Le nom

Nombreux sont les noms ou titres des instituts religieux. Il y a des instituts qui se souviennent du fondateur (bénédictins, franciscains, dominicains, philippins), d’autres du lieu de fondation (prémontrés, camaldolais), d’autres de la règle qu’ils suivent (augustiniens), d’autres d’une dévotion (Trinité, Assomption, Croix, Passion, Immaculée, Saint Esprit), d’autres d’un programme de vie (serviteurs, enfants, ouvriers), d’autres du travail (frères des écoles chrétiennes, enseignants pieux pour l’enfant).

Nous, fils de Saint Vincent, nous sommes appelés par les gens : Vincentiens, Paúles, Lazaristes. Mais le nom choisi par Vincent est celui de la Congrégation de la Mission et pour ses membres missionnaires ou prêtres de la mission.

Nous sommes la Mission. Nous avons été les premiers à choisir ce titre et c’est pour cette raison que Vincent a vu à contrecœur que les prêtres de Gênes étaient appelés missionnaires (III, 356). Nos maisons devaient s’appeler Maison de la Mission (VIII, 553).

La découverte

La Mission ne l’avait pas dans le sang. Ce fut une découverte. A Folleville, il se sentit “envoyé”. Le discours de Folleville fut le premier discours de la Mission (I, 2-5). Dans cette petite église perdue dans le vert de Picardie, le saint a reçu en don la vocation d’aller.

Vincent et ses premiers compagnons se sentaient comme les serviteurs de l’Évangile. Ils ont commencé à évangéliser dans les fiefs des Gondis, puis l’esprit de la mission les a obligés à sortir et à traverser des villes et des campagnes de la France, puis de l’Italie, de la Pologne, pour traverser les îles britanniques et atteindre enfin Madagascar et le monde entier.

Cette vie était une vie de danger et de renoncement pour les protagonistes, mais aussi de grande peine pour lui: “Prions pour le Père Bourdaise, les frères, le Père Bourdaise, qui est loin et seul et, comme vous le savez, a engendré à Jésus Christ avec tant de peine et autant d’efforts un grand nombre d’âmes dans le pays où il se trouve. Père Bourdaise, es-tu encore en vie ou pas ? Si tu es vivant, il plaît à Dieu de te préserver encore ! Si tu es au paradis, prie pour nous! O frères, quel bonheur pour la compagnie d’avoir de si bonnes personnes, comme celles de ses serviteurs dont j’ai parlé! C’est ainsi, frères, que c’est dans cette disposition que nous devons tous être, prêts et disposés à tout quitter pour servir Dieu et le prochain, et le prochain, rappelez-vous, et le prochain pour l’amour de Dieu » (XII, 69).

Le don

Vincent s’efforça de nous persuader d’avoir eu une vocation si haute, une continuation de celle de Jésus: “Faire connaître Dieu aux pauvres, leur annoncer Jésus Christ, leur dire que le royaume des cieux est proche et est pour eux. Quelle grandeur! Être appelé à participer et à partager la mission du Fils de Dieu dépasse notre compréhension. Mais comment! Être rendu… Je n’ose même pas le dire. Bref, c’est une mission si sublime que celle d’évangéliser les pauvres, qui est, par excellence, la mission du Fils de Dieu; et nous sommes impliqués en tant qu’instruments, grâce auxquels il continue de faire du ciel ce qu’il fit sur la terre. Il y a une grande raison, frères, pour louer Dieu et le remercier continuellement pour cette grâce » (XII, 80).

Le don reçu de la Mission implique une action: “Nous lui appartenons et non à nous-mêmes. Si notre travail augmente, il augmentera également notre force. O Sauveur! Quel bonheur! O Sauveur, s’il y avait beaucoup de paradis à qui les donneriez-vous sinon à un missionnaire qui a été fidèle à toutes les œuvres que vous lui avez indiquées, sans manquer aux devoirs de son état? C’est ce que nous espérons, frères, et nous le demandons à Sa Majesté divine “(XII, 93 s.).

