L'identité de la Congrégation d'après les articles 1-9 des Constitutions de 1980

L'IDENTITÉ DE LA CONGRÉGATION D'APRÈS LES ARTICLES 1-9 DES CONSTITUTIONS DE 1980

P. Antonio Elduayen, C.M.

Province du Pérou

Par manière d'introduction

«Les Constitutions en tant qu'expression de notre identité, à partir et prenant en compte les numéros 1 à 9» (Vocation), sont l'objet de cette étude. L'angle de vue sera historique et analytique, centré sur les articles1 à 9. Quelques données de l'histoire du texte, de sa genèse, aideront à analyser et à mieux comprendre son contenu et sa portée. Les Constitutions d'une Institution sont beaucoup de choses à la fois: la Grande Charte, la structure vertébrale, l'empreinte de sa substance, le corps légal de base, la Règle de Vie, son Chemin de perfection…

Pour le moment, elles nous intéressent en tant qu'expression de l'identité de la Congrégation. Montrer pourquoi et comment nos Constitutions contiennent, donnent de l'ossature, garantissent, animent, expriment, et communiquent notre identité (vers l'intérieur) et notre identification (vers l'extérieur). Laissant de côté ce qu'elles ont d'occasionnel ou d'accessoire, il est important de distinguer entre ce qui, dans les Constitutions, est constitutif essentiel ou seulement, constitutif intégral.

Par rapport à son identité/identification, il semblerait que la Congrégation souffre d'ambiguïté depuis ses origines. D'un autre côté, depuis ses origines aussi, et précisément à cause de ce qui pourrait apparaître sa faiblesse, il y a en elle une grande force novatrice, qui lui vient du charisme de son fondateur. La Congrégation apparaît dans l'Eglise et dans le monde comme Innovation (et même comme Révolution). Sans doute ce don de l'Esprit et la conscience de son être particulier la portent à une recherche permanente et parfois même angoissante de son identité/identification: comment se situer dans l'aujourd'hui des pauvres. Elle sait, tout en donnant parfois l'impression de l'avoir oublié, que son identité est dynamique, et non statique; organique et vivante, et non inerte.

Cette identité/identification que cherche la Congrégation, a son origine fondamentale dans ce que nous appelons sa Fin, sa Nature et son Esprit, (Vocation dans les Constitutions-80). On y trouve, parfois, des éléments (œuvres) qui la marquent beaucoup, et pour longtemps, telles les œuvres des missions ou du clergé, mais qui ne constituent pas sa nature/fin fondamentales

Fin, nature et esprit sont la caractéristique essentielle de l'identité de la Congrégation Des trois, la Fin fut, dans les Assemblées 68-69, 74 et 80, la plus difficile à clarifier et à accepter comme identifiant… La Fin fut aussi le thème le plus longtemps débattu. C'est pour cela que se demander ce que les Constitutions-80 disent de notre identité, c'est, en définitive, s'interroger sur sa Fin.

La recherche post-conciliaire de notre identité/identification fut commencée par le Supérieur Général, le P. William M. Slattery, en convoquant l'Assemblée Générale Extraordinaire de 1968. Elle fut convoquée pour l'aggiornamento de la Congrégation, mais très vite elle dévia sur la question de la recherche et de la définition de notre identité à partir de la Fin. Il est curieux d'observer comment quelque chose qui naît du besoin d'aggiornamento ou de rénovation, devient parmi nous, du début jusqu'à la fin, recherche et définition de notre identité. Etait-ce seulement parce qu'il fallait un retour aux sources?

L'aventure d'une recherche

Par rapport aux Constitutions de 1953, ce que les C+S/68-69 disent sur la Fin de la C.M. fut un bon changement, mais non pas le saut spectaculaire que l'on aurait pu en attendre après 16 ans de changements dans le monde et dans l'Eglise. Il y a eu un changement positif dans la sensibilité et la mentalité, mais, curieusement, il y a eu retour en arrière dans la vision et dans la formulation de la Fin, surtout en considérant la fameuse Note de l'article 5 sur l'interprétation de la Fin, dans les Constitutions de 1968-69

Le contenu de cet article 5, et de sa Note représente deux cultures et deux manières de voir et de se situer dans la Congrégation, opposées pas totalement, Dieu merci, et facilement repérables dans la géographie. Les groupes anglophones pensaient que l'on donnait une interprétation très radicale, et unilatérale, au texte de la Fin, approuvé en 68 (art. 5), et ils demandèrent à l'Assemblée, une interprétation vraie. L'unité de la Congrégation, disait-on, était en jeu. Mise aux voix, la motion fut approuvée dans ses deux parties. La Congrégation ne demeura pas divisée, mais l'on mit en évidence, entre autres, la division et la polarisation existant par rapport à son identité et son identification.

