Paul. La deuxième rencontre a eu lieu aussi à Rome, les 2 et 3 février 1996. Les participants en ont été des représentants des groupes déjà mentionnés. La troisième rencontre s'est déroulée les 17 et 18 janvier 1997. A cette occasion, en plus des groupes antérieurs, deux représentants de la Jeunesse Mariale Vincentienne y ont participé pour la première fois. Enfin, les 16 et 17 janvier 1998, ils se sont retrouvés de nouveau à Paris, avec, cette fois-ci, en plus des groupes déjà cités, un représentant de l'Association de la Médaille Miraculeuse et un autre des Religieux de Saint Vincent de Paul. La prochaine réunion aura lieu à Rome, les 16 et 17 janvier 1999.

Ces rencontres ont permis d'activer, impulser et renforcer le sens proprement dit de famille vincentienne. Elles portent en elles-mêmes des valeurs symboliques fortes, si bien qu'elles ont servi de modèles au moment de convoquer des rencontres similaires de réflexion et de programmation en de nombreux endroits du monde.

De plus, il faut prendre en compte le fait que le Père Général, le 30 mai 1996, en accord avec les responsables des autres trois groupes vincentiens, invita tous les membres de la famille vincentienne à se retrouver chaque année pour prier ensemble le 27 septembre. De fait, la réponse fut encourageante dans le monde entier. Cette initiative a permis aussi de fortifier les liens qui nous unissent, et de nous sentir proches par le coeur. En somme, la famille vincentienne, à ce niveau, alors que l'on est à un peu plus de trente ans de la fin de Vatican II et qu'on est sur le point d'achever le deuxième millénaire, avance de manière significative.

Permettez-moi, en passant, de rappeler un autre fait d'un certain relief concernant la famille vincentienne. Pratiquement dans la totalité des visites du Père Général et des Assistants aux Provinces de la Congrégation, des réunions rassemblant les différents groupes de la famille vincentienne ont été organisées. La réponse, à chaque fois, fut pleinement satisfaisante. Je puis vous assurer que, personnellement, à plusieurs reprises, j'ai partagé, en des lieux très différents du monde, la joie et le bonheur de ces rencontres avec des membres de la famille vincentienne.

Identité de chaque branche et collaboration mutuelle

Les intuitions, les intentions et, parfois même, les accords obtenus dans les rencontres déjà citées, servent d'orientations au moment où nous tenons notre Assemblée Générale. Les diverses composantes se sont proposé, dès le début, "de chercher des moyens, tout en préservant l'identité de chaque branche, de collaborer plus efficacement dans le monde entier, au service des pauvres"(4).

Tout au long de ces séances, on a partagé des informations sur le charisme, l'évolution historique, les statistiques récentes, le statut juridique, et la spiritualité de chaque groupe. On a évalué les niveaux de collaboration entre les diverses branches, au niveau local ou international, dans des projets concrets et des ministères divers, par exemple, dans la mission "ad gentes", et dans les missions populaires, ou dans la formation vincentienne initiale et permanente, ou encore dans la pastorale des jeunes et dans la formation des assesseurs. On a jugé positif d'inviter des représentants des autres branches vincentiennes à participer aux Assemblées Générales d'un chacun, et à d'autres rencontres. On a demandé aux membres de la famille vincentienne de favoriser la création des autres branches, cléricales ou laïques, de la famille vincentienne, dans les pays ou dans les localités où elles n'existent pas encore. On en est venu à envisager la publication, dans un futur proche, d'une collection de biographies des grandes figures de la famille vincentienne. D'autre part, on n'écarte l'idée de la convocation, pour l'an 2.000, d'un congrès sur la spiritualité de la famille vincentienne.

En somme, dans les rencontres successives des responsables de la famille vincentienne, on a visé quelques points qui, par rapport à l'expérience actuelle, sont dans l'esprit de tous ceux qui appartiennent à la famille vincentienne.

La Congrégation de la Mission et la Famille Vincentienne

La C.M. s'est toujours comprise comme une partie de la famille vincentienne. Les témoignages écrits et les interventions successives à travers sa longue histoire, sont là pour le confirmer

A cause du manque de temps, je m'en tiendrai à quelques textes récents, mais significatifs, qui visent à aider les membres de la C.M. à prendre conscience et à créer des ponts entre notre communauté et les autres composantes de la famille vincentienne.

