Notre ministère d'aide à la formation du clergé diocésain. Hier et aujourd'hui

Notre ministère d'aide à la formation du clergé diocésain

- hier et aujourd'hui -

Robert P. Maloney, C.M.

Durant les dernières années de sa vie surtout, saint Vincent aimait parler de la formation du clergé diocésain. Au commencement, la Compagnie ne s'occupait que d'elle et des pauvres... mais dans la plénitude des temps, Dieu nous a appelés pour contribuer à faire de bons prêtres, à donner de bons pasteurs aux paroisses et à leur montrer ce qu'ils doivent savoir et pratiquer, confiait-il aux confrères le 6 décembre 1658. Il parle éloquemment de l'importance de ce travail, le décrivant dans les Règles communes comme presque égal à celui de prêcher les missions. En d'autres occasions, il va jusqu'à dire que la formation du clergé est égale aux missions. La formation du clergé diocésain est si fondamentale aux yeux de saint Vincent qu'il la présente dans les Règles communes comme l'un des buts de la Congrégation. Nos Constitutions de 1984 font fidèlement écho à saint Vincent en ce qu'elles étendent le travail de formation aux laïcs :

La fin de la Congrégation de la Mission est de suivre le Christ Évangélisateur des pauvres. Cette fin se réalise lorsque, fidèles à saint Vincent, Confrères et Communautés : ...3o aident à la formation des clercs et des laïcs, les amenant à prendre une part plus grande dans l'évangélisation des pauvres.

Le présent article porte sur notre mission vincentienne de formation du clergé diocésain. Il ne concerne donc pas directement la formation dans nos propres séminaires vincentiens, ni la formation des laïcs. Ces sujets sont certainement importants, mais je dois les remettre à plus tard et peut-être à quelqu'un d'autre! J'aborderai ici :

I.Le ministère de formation du clergé diocésain, tel que préconisé par saint Vincent.

II.Certains changements importants qui ont pris place entre le XVIIe et le XXe siècle.

III.Quelques réflexions sur la formation actuelle du clergé diocésain.

En réfléchissant sur le sujet, me remonte à la mémoire la liste impressionnante des confrères qui ont servi fidèlement dans ce ministère : parmi eux, Pierre Collet, Pierre-René Rogue, Louis-Joseph François, Jean-Henri Gruyer, Jean-Gabriel Perboyre, Fernand Portal, Guillaume Pouget, Pierre Coste, Raymond Chalumeau.

I. Formation du clergé diocésain telle que comprise par Saint Vincent

Sur cet aspect, saint Vincent voyait large et ses actions comportaient plusieurs facettes. Je vais tracer un bref tableau de celles-ci en six points principaux : les Missions, les Retraites aux ordinands, les Conférences des mardis, les Séminaires, les Retraites aux prêtres et le Conseil de conscience.

1.Les Missions

Bien que ce point soit parfois négligé, il ne fait aucun doute que les missions elles-mêmes ont été la première oeuvre pour laquelle saint Vincent dirigeait les énergies de la Congrégation vers la formation du clergé. Se référant aux missions, Abelly écrit :

Outre toutes ces fonctions qui se pratiquent à l'égard des personnes laïques, M. Vincent voulait encore que ses missionnaires s'employassent, comme ils font, pendant le temps de leurs missions, à rendre tous les services qu'ils peuvent aux ecclésiastiques des lieux où ils travaillent; particulièrement par le moyen de conférences spirituelles, dans lesquelles ils traitent avec eux des obligations de leur état, des défauts qu'ils doivent principalement éviter, des vertus qu'ils sont obligés de pratiquer et qui leur sont les plus propres et convenables, et autres semblabes sujets.

En fait, les récits des missions donnent de nombreux exemples de prêtres dont la vie a été changée par le travail des missionnaires. Ils montrent de toute évidence que très tôt la formation du clergé diocésain est devenue une préoccupation majeure pour saint Vincent, qui réalisait l'influence bonne ou mauvaise qu'elle pouvait jouer dans la vie des pauvres. Il affirme devant la communauté que son travail dans les missions l'a rendu conscient de l'importance de la formation adéquate d'un bon clergé.

2.Les Retraites aux ordinands

À maintes reprises, Saint Vincent raconte à quel point les prêtres diocésains de son temps sont mal préparés, et il se désole de l'influence désastreuse des mauvais prêtres. Et il n'était pas le seul de cet avis. Dès le début du XVIIe siècle Bérulle, Bourdoise, Olier, Eudes, et bien d'autres arrivaient à la même conclusion : la nécessité criante de réformer le clergé en France.

Comme pour ses autres oeuvres, Vincent souligne qu'il n'avait jamais pensé à organiser les retraites aux ordinands. Par contre, il s'y est certainement employé avec grand plaisir. Les ordinands lui paraissaient «le plus riche et le plus précieux dépôt que l'Église nous pouvait mettre entre les mains».

Abelly nous révèle l'origine des retraites. Augustin Potier, évêque de Beauvais, demanda conseil à Vincent à propos de la réforme de son clergé. Vincent, reconnaissant la difficulté d'un changement dans la vie de ceux qui étaient ordonnés depuis longtemps, lui recommanda de commencer par les plus jeunes. En septembre 1628, Vincent, accompagné de deux autres confrères, donna la retraite aux ordinands de Beauvais. Ce fut un succès. En 1631, les ordinands commencèrent à venir au Collège des Bons-Enfants pour les retraites, et plus tard à Saint-Lazare. Aux environs de 1639, tout le clergé à Paris, quel que soit son diocèse d'appartenance, devait participer à ces retraites. Les exercices avaient lieu six fois dans l'année jusqu'en 1643, et par la suite, cinq fois par année. On dit qu'à Paris seulement, durant la vie de saint Vincent, 12 000 nouveaux prêtres ont participé aux retraites des ordinands. Depuis Paris, elles se sont rapidement répandues dans plusieurs villes : Richelieu, Notre-Dame-de-la-Rose dans le diocèse d'Agen, Troyes, Angoulême, Reims, Noyon, Chartres, Saintes, et d'autres. À partir de 1642, à Rome, les exercices ont été offerts sur une base facultative. Puis en 1659, le Pape Alexandre VII obligea tous les ordinands à participer à ces retraites à la maison des Lazaristes.

De cinq à six cents ordinands passaient chaque année à Saint-Lazare seulement. Deux ans après le début des retraites à Paris, saint Vincent écrivait :

Il a plu à la bonté de Dieu de donner une bénédiction toute particulière et qui n'est pas imaginable aux exercices de nos ordinands. Elle est telle que tous ceux qui y ont passé, ou la plupart, mènent une vie telle que doit être celle des bons et parfaits ecclésiastiques.

