Qui manque à l’appel ?

Avec l’adoption de l’Agenda 2030 pour le développement durable, 193 nations, toutes membres des Nations unies, se sont engagées à ne laisser personne de côté.

Mais il n’est pas facile de “ne laisser personne de côté”.  Les personnes en situation de pauvreté, par exemple, sont presque toujours exclues de la plupart des politiques économiques et sociales mondiales.  Elles n’ont pas leur place à la table des négociations et, bien que d’autres puissent parler en leur nom dans une certaine mesure, les personnes piégées dans la pauvreté n’ont guère la possibilité d’utiliser leur propre voix pour façonner l’avenir.

La conception de l’Agenda 2030 s’articule autour de 17 Objectifs de développement durable, un plan qui englobe bon nombre des problèmes critiques auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui.  De merveilleux idéaux tels que la pauvreté zéro (n° 1) et la faim zéro (n° 2).  Mais le large éventail de questions et d’objectifs n’est pas complet.  Plusieurs questions importantes ne sont pas mentionnées, du moins pas directement ou explicitement.  C’est peut-être trop demander que d’être exhaustif face à tant de choses qui nécessitent de l’attention.

Quoi qu’il en soit, il convient de se pencher sur quatre groupes de population qui ne figurent pas parmi les priorités de l’agenda.

LES SANS-ABRI : Cette population a clairement besoin d’attention.  Le nombre de sans-abri est en hausse et ne fera qu’augmenter en raison des inégalités économiques flagrantes et de l’accroissement des migrations.  L’ODD 11 sur les villes et communautés durables mentionne le sans-abrisme dans son objectif de “garantir l’accès de tous à un logement convenable, sûr et abordable et aux services de base”.

Auparavant considéré comme une simple manifestation de la pauvreté, le sans-abrisme est désormais une question à part entière aux Nations Unies grâce aux efforts du Groupe de travail pour mettre fin au sans-abrisme, fondé par des ONG de la famille vincentienne.  Le Groupe de travail a travaillé sans relâche pendant trois ans pour obtenir une résolution de l’Assemblée générale demandant une attention directe au problème, ainsi que des rapports réguliers du Secrétaire général et de l’Assemblée générale sur leur travail pour fournir des logements sûrs et durables pour tous.  Il n’est pas facile d’éradiquer le sans-abrisme, mais il existe des stratégies prometteuses à mettre en œuvre.  L’Alliance FamVin pour les sans-abri et sa “Campagne des 13 maisons” dans 156 pays a déjà permis de loger 10 000 anciens sans-abri.  Aux États-Unis, l’Institute on Global Homelessness et Community Solutions, entre autres, s’attaquent au problème avec un succès notable.

MIGRANTS, REFUGIES ET DEMANDEURS D’ASILE : La circulation mondiale des personnes est un problème particulièrement épineux.  Bien que la liberté de circulation soit un droit reconnu par la Déclaration universelle des droits de l’homme (articles 13 et 14), les masses de personnes en mouvement, qu’il s’agisse de migrations forcées dues à la guerre et aux persécutions ou de migrations induites par le climat, posent un sérieux défi aux pays de transit et de destination, à leurs frontières et dans les zones d’installation.  Souvent, les pays d’accueil n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour accueillir les arrivants, incapables de fournir des emplois, des soins de santé et une éducation pour permettre une vie digne à tant d’arrivants soudains.

Pour être juste, la migration apparaît dans l’ODD 10 “Réduire les inégalités”, dans sa cible 10.7 “des politiques de migration responsables et bien gérées” et également dans les références aux ODD liés au climat.  Les migrants sont également mentionnés dans l’ODD 8 sur le travail décent et la croissance économique, qui reconnaît que le refus d’accorder un emploi aux migrants les contraint à se tourner vers l’économie informelle et prive le pays d’accueil des compétences et de la main-d’œuvre que les nouveaux arrivants peuvent fournir.