La XXXV AG-74 ne put ou ne voulut rien faire par rapport à cette Note et ses implications sur l'identité/identification de la Congrégation, car, délibérément, elle opta de ne pas toucher les Constitutions - excepté le chapitre de Régime? Elle se consacra à évaluer les expériences et les initiatives faites par les provinces par rapport aux C+S ad expérimentum de 68-69 et à élaborer quelques déclarations.

Après avoir présenté «le chemin de saint Vincent» (D 14-15) et «notre chemin» (D 16-18), prenant en compte le changement de perspectives dans le monde et dans l'Eglise» (D 19-22), la AG de 74 présente ce qu'elle appelle «Notre Vocation»

(D 23-26). Le terme, qui devient titre - et continuera comme titre dans les Constitutions de 80 -, vient d'un texte de saint Vincent de Paul (Coste II, 14), qui le cite, et qui, dans le contexte des DD 24 et 25, s'y rapporte et s'identifie avec la fin:

Délaissant la fameuse Note interprétative des C+S/68-69 et mystifiant un peu les choses, l'AG de 74 présente «l'évangélisation des pauvres»comme «notre fin», « notre signe, la raison d'être de notre vie et sa colonne vertébrale». Et elle cite saint Vincent: «ceci vous est particulier, être consacrés aux pauvres comme Jésus-Christ. Notre vocation, par conséquent, est la suite de la sienne…»

«A la lumière de cette fin», qui est notre vocation, nous nous consacrerons à tout le reste: «former des ministres et des prêtres dignes, aller aux besoins les plus urgents de l'Eglise» (D 25). Il devra diriger (D 26) notre spiritualité, nos travaux apostoliques, notre vie communautaire, la formation, notre agencement communautaire. Dans les Constitutions de 80 (art. 9), cette vocation, «à savoir, fin, nature et esprit (devra diriger) la vie et l'organisation de la Congrégation» qui, dans les Constitutions, représentent les Parties restantes II et III.

La fin d'une recherche. Assemblée Générale 1980

A l'AG de 80, on voulut que cet art. 9, qui résumait la D 26, fut comme la charnière qui unissait la 1ère Partie des Constitutions (Vocation) avec les deux autres (Vie et Organisation). Mais, bien entendu, c'est beaucoup plus qu'une charnière. Il contient l'impératif logique et moral de tout conduire, c'est-à-dire, d'orienter, de guider, d'avancer, d'atteindre des buts et tout évaluer, à la seule et pure lumière de notre Vocation (Fin - Nature - Esprit) au service de l'évangélisation des pauvres. Et il exprime, avec clarté, quelle est l'identité et l'identification de la Congrégation, tout en étant, en plus de «notre signe, raison d'être et colonne vertébrale» (D 25).

La XXXVIème. AG de 80 fut convoquée par le Supérieur Général P.JamesW. Richardson le 28.05.1978. Sa préparation fut consciencieuse, la Congrégation entière ayant été mise en «état d'AG» depuis 1977. Ceux qui ont contribué grandement à cela furent la CP AG de 80 et la SCI (Sous commission pour la partie juridique des Constitutions par rapport au Droit Canon, encore non publié). La Commission et la Sous commission furent nommées par le Supérieur Général, respectivement en 1975 et en 1977. Son travail prit fin le 13.O3.80, avec l'élaboration du Documentum Laboris, appelé par beaucoup le Livre Vert, qui, contrairement au tristement fameux Livre Noir de la première assemblée, fut un bon outil de travail.

Eclairés par l'Esprit Saint, instruits et motivés par l'Exposé du Supérieur Général, P. J.W. Richardson, et conscients de leur rôle historique, les 119 participants à l'Assemblée commencèrent leur travail. L'aventure d'aggiornamento, qui avait duré 12 ans, et de recherche de l'identité/identification aujourd'hui de la Congrégation, parvenait à sa fin. «L'heure de la vérité» avait sonné. Il fallait donner un visage attirant, moderne et définitif à la Congrégation, avec des Constitutions définitives, qui devaient être «approuvées par Rome» et dont la révision ne serait possible que 5 ou 6 ans plus tard.