Au Collège des Bons-Enfants, l'horaire des retraitants était plutôt terrifiant. Lever à quatre heures trente du matin pour la méditation. Instructions sur la façon de bien méditer à cinq heures, puis les Petites Heures en commun à six heures. Une messe chantée suivait. Saint Vincent attachait beaucoup d'importance à la façon de bien célébrer cette eucharistie, comme modèle pour les ordinands. Après la messe, rassemblement pour une conférence théologique d'une heure. Des petits groupes de dix ou douze personnes étaient ensuite formés pour discuter du thème de la conférence. Pendant le dîner, à onze heures, on écoutait L'instruction aux prêtres de Molina. Les ordinands étaient ensuite libres pour une heure d'échange, suivie des Vêpres et de Complies (à une heure qui nous semble plutôt étrange aujourd'hui!). Venait ensuite l'instruction sur les cérémonies de la messe. À seize heures, participation à une autre conférence théologique d'une heure, suivie de Matines et Laudes du jour suivant, selon la pratique du temps! Ensuite, arrivait le souper suivi d'une période d'échange. Le soir, à vingt heures, rassemblement pour un examen de conscience et la prière du soir. Puis, c'était le grand silence et chacun allait au lit.

Saint Vincent et trois de ses amis (Nicolas Pavillon, François Perrochel et Jean-Jacques Olier) avaient composé un manuel de retraites intitulé Entretien des Ordinands. Il n'a jamais été imprimé. Il n'en reste que quelques copies manuscrites. Vincent avait soumis son manuel à plusieurs docteurs de la Sorbonne pour commentaires. Ceux-ci l'ont assuré qu'il contenait tout ce qui était nécessaire pour bien exercer le ministère sacerdotal.

Il pourrait être utile, ici, de vous présenter un graphique des sujets traités durant ces retraites.

Conférences aux Ordinands

Jours

Matin : Théologie morale

Après-midi

1

Les censures de l'Église en général.

La prière mentale : raisons de la pratiquer, en quoi elle consiste, méthodes et moyens de la pratiquer.

2

Les censures en particulier : excommunication, suspension, interdit, irrégularité.

La vocation à l'état ecclésiastique : l'importance d'être appelé par Dieu.

3

Le sacrement de pénitence : institution, forme, effets et conditions nécessaires au confesseur pour bien l'administrer.

L'esprit ecclésiastique. Obligation de le posséder.

4

Les dispositions pour recevoir le sacrement de pénitence : contrition, confession, satisfaction. Indulgences.

Les ordres en général : institution, nécessité, matière, forme, effets, différences, dispositions nécessaires pour les recevoir.

5

Les lois humaines et divines, le péché en général : division, circonstances, espèces, causes, effets, nature et remèdes.

La tonsure : obligations qu'elle impose, qualités requises.

6

Les trois premiers commandements du décalogue : les devoirs de l'homme envers Dieu, en particulier les trois vertus théologales, la vertu de religion et ses actes.

Les ordres mineurs : définition, matière, forme, fonctions et vertus nécessaires.

7

Les sept autres commandements qui se rapportent au prochain.

Le sous-diaconat et ses vertus propres, spécialement la chasteté.

8

Les sacrements en général. La confirmation et l'eucharistie comme sacrements.

Le diaconat et ses vertus propres, en particulier la charité envers le prochain.

9

L'eucharistie comme sacrifice; l'extrême-onction; le mariage.

La prêtrise et la connaissance requise pour remplir dignement ses fonctions.

10

Le symbole des apôtres expliqué article par article selon ce que le prêtre doit savoir, avec les conseils nécessaires pour pouvoir l'enseigner.

La vie ecclésiastique dans la perspective que l'ordinand doit mener une vie bien plus sainte que les laïques.

De fait, les retraites aux ordinands n'ont pas continué longtemps après la mort de saint Vincent. Elles sont graduellement tombées en désuétude lorsque les séminaires se sont répandus à travers la France. Au moment de l'Assemblée Générale de 1668, les confrères parlaient des retraites aux ordinands comme chose du passé.

3.Les Conférences des mardis

Vincent en voyait la nécessité davantage que les retraites. À partir de 1633, il commença à rassembler les prêtres intéressés à continuer leur formation. Les discussions portaient sur la croissance dans la sainteté et sur le ministère. Le premier groupe, qui se rassembla le mardi 9 juillet 1633, discuta de «l'esprit ecclésiastique».

Vincent proposa une règle qui fournissait des sujets de rencontre et qui concernait aussi la vie des membres. Il présidait lui-même ces rencontres et en tirait les conclusions.

L'admission à ce groupe n'était pas facile, car n'étaient acceptés que ceux qui menaient une vie exemplaire. Les membres comprenaient quelques grands noms du clergé parisien de l'époque. La liste préparée le 1er octobre 1660, quelques jours après la mort de saint Vincent, mentionnait 40 docteurs de la Sorbonne, 22 évêques, et plusieurs fondateurs de congrégations religieuses. Tandis que les conférences étaient dirigées vers la croissance dans la sainteté, saint Vincent avait également pour but d'amener les membres vers une vie apostolique très active : enseignement du catéchisme aux enfants, évangélisation et éducation des pauvres, soins spirituels dans les hôpitaux et organisation des missions populaires.

Les conférences des mardis se sont répandues dans d'autres villes et même au-delà des frontières françaises. On les retrouvait, entre autres, dans le Dauphiné, le Languedoc, de même qu'à Saintes, Marseille, Alet, Metz, Angers, Bordeaux, Gênes et Turin.

L'originalité des conférences des mardis, et peut-être la raison de leur succès, est triple. Tout d'abord, les rencontres visaient la croissance spirituelle des participants et étaient centrées sur la spiritualité apostolique. Dans ce sens, elles se différenciaient d'autres rencontres organisées à ce moment-là pour les prêtres en France et en Italie, dont l'objectif était l'étude des «casus conscientiae». Ensuite, elles se tenaient chaque semaine. Ce qui signifie que les membres devaient s'engager absolument à y participer régulièrement. Enfin, elles offraient un type particulier de spiritualité sacerdotale, centrée surtout sur l'évangélisation des pauvres. Dans ce contexte, chaque participant maintenait sa propre identité séculière, puisque tous étaient des prêtres diocésains.

Étant donné l'originalité de la structure des conférences des mardis, il apparaît clairement que leur succès dépendait en bonne partie de la présence personnelle de saint Vincent. Bossuet déclare : Vincent était l'âme de la pieuse assemblée.