Nous lisons dans les Constitutions, art. 17: “La Congrégation de la Mission et les Filles de la Charité ayant recueilli un héritage commun, les Confrères viendront volontiers en aide à ces dernières lorsqu'elles en feront la demande, surtout pour les exercices de la retraite et la direction spirituelle et ils leur apporteront aussi une collaboration fraternelle et constante dans les œuvres entreprises de concert.” Le Statut 7, 1, se rapporte aux relations entre la C.M. et les mouvement laïcs vincentiens: “Les Confrères prendront un soin particulier des Associations de laïcs instituées par saint Vincent lui-même ou dérivant de son esprit; elles ont droit, en effet, à notre sollicitude et à notre soutien”. De son coté, l'Assemblée Générale de 1992 approuva un texte certainement quelque plus générique que ceux cités précédemment, mais riche d'intérêt pour nous: "Nous prenons acte que nous ne sommes pas seuls dans notre vocation, mais que nous appartenons à une grande famille vincentienne, constituée des Filles de la Charité, des autres Communautés religieuses et des laïcs, également touchés par l'esprit de saint Vincent.” (5) La C.M. se reconnaît elle-même comme membre actif à l'intérieur de la famille vincentienne".

Les textes cités ne sont seulement que la face visible d'une tradition impulsée par saint Vincent et maintenue vivante jusqu'à l'entrée dans le troisième millénaire.

Avec joie et humilité

La famille vincentienne fit ses premiers pas, comme nous le savons, il y a presque quatre siècles. Eh bien, à la fin du second millénaire le "lion endormi", l'expression étant appliquée dans ce cas à la famille vincentienne, se lève et se présente avec un nouveau visage et une nouvelle vitalité. En ces années post-conciliaires, et en particulier dans cette dernière décennie, nous faisons des pas significatifs dans la découverte de notre être et de notre agir propres, en tant que la famille vincentienne. Tout ceci nous remplit de joie et nous permet d'affronter avec confiance l'avenir proche.

Avec joie certainement, mais aussi en même temps, avec humilité et réalisme. Avec humilité, parce que des questions restent toujours en suspens. Les clés de la mise au point de la famille vincentienne se trouvent avant tout dans l'identification de chacun de ses membres au charisme vincentien, ainsi que dans le renouvellement spirituel et dans la formation de tous.

Posons-nous la question: La formation permanente, spirituelle et vincentienne, est-elle vraiment parvenue à la base des divers groupes de la famille vincentienne, composée parfois de groupes minuscules, disséminés de par le monde? Qu'elle image donnons-nous de nous-mêmes, en tant que famille vincentienne, par exemple, auprès des pauvres, des jeunes et même, des Conférences Épiscopales? Chaque membre de la famille vincentienne a-t-il pris avec sérieux son appartenance à cette famille? Quel est le niveau de collaboration entre les diverses composantes de la famille vincentienne? Les membres de la C.M. et les Filles de la Charité appuient-ils avec courage et dans les faits la formation vincentienne des divers mouvement laïcs?

Le 5 octobre 1996, la CPAG 98 envoya aux Visiteurs et aux Conseils une enquête dans laquelle on leur posait des questions sur l'unité et la coopération existant entre les diverses branches de la famille vincentienne au niveau du service des pauvres. Les réponses, en général, nous permettent d'être optimistes mais non pas triomphalistes. Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. C'est le propre des sages d'évaluer avec réalisme la réalité telle qu'elle se présente et, en partant de là, de se projeter avec joie, et en même temps avec humilité, vers le futur.

Justement, cette 39ème Assemblée Générale vient à propos pour nous permettre de réfléchir à fond sur un thème aussi suggestif comme l'est celui concernant la famille vincentienne dans le monde et sa mission pour le prochain millénaire. Dans une réflexion ensemble, à deux voix, entre membres de l'Assemblée Générale proprement dite et invités, il ne faut pas s'étonner que nous entendions des allusions aux avancées et aux lenteurs de la famille vincentienne, à son passé et à son présent, à son projet particulier et à ses aspirations pour le futur.

Cette Assemblée Générale peut et doit parvenir à être un but historique pour la famille vincentienne. Prenons conscience que le thème choisi pour cette Assemblée Générale fait référence, pour la première fois dans la déjà longue histoire de la C.M., à la famille vincentienne en tant que telle. Il convient de faire remarquer que durant ces jours, étant donné le grand nombre de participants invités, nous comptons avec une opportunité optimale pour nous écouter les uns les autres, pour mieux nous connaître, nous estimer, et nous appuyer mutuellement, et encore, impulser l'unité de tous dans la diversité des charismes "Il y a diversité de charismes, mais l'Esprit est le même. Il y a diversité de ministères, mais le Seigneur est le même"(1 Cor 12,4-5). Ceci étant, il serait bon qu'éclairés par les lumières de l'Esprit Saint, et mettant de notre coté le plus grand intérêt tout au long de cette Assemblée Générale, il nous soit possible d'affronter, dans un futur proche, en collaboration et avec des espérances solides, les défis propres à l'évangélisation des pauvres.