Pour son travail, la Commission De Fine, ne partait pas de zéro, ni unilatéralement de ses propres idées. Elle élabora le document appelé «Premier Document» sur la Fin, en tenant en compte, le nombre et le poids, les raisonnements et les options des Provinces, selon le Documentum Laboris. Les options de l'immense majorité étaient pour l'évangélisation des pauvres comme fin unique, en basant leurs raisonnements sur la fidélité à saint Vincent, sur l'appel de l'Eglise à actualiser la Congrégation, et sur les besoins croissants et criants des pauvres.

Pourquoi en ce qui concerne la Fin de la congrégation ne fut-il possible de l'approuver auparavant, de sorte qu'elle put influer de manière unitaire, «directive» et décisive sur l'élaboration des Constitutions-80? Bien que la commission, dans sa majorité, n'avait pas de doutes sur la demande des Provinces, ni par conséquent, sur le contenu du Document Premier devant être présenté à l'Assemblée, elle préféra partir fermement en demandant un «vote indicatif» sur un point «magni momenti»: «La C.M. a-telle une Fin ou plus d'une?» L'Assemblée se prononça enfin sur une seule Fin. Á partir de ce moment, la Commission de Fine mit au point le texte sur Vocation, en incluant l'introduction, malgré les entraves et les difficultés.

La proposition de la Commission représentait un changement de profil, mais non pas une Fin. En termes de Constitution, cela signifiait seulement déposer le contenu de la Note approuvée lors de la LXII Session de l'Assemblée Générale de 69. Contre ce que l'on approuva alors, on proposait maintenant, de manière plus simple et plus évangélique, que LA FIN DE LA CONGREGATION EST DE SUIVRE JESUS-CHRIST EN TANT QU'EVANGELISATEUR DES PAUVRES. En termes de vocation et d'identité/identification, l'Assemblée reconnaissait et réaffirmait (87 OUI et 24 NON lors du vote du 25.07), n'avoir qu'une FIN UNIQUE, et que, comme pour Jésus-Christ, cette fin consiste à ÉVANGELISER LES PAUVRES, ce qui devient la marque de tout ce qu'elle peut et devra faire.

Avec cette proclamation de la Fin unique, et sans autres résistances particulières au contenu du texte sur la Nature et l'Esprit, ce fut une question de temps, de maturation et de patience pour approuver le texte final sur la Vocation et celui des Constitutions. En un regard d'ensemble (de 68 à 80), ce qui s'était passé signifiait un grand effort et c'était la fin d'une aventure. C'était là le nouveau visage de la Congrégation, sa personnalité rajeunie, l'empreinte plus claire de son essence, sa constitution essentielle, (plus loin de ce qui est seulement intégral, ou médiation institutionnelle, ou fin spécifique), le miroir auquel on doit se regarder pour savoir qui on est, et comment on doit être en toute circonstance, son identité/identification.

L'identité retrouvée

Après 12 ans de recherche et d'expérimentation (1968 - 80), la Congrégation avait redéfini dans les Constitutions de 1980, son identité - Congrégation, que dis-tu de toi-même? se demanda-t-elle avec l'Eglise (LG)-, et son identification - comment veux-tu qu'on te regarde, et que veux-tu faire dans ce monde moderne? (GS). En même temps, on avait établit les bases pour sa place dans le CIC.

Cela n'aurait pu être ni beaucoup, ni parfait, mais c'était, vu toutes les circonstances, ce que nous avions su faire et nous donner de mieux ensemble. C'est ce que nous ramenions à la maison (préoccupation de quelques membres de l'Assemblée). Valait-il la peine tant de temps, d'efforts, et de dépenses investies ?

Par rapport à ce qui fut le problème principal de notre identité/identification et son aggiornamento, que contiennent les nouvelles Constitutions dans les articles 1 à 9, Vocation? Beaucoup de choses, bien que ce ne soit pas suffisant. Beaucoup de choses, si l'on pense aux avancées faites et à la grande clarification et progrès des mentalités obtenues (chez des missionnaires et dans les provinces), en dépassant, avec foi, bonne volonté et un grand amour de la Congrégation, les différences culturelles et les intérêts raisonnables crées. Pas suffisamment, si l'on regarde les déficiences de ces mêmes avancées et, surtout, les incohérences par rapport au reste des Constitutions en ce qui concerne la FIN.