Par son enseignement et son exemple, Vincent communiquait aux membres des conférences des mardis sa «petite méthode» de prédication. Profondément convaincu de la nécessité de prêcher avec grande simplicité, il transmettait cette conviction aux membres de sa propre congrégation, aux séminaristes diocésains et aux prêtres avec qui et pour qui il travaillait. Ses efforts pour réformer la prédication ont obtenu un certain succès, comme il le reconnaissait lui-même. À propos de la petite méthode, il mentionnait le 22 août 1655 qu'à la suite d'une bonne prédication les gens avaient passé le commentaire suivant : «Il prêche à la missionnaire! O Sauveur! vous avez donc fait cette grâce à la petite et chétive Compagnie de leur inspirer une méthode que tout le monde veut suivre».

4.Les Séminaires

Vers 1636, saint Vincent mit sur pied un genre de «petit séminaire» au Collège des Bons- Enfants, mais il n'a pas été couronné de succès. On peut affirmer avec certitude que vers 1644, il n'était pas très enthousiaste à l'idée d'admettre de jeunes garçons comme candidats à la prêtrise. Il sentait bien que de tels efforts n'aboutiraient à rien, du moins en Italie et en France. Les candidats étaient trop jeunes pour se faire une idée claire de leur vocation et peu d'entre eux persévéraient.

Vincent fit un autre pas important en 1642, lorsqu'il commença à entraîner des candidats adultes en vue de la prêtrise au Collège des Bons-Enfants. En effet, en 1647, soixante hommes se préparaient aux ordres.

Après les Bons-Enfants, d'autres séminaires virent le jour à Cahors, Saintes, Saint-Méen, Le Mans, Marseille, Tréguier, Agen, Périgueux, Montauban, Troyes, Agde, Meaux, Montpellier et Narbonne. Vincent atteste lui-même du succès de la fondation à Cahors dans une lettre à la reine de Pologne le 6 septembre 1651 :

Il n'y a pas longtemps, Madame, que nous avons des séminaires en ce royaume, et néanmoins les progrès en sont fort considérables. L'un desdits seigneurs évêques me fit l'honneur de m'écrire dernièrement qu'il ne se pouvait assez consoler de voir son clergé réformé par le moyen de son séminaire établi seulement depuis huit ou dix ans et conduit par 4 prêtres de notre compagnie.

En fondant les séminaires, saint Vincent était profondément convaincu que le prêtre doit d'abord être très vertueux et qu'en plus il doit acquérir la connaissance nécessaire pour les devoirs qui lui seront assignés. Par ailleurs, ses idées sur l'acquisition de connaissances étaient plutôt pragmatiques. Pourvu lui-même d'une bonne formation, il n'était cependant pas un homme de théorie. Il se préoccupait davantage de ce que chacun acquière ce qui lui est nécessaire de savoir plutôt que d'approfondir un sujet par pure curiosité. Son attitude face aux études est bien résumée dans les Règles communes de la Congrégation de la Mission :

Et parce que la curiosité, comme dit saint Zénon, fait l'homme criminel, et non pas savant, et que, selon l'Apôtre, la science enfle, lors principalement qu'on néglige le conseil qu'il nous donne, qui est de ne vouloir pas plus savoir qu'il ne faut, mais savoir sobrement : pour cela, tous, mais particulièrement les écoliers, seront continuellement sur leurs gardes pour empêcher que cette avidité immodérée de savoir ne saisisse insensiblement leurs coeurs; ils ne laisseront pas néanmoins de vaquer soigneusement à l'étude des choses nécessaires pour se bien acquitter des fonctions d'un missionnaire; pourvu que leur soin principal soit d'entreprendre la science des Saints, qui s'enseigne dans l'école de la Croix; en sorte qu'ils ne puissent prêcher sinon Jésus-Christ, à l'exemple du même Apôtre, lequel aussi, écrivant aux Corinthiens, confesse ingénument qu'il n'a pas fait état de rien savoir parmi eux que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié.

Ses idées sur l'enseignement étaient bien définies également. Il n'admettait pas que les professeurs composent eux-mêmes leurs cours. Il préférait plutôt les voir utiliser un bon auteur et expliquer le texte aux étudiants. Cinq textes de référence ont son assentiment : Pierre Lombard pour la théologie, Martin Bécan pour la controverse, François Tolet, Pierre Binsfeld et Martin Bonacina pour les cas de conscience.

Il encourage les étudiants à étudier sobrement et à refréner leur curiosité, leur recommande humblement l'exemple d'André Duval qui, tout en étant un savant docteur de la Sorbonne, fait preuve d'une grande humilité. Ses conseils sont résumés dans son entretien du 23 octobre 1658 aux jeunes étudiants qui commençaient leurs cours de philosophie :

Que la philosophie que vous allez apprendre vous serve à aimer et servir davantage le bon Dieu, à vous élever à lui par amour, et qu'en même temps que vous étudierez la science et philosophie d'Aristote et que vous apprendrez toutes ses divisions, vous appreniez celle de Notre-Seigneur et ses maximes et les mettiez en pratique, en sorte que ce que vous apprendrez serve non pas à vous enfler le coeur, mais à mieux servir Dieu et son Église.

Il est important de noter trois caractéristiques des séminaires fondés par saint Vincent :

1. Ces séminaires s'adressaient à des jeunes prêts à recevoir les ordres.

2. Aussi, contrairement aux séminaires d'aujourd'hui, ils n'offraient aucun programme complet de philosophie et de théologie.

3. Étant donné leur courte durée, ils étaient centrés sur la pratique, surtout sur les questions de morale théologique et les sujets relatifs à l'administration des sacrements. Saint Vincent s'employait à offrir ce qui était utile. Par conséquent, la liturgie et la prédication arrivaient en priorité sur la liste.

Pour Vincent, la formation au séminaire devait être pratique et pas trop théorique; aussi favorisait-il une sorte d'apprentissage. L'un des moyens employés pour réaliser ce but consistait à rattacher un séminaire à une maison de la Congrégation, afin que ceux qui se préparaient au sacerdoce puissent se joindre aux missionnaires et les assister dans l'enseignement catéchétique.

Comme pour d'autres oeuvres de la Congrégation, saint Vincent voulait établir les séminaires sur une base financière solide. Pour ce faire, il joignit des bénéfices aux séminaires, leur fournissant également des revenus provenant des chapelles comme moyen de support. Parfois, mais à contrecoeur, il accepta de l'argent des étudiants pour leur logement.

5.Les Retraites aux prêtres

En plus des retraites aux ordinands, saint Vincent offrait également les exercices spirituels aux prêtres. En fait, c'est l'une des oeuvres mentionnées dans la bulle de fondation de la Compagnie, «Salvatoris Nostri». On sait qu'un grand nombre de prêtres venaient à Saint- Lazare chaque année pour leur retraite annuelle. La maison était souvent remplie de retraitants venus de partout; cela occasionnait des problèmes économiques considérables. D'autres maisons de la Congrégation sont également devenues des centres de retraite pour le clergé diocésain. Un certain nombre de lettres de prêtres et d'évêques, reproduites par Abelly, témoignent de l'importance de ces retraites dans leur vie.

