Au début du Carême, le Père Tomaž Mavrič nous a invités à la prière comme force transformatrice. Nous n’imaginions pas qu’il serait nécessaire de revenir chaque jour sur ce thème. Aujourd’hui, nous voulons vous proposer l’article suivant : La prière selon Saint Vincent de Paul, qui sera publié en partie dans les trois jours suivants. De plus, le dernier jour, un livre électronique sur ce thème vous sera remis en préparation de cette Semaine Sainte, que nous vivrons dans nos foyers, dans nos communautés et dans nos familles. L’auteur de l’article nous emmène plus loin dans ce thème très cher à Saint Vincent.

1. Préparation

Dans son explication sur la manière de bien faire l’oraison, Vincent de Paul a décrit ces premiers moments : « Il est très important de bien faire ce point : de se bien mettre en la présence de Dieu. Car de là dépend tout le corps de l’oraison ; cela fait, le reste va de soi-même . »  Ici, nous pouvons aussi faire référence à l’expérience du psalmiste qui, lorsqu’il parle avec Dieu, déclare : « Je me tourne vers toi, Seigneur, au matin, tu écoutes ma voix ; au matin, je me prépare pour toi et je reste en éveil . » 

De toute évidence, pour acquérir quelque profit de la prière mentale, il est nécessaire de garantir un certain degré de silence dans lequel la voix de Dieu peut être entendue de manière claire et puissante : « Vous garderez le silence depuis l’examen du soir jusques au lendemain après l’oraison, afin que ce recueillement, qui paraîtra au dehors, favorise l’entretien de vos cœurs avec Dieu . » Ici, notre fondateur semblait se référer aux mots que nous pouvons lire dans LImitation de Jésus-Christ :

« Dans le silence et le repos, l’âme pieuse fait de grands progrès et pénètre ce qu’il y a de caché dans l’Écriture. Là elle trouve la source des larmes dont elle se lave et se purifie toutes les nuits, et elle s’unit d’autant plus familièrement à son Créateur qu’elle vit plus éloignée du tumulte du monde . »

À diverses occasions, Vincent a insisté sur l’importance de se retirer pour la nuit à une heure appropriée. Il était important d’avoir le sommeil nécessaire pour pouvoir se réveiller avec une bonne disposition le lendemain. Vincent recommandait aussi de prier avec les mots suivants au réveil : « Mon Dieu, je vous adore ; ah ! Seigneur, je vous donne mon cœur, faites-moi la grâce que je ne vous offense point, mais que je fasse votre volonté en toutes choses . »

Selon Vincent, il existe deux formes de préparation : a) une préparation immédiate, effectuée immédiatement avant le début de la méditation matinale et b) une préparation préalable qui se fait la veille en consistant à lire les points de méditation prévus pour le lendemain et à s’endormir avec une « bonne pensée » sur le thème proposé. Vincent a préconisé : « Couchez-vous modestement et endormez-vous avec une bonne pensée. Ce vous sera un moyen facile de vous souvenir de Dieu à votre réveil ; et le matin vous en aurez l’esprit mieux disposé pour faire votre oraison . » La procédure suivante doit être suivie pendant la préparation lointaine et immédiate de la prière.

1.1. Se placer en présence de Dieu

« Se bien établir en la présence de Dieu » permet au croyant d’être éclairé, réconforté et inspiré par la présence aimante de Dieu afin que « Notre-Seigneur lui parle cœur à cœur . » On devrait alors pouvoir faire un acte de foi, par exemple : « Je crois que mon Dieu est ici . »

Vincent rappelait aux Sœurs :

« Commencez toujours toutes vos prières par la présence de Dieu car quelque fois, faute de cela, une action laissera de lui être agréable. Voyez-vous, mes filles, encore que nous ne voyions pas Dieu, la foi nous enseigne sa sainte présence partout, et c’est un des moyens que nous nous devons proposer, que cette présence en tout lieu, pénétrant intimement toutes choses et même nos cœurs, et cela est plus vrai que de nous croire toutes présentes ici, car nos yeux nous peuvent décevoir, mais la vérité de Dieu en tout lieu ne manquera jamais . »

S’adressant aux membres de la Congrégation, Vincent déclarait :

« C’est [la mortification] le troisième moyen que nous avons pour nous rendre familière cette pratique de faire incessamment la volonté de Dieu. Elle viendra peu à peu en l’esprit, elle se tournera en habitude ou, pour mieux dire, en grâce de Dieu, de sorte que, comme plusieurs, par des actes réitérés, s’habituent à cela, nous nous y trouverons à la fin tout faits et toujours animés. Hélas ! Combien y en a-t-il qui ne perdent point Dieu de vue ! Nous en voyons quelques-uns parmi nous marcher et toujours agir en sa présence. Combien au monde qui sont en cet usage  ! »

Du point de vue de Vincent de Paul, la pratique qui consiste à nous placer en présence de Dieu nous conduit à vivre notre vie d’une manière inspirée par la conviction que nous sommes toujours en présence de Celui qui nous aime et nous accompagne d’amour et de miséricorde. L’Apôtre Paul nous rappelle la même réalité lorsqu’il déclare : « C’est en Lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être . »

Vincent fait référence à saint François de Sales, à qui il emprunte la méthode de la prière mentale et déclare : [saint François dit] « nous pouvons nous placer en présence de Dieu de quatre façons », le contempler dans le Saint Sacrement, réfléchir à la joie de voir Dieu adoré dans le ciel, affirmer la réalité que Dieu est partout, et affirmer que Dieu est présent dans ces personnes qui se laissent captiver par son amour.

Une prière que nous pouvons trouver dans les écrits spirituels de sainte Louise de Marillac peut également servir de source d’inspiration lors de ce moment initial de l’oraison :

« Je vous adore, ô mon bon Dieu, et reconnais tenir de vous ma conservation ; et pour l’amour que je vous dois, je m’abandonne entièrement à la disposition de votre sainte volonté ; et quoique remplie d’impuissance et de sujets d’abaissement par mes péchés, je me confie en votre miséricorde et vous demande, par l’amour que vous avez pour vos créatures, l’assistance de votre Saint-Esprit pour l’entier effet du dessein que de toute éternité votre sainte volonté a eu sur mon âme et sur toutes celles qui ont été rachetées du sang de Jésus-Christ votre unique … »

P. Vinicius Teixeira Ribeiro, CM
Province de Rio

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1 Répétition d’oraison du 10 août 1657, Sur l’oraison (168) ; SV XI, 405.

2 Psaume 5, 4 ; AELF.

3 Conférence du 31 juillet 1634, Explication du Règlement (001) ; SV IX, 7.

4 Thomas a Kempis (attribué à), L’Imitation de Jésus-Christ, traduction de l’Abbé Félicité de Lamennais avec des réflexions à la fin de chaque chapitre ; Livre I, chapitre XX, § 6.

5 Conférence du 17 novembre 1658, Lever, oraison, examens et autres exercices (105) ; SV X, 598.