En commençant par le titre de la Première Partie, ce qu'il y a de bon dans le terme Vocation c'est qu'il contient un «appel» qui donne unité et sens à l'être et faire de la Congrégation. Elle va nous dire à quoi elle a été appelée. Par contre, ce qui est mauvais, c'est qu'elle ne nous donne rien à découvrir d'elle-même, jusqu'à lire ce qui vient ensuite. Vocation pour la Mission ou simplement MISSION , comme cela a été suggéré quelquefois dans l'Assemblée serait beaucoup plus déterminant, gardant en même temps la garantie d'unité et de qualification de l'ensemble: Communauté pour LA MISSION, Formation pour LA MISSION, etc.…

Le fait d'avoir donné à la Congrégation une seule Fin, et que celle-ci consiste à suivre le Christ en tant qu'évangélisateur des pauvres, est, sans doute et en beaucoup d'aspects, le plus grand progrès de l'aggiornamento de son identité/identification. En effet il répond au charisme et à la volonté expresse de St Vincent, tout d'abord; et, ensuite, il doit rendre essentiel et orienter de façon missionnaire ce que doivent être notre Vie et Organisation. Pour les trois Assemblées constituantes, la Fin fut, de façon constante, leur cheval de bataille. Les succès ou les ratés des 146 autres articles des Constitutions viennent de sa plus ou moins grande proximité avec la Fin proposée.

Adhérer de manière ferme et fidèle à la Fin, c'est ce qui peut sauver l'unité (communion) dans la diversité (des Provinces avec leurs cultures et traditions différentes) et ce qui peut authentifier (made in C.M.) son apostolat diversifié (articles 2, 11-15, etc.)

La Fin proposée éclaira et initia spontanément des ajouts et des nuances rénovatrices, surtout en ce qui concerne les trois médiations appelées Fins par saint Vincent. A leur tour, ces médiations demeurèrent plus aptes pour obtenir la Fin de la Congrégation. Sans doute saint Vincent nous les aurait laissées ainsi aujourd'hui (articles 1.1°, 2° et 3°), avec les nuances et les ajouts qu'ils ont:

  • Le 1, «la perfection propre à laquelle il faut se consacrer» se réfère autant ou plus à la vie spirituelle de chacun, propre ou personnelle, comme on l'a presque toujours compris, à la vie spirituelle qui doit être en consonance avec l'Esprit qui conduisit Jésus à évangéliser les pauvres, c'est-à-dire, convenable avec son esprit, comme le dit le texte actuel.

  • Le 2, met au présent actif et continu la Fin de la Congrégation, c'est-à-dire: pour le missionnaire C.M. les pauvres et leur évangélisation ne sont pas une option mais un vœu pour toute sa vie (celui de la stabilité). L'option, ce sont les pauvres les plus abandonnés…; et

  • Le 3, double (multiplie, plutôt) les Agents Pastoraux(clercs et laïcs ), qui auront soin du pauvre peuple, car nous les auront formés en les sensibilisant à prendre une option pour les pauvres.

En rapport avec la nature de la Communauté, il parut à la Commission et à l'Assemblée que le texte proposé et voté avec un OUI presque unanime, était précis et convaincant. Il définissait la Congrégation comme «société apostolique, secular sui generis, cléricale, de vie commune et exempte…»Tout était là. Mais la SCRIS «observa»le texte, et dit que la description était vague et que le terme «séculier» il fallait soit l'enlever, soit l'expliquer mieux… Le Conseil Général eut à reformuler l'article 3, Il demeura comme il est dans les Constitutions actuelles: l'identité pastorale (en accord avec la Fin) et l'identité juridique (selon le CIC, 731), sont acceptables. Mais notre identité séculière, très faible, seulement historico-pastorale.

Cette identité, telle que la présentent les Constitutions (art. 3.2), manque de consistance. Avant, l'on avait l'habitude de définir notre sécularité par ce que nous ne sommes pas: NOUS NE SOMMES PAS DES RELIGIEUX…Mais quelle est donc notre sécularité, dans une description positive? Quoi qu'il en soit, c'est beaucoup plus que l'exercice de son «apostolat en étroite coopération avec les Evêques» (art. 3.2). Le nous sommes «prêtres séculiers», "nous sommes de la religion de saint Pierre», aux dires de saint Vincent, contient beaucoup plus que cette simple coopération si étroite soit-elle.