Pour saint Vincent, ces exercices spirituels venaient compléter les retraites aux ordinands, les conférences des mardis et les séminaires. Tout d'abord, il considérait la retraite comme une période de formation permanente et de renouveau. Sa pensée concernant la relation entre ses diverses oeuvres est résumée dans une lettre à Louis Lebreton écrite le 3 février 1641:

Et ainsi, le bon Dieu se servira de cette compagnie, à l'égard du peuple par les missions et à l'égard du clergé qui commence par les ordinations, à l'égard de ceux qui sont déjà prêtres en n'admettant personne dans les bénéfices ni dans les vicariats qui n'ait fait sa retraite et été instruit dans le séminaire, et à l'égard des bénéficiers par les exercices spirituels. Plaise à la divine bonté nous donner sa grâce pour cela!

6.Le Conseil de conscience

Bien que ce ministère puisse être considéré comme un aspect du charisme personnel de saint Vincent plutôt qu'une oeuvre de la Congrégation, il est néanmoins en réelle continuité avec l'inspiration qu'il a transmise aux membres de la Compagnie, qui est de s'adonner à la formation et à la réforme du clergé.

Vincent a servi ce corps administratif plutôt élitique de 1643 à 1652. Selon lui, la réforme du clergé en France ne se poursuivrait que si ses racines étaient profondes; le choix des évêques était, par conséquent, des plus importants. En France, le Concordat de 1516 demeurait en vigueur, ce qui permettait au roi de jouer un rôle décisif dans la nomination de candidats à l'épiscopat et autres hauts offices ecclésiastiques. Le 13 février 1644, Vincent explique à Guillaume Gallais, supérier à Sedan, que son rôle au Conseil de conscience lui donnait une bonne occasion d'exercer une influence sur les questions touchant «l'état religieux et celui des pauvres».

Ce travail était évidemment difficile pour saint Vincent. Il écrit à Bernard Codoing en 1643 : «Je n'ai jamais été plus digne de compassion que je suis, ni n'ai eu plus besoin de prières qu'à présent, dans le nouvel emploi que j'ai. J'espère que ce ne sera pas pour longtemps». En effet, ce travail était vraiment difficile, dans un environnement rempli d'intrigues politiques. Bien qu'il lui soit habituellement facile de rencontrer la reine, saint Vincent avait par contre un adversaire de taille en la personne du Cardinal Mazarin, qui le considérait comme l'un de ses ennemis.

II. Changements importants qui ont pris place entre le xviie et le xxe siècle

Entre l'époque de saint Vincent et la nôtre, des changements considérables ont eu lieu dans la formation des prêtres. J'en mentionnerai six seulement.

1. Les programmes actuels de formation presbytérale sont bien organisés dans un bon nombre de pays. En conséquence, les prêtres diocésains sont généralement mieux formés que ceux du XVIIe siècle. Partout dans le monde, les conférences épiscopales ont promu des «programmes de formation presbytérale» approuvés par le Saint-Siège, d'après la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis. Ces programmes indiquent les matières requises pour l'ordination presbytérale à travers une série de cours concernant l'aspect humain, spirituel, intellectuel et la préparation pastorale des candidats. Dans divers pays, une tournée d'inspection évalue les séminaires à la lumière des critères contenus dans les «programmes de formation presbytérale».

2.Le niveau d'instruction du clergé diocésain ayant tendance à augmenter, beaucoup d'évêques ont décidé de prendre en main la formation de leurs propres candidats et utilisent les services des prêtres diocésains comme directeurs de la formation et professeurs. Par conséquent, les membres de la Congrégation qui oeuvraient autrefois dans les séminaires sont maintenant remplacés par le clergé diocésain.

3.Depuis les années 1960, l'Europe de l'Ouest et les États-Unis ont connu une importante diminution du nombre des vocations presbytérales. Ce n'est pas le moment de discuter des facteurs complexes d'ordre religieux, sociologique, économique et démographique, qui ont donné lieu à cette baisse. Qu'il nous suffise de dire que cette diminution considérable des vocations a conduit à la fermeture de nombreux séminaires. Ceci a entraîné des conséquences percutantes sur la Congrégation de la Mission, puisque bon nombre de confrères hautement qualifiés dans ce champ d'action se sont soudainement retrouvés sans travail. N'étant pas préparées à ce changement subit, les Provinces ont souvent succombé aux pressions des évêques qui demandaient d'envoyer des confrères au service des paroisses. Ce qui a donné lieu au fait que des confrères vivent parfois seuls ou en très petit nombre.

Alors que le nombre de vocations diminuait en Europe de l'Ouest et aux États-Unis, il augmentait dans d'autres parties du monde. Beaucoup d'évêques d'Asie, d'Afrique et d'Amérique du Sud font encore appel à la Congrégation pour demander que des équipes de prêtres prennent en charge les séminaires - dont certains comprennent un très grand nombre d'étudiants - ou pour servir comme directeurs spirituels ou professeurs. Il n'est pas toujours facile de répondre positivement à de telles demandes, puisque les confrères préparés pour la formation presbytérale ne connaissent ni la langue ni la culture de ces pays, ni même la vie concrète de l'Église locale pour laquelle ces candidats seront formés. Tous ces facteurs peuvent rendre les ajustements très difficiles.

4.Par suite des changements déja mentionnés ainsi que d'autres facteurs, le rôle de la Congrégation de la Mission dans la formation du clergé diocésain a considérablement changé depuis les quatre dernières décennies. Plusieurs exemples concrets peuvent nous aider à illustrer ceci. Aux États-Unis, en 1963, la Congrégation de la Mission dirigeait douze séminaires diocésains. Aujourd'hui, elle n'administre aucun de ces séminaires, et seulement quelques centres requièrent les services de petits groupes de confrères.

En 1955, cinquante-quatre confrères dirigeaient dix séminaires diocésains et deux séminaires universitaires en France. Aujourd'hui, la Congrégation n'en administre plus aucun.

La Congrégation dirigeait six séminaires diocésains aux Philippines en 1960. Actuellement, son rôle se réduit à la présence de quelques confrères au séminaire de Cebu.

Dans les années 1960, au Brésil, la Congrégation fournissait 14 grands et petits séminaires. Aujourd'hui, plusieurs confrères servent à la formation du clergé brésilien, mais la Congrégation comme telle n'a la responsabilité que de l'Institut de philosophie qui accueille les séminaristes diocésains et d'autres.