Mais en réalité, le monde est loin d’une politique migratoire uniforme et équitable, et dans trop d’endroits, les normes internationalement acceptées, telles que le droit mondial de demander l’asile, sont systématiquement ignorées.  Une conséquence horrible, parmi d’autres, est que l’absence d’une bonne application des politiques permet à la traite des êtres humains de se répandre.  La montée de la xénophobie et du racisme a conduit à une politique gouvernementale sévère et au non-respect d’accords tels que le Pacte mondial sur les migrations.

PERSONNES HANDICAPÉES : Selon l’Organisation mondiale de la santé, on estime que 1,3 milliard de personnes (16 % de la population) souffrent d’un handicap important. Malgré l’immense prévalence du handicap dans le monde, cette communauté reste largement marginalisée et peu discutée. À la décharge des Nations unies, plusieurs ODD mentionnent spécifiquement le handicap dans leurs indicateurs.

Le handicap n’est pas une question simple et ne peut se limiter à un seul objectif de développement durable, car il peut affecter tous les aspects de la vie, des soins de santé au logement en passant par l’éducation. L’autonomisation des personnes vivant avec un handicap et leur pleine intégration dans la société requièrent une réponse à multiples facettes, et aucun programme ou organisation ne peut à lui seul éliminer les obstacles auxquels sont confrontées les personnes vivant avec un handicap dans la société d’aujourd’hui. Pour aborder correctement la question du handicap dans le cadre du développement durable, les Nations unies et les ONG de tous les secteurs doivent intégrer le handicap dans leurs programmes existants.

Plus important encore, les personnes handicapées ont besoin d’un siège à la table et d’une plateforme pour exprimer leurs expériences et leurs besoins. Aucune organisation ou entité ne peut apporter le même niveau de connaissance qu’une personne ayant une expérience vécue. À l’horizon 2030, les Nations unies doivent s’engager à décrire plus explicitement les besoins de la communauté des personnes handicapées dans les indicateurs de développement durable, à donner la parole aux personnes ayant une expérience vécue et à déstigmatiser le handicap.

LA COMMUNAUTÉ LGBTQ+ : L’appartenance à la communauté LGBTQ+ est illégale dans plus de 60 pays et plus de 10 pays disposent de lois autorisant la peine de mort à l’encontre de la communauté homosexuelle dans certains cas. Malgré le rejet, le danger et la stigmatisation auxquels est confrontée la communauté LGBTQ+, même dans les pays où le mariage homosexuel est légal, cette communauté n’est pas explicitement protégée dans les ODD.

Des lois anti-LGBTQ qui violent la dignité humaine fondamentale continuent d’être adoptées et appliquées dans le monde entier. Les Nations unies, les ONG et les particuliers doivent s’unir pour lutter contre l’homophobie et les conséquences néfastes qu’elle peut avoir sur la société. À l’horizon 2030 et au-delà, les droits de l’homme de la communauté homosexuelle doivent être explicitement mis en avant et protégés par le biais de politiques et d’actions.

Bien que la communauté homosexuelle soit un sujet de discorde dans de nombreux pays, chacun a le droit de vivre heureux, en bonne santé et en sécurité. Comme l’a déclaré le pape François, il est essentiel que la dignité de toutes les personnes, quelle que soit leur sexualité, soit reconnue et honorée.  Cela ne sera pas facile, mais une différence de croyance ne justifie pas le droit de violer la dignité et les droits de l’homme de quelqu’un.

En conclusion, l’Agenda 2030 des Nations unies est un ensemble remarquable d’objectifs capables d’ouvrir la voie à un monde bien meilleur pour les populations et la planète, notre maison commune.  Personne ne doit être laissé pour compte, et certaines communautés particulièrement vulnérables doivent faire l’objet d’une attention explicite.

 

Grace D. Bagdon
représentante adjointe des ONG auprès de l’ONU du CM

Jim Claffey
principal représentant des ONG auprès de l’ONU pour le MC