L'identité séculière de notre Congrégation et celle des missionnaires, veut dire qu'elle a dans le monde, dans ce qui est séculier, ses racines (bien incarnées, dans le contexte du mystère de l'Incarnation), son style de vie (en résidences et non en couvents, ni en communauté, mais en vie fraternelle en commun), le don de soi à Dieu (à travers l'évangélisation des pauvres renforcée par les vœux que nous émettons) et son apostolat (autonome ou exempt par concession spéciale pour mieux pouvoir évangéliser les pauvres et les cultures).

L'identité spirituelle de la Congrégation est particulièrement exprimée dans l'art. 5.Le texte sur l'esprit de la Congrégation «art. 5-8», semble être un résumé de notre spiritualité, qui est christocentrique (art.5), trinitaire, providentialiste, pleine de charité compassée et efficace à l'égard des pauvres (art.6), missionnaire et revêtue des vertus du missionnaire (art.7), toujours en recherche (art.8). Elle contient, certainement, tout cela, mais, dans le contexte de la Vocation, ce serait pécher par réductionnisme, que le limiter à être la proposition vincentienne de notre vie selon l'Esprit. En termes d'identité/identification, c'est la «forme» profonde de la Nature et de la Fin de la Congrégation en profondeur.

L'esprit de la CM. ayant été défini comme une participation de l'Esprit qui marqua et envoya Jésus-Christ évangéliser les pauvres, ce qui est ici exprimé (art.5), c'est comme une résonance du charisme fondateur. Il est placé là pour être, avant tout, le souffle «in-formant »constitutif de notre identité, ce qui donne âme missionnaire à la nature, et élan missionnaire à la Fin.

De manière décidée, en rapport avec notre identité/identification, les Constitutions nous disent que nous sommes une Congrégation de chrétiens, prêtres ou laïcs, mais tous également missionnaires, appelés et poussés par l'esprit (art.5) à continuer la mission évangélisatrice de Jésus-Christ avec les pauvres (art.1), à partir de leur monde et avec autonomie (sécularité et exemption, art.3.2). Pour mieux atteindre cette fin, nous suivons la proposition, le chemin et le style de saint Vincent de Paul, approuvés par l'Eglise. C'est dire qu'en regardant toujours la MISSION, nous nous assemblons pour vivre fraternellement en commun, nous faisons des vœux qui renforcent et «stabilisent» notre vocation-mission, et nous nous donnons des Constitutions qui règlent notre vie et nous garantissent, si nous les accomplissons, la sainteté. La première partie de cette description contient le constitutif essentiel de notre identité/identification; la deuxième partie, son constitutif intégral.

Il est à souhaiter que lors de la prochaine Assemblée Générale de Révision des Constitutions, avec l'expérience de ces 20 ans et dans le contexte de la Nouvelle Evangélisation et de son Inculturation, la Congrégation puisse se donner les Constitutions dont elle a besoin, dans le monde chaque fois plus globalisé de ce siècle. Des Constitutions qui expriment, avec une plus grande clarté et détermination que les Constitutions actuelles, notre Vocation pour la Mission.

(Traduction: BERNARD GARCIA, C.M.)

Concernant les Constitutions de 1980, il y a en Vincentiana, entre 1980 et 1985, les articles et études suivants: «36ème Assemblée Générale de la Congrégation de la Mission», p. E. Antonello. (XXIV, 198O, 6, p. 334-354); «Les Nouvelles Constitutions de la C.M.» C. Braga, (XXV, 1981, p. 63-82); «En commentant les Nouvelles Constitutions» p. J.O. Baylach, (XXV, 1981, 3, p. 222-227 et 5.6, p. 383-409; «La signature de saint Vincent dans les Constitutions révisées de 1980» J.M. Cavana, XXVI, 1982, 3-4, p. 135-146; «Commentaire sur les Constitutions» Miguel Pérez Flores, idem. P. 147-187; «Les Constitutions et Statuts de 1984» J.O.Baylach, XXIX, 1985, 1, p. 83; «Les Constitutions de 1980 à celles de 1984» Miguel Pérez Flores, idem, p. 84-146. Il y a beaucoup d'autres références, non pas à l'ensemble, mais à quelque thème concret des Constitutions. C'est à elles que font référence la Rencontre de Visiteurs à Bogota (1983), le Mois Vincentien à Paris (1984) et l'AG de 1986, 92 et 98, spécialement celle de 1986. Bien qu'à cause des 20 ans que l'on veut célébrer, je me réfère toujours aux Constitutions de 80, en réalité je tiens compte des Constitutions actuelles de 84, promulguées et présentées par le Supérieur Général en date du 27.09.1984, qui incluent les changements que l'on eut à faire pour que la SCRIS puisse approuver (29.07.1980) les Constitutions 1980. Cf. l'étude citée du P. Miguel Pérez Flores: «Les Constitutions de 1980 à celles de 1984».