5.Depuis les quatre dernières décennies, et en particulier depuis Vatican II, les réflexions sur les divers ministères, y compris le ministère sacerdotal, n'ont pas manqué dans l'Église. L'enseignement biblique sur le ministère comme service et les différents ministères complémentaires rattachés à la communauté ecclésiale ont été revus sous un autre angle. Le Synode des évêques tenu en octobre 1990 était centré sur ce thème. L'exhortation apostolique post-synodale Pastores Dabo Vobis nous donne un compte rendu assez complet de la théologie pastorale contemporaine du ministère sacerdotal.

L'accent post-conciliaire sur le rôle des laïcs dans l'Église a donné lieu à l'apparition de nouveaux ministères et de nouveaux groupes laïcs. Au sein de la famille vincentienne, par exemple, la Société de Saint-Vincent de Paul, l'Association Internationale des Charités (autrefois les Dames de la Charité), et les groupes de Jeunesse mariale vincentienne ont connu une expansion remarquable durant les dernières décennies. À eux seuls, ces groupes comptent environ 1 300 000 membres. Si l'on ajoute les groupes vincentiens comme ceux de l'Association de la Médaille Miraculeuse, le nombre devient alors très élevé. Des gens d'Église affirment que la possibilité croissante de ministères offerts aux laïcs est l'un des facteurs qui a contribué à la baisse des vocations religieuses. Par contre, d'autres jugent que c'est précisément à l'intérieur de tels groupes que surgiront les futures vocations religieuses.

6.La Congrégation elle-même, depuis l'Assemblée Générale de 1968-1969 où on avait insisté sur le contact direct avec les plus pauvres, a été amenée à réévaluer son action apostolique dans presque toutes les provinces et à réajuster en conséquence ses priorités apostoliques. Les résultats se sont avérés très positifs. Mais parfois, chez les confrères, le désir de travailler au service direct des pauvres les éloigne d'un engagement dans les séminaires ou d'autres formes de service du clergé diocésain. Pour plusieurs, cet état de chose a donné lieu à un certain «anti- intellectualisme» dans la Congrégation.

III. Réflexions sur notre rôle actuel d'aide au clergé diocésain

A. Sa place, en théorie

Théoriquement, la formation du clergé diocésain demeure une oeuvre centrale et fondamentale de la Congrégation. Nos Constitutions affirment clairement que c'est le moyen par lequel se réalise le but de la Congrégation qui est de suivre le Christ Évangélisateur des pauvres (C 1, 3o). De même, l'Article 15 des Constitutions stipule que :

L'oeuvre de la formation des clercs dans les séminaires, qui figurait déjà au nombre de nos activités dès les débuts de la Congrégation, sera opportunément et efficacement rénovée.

Les Confrères fourniront également aux prêtres une aide spirituelle, soit dans la progression de leur formation continue soit dans le soutien de leur zèle pastoral, et ils exciteront en eux le désir de réaliser l'option de l'Église en faveur des pauvres.

La rencontre des Visiteurs à Bogota, Colombie, en 1983, traitait explicitement de ce thème. Au terme de cette rencontre, les Visiteurs approuvaient plusieurs propositions à présenter au Supérieur Général. Parmi celles-ci :

1.La Congrégation doit affirmer dans les faits que la formation du clergé reste aujourd'hui encore une marque de son identité dans l'Église. À l'école de saint Vincent, elle se veut inventive et participante à toutes les formes d'aide au clergé dans l'Église d'aujourd'hui.

2.Chaque province aura à coeur de faire ressortir cette finalité de la Congrégation et d'inciter les confrères à ne pas abandonner ce ministère vincentien. Dans la mesure de ses possibilités, la province se donnera les moyens les plus aptes pour que les confrères puissent répondre aux appels des Églises locales et des Églises des pays pauvres en clergé, dans les séminaires et la formation permanente.

3.Chaque communauté locale étudiera, dans son projet communautaire, sa propre forme de participation à la formation du clergé dans le contexte du service de l'Église local et de l'amitié sacerdotale.

Après cette rencontre, le Supérieur Général, le Père Richard McCullen, dans sa lettre du 24 avril 1983, faisait remarquer à ce moment-là, que la Congrégation dirigeait onze grands séminaires, huit petits, et un pré-séminaire. Il ajoutait que des confrères étaient engagés dans le travail de direction spirituelle ou d'enseignement dans les séminaires ou instituts d'études ecclésiastiques dont l'administration n'était pas entre les mains de la Congrégation. Il notait, toutefois, que le nombre de confrères oeuvrant à la formation du clergé diocésain avait baissé à cause de la crise des vocations, de la conséquente restructuration des séminaires et du désir des diocèses d'administrer leurs propres séminaires. Mais il se demandait si, à part ces raisons valables qui ont contribué à la diminution de notre engagement à la formation directe du clergé, nous n'aurions pas manqué de renouveler notre façon d'accomplir ce travail pour que nos services soient vraiment désirés. Il ajoutait par ailleurs que la Congrégation continue de recevoir des demandes des évêques dans plusieurs pays, particulièrement en Afrique.

Les “Lignes d'Action” de l'Assemblée Générale de 1986 encourageaient les provinces au renouveau dans ce travail :

La formation initiale et permanente du clergé, de même que l'accueil, auront une place privilégiée parmi les préoccupations des Provinces, selon leurs possibilités. Au cours des six prochaines années, les Provinces s'efforceront de mettre en place des moyens plus adaptés afin que le service du clergé, considéré par saint Vincent «comme égal» (RC XI, 12) à celui des Missions populaires, puisse trouver un nouvel élan.

Dans sa réflexion sur l'état de la Congrégation lors de l'Assemblée Générale de 1992, le Père McCullen revenait sur le sujet de la formation du clergé diocésain :

Le nombre de confrères dans l'apostolat de la formation des candidats pour le clergé diocésain n'a pas changé au cours des six dernières années. Le nombre de séminaires dont nous avons la charge est réduit. La contribution à la formation du clergé tend à devenir le fait de confrères individuels, plus que celle des communautés. Vu l'importance donnée dans «Pastores Dabo Vobis» pour que le séminaire devienne une communauté de formation des futurs prêtres, il semblerait que notre Congrégation, avec son expérience de vie communautaire et son charisme pour la formation du clergé, doive jouer un plus grand rôle dans l'éducation spirituelle et intellectuelle des futurs prêtres qu'elle ne le fait actuellement. J'ai parfois été frappé par la force de conviction que certains supérieurs généraux avaient du fait que nous, à cause de notre charisme et de notre histoire, sommes des «experts» dans le travail de la formation sacerdotale. Je me suis souvent demandé ce que nous devrions faire pour que notre présence soit plus grande dans cet apostolat si crucial pour le renouveau de l'Église d'aujourd'hui.