Autour des charismes reconnus

Autour de certains charismes reconnus par l'Église, se sont formées de grandes familles intra-ecclésiales, avec une double composante, cléricale et laïque. C'est le cas de la famille vincentienne, Impulsée par saint Vincent, cette famille est aujourd'hui un arbre touffu aux larges proportions. Le charisme que l'Esprit-Saint donna un jour à saint Vincent est partagé, en quelque sorte, par des millions de personnes.

Une intervention récente du Magistère de l'Église vient de légaliser ce fait qui touche à celle-ci et à d'autres familles reconnues à l'intérieur de la communauté ecclésiale. Jean-Paul II, dans l'exhortation Apostolique "Vita Consecrata" s'exprime dans les termes suivants "Ces nouvelles expériences de communion et de collaboration méritent d'être encouragées pour divers motifs. En effet, il pourra en résulter, avant tout, le rayonnement d'une spiritualité qui porte à l'action au-delà des frontières de l'Institut; ce dernier comptera ainsi sur de nouvelles forces pour assurer dans l'Église la continuité de certaines de ses activités caractéristiques" (Vita Consecrata, 55).

Le pape, dans le texte cité, utilise une terminologie au contenu dynamique, parlant de chemins de communion et de collaboration: de communion, c'est-à-dire, de coïncidence en ce qui est fondamental et de participation croissante de la part de tous dans tout ce qui nous unit; de collaboration, c'est-à-dire, d'intégration des énergies personnelles et de groupe, afin de parvenir à un but qui coïncide, l'évangélisation et le service des pauvres.

Delà vient, continue le Pape, un grand bien "Le rayonnement actif de la spiritualité propre”, dépassant les frontières de chaque groupe et même, de la famille vincentienne. De cette façon, sera assurée dans l'Église la continuité et l'expansion d'un charisme inestimable comme celui partagé par toute la famille vincentienne.

Vers le Jubilé de l'an 2000

L'Église chemine de façon décidée vers la célébration du Jubilé de l'an 2000, et donc vers le commencement du troisième millénaire. L'année 1998, deuxième de la phase préparatoire, est consacrée à l'Esprit-Saint. A l'invitation du Pape "la réflexion des fidèles en cette deuxième année de préparation devra se centrer avec une particulière sollicitude dans les valeurs d'unité à l'intérieur de l'Église, vers laquelle tendent les divers dons et charismes suscités en elle par l'Esprit-Saint" (Tertio Millennio Adveniente, 47).

Une valeur, donc, d'unité dans la diversité des charismes et des réponses; une valeur de collaboration mutuelle, à laquelle on parvient à partir de la pluralité des groupes, mis en évidence dans l'existence elle-même et dans les moyens d'agir spécifiques des diverses branches vincentiennes.

Voici donc le défi qu'a devant elle la famille vincentienne, et avec une note d'immédiateté, la 39ème Assemblée Générale: respecter avec grand soin la singularité de chaque groupe, faire grandir le sens propre de l'appartenance à la famille vincentienne, découvrir les fils qui nous unissent et, finalement, faire converger nos énergies vers l'évangélisation des pauvres.

Avant de terminer, je souhaite faire une allusion à un fait qui a enrichi la liste de saints de la famille vincentienne dans les dernières années. Le 2 juin 1996. Le Pape Jean-Paul II a déclaré saint, place Saint-Pierre à Rome, Jean Gabriel Perboyre. De même, le 4 mai 1997, le Pape faisait entrer le gitan vincentien Ceferino Jimenez Malla dans le catalogue des Bienheureux.. Tous deux avaient achevé leur vie par un martyre glorieux. Finalement, le 22 août de cette même année 1997, Frédéric Ozanam était déclaré bienheureux. Nous pouvons grandement rendre garce à Dieu pour le fait de pouvoir compter dans la famille vincentienne des frères éminents par le don de leur personne et par leur sainteté.

Saint Vincent, comme il l'avait fait un jour devant les Filles de la Charité, continue à nous exhorter maintenant avec ces mots: nous devons "aimer et respecter comme des frères et soeurs ceux que Notre Seigneur a lié et unis par son amour." (SVP X, 702)

(Traduction: Bernardo Garcia, C.M.)

(1) José Maria Román La Famille Vincentienne un renouvellement constant. Vincentiana, juillet-octobre 1995, pp. 224-246.

(2) Betty Ann McNeill, Monograph I The Vincentian Family Tree

.Vincentian Studies Institute. Chicago 1996;

(3) José Maria Román, op. cit. p.224.

(4) Robert Maloney Circulaire 20 avril 1994.

(5) Lettre aux Confrères. Document final de l'AG 92