Prendre en compte et être cohérent avec cette distinction, c'est fondamental. L'ignorer ou le laisser de côté a toujours été et continue à être la cause de nombreux maux. Il en a été ainsi en ce qui concerne l'Eglise, lorsque l'on a confondu son constitutif essentiel - (Jésus-Christ comme Bonne Nouvelle)- et son constitutif intégral - (l'option pour les pauvres, la Doctrine Sociale, etc.) Il en a été ainsi au niveau de la Congrégation, lorsque l'on a confondu sa Fin avec les moyens institutionnels ou médiations pour atteindre cette fin, comme les missions ou l'œuvre du clergé.

Sans tomber dans les médisances d'une certaine légende noire, il est certain que notre manière d'être, particulière et atypique, depuis les origines, produit - et peut nous conduire- à une certaine confusion, amplifiée tout le long de l'histoire. En voici, entre autres, les causes: nos noms, nombreux; nos fins, nombreuses; le fait de n'être ni religieux, ni laïcs; la nature de nos vœux.

Coste XII, 1-14; 73-94; XI, 133, 135-136. Cf. P.Jaime Corera: "Le Testament de Monsieur Vincent" (Vincentiana, année 24, 1980, 1-2, p. 42).

Le reste des Constitutions - art. 10 à 155-, est aussi important pour notre identité et identification, à condition qu'il ne nous empêche pas de voir ce qui est essentiel, à condition, aussi, qu'il vienne et conduise à ce qui est essentiel.

Cf. n°2 des Chroniques de l'Assemblée-80, qui consacre 13 pages à l'histoire de la Fin d'après les Assemblées de 68-69, 74 et 80 (commencement), sous le titre «Vie et Miracles de Sainte Fin de la C.M. et quelques-unes unes des tentations et écueils qu'il lui fallut souffrir avant de parvenir à sa canonisation et à sa béatitude»

Il le fit pour accomplir un Décret de la AG/CM-1963 et du Motu Proprio Eclesiae Sanctae (II, 3, 6. PC 2,3,4,). A l'été 1967, vingt et une Commissions spécialisées, plus de 100 missionnaires, préparèrent cette Assemblée, qui eut lieu à Rome du 22.O8 au 05.10.1968. Son Documentum Laboris, le tristement réputé Livre Noir (à cause de sa couverture), fut tout simplement laissé de côté. On aurait dit que l'esprit de la Révolution Culturelle Juvénile de mai 68 était entré dans l'Assemblée avec son cri «l'imagination au pouvoir». Et les commissions recommencèrent tout… malgré cet esprit révolutionnaire et les tendances libérales pastorales qui prévalaient, les C+S, promulgués le 14.09.69, même sans distinguer tout à fait entre Constitutions et Statuts, furent encore trop juridiques. Bien loin des Constitutions qui avaient été données à l'Eglise (LG et GS) et aux Filles de la Charité.

En 1953, ils eurent le courage de «toucher» à la fin proposée par saint Vincent dans les RR.CC.(art.1.1), ce qui ne fut pas possible à l'AG 68-69 (et difficilement, à celle de 1980). On projeta une fin générale et une fin spéciale, à laquelle on ajouta même un 3ème point: «Travailler aux œuvres de charité et d'éducation».

Je transcris cette Note, car elle est de la plus grande importance pour le thème qui nous occupe: «A la Session LXII, le 3 juillet 1969, l'Assemblée déclara que les propositions suivantes sont les vraies interprétations du texte approuvé sur la Fin de la Congrégation: l'évangélisation et la promotion humaine et chrétienne des pauvres est la fin prééminente, mais non unique, de la Congrégation de la Mission. 2° l'évangélisation et la promotion humaine et chrétienne des pauvres est le critère suffisant en soi, mais non nécessaire, pour sélectionner nos œuvres».