Actuellement, la Congrégation continue à soutenir un grand nombre de programmes de formation des prêtres diocésains : à Plaisance et à Gênes en Italie; à All Hallows en Irlande; à Gdansk en Pologne; à Popayan, Garzon, Ibagué, Inza, Betel, San Vicente del Caguan et Restrepo en Colombie; à Cebu aux Philippines; à Chongoene au Mozambique; à Adelaide en Australie, à Curitiba au Brésil; à Malang en Indonésie et aux Îles Solomon. Les confrères de plusieurs pays participent également à des programmes de formation des prêtres diocésains dans des séminaires administrés par d'autres (États-Unis, Fidji, Nigéria, Bolivie, Pologne, Byélorussie, France et autres pays). De même, ils servent dans les universités qui offrent des programmes de formation pour les prêtres (par exemple à St. John's Université aux États-Unis et à Belo Horizonte au Brésil).

B. Quelques principes généraux en vue du renouvellement de ce ministere

1.Pour revitaliser ce ministère fondamental, il est indispensable de connaître les besoins les plus urgents du clergé.

Ce ministère pourra varier d'une culture à l'autre et d'une nation à l'autre. Dans certains pays, par exemple, le besoin le plus urgent sera de fonder des séminaires et de les équiper en personnel. Cela est évident si on regarde les demandes des évêques qui connaissent le charisme de la Congrégation de la Mission. Pour d'autres pays, par ailleurs, les besoins les plus pressants du clergé sont très différents. Quels sont-ils?

C'est uniquement par les habitants de ces diocèses, les prêtres diocésains eux-mêmes et leurs évêques que nous connaîtrons ces besoins. Cela demandera une bonne dose de dialogue. À certains moments, les évêques nous feront connaître spontanément les besoins de leur clergé, tandis qu'à d'autres il faudra le leur demander. Il est intéressant de noter que c'est précisément ce moyen qu'a utilisé saint Vincent pour commencer les retraites aux ordinands et la fondation des séminaires : il conversait avec les évêques, qui, eux, lui expliquaient leurs besoins. Connaissant les besoins, il pouvait les combler.

2.Pour renouveler notre façon de suivre le Christ Évangélisateur des pauvres, nous devons être inventifs.

Il n'y a aucun sens à essayer de combler des besoins qui n'existent pas, ni d'offrir des services dont personne ne veut. Une fois que nous connaîtrons les besoins réels du clergé, nous devrons réfléchir sur les moyens d'y faire face. La créativité en ce domaine est essentielle. Il y a plusieurs années, un ami trappiste a élaboré un programme de formation permanente pour les prêtres qui a connu aux États-Unis un succès remarquable. J'ai souvent pensé à la haute qualité vincentienne du travail de ce trappiste!

Ces dernières années, des programmes performants ont été mis sur pied pour aider les prêtres alcooliques ou atteints de problèmes psychologiques. On doit encourager la créativité devant des problèmes graves ou quand on ne trouve pas de solution.

Il peut être également nécessaire d'amener les évêques à convaincre les prêtres de prendre des moyens concrets pour faire face aux problèmes. La réalité toute crue, c'est que les prêtres, pour la plupart, ne veulent pas participer aux programmes de formation permanente, car ils ont la mauvaise habitude de penser que leur formation est terminée depuis longtemps.

3.En développant des programmes créatifs, il est important de maintenir le dialogue, étape par étape, avec les évêques.

C'est le corollaire de ce qui a été dit plus haut. Dans cet article, il est question de la formation du clergé diocésain. Il est donc évident que l'entière responsabilité du travail de formation revient à l'évêque du diocèse. Nous, comme membres de la Congrégation, nous venons pour servir. Bien sûr, l'évêque n'a pas toutes les réponses, mais nous non plus. Un dialogue franc avec l'évêque du lieu sera utile non seulement pour proposer des programmes de formation du clergé, mais aussi pour s'assurer que le clergé y participera.

4.En renouvelant notre travail de formation du clergé diocésain, il est également important de revitaliser son caractère spécifiquement vincentien.

Nos Constitutions affirment que, dans ce travail, nous devrions «prendre une part plus grande dans l'évangélisation des pauvres». En d'autres termes, si la Congrégation administre des séminaires, donne des retraites au clergé, offre des programmes de formation permanente pour les prêtres, elle doit le faire à la manière vincentienne. Les pauvres devront toujours occuper une place de choix dans tout ce que nous offrirons au clergé diocésain. Aujourd'hui plus que jamais, ceci devrait être clair, car l'Église tout entière a comme profession de foi l'option préférentielle pour les pauvres.

Puisque saint Vincent était profondément convaincu du besoin des cinq vertus missionnaires dans le service des pauvres, il me semble que celles-ci devront occuper une place prépondérante dans la formation spirituelle et pastorale offerte au clergé diocésain. La simplicité, l'humilité, la douceur, l'esprit de sacrifice et le zèle brûlant demeurent des éléments irremplaçables d'une spiritualité apostolique auprès des pauvres.

Le charisme de Vincent pour attirer clercs et laïcs et travailler ensemble en équipes au service des pauvres devrait également faire partie de la formation que nous offrons au clergé.

5.Puisque la Congrégation tente de renouveler ce travail fondamental, elle doit former des membres qui s'y engagent.

Actuellement, un bon nombre de provinces envoient régulièrement des confrères en formation spécialisée dans tel ou tel ministère. Il est encourageant de voir les jeunes provinces envoyer leurs membres aux études supérieures en philosophie, théologie, exégèse, spiritualité, droit canon, psychologie, sociologie, et dans divers programmes reliés à la direction spirituelle.

À une époque ou tant de laïcs sont cultivés, les prêtres ont besoin d'un niveau de préparation plus élevé. «Former les formateurs» devient le défi majeur. Une heureuse conséquence de la préparation spécialisée des confrères à ce ministère, c'est qu'elle procure des ressources intéressantes pour la province elle-même en même temps qu'elle relève le niveau culturel de toute la Congrégation.

C. Quelques possibilités pratiques

À la suite des principes généraux déjà mentionnés, je soumets ici quelques possibilités pratiques. À travers le dialogue continu, d'autres seront certainement créées. Je souligne ces possibilités comme un moyen d'aider la Congrégation à réfléchir sur le renouveau de ce ministère fondamental.

1.Servir dans les séminaires diocésains de son propre pays.

Comme on l'a vu, il existe dans divers pays un besoin urgent de ce service offert par la Congrégation de la Mission. Les évêques du lieu attendent vraiment nos services. Ils nous demandent parfois de prendre toute la responsabilité de fournir en personnel et d'administrer un séminaire dans leur diocèse. À d'autres moments, ils nous demandent de leur fournir une équipe qui travaillera en collaboration avec d'autres (prêtres diocésains, membres d'autres communautés, religieuses, laïcs) dans un programme de formation des séminaristes. Parfois, ils ont besoin de directeurs spirituels, professeurs, directeurs de programmes d'études pour travailler avec leur équipe du séminaire. Un tel travail au service des séminaires de son pays est une manière très valable de suivre le Christ Évangélisateur des pauvres, surtout si nous apportons dans ce travail la pensée vincentienne.