Le scandale

Dans les années 1600, il existait une société soumise, dans laquelle le roi et la cour vivaient comme dans un autre monde, où l’aristocratie était admirée et dans lequel un authentique survivait même si ce n’est pas déclaré apartheid. En ce moment, un problème grave est né pour le peuple car il ne connaissait pas les vérités nécessaires au salut: “vous savez à quel point l’ignorance du pauvre peuple est grande: presque incroyable! Et vous savez qu’il n’y a pas de salut pour ceux qui ignorent les vérités chrétiennes nécessaires à connaître, c’est-à-dire selon l’opinion de saint Augustin, de saint Thomas et d’autres, qui disent qu’une personne qui ne connaît ni le Père ni le Fils, ni le Saint Esprit, ni l’Incarnation, ni les autres mystères, ne peut pas être sauvé”(XI, 80). De plus, ce peuple se heurtait à un clergé qui ne connaissait même pas la formule de l’absolution, qui ne prêchait pas et n’enseignait donc pas les vérités nécessaires au salut. A ces lacunes s’ajoute le fait que “beaucoup de gens ne font pas de bonnes confessions et ignorent consciemment les péchés mortels, de sorte que l’absolution n’est pas valide et, mourant dans un tel état, sont condamnés pour toujours” (XI, 82).

Pour cela, il avait demandé à son représentant à Rome, du Coudray, de s’adresser au pape Urbain VIII: “Vous devez pouvoir faire comprendre [au pape] que les pauvres gens se damnent ne sachant pas ce qui est nécessaire au salut et ne se confessent pas. Si sa Sainteté connaissait cette nécessité il ne trouverait pas de repos et ferait tout son possible pour y remédier. C’est justement après l’avoir fait expérience qu’il nous a fait fonder la compagnie pour y remédier au moins en partie (I, 115).

Vincent savait qu’entre les théologiens on discutait des vérités nécessaires au salut, à savoir l’Unité et la Trinité de Dieu, l’Incarnation et la vie éternelle. Est-ce qu’il était pour lui facile, dans le doute, se faire de côté quand les pauvres risquaient le salut éternel? Était-il juste que si celui qui avait vécu l’enfer sur la terre le trouverait encore dans l’éternité? Les pauvres pourraient-ils se sauver sans foi, sans espoir et sans charité?

 Sauveur et sauveurs

En 1658, Vincent écrivit une longue lettre à Antonio Fleury, qui se trouvait à Saintes, où il y avaient de nombreux protestants. Ce n’était pas facile pour les catholiques de vivre leur foi dans de telles conditions. Le saint a rappelé que “selon la voie ordinaire, Dieu veut sauver les hommes à travers les hommes,et que notre Seigneur est devenu homme pour les sauver tous” (VII, 340f.). Le missionnaire a donc été appelé à participer à cette œuvre de Jésus Christ, à être comme Jésus Christ: “Oh, quel bonheur pour toi d’être utilisé pour faire ce qu’il a fait! Il est venu pour évangéliser les pauvres, et ceci est ton destin et ton occupation “(VII, 341).

Vincent avait répété à plusieurs reprises qu’ “il ne me suffit pas d’aimer Dieu si mon prochain ne l’aime pas” (XII, 262). Les missionnaires doivent donc être des “sauveurs comme lui” (XII, 113). Il a donc rappelé à Fleury: “Si notre perfection se trouve dans la charité, il est sûr qu’il n’y a pas de plus grand que de se donner pour sauver des âmes et se consommer comme Jésus Christ pour elles. C’est ce à quoi tu es appelé et ce à quoi tu dois être disposé à correspondre “(VII, 341). Il est nécessaire que la vie du missionnaire soit une vie d’oblation, une vie de charité (XI, 413). Il devrait donc être un exemple vivant “pour tant d’ecclésiastiques qui sont autant d’ouvriers envoyés dans la vigne du Seigneur, mais qui ne le travaillent pas” (VII, 341). Celui qui a la vocation missionnaire doit “être crucifié avec Jésus Christ et mettre en lui seul ses propres joies et ses propres aspirations ” (VII, 342). Il est donc nécessaire de se conformer à Jésus Christ (XII, 113) pour devenir ses coopérateurs (XI, 108).

Une fois les missionnaires se caractérisaient pour un habit. Mais, nous le savons, l’habit ne fait pas le moine ou le missionnaire. Si le Père Général nous appelle à la mission c’est pour nous rappeler de couvrir cet habit de lumière qui caractérise les serviteurs de l’Evangile. L’habit de la mission est un habit tissé d’esprit parce que “l’Esprit, résidant en cette personne, lui donne les mêmes inclinations et dispositions que Jésus Christ avait sur la terre” (XII, 108). Et avec cet habit les missionnaires pourront aller non seulement aux confins du monde, mais aussi de la vie. Et au-delà.

Luigi Mezzadri cm
Province d’Italie

Traduit par Jean Dario, cm, province de Madagascar