La XXXV AG-74 eut lieu à Rome (16.08 - 23.09) Planifiée et réalisée comme une Assemblée de Prorogation et de Transition par rapport à celle de 1980 qui serait la finale constitutive, on lui confia quatre missions, dont les deux principales sont mentionnées dans le texte.

L'Assemblée les proposa «pour éclairer, stimuler et diriger l'effort de toute la Congrégation et de chacun de ses membres» (D.13) et elles furent promulguées par le Supérieur Général, P. J.W. Richardson, le 23.09.74.Elles font une relecture des Constitutions 68-69, envisageant et enrichissant de nouvelles lumières les articles les plus difficiles et les plus chauds. Par rapport à l'évangélisation des pauvres, elles sont plus radicales que les Constitutions 68-69. cf. DD 17, 22, 25, 29. L'évangélisation des pauvres comme Fin, et la Fin comme VOCATION apparaît les DD 24 et 25, respectivement. VOCATION est le titre sous lequel l'on recueille les Déclarations 23-26. Elle deviendra le titre de la Première Partie des Constitutions 80, ramassant les articles qui se réfèrent à la FIN.,NATURE et ESPRIT de la C.M.

Elle eut lieu à Rome, l'année du 150 Anniversaire des Apparitions de la Vierge de la Médaille Miraculeuse, du 16.06 au 8.08. 54 jours! L'AG la plus longue de la C.M., avec 119 confrères, Age moyen: 50, 91 (3 ans plus vieille que celle de la première AG/68, mais malgré tout, plus jeune que la moyenne d'âge de la C.M.). La Congrégation avait perdu 1640 membres (28,4%): 743 prêtres, 181 Frères et 720 Etudiants. Après 12 ans de renouvellement…!

cf. Vincentiana 24, 1980 1-2, pages 18-29.

On l'appela ainsi pour abréger, et dut composée par les PP Elduayen (Président), Maloney (Secrétaire), Maside, McCullen, Morin et Duluq Le P. McCullen élu Supérieur Général, il fut remplacé à la commission par le flambant assistant P. V. Zico. A l'intérieur de la commission, et en rapport avec la Fin, à la proportion de 4 à 2, on trouvait les deux mentalités et tendances sur lesquelles allait se polariser l'Assemblée.

Cf. l'article du P. J.P. Renouard en Vincentiana 24, 1980, 1-2, p.25-28

Elus, les premiers, dans l'après-midi du 19.06, ils furent aussi les premiers à se présenter comme commission devant le Plenum, le lundi 23.06, et …les derniers, pour approuver le texte final, l'avant-dernier jour de l'Assemblée, le 23.06. Le travail de la Commission et son avancée furent freinés continuellement à force de motions, pétitions et subterfuges «parlementaires». Quelques-uns des arguments présentés peuvent être résumés ainsi: 1. La Fin proposée par la Commission signifie un changement par rapport au fond de la fin proposée par saint Vincent, et non pas seulement quant à sa forme. 2. C'est aller contre la Tradition et l'Histoire de la Congrégation, qui a vécu et travaillé en paix et bien, avec la fin proposée par saint Vincent. 3. On laisse de côté ou l'on dénature la formation du clergé. 4. Le concept de FIN est ambigu. Dans chaque pays et langue, il y a des concepts distincts et beaucoup de synonymes au terme FIN. Que l'on cherche un autre mot, ou alors, qu'on ne parle pas de Fin… La FIN proposée est un questionnement personnel, jamais aussi acceptable que celui proposé par saint Vincent, etc.…

Quelques subterfuges, qui furent repoussés, mais qui prirent beaucoup de temps: 1.Faire changer le texte du Document De Fine, en amenant l'Assemblée Plénière à reconsidérer l'approbation déjà donnée, ou en y introduisant littéralement l'article 1.1. des RR. CC. ou bien en changeant de l'intérieur la configuration de la Commission. 2 Faire placer à l'intérieur de l'INTRODUCTION la Fin des RR.CC, puis prétendre que cette Introduction fait partie des Constitutions. 3. Placer les citations de saint Vincent dans les textes approuvés…

17. Dans le sens de la Déclaration 26 ou de l'article 9 des Constitutions actuelles.

Durant toute la matinée du 24, qui fut très chaude, les 7 groupes et 5 membres de l'assemblée à titre personnel exposèrent des arguments, des citations, des explications, des définitions, etc…pour une seule Fin, ou pour plusieurs. Avec un vote indicatif majoritaire pour une Fin unique, la Commission présenta son Premier Document, sur lequel 5 groupes (contre 2) se prononcèrent en faveur, et fut voté et approuvé, devenant Deuxième Document (valable pour aller de l'avant sans possible marche arrière)

L'impasse pour approbation finale du texte de Fine trouva sa conclusion moyennant un compromis adopté par le groupe de langue italienne: on enleva de l'article 1 le mot praesertim et l'on mit perficitur. Et le texte de la Commission sur la VOCATION fut approuvé par 109 voix, contre 5, 3 jours avant la fin de l'AG.

Le Supérieur Général, P. Richard McCullen promulgua le 27.09.1980, les Constitutions approuvées par l'Assemblée le 08.08, et les porta à la SCRIS pour approbation le 18.03.1981. Les Constitutions approuvées par la SCRIS 4 ans plus tard, entrèrent en vigueur le 25.01.1985.

Le CIC devait être publié le 25.01.1983. Justement une des préoccupations de l'AG-80 était en rapport avec notre future présence dans ce CIC. On décida de rester fidèle au patrimoine de la Congrégation, hérité de saint Vincent, et attendre avec confiance le cours des événements. A la fin, le CIC ouvrit, pour nous accueillir, la Section des Sociétés de Vie Apostolique cc. 731-746, et la SCRIS approuva nos Constitutions, en les améliorant, dit-on, au moins sur le plan juridique (Vincentiana 1985, I, page 146)

En général, on valorise dans les Constitutions, son contenu, riche et dense, et, en ce qui concerne la dimension vincentienne, l'effort, pas mal atteint, pour qu'elles aient la marque propre. Des chapitres comme ceux de la Vie Communautaire (II), et de l'Oraison (IV), qui commencèrent par être très généraux (valables pour n'importe quel institut), devinrent, à la fin, bien spécifiques. D'un autre côté, vues dans leur ensemble, elles avaient gagné beaucoup en unité interne et en définition et différenciation de ce qui, en elles, est constitutif essentiel de ce qui est, seulement constitutif intégral.

L'évangélisation des pauvres est présente dans les Constitutions, mais non de manière omniprésente comme cela devrait être, c'est-à-dire, cela ne semble pas être une référence dynamique, unitaire, incontournable et permanente. Peut-être, comme cela a déjà été dit, parce que l'on n'a pas tenu compte, dès les débuts des travaux, du texte définitif sur la Fin, avec sa lumière d'orientation. Cf. les incohérences, par rapport à la Fin, dans les articles 11, 12.1, 18, Cf. note 38.

Mission dans le sens d'évangélisation des pauvres, comme on le trouve en saint Vincent et dans la tradition C.M. Mission, et non pas missions, qui sont, pour nous le premier moyen institutionnel pour accomplir la Mission

Se définir par la Fin proposée suppose d'avoir réglé positivement, au moins en théorie, les deux problèmes subjacents à la question UN ou PLUSIEURS FINS: 1 Seulement les pauvres ou encore d'autres et 2. Quelle catégorie de pauvres? Bien que le texte de la Fin ne fut connu qu'à la fin de l'Assemblée, on savait le sentiment de la majorité, et dans cette majorité agissaient le charisme et la formation vincentienne reçus depuis le Séminaire. C'est pourquoi l'évangélisation des pauvres est très présente dans toutes les Constitutions. Cf. note 35

L'A.G. se mit d'accord pour ne pas mettre des citations ni de saint Vincent, ni aucune autre, dans le texte. Celui qui mit les citations de saint Vincent en 1.1. ne choisit pas les plus adaptées d'après le contexte, et surtout, oublia que l'esprit dont on parle clairement dans les articles 5-8 sur l'esprit de la Congrégation, en particulier l'article 5.

31 Provinces sur 40 acceptèrent le texte de la SCI. A l'Assemblée, ce texte fut approuvé presque à l'unanimité.

Cf. Vincentiana 1985, 1, p. 92.

CEME, Conférences aux missionnaires, n. 1110

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