2.Former des équipes «nationales» pour fournir les séminaires d'autres pays.

Quand nous recevons des demandes des évêques d'Asie, d'Afrique, et d'mérique latine, le défi réside dans la manière d'y répondre. Par exemple, il s'agira de trouver une province particulière qui fournira une équipe. C'est la manière utilisée pour fonder le séminaire de Chongoene à Xai-Xai, au Mozambique, où la province du Mexique a envoyé une équipe. Ce modèle a l'avantage de fournir une équipe dont les membres se connaissent et ont déjà travaillé ensemble. Naturellement, en tentant de répondre aux besoins d'un diocèse éloigné, on fera face à des difficultés d'adaptation à une nouvelle culture et une nouvelle langue, de même qu'à une situation ecclésiale nouvelle.

3.Former des équipes «internationales» pour fournir les séminaires diocésains d'autres pays.

Cette façon de faire amènera le Supérieur Général à rechercher une équipe parmi les confrères de diverses provinces. Cette équipe s'engage alors pour une période d'orientation dans la culture et la langue du pays et commence à travailler avec eux pour la première fois. C'est ce qui a été fait aux Îles Solomon (où tous les membres de l'équipe avaient le gros avantage de connaître déjà la langue anglaise). L'intérêt de ce modèle réside dans le fait que les membres de l'équipe apportent une large perspective de ministère à leur nouvelle situation, puisqu'ils proviennent de cultures différentes. L'inconvénient, c'est qu'ils ont une vision fort différente du ministère et des expériences trés diverses. Ils ont également à faire face à des ajustements dans leur connaissance les uns des autres, afin de travailler ensemble comme équipe.

4.Fournir des directeurs spirituels et des confesseurs.

La Congrégation a souvent fourni des directeurs spirituels aux séminaires diocésains. La province d'Irlande, entre autres, a une longue tradition à cet égard à Maynooth et Clonliffe. Les évêques de tous les continents continuent de demander à la Congrégation des directeurs spirituels pour leurs séminaires. De plus, des confrères dans plusieurs provinces offrent leurs généreux services comme confesseurs et directeurs spirituels aux prêtres, en particulier.

Une autre possibilité est d'envoyer des directeurs spirituels aux diocèses. Certains évêques souhaitent ardemment un tel service pour leurs prêtres. L'archidiocèse de Los Angeles, par exemple, établissait récemment une maison de prière pour ses prêtres. Une équipe de directeurs spirituels au service des prêtres est présente différents jours. Un des confrères de la province de Los Angeles vient de terminer un mandant de trois ans comme directeur spirituel des prêtres du diocèse de Tucson. Son ministère l'a conduit d'un lieu à l'autre pour visiter les prêtres du diocèse et s'entretenir avec eux individuellement.

Naturellement, pour s'engager dans un tel ministère, le confrère devra, outre ses talents personnels, se former adéquatement comme directeur spirituel.

5.Donner des retraites aux séminaristes et aux prêtres.

Les évêques recherchent de bons prédicateurs de retraite. En s'engageant dans ce ministère, il est important que nos retraites pour les prêtres diocésains soient dirigées vers une spiritualité apostolique. En même temps, comme cela est évident dans le ministère de saint Vincent, il sera marqué par notre charisme et centré particulièrement sur l'évangélisation et le service des pauvres.

Dans les provinces d'Irlande, une forme de retraite offerte par les Pères Kevin Scallon et Soeur Briege McKenna, «Intercession for Priests», a connu un grand succès. Elle a été reprise dans un très grand nombre de pays.

6.Offrir des programmes de formation permanente pour les prêtres.

Ce ministère est très difficile puisque, comme il a déjà été mentionné, les prêtres y participent peu. La créativité est essentielle dans la revitalisation de ce ministère. Ces dernières années, plusieurs prêtres ont mis en oeuvre des «ateliers de travail» de courte durée, que les évêques ont offert à leurs prêtres comme sessions de formation permanente. Beaucoup d'évêques sont convaincus que, pour être suivies, de telles sessions doivent être obligatoires.

Les laïcs se désolent de la piètre qualité des homélies et des liturgies dominicales; les ateliers d'homélies et les sessions liturgiques - deux thèmes que recommandait fortement saint Vincent - demeurent donc les besoins les plus urgents du clergé.

Des confrères bien formés de divers pays servent dans les offices nationaux ou diocésains de formation permanente.

7.Donner des missions populaires.

Quelques-unes de nos plus populaires missions, suivant la pensée et l'action de saint Vincent, ont reconnu le besoin de servir non seulement les fidèles d'une paroisse ou d'un territoire donné, mais le clergé également. Ils ont alors inclus dans l'ensemble du contexte de la mission, des moments de dialogue et de renouveau avec et pour les prêtres des paroisses, mettant souvent l'accent sur l'équipe ministérielle, les talents de chef, l'animation spirituelle et la mise en oeuvre de conseils paroissiaux.

8.Offrir l'hospitalité.

Les prêtres diocésains, en maints endroits, vivent isolés les uns des autres et éprouvent une grande solitude. La Congrégation peut leur procurer un service simple mais authentique en leur offrant l'hospitalité et l'amitié. Si dans nos maisons on peut trouver soutien personnel, repos, tranquillité, prière, repas fraternel, récréation, étude paisible, alors, le service que nous offrons est authentique.

Le renouveau de cet aspect de la «fin de la Congrégation» est extrêmement important pour le bien de l'Église, pour le service des pauvres, et pour notre propre identité. Malgré les besoins pressants du clergé, notre contribution à sa formation a diminué considérablement ces dernières années. Une action déterminée et créative est donc nécessaire si nous voulons contribuer à répondre efficacement à cet urgent besoin dans l'Église.

En écrivant cet article, je désire exprimer ma gratitude pour la vie et le ministère du Père Maurice Roche, décédé récemment. Son oeuvre, St. Vincent de Paul and the Formation of Clerics (Fribourg: University Press, 1964) a fourni une aide précieuse de réflexion sur ce sujet.

L'évolution de saint Vincent à cet égard est très claire. La source de ses diverses fondations réside dans l'évangélisation intégrale des pauvres, mais très tôt, il a perçu la formation du clergé comme essentielle au service effectif des pauvres de manière suivie; cf. R. Chalumeau, «San Vicente de Paul y la obra de los Seminarios», dans Vicente de Paul, Evangelizador de los Pobres (Salamanca: CEME, 1973), 102. Évolution également dans la terminologie de saint Vincent. Lors d'une répétition d'oraison le 25 octobre 1643, saint Vincent s'exprime ainsi (SV XI, 133) : Or, de travailler au salut des pauvres gens des champs, c'est là le capital de notre vocation, et tout le reste n'est qu'accessoire; car nous n'eussions jamais travaillé aux ordinations, aux séminaires des ecclésiastiques si nous n'eussions jugé que cela était nécessaire pour maintenir le peuple et conserver le fruit que font les missions... Le 20 juillet 1650, saint Vincent écrit à Philibert de Brandon, évêque de Périgueux (SV IV, 42) : Vous avez en vue le séminaire et nous avons obligation aux missions; notre principal (but) est l'instruction du peuple de la campagne, et le service que nous rendons à l'état ecclésiastique n'en est que l'accessoire. Vers 1658, cependant, il ne fait aucun doute, selon les règles communes, que Vincent considère la formation du clergé comme l'un des buts de la Congrégation.

SV XII, 84.

RC XI, 12.

SV V, 489; VII, 561.

RC I, 1.

C 1, 3o; cf. également SV III, 273. Il est intéressant, dans ce premier article des Constitutions, de noter à la fois la fidélité à la pensée de saint Vincent et son adaptation à la situation contemporaine. Tandis que les Règles communes (1658) demandent de «travailler à sa propre perfection», ce qui est plutôt de nature privée, les Constitutions de 1984 invitent les confrères à «acquérir la perfection convenable à leur vocation», ce qui laisse place à une plus grande activité missionnaire. Tandis que les Règles communes exhortent à prêcher la bonne nouvelle aux pauvres «particulièrement à ceux de la campagne», les présentes Constitutions invitent les confrères à travailler à l'évangélisation des pauvres «surtout les plus abandonnés» où qu'ils soient. Tandis que les Règles communes proposent d'aider les séminaristes et les prêtres dans leur formation, les Constitutions engagent à aider «à la formation des clers et des laïcs, les amenant à prendre une part plus grande dans l'évangélisation des pauvres».

Louis Abelly, La Vie du Vénérable Serviteur de Dieu Vincent de Paul (Paris, 1891), Tome II, chapitre 1, 22.

SV XII, 9.

SV XII, 9.

José Maria Roman, «La Formation du clergé dans la tradition vincentienne», Vincentiana 27 (1983; no 2), 142.

Abelly, Tome II, chapitre 2, section 5, 233-237.

SV I, 204.

Toute sa vie vie, saint Vincent se préoccupait de ce que les prêtres célèbrent bien la liturgie, particulièrement l'eucharistie, le sacrement de pénitence et l'Office divin. Cf. SV XI, 93, 171; XII, 325ss.

SV XII, 291.

Claude Lacour, «Histoire Générale de la Mission», Annales LXII (1897), 326.

Aujourd'hui, à une époque où l'accent est mis sur la formation continue, il est intéressant de noter que c'était précisément la raison d'être des Conférences du Mardi.

P. Collet, Vie de St. Vincent de Paul (Ed. 1748), Tome 1, 600.

SV XI, 287.

SV II, 459-460; cf. Chalumeau, op. cit., 108.

En fait, des expériences de moins grande envergure à Annecy et Alet avaient précédé le séminaire de Bons-Enfants, mais sans grand succès.

SV IV, 247-248.

SV IV, 125-126; XII, 63-64; VIII, 33; IX, 28-29.

SV XI, 126; XII, 170; VIII, 32-33.

RC XII, 8. La réaction de saint Vincent est également intéressante lorsque François du Coudray lui propose de travailler à la traduction de la Bible syriaque en latin : Je sais bien que la version servirait à la curiosité de quelques prédicateurs, mais non, comme je pense, au gain des âmes du pauvre peuple, auquel la Providence de Dieu vous a prédestiné de toute l'éternité. Il vous doit suffire, Monsieur, que, par la grâce de Dieu, vous avez employé trois ou quatre ans pour apprendre l'hébreu et que vous en savez assez pour soutenir la cause du Fils de Dieu en sa langue originaire et confondre ses ennemis en ce royaume. Représentez-vous donc, Monsieur, qu'il y a des millions d'âmes qui tendent les mains et vous disent ainsi : Hélas! Monsieur du Coudray, qui avez été choisi, de toute l'éternité, par la providence de Dieu pour être notre second rédempteur, ayez pitié de nous, qui croupissons dans des choses nécessaires à notre salut et dans les péchés que nous n'avons jamais osé confesser, et qui, faute de votre secours, serons infailliblement damnés (SV I, 251-252).

SV I, 304.

SV I, 66.

SV II, 557.

SV II, 235.

SV II, 232.

SV XI, 127.

SV XI, 128.

SV XII, 63-64.

SV XIII, 185-186.

SV XIII, 261.

Abelly, op. cit. T. II, chap. 4, sect. 4, pp. 284-292.

SV II, 154.

SV II, 448.

Pour l'évaluation du rôle de saint Vincent dans la sélection des évêques, cf. Pierre Blet, «Vincent de Paul and the Episcopate of France», Vincentian Heritage X (1989), No. 2) 102-135.

SV II, 406.

SV XIII, 137-138. Ces extraits des carnets de Mazarin nous révèlent, sans l'ombre d'un doute, le peu d'amour qu'il portait à saint Vincent.

Les facteurs démographiques sont souvent négligés dans la discussion concernant la diminution des vocations, mais ils sont extrêmement importants. En Italie, par exemple, l'augmentation de la population est maintenant à zéro. Il était plus facile d'encourager un ou deux enfants à entrer au séminaire lorsque les familles comptaient six ou sept enfants, mais cette éventualité n'est plus souhaitée lorsque la famille ne comprend qu'un ou deux enfants.

On peut se demander quels auraient pu être les résultats si cette énorme ressource dans la Congrégation avait été dirigée immédiatement vers d'autres formes de formation presbytérale, dans d'autres pays où les besoins sont encore très grands. Cependant, ceci n'est pas si facile à faire, puisque le déplacement d'un pays vers un autre implique des changements culturels et linguistiques radicaux.

Cf. A. Sylvestre, «Prêtre de la Mission pour quoi faire?» Vincentiana XXXIX (No 6; novembre- décembre 1995), 369.

Il est évident que, très souvent, des raisons incontrôlables ont causé le départ de la Congrégation des séminaires. Néanmoins, il est important que chaque province se demande courageusement si, parfois, certains évêques n'avaient pas de bonnes raisons de nous voir partir.

Jean-Paul II, Pastores Dabo Vobis, Origins 21 (16 avril 1992; No 34) 717-759.

Vincentiana 27 (1983; No 2) 189-190.

Vincentiana 27 (1983; No 2) 214-215.

Assemblée Générale de 1986, “Lignes d'Action”, 11, 2o.

C 1